La Couronne de Cuivre

-Déjà, ils sont parfaitement conscients de la situation, du fait que rien n'ait tourné comme nous l'espérions... Bref, ils sont très compréhensifs. Pour le reste, ils sont prêts à nous aider, ne serait-ce que parce que c'est dans leur intérêt : ce qui se passe dans une partie des Landes a une influence sur l'ensemble de la région et cette catastrophe risque donc de les impacter. Or, eux ne pourront pas partir, contrairement à nous... En gros, tout ce qu'ils demandent pour l'heure, c'est que nous les tenions un minimum au courant de ce qui se passe, de ce que nous découvrons.

" Et tu t'en charges, alors. C'est bien." dit Albérich.
Il eut un léger sourire, puis se leva.
" Bon... J'imagine que nous irons voir ces temples demain. Avec un peu de chance, nous pourrons nous y téléporter directement.
— Espérons-le." murmura Hubert en quittant son siège à son tour.
Ils saluèrent Marthe et regagnèrent le couloir. Ils marchèrent un moment côte à côte, en silence. Le paladin pinça les lèvres et rassembla son courage. Il devait s'excuser pour ce qui s'était produit plus tôt. Thibault tançait volontiers son vieux camarade de jeunesse, mais Hubert ne s'était permis une telle chose qu'une seule fois, à Solarcis, et il en avait toujours eu honte.
" Albérich...
— Hubert..."
Ils avaient parlé exactement en même temps.
" Hum. Toi d'abord.
— Il faut qu'on parle, dit le Luménien. Pas maintenant, nous avons des choses urgentes à faire, mais... Ce soir. A un moment. Nous avons à peine échangé trois mots depuis que tu es revenu de la forteresse, hier. J'ai besoin que nous mettions les choses à plat."
Le plus tôt le mieux, songea le paladin.
" D'accord.
— Parfait. Tu voulais dire quelque chose ?"
Le clerc avait l'air parfaitement apaisé par cette perspective. Hubert sentit son coeur se serrer.
" Pas maintenant. Ce sera bien tout à l'heure."
Albérich sourit, lui pressa l'épaule, puis s'esquiva vers ses lectures. Le paladin, de son côté, se mit en quête de Giovanni.

Il le dénicha au premier étage, dans le petit salon où il avait pris l'habitude de s'installer pour lire. Lire, il avait dû le faire peu de temps auparavant, car il avait un livre à la main. Mais pour l'heure, il discutait avec ses apprentis. Ou, plutôt, il s'efforçait de leur faire la morale, sans doute à cause de ce qui s'était produit avec les symboles. Cependant... Il semblait ne pas y aller très fort. Pas fort du tout, même. Quoi qu'il en soit, il les congédia sitôt qu'Hubert apparut.
-Une mission à me confier ? s'enquit-il.

Hubert regarda les apprentis filer. Il devait aller parler avec Ruth et Alban, lui aussi. Mais ses devoirs de conseiller l'empêchaient de remplir ceux de maître. Il regretta qu'Etienne ne soit pas plus vaillant : il lui aurait abandonné les réunions avec Marthe et Albérich avec le plus grand des bonheurs. Ou le commandement de leurs forces armées. Ou l'éducation des deux enfants. Ou les trois, en fait.
Pouvoir assumer sa mission de paladin sans entraves.
Mais il y en avait d'autres, bien sûr. Comme Albérich.
" Non, pas vraiment. Albérich pense... que je devrais regarder ce que nous avons ramené de l'école de magie. Que ma perception innée du céleste, conjuguée à ton savoir, pourrait nous permettre d'en tirer quelque chose... En commençant par le bouquin, je suppose. Je n'en sais rien."

Il opina du chef.
-Ça vaut la peine de tenter le coup. Bien sûr, déchiffrer un long texte n'a rien à voir avec se concentrer sur un unique symbole pensé pour être très évocateur mais... Il faut essayer.
Il sourit.
-Ah, te voir plongé dans un livre... Ce sera tellement surprenant que je crois bien que je vais te suivre pour assister à ça ! Il est dans la salle du trésor, avec le reste de nos trouvailles.

" Ne m'en parle pas, dit Hubert en accompagnant le barde vers la salle en question. Je suis déjà mauvais lecteur en commun, alors je n'ose pas imaginer ce que ça va donner dans une langue à laquelle je ne comprends rien... Interdiction de se moquer, en tout cas. Je sais que vous autres, bardes, savez tout faire, mais voilà... On n'a pas tous eu la chance d'avoir des bases dans tous les registres."

Giovanni éclata de rire.
-Ce qu'il ne faut pas entendre... Certes, nous autres bardes avons des bases dans beaucoup de domaines mais la contrepartie, c'est que nous ne sommes réellement doués dans aucun d'entre eux : nous sommes des êtres polyvalents... et médiocres. Hormis dans notre spécialité artistique, évidemment. En ce qui me concerne, lorsqu'il ne s'agit pas de jouer du pinceau, je me débrouille sans être en mesure de faire la différence. Et pour revenir à la lecture... J'en ai mal à la tête de m'infliger tant et tant de pages, moi qui ne lis d'ordinaire que fort peu.

" J'ai appris à lire à passé onze ans, dit Hubert avec un sourire penaud. Mes maîtres avaient coutume de dire que j'étais déjà trop vieux pour que cela devienne jamais aisé... Je crois que c'est vrai. Bon, ce n'était pas ma tasse de thé, non plus, il y avait tellement d'autres choses nouvelles qui m'intéressaient davantage... J'avais beaucoup d'énergie, déjà à l'époque, mais pas complètement pour tout..."

Il sourit.
-Je suis sûr que tu progresserais si tu t'y mettais : il n'y a pas d'âge pour progresser. Mais je comprends que ça ne soit pas trop ton truc. Je comprends d'autant mieux que ça n'est pas non plus le mien. Pas vraiment, en tout cas. Oui, j'ai appris à lire beaucoup plus tôt que toi et je me suis enfilé des centaines de bouquins. Mais plutôt que de lire les écrits d'auteurs que je ne rencontrerais jamais, souvent parce qu'ils étaient morts depuis des lustres... je préférais discuter, écouter les gens parler.

" Je ne suis pas certain que ce soit vrai, ce... pas d'âge pour progresser. Je crois que nous avons un moment propice pour apprendre certaines choses... Par exemple... Albérich sera toujours mauvais cavalier. Enfin. Il ne deviendra jamais bon. Il y a une partie de sa position, mais aussi de la souplesse de sa posture... qui sont figées, désormais. Il est trop vieux. Il ne parviendra pas à se défaire de ses mauvaises habitudes, parce qu'elles sont... inscrites dans son corps. Bon combattant, il peut le redevenir parce qu'il a été bon combattant, autrefois, et qu'il a la mémoire du geste, en dépit de cette poussière qui s'y est déposée... Mais cavalier ? C'est fichu."
Il haussa les épaules.
" C'est joli, cela dit, de dire qu'il n'est jamais trop tard. Tu es très lathandrite, par certains côtés. Mais je pense que nous avons des potentialités, dans notre jeunesse, que nous perdons avec l'âge. Nous nous figeons. Ce n'est pas un mal, cela nous donne... de la gravité. De l'identité."

-Sans doute. Mais on peut quand même progresser, sachant que progresser ne signifie pas forcément devenir bon, que ça peut aussi vouloir dire devenir moins mauvais...
Il eut un sourire espiègle.
-Mais Albérich est un mauvais exemple : c'est un vieux crouton. Toi, en revanche, tu es encore jeune, tu as donc encore la potentialité de devenir un excellent lecteur.

Hubert sourit.
" Tu es mauvais. Albérich n'est pas si vieux. Et je ne suis pas si jeune. Nous n'avons que quatre ans d'écart..."
Il pinça les lèvres, songeant au tournant qu'avaient pris leurs échanges, et à la conversation qu'ils auraient dans la soirée. Il ne put réprimer un léger frisson à cette perspective. Mais il avait pris des résolutions, et il fallait s'y tenir.
" Mais bon, on va voir si j'arrive ne fut-ce qu'à déchiffrer le titre de ce machin."

-Non non non, c'est un très mauvais départ, ça ! Tu dois te dire que tu vas déchiffrer non seulement le titre, mais également tout le bouquin, du début jusqu'à la fin ! Et de toute façon, je ne te laisserai pas sortir tant que tu n'auras pas réussi, donc... Tu as intérêt à tout donner !
Ils avaient atteint la salle où ils entreposaient leurs trouvailles. Les artefacts dénichés à l'école de magie étaient disposés avec soin sur la table, le volumineux manuscrit bien en évidence...

Hubert rit en se dirigeant vers le livre.
" Je voudrais bien voir qu'une demi-portion comme toi m'empêche de sortir de cette pièce quand j'en ai envie. Mais je vais faire un effort, de toute façon, là n'est pas la question."
Il regarda la couverture et tâcha de faire le vide en lui-même, comme il l'avait déjà fait pour ouvrir la porte de l'école de magie, et encore avec la console du téléporteur, un peu plus tôt.

-Une demi-portion possédant quelques petits pouvoirs magiques... avait répondu Giovanni. Alors si tu n'y mets pas du tien, je te plierai à ma volonté et te ferai rester ici. Ou... Non, mieux, je te ferais faire des trucs incroyables. Comme t'occuper des Psychopathes ou chanter des hymnes sunites debout sur une table... Te voilà prévenu.
Puis le barde s'était tu, le laissant se concentrer.
Hubert comprit rapidement qu'il devrait trouver sinon une méthode, au moins un angle d'attaque s'il voulait avoir une chance de comprendre ne fut-ce qu'une part infime du volume. Car, pour l'heure, qu'il le parcoure ou qu'il se contente de regarder le titre... L'étrange écriture demeurait un incompréhensible charabia.

Mais il n'avait absolument aucune idée de comment s'y prendre.
" Si tu es capable de plier les gens à ta volonté, j'espère que tu aurais usé de cette méthode contre nos ennemis, plutôt que de me menacer." dit-il.
Il poussa un soupir.
" Et les célestes sont très résistants à la magie."
Il se tourna vers lui.
" J'aurais plutôt besoin de guidance, en l'occurrence. Je n'ai aucune idée de quoi faire. C'est du charabia."

-Comme l'était le symbole sur cette porte, à l'école de magie... Mais tu as fini par comprendre son sens. Du moins, quelque chose en toi l'a compris, quelque chose d'inné et d'intime qui n'a rien à voir avec l'intellect ou la raison...
Il se frotta le menton.
-Peut-être que tu ne devrais pas essayer de lire au sens traditionnel du terme. Peut-être que tu devrais plutôt... essayer d'aborder ça de manière presque émotionnelle. En observant les signes, en les laissant t'inspirer, en te concentrant sur les sentiments, les sensations qu'ils font naître en toi...

" Emotionnel... Misère. J'ai essayé de faire comme avec la porte, pourtant... Bon, je réessaie."
Il regarda à nouveau les symboles sur la couverture, essayant d'y trouver... un sentiment, une impression, comme l'avait suggéré Giovanni. Cela lui paraissait complètement absurde : il y avait des centaines de pages dans ce volume ! Avec une méthode aussi efficace, il lui faudrait peut-être mille ans pour en comprendre le premier paragraphe...

Le titre ne lui inspira rien de particulier.
Ou peut-être que si, tout compte fait : de la curiosité.
Une curiosité qui le poussa à ouvrir le livre, à en parcourir les pages, son regard allant de mot en mot, de symbole en symbole, observant leurs élégantes courbures, se laissant gagner par l'impression qu'ils étaient mouvants...
Et tout à coup, une image s'imposa à son esprit.
Une scène.
Le temps d'un battement de cœur, il vit avec une netteté incroyable, comme s'il en était témoin direct, un être revêtu d'une brillante armure brandir une épée de lumière contre une créature de flammes qui se ruait vers lui...
L'instant suivant, il était de retour dans la salle, le livre entre les mains.

" Hum, dit-il simplement, avant de chercher le barde du regard. J'ai vu quelque chose... mais honnêtement..."
Il grimaça.
" Un être de lumière levant l'épée sur une créature de flammes... On en revient aux célestes et aux abysses... Ce lieu a dû être le théâtre d'un affrontement entre natifs des Plans... Je ne sais pas si ça nous apprend quoi que ce soit d'utile."

Giovanni le fixa, incrédule.
-Attends... Cela fait tout juste cinq minutes que tu examines ce bouquin, tu as déjà eu une vision, ce qui est mille fois mieux que de parvenir à déchiffrer et... plutôt que de sauter de joie à l'idée que tu vas percer tous les mystères du manuscrit, tu te désoles de n'avoir encore rien trouvé de fondamentalement utile ? Mais voyons, Hubert !

Le paladin s'empourpra.
" Tu as raison. Peut-être que je devrais... décrire ce que je vois... et tu le notes ? Enfin... si j'arrive à entrer dans une sorte de transe... On va voir."
Il retourna au livre et essaya de retrouver la vision qu'il venait d'avoir. Peut-être pouvait-il en découvrir davantage... le théâtre, les protagonistes... n'importe quoi.

-Un instant.
Il tira une mine et un morceau de papier de sa poche, rédigea rapidement quelques mots - touchant à ce qu'Hubert venait de voir, sans doute - puis s'en vint jeter un coup d’œil au livre, peut-être pour avoir une idée de la page que le paladin observait lorsque la vision s'était produite.
-C'est bon, tu peux y aller.
Il ne parvint pas à faire renîatre la vision, et il dût à nouveau feuilleter l'ouvrage, s'imprégner de son étrange écriture, de ce qui s'engageait...
Brusquement, il se retrouva dans une galerie souterraine éclairée par de multiples flambeaux. Des hommes et des femmes en robe blanches, formant un demi-cercle, psalmodiaient, tandis qu'au milieu d'eux, un individu ailé traçait des signes étranges sur une lourde porte de pierre...
Cela fut à peine plus long que la fois précédente. Déjà, il était revenu à la réalité, au moment présent.

Hubert décrivit à nouveau au barde ce qu'il avait vu. C'était probablement le sceau, qu'un céleste traçait avec le soutien de clercs. Ce qu'il avait vu précédemment s'était sans doute déroulé auparavant... L'être de lumière — Hubert ne se souvenait pas de lui avoir vu des ailes, c'était peut-être quelqu'un d'autre — avait vaincu la créature infernale, puis elle avait été enfermée. Il songea à Ignace. Peut-être le diable était-il venu libérer un des siens, une créature plus puissante et plus maléfique que lui...
Le paladin se replongea dans le livre.

Il recommença à feuilleter l'ouvrage, à l'instinct, sans respecter l'ordre des pages, avançant de dix pour reculer de vingt et ainsi de suite...
Plusieurs minutes s'écoulèrent avant qu'une nouvelle vision ne vienne.
Elle finit par venir, cependant.
Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle ne le laissa pas de marbre.
Il vit une crevasse béante, rougeoyante.
Il entendit une clameur terrifiante, mêlant mille, dix mille voix inhumaines, torturées...
Un instant encore, et il en comprit la cause.
Le gouffre se mit à vomir une véritable armée.
Des régiments de fantassins aux armures plus noires que la nuit marchaient au rythme de sinistres tambours.
Des escadrons de cavaliers aux montures cauchemardesques avançaient au pas sous d'innombrables étendards.
Des nuées de créatures battaient l'air de leurs ailes de cuir...
Les légions abyssales envahissant le monde, réalisa-t-il.
Et menant cette armada, il aperçut...
-Hubert, ça va ?
Une main sur son épaule.
Giovanni s'était penché sur lui.
Il se découvrit assis sur le sol, haletant, trempé de sueur...

" Je crois." dit-il d'une voix un peu tremblante.
Il réprima un frisson. A nouveau, cette vision de la terre vomissant un désastre, à nouveau ce sentiment d'urgence, une envie impérieuse de dégainer une arme et de courir sus à l'ennemi. Pourtant cela avait été une erreur, hier, et rien n'avait changé depuis. Comment se prémuniraient-ils d'une telle armée ? Cela n'avait-il pas de sens de vouloir l'empêcher de sortir ?
Mais le sceau était rompu.
Il nicha son visage entre ses mains.
" Je voudrais ne rien voir, ni rien savoir. A quoi bon, si je ne peux rien faire ?"

-Mais qu'as-tu vu pour être dans un tel état ?
Le barde grimaça.
-Non, tu n'es pas obligé de raconter, si tu ne le souhaites pas. Mais... Allons, ne désespère pas comme ça ! Ta précédente vision décrivait un rituel, celui permettant de sceller le passage : ça, c'est une sacrée solution, non ? Et puis, faire, ça n'est pas forcément... agir soi-même. Je trouve qu'en nous fournissant les informations que contient ce bouquin, tu fais déjà... énormément, et c'est un doux euphémisme.

" Ce n'est pas pour moi. Je ne suis pas un témoin qui lit des bouquins. Je ne peux pas m'en contenter. Je me sens... déjà... impuissant... et stupide... à rester assis sur mes fesses, bouleversé par quelque chose qui n'existe que dans ma tête... Je suis paladin. Ma place est devant... là-bas... Face au gouffre. Je ne peux pas en faire plus. Je suis désolé. Si je dois m'infliger encore une seule de ces images, je serai dehors dans l'heure... et tant pis pour le reste. C'est au-delà de mes forces. Je vais... prendre une pause. J'en ai besoin."
Il se releva, évitant le regard du barde.
" Je reviendrai plus tard... Désolé."

-Je te comprends, tu sais. Mais dans le même temps... j'ai envie de te dire que nous sommes beaucoup à travailler à contre-emploi... Souviens-toi que ma vocation et mon métier, c'est peintre. Or, je passe ma journée à lire des bouquins, j'ai aussi joué les espions et tué des Ithiliens à l'arbalète... Et je ne te parle pas des instituteurs qui n'enseignent plus, de Marthe qui ne juge plus, des artisans qui ne fabriquent rien...
Il grimaça.
-Mais excuse-moi, je parle alors que tu as besoin de te remettre. Et puis, j'imagine que tout ça est plus viscéral pour un paladin... Bref, prends le temps dont tu as besoin : je t'attends.

Giovanni voyait juste, Hubert n'était pas en état de plaindre les autres. Il sentait la pulsation de l'urgence battre avec son coeur, l'adrénaline imprégner chacun de ses mouvements, la stupeur lui brouiller les sens. Il ne fallait pas qu'il se relâche, pourtant.
Mais il aurait été si simple de descendre, franchir les portes, et repartir. Seul, cette fois. Jusqu'à la source purulente.
Il était paladin, il était de sang céleste, il devait — forcément — courir sus à l'ennemi.
Alors pourquoi était-il coincé dans cet endroit ?
A cause d'Albérich et des gosses, c'était aussi simple que ça. De la communauté. Il fallait qu'Etienne se reprenne en main. Thibault était vivant, lui, cela suffirait.
Il marcha dans les couloirs, évita les rassemblements, se rendit à la pièce qu'ils avaient transformée en armurerie improvisée. On y avait entreposé les armures ramenées de la caserne, l'avant-veille. Il s'immobilisa, ferma les yeux, et tenta de faire le vide.
La tension lui broyait les tempes, quelque chose de primal cherchait un exutoire en lui.
Mais il n'y avait aucune porte de sortie.
Combattre Guillermo lui aurait permis d'expurger quelque chose, mais il n'y avait aucun combattant à sa mesure parmi les rescapés du palais.
Il ressortit, marcha jusqu'aux Thermes et y pénétra.
Il se dépouilla rapidement des vêtements que lui avait cousus Ingrid, veillant tout de même, dans sa fièvre, à les replier soigneusement. Ensuite, il plongea dans le bassin d'eau glacée et s'y immergea entièrement un moment.
Le froid tempéra le feu qui rugissait en lui. Imparfaitement. Mais suffisamment.
Il ressortit, se sécha rapidement à la source de chaleur qu'avait révélée Ruth, puis se rhabilla et prit la direction de la salle d'entraînement. Ce serait toujours mieux que rien.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Une cité perdue