[Lieu] Combeloup

[Galathée]

L’ancien clerc était un peu déçu de se retrouver seul, mais il n’en montra rien, se coulant à sa place avec un sourire à destination du vieux serviteur. En soi, ce n’était pas surprenant : il était le seul grand blessé abrité dans le donjon, et il devait déjà être tard dans la matinée. Il se nourrit avec appétit, songeant à la nuit sanglante qui venait de se dérouler, à la justesse de leur fuite. Il commençait à semer des dettes aux quatre vents, à force d’être sauvé in extremis par la moitié d’Hélonna. Mais être redevable ne le gênait pas. Il espérait juste que les événements ne s’étaient pas précipités alors qu’il dormait.
« Est-il fort tard, déjà ? » finit-il par demander.

[Taliesin]

-Je crois que l'on peut dire ça, messire... répondit le vieil homme. Il est plus de onze heures. Cependant, ne vous étonnez pas que l'on serve le petit déjeuner si tard. Monsieur le baron, sire Hugues et les hommes de la garde sont partis en reconnaissance dans les environs du village, et ne demeurent au château, outre les serviteurs, que dame Elisa. Elle s'est elle-même levée il y a peu, et je doute que la faim la reprenne avant longtemps... Vous aurez donc, si cela vous agrée, la possibilité de manger ensemble, au moment que vous jugerez opportun.

[Galathée]

Albérich aurait aimé descendre au village pour s’enquérir des dernières nouvelles, de l’état de Ada et Hodor, des découvertes et des projets des soldats du donjon. Mais il était conscient de ne pas être en état. La morsure qu’il avait subie à la cuisse l’élançait à chaque pas et il lui faudrait procéder avec une extrême prudence, et tout autant de mesure, s’il décidait de se rendre quelque part. Ce n’était pas pour tout de suite. Il espérait cependant que le baron ramènerait des nouvelles de la halfeline.
Il termina son petit déjeuner.
« Bon, je ne vais pas enchaîner sur la suite immédiatement… » fit-il avec un sourire embarrassé. « Cependant… Ada m’a dit que vous aviez une bibliothèque bien fournie au château. Pensez-vous possible que j’y musarde quelque peu avant de rejoindre dame Elisa pour le repas ? »

[Taliesin]

-Bien sûr, messire. Veuillez-me suivre.
La bibliothèque se trouvait un étage plus haut. C'était une pièce vaste, lumineuse et confortable, meublée, outre les inévitables rayonnages couverts de livres, de fauteuils, d'un bureau et même d'un écritoire. Évidemment, le nombre d'ouvrages rassemblés ici était sans commune mesure avec ce qu'Albérich aurait pu trouver à Luménis. Mais il fallait reconnaître que, pour un lieu aussi isolé, le donjon était bien fourni. On y voyait surtout des livres d'histoire traitant d'Hélonna, de Dorrandin et de contrées plus lointaines, ainsi que de multiples opus de généaolgie ou d'héraldique, La géographie était également représentée, de même que la théologie - lathandrite, surtout. Complétaient le tableau un petit nombre de recueils de contes ou de poésie, quelques traités de chasse ou d'escrime - dont un destiné aux enfants, sans doute celui qu'avait évoqué Elisa lors de leur premier tête à tête... Bref, il avait de quoi faire,

[Galathée]

Puisqu’il disposait d’un peu de temps devant lui et de l’obligation vitale de se ménager et de se reposer, Albérich prit le temps de passer les ouvrages en revue, finit par choisir un livre de généalogie hélonienne, curieux de voir si on mentionnait quelque chose sur Combeloup, et alla s’installer dans l’un des fauteuils, en espérant ne s’arroger le territoire réservé de personne. Il avait le côté droit ankylosé, comme si mille fourmis galopaient sous sa peau, et une fois assis, il eut l’impression qu’il ne pourrait jamais se relever. Il sourit en ouvrant le volume. Au pire, il demanderait au serviteur de l’aider au moment où celui-ci viendrait le chercher pour le déjeuner. D’ici là, il pouvait lire et dormir. Un programme inespéré compte tenu des circonstances.

[Taliesin]

Il fit les deux. Dans l'ordre.
Lire, d'abord. Mais une petite demi heure tout au plus. Il y avait quelque chose d'assommant dans ces arbres généalogiques aux multiples ramifications, dans ces listes infinies de noms, de parentèle, de cousinage par alliance... Et il eut beau chercher, il ne trouva nulle part de référence à la famille Combeloup, et c'est sans doute en apprenant qu'Honoré-Alphonse Montclerc des Aiguillons était lié à la branche cadette de barons d'Aprecourt par un trisaïeul du côté de sa grand-tante maternelle que l'ancien aubemestre ferma les yeux, abandonnant la lutte.
C'est une main sur son épaule qui le tira du sommeil. Et une voix qu'il commençait à bien connaître.
-Vous me rassurez... murmura Elisa. Il n'y a pas que sur moi que ces foutus bouquins ont un effet soporiphique. Je commençais à me demander si j'étais normale, vu qu'ici, tout le monde semble trouver ça passionnant...

[Galathée]

L’ancien clerc sourit doucement et contempla la tranche, puis la couverture du livre.
« Rarement lu plus ennuyeux. Et moins mémorable. Mais ça a son utilité pour les insomniaques… » fit-il.
Il prit appui sur les accoudoirs du fauteuil pour se relever mais déchanta et se fendit d’une grimace. Son flanc l’élançait du genou à l’aisselle. C’était mauvais signe. Il allait falloir qu’il y jette un coup d’œil au plus tôt. Peut-être le serviteur pourrait-il l’aider, pour autant qu’il sache où se trouvaient les simples du château. Albérich parvint néanmoins à se remettre debout.
« Merci d’avoir envoyé les hommes de votre père sur nos traces, Elisa. » lâcha-t-il avec sincérité. « Mine de rien, vous assumez déjà vos responsabilités en veillant si bien sur vos ouailles… »

[Taliesin]

-Je crains que vous ne me donniez plus d'importance que je n'en ai eu... fit l'adolescente. Je me suis contentée de relayer l'information. C'est mon père qui a pris la décision de vous envoyer les soldats, ne serait-ce que pour vous permettre de rentrer à cheval, et non à pied. Il trouvait imprudent de faire un tel trajet après... après la fatigue liée aux derniers événements. Mais j'étais de son avis.
Elle le dévisagea un instant, la mine inquiète.
-Un coup de main pour regagner la salle à manger ? Ou préférez-vous retourner dans votre chambre ?

[Galathée]

« Si vous me prêtez votre bras, je pense que je serai de taille à gagner la salle à manger. » fit-il. « Je regarderai l’état de mes blessures après le repas. Je ne suis pas encore mourant. Je crois. »
Il replaça le livre où il l’avait pris puis porta une main à son front, par sécurité. Il n’était pas fiévreux. Si infection il y avait, elle était encore localisée. Manger lui ferait de toute façon le plus grand bien. Il rejoignit ensuite la jeune fille, un peu hésitant sur la conversation à engager. Il savait que les événements la touchaient intimement, et il ne voulait pas lui imposer des pensées difficiles. En même temps, toute discussion triviale aurait été factice, ils le savaient l’un et l’autre. Il décida de lui laisser l’initiative et l’accompagna vers la salle à manger.

[Taliesin]

On leur avait servi un repas simple mais consistant, et rien qu'à voir la manière dont le lorgna Elisa, on devinait qu'elle avait grand faim. Pourtant, elle ne s'attabla pas tout de suite, préférant aller se poster à l'une des fenêtre et observer un moment la campagne enneigée.
-Je sais que c'est idiot de guetter... dit-elle en revenant enfin. Ils ne rentreront pas avant ce soir : père était décidé à faire une reconnaissance poussée... Les loups ont hurlé toute la nuit. Ce matin, on les entendait encore. IL voulait avoir une idée de leur nombre, de leurs déplacements...

[Galathée]

Sonder la jeune fille était nécessaire, pourtant Albérich ne savait pas exactement comment l’aborder. Elle semblait constituer le lien entre les gens du village et ceux du donjon, à la fois sensible aux désirs d’harmonie des uns et à la méfiance des autres.
« Sire Hughes semble ne plus accorder grand crédit au pacte qui lie Combeloup aux forces de la nature. Il est vrai que les événements des derniers jours lui donnent plutôt raison… Tout ça semble si soudain, si brutal… Comme s’il y avait eu une cassure… »
Il secoua la tête.
« Pourtant cet arrangement inédit a certainement dû aider le village à la prospérité… »

[Taliesin]

Elisa fit la moue.
-La prospérité, c'est un bien grand mot... On vit tranquilles, dirons-nous, ce qui satisfait presque tout le monde ici. On ne s'étend pas, on ne construit pas de nouvelles maisons, on ne va pas trop se servir des ressources naturelles, on se contente d'élever nos moutons... Bref, on se fait petits et discrets, et la nature ne cherche pas à nous déloger, et... nous protège, peut-être.
Elle grimaça.
-Enfin, nous protégeait. Visiblement, ce n'est palus d'actualité, et sire Hugues à raison : si maintenant des gens se font attaquer par les loups dès qu'ils mettent le nez dehors, le pacte ne sert plus à rien. S'il existe encore.

[Galathée]

Albérich partit du principe qu’Elisa était informée des détails de la situation. Elle était encore jeune mais en tant que future baronne, il y avait peu de chance qu’on l’ait gardée dans le brouillard.
« J’imagine qu’avec la mort du rôdeur, en respecter les termes a dû devenir plus hasardeux. » fit-il, songeur. « Peut-être quelqu’un l’a-t-il enfreint sans même s’en rendre compte… A moins que l’esprit n’ait plus de prise sur les créatures de la région… Le fait qu’il ne se soit pas manifesté hier soir est mauvais signe, je suppose. »
Il esquissa une légère grimace.
« Mais je gage que les hommes de votre père pourront nous défendre contre les loups. »

[Taliesin]

-Hum, ça dépend combien il y en a... soupira Elisa. Quelques uns seront repoussés sans soucis. Mais des dizaines... Nous n'avons que six soldats. Huit si l'on inclut mon père et sire Hugues. Bon, nous avons des armes en réserve, et nous pourrions équiper les habitants du village. Mais à part peut-être Hodor et un ou deux autres, ils ne savent pas se battre. Ne savent pas chasser, non plus, puisqu'on évite cette pratique... Alors, vous voyez, si les choses dégénèrent...
Elle replosa sa fourchette.
-Pour l'esprit, Ada semblait dire qu'il ne répond que rarement dans l'instant, qu'il faut savoir attendre... Et je crois qu'on l'aurait su, si quelqu'un avait rompu le pacte, même sans le faire exprès. L'esprit aurait réclamé un dédomagement, pas directement envoyé des loups, tué des gens... Il lui suffit de laisser un mot ou un signe à l'ancien temple, pour nous contacter...

[Galathée]

Albérich n’y connaissait pas grand chose mais il lui semblait que les loups n’étaient pas une espèce à se déplacer en meutes très vastes. Néanmoins, Elisa était de la région, et bien plus au fait des habitudes des animaux aux alentours, il se garda donc bien d’intervenir. De toute façon, la situation semblait vaguement échapper aux normes habituelles de l’univers qui les entourait, et il n’était pas impossible qu’avec l’hiver, les prédateurs se soient regroupés pour fondre sur un village riche en moutons. L’idée de voir de simples paysans aller au devant de ces carnassiers voraces l’inquiéta au plus haut point. Il était vraiment crucial de comprendre comment les choses en étaient arrivées là. Il se demanda comment les autres hameaux disséminés dans la campagne hélonienne géraient leur cohabitation avec la nature. Sans doute étaient-ils davantage armés dès leur fondation, ou pouvaient-ils compter sur un rôdeur bien vivant… Le fait que les Combelupins n’aient plus personne vers qui se tourner était une bien mauvaise coïncidence.
« J’espère que l’esprit se manifestera, dans ce cas. Si les loups sont aussi nombreux que vous le dites, c’est sans doute notre seul espoir de régler la situation sans pertes supplémentaires. »

[Taliesin]

Elisa acquiesça sombrement.
-Je l'espère aussi... Et je gage qu'il en va de même pour tous les villageois. Mais ici, au château, on ne compte plus guère là-dessus. Mon père a toujours respecté le choix des habitants, même s'il trouvait cet accord précaire... C'est pour ça qu'il a voulu garder son rôle de protecteur de Combeloup. Avec ce qui s'est produit hier, ce qui s'est passé avant... Il est devenu de plus en plus méfiant. Quant à Hugues, ça ne lui a jamais vraiment plu, cette histoire. Il a toujours dit que ça finirait mal, tôt ou tard. Et comme vous le disiez tout à l'heure, les faits semblent lui donner raison.

[Galathée]

« Mais si les loups sont trop nombreux, comme vous semblez le penser, se résoudre à la confrontation n’est sûrement pas la première chose à faire… » murmura-t-il avant de s'interrompre.
L’ancien clerc avait à présent des picotements dans l’épaule et à la base du cou. Il mobilisa lentement son bras droit, puis poussa un bref soupir.
« Je vais devoir prendre congé, Elisa, j’en suis navré, mais je crains que la blessure de mon flanc ne se soit légèrement infectée. Il faut que j’y regarde avant d’avoir de la fièvre ou pire encore. »
Il eut un léger sourire.
« Avez-vous la moindre idée d’où je peux trouver des herbes médicinales au château ? »

[Taliesin]

L'adolescente le dévisagea, sans doute un peu inquiète.
-Oui, bien sûr... répondit-elle finalement. Eloi avait de bonnes réserves. C'est Ba(Barthélémy qui les a récupérées, il est le seul ici à savoir s'en servir à peu près correctement, désormais. J'irai vous les chercher tout à l'heure... Après vous avoir aidé à regagner votre chambre. Je crois qu'on a eu notre dose de personnes chutant dans les escaliers...

[Galathée]

« Je vous remercie de votre aide. » fit-il en se relevant. « Je crois qu’en l’occurrence, elle ne sera pas de trop. »
Il passa une main légère sur son côté, ce qui lui arracha une grimace, et espéra que le loup qui l’avait mordu n’était pas porteur d’une maladie quelconque. Il pourrait juger en observant l’état de la plaie. Peut-être avait-il simplement été trop prompt à se lever. Mais rien ne suintait au travers de l’étoffe : il n’avait donc pas rouvert la blessure. Il prit le bras de la jeune fille tout en veillant à ne pas s’appuyer trop sur elle. Bien qu’elle soit jeune et vive, il était beaucoup plus lourd qu’elle, même dans son état misérable du moment. Ils gravirent donc ensemble les escaliers, Albérich tâchant de ne pas gémir à chaque marche, et atteignirent la chambre. L’ancien clerc s’assit sur le lit en relâchant sa respiration.
« Décidément, je ne suis pas fait pour la vie au grand air. » lâcha-t-il, faussement enjoué.

[Taliesin]

-Je crois que nous sommes quelques-uns à nous dire ça, en ce moment... répondit l'adolescente sur le même ton. Bon, ne vous assoupissez pas tout de suite, je reviens dans un instant...
Elle quitta la chambre d'un pas pressé et, effectivement, reparut peu après, porteuse d'un petit coffret de bois ouvragé. Elle le déposa sur la table de chevet et l'ouvrit, révélant une série de compartiments étiquetés avec soin, remplis d'herbes variées en bonne quantité.
-Vous voulez que je vous aide ? finit-elle par demander, après une hésitation. Ou que j'envoie chercher quelqu'un ? Pas évident de se soigner tout seul...

[Galathée]

« Vous êtes gentille, je vais me débrouiller. » dit l’ancien clerc en se penchant sur le coffret. « J’ai un bon accès, ce n’est pas comme si j’avais le dos en charpie. »
Il attendit que la jeune fille se retire pour ôter la chemise et la tunique qu’on lui avait fournies. Le pansement était vaguement humide, et lorsqu’il l’effleura, la douleur lui mena les larmes aux yeux. Lentement, il déroula les bandes, se leva avant d’avoir terminé pour mouiller les dernières, espérant que cela atténuerait l’arrachage final. Finalement, il dénuda la plaie. Elle avait meilleure mine que ce qu’il avait anticipé. Elle était propre et on l’avait enduite d’un onguent à base d’herbe des charpentiers. Ce n’était pas un mauvais choix. Mais le peau avait rougi tout autour, signe d’une inflammation presque obligatoire. La raison pour laquelle il en souffrait jusqu’à la nuque était obscure, mais la douleur empruntait parfois des chemins cachés à l’intérieur de l’organisme, se promenant le long de voies inconnues des mortels. Il nettoya à nouveau les morsures, serrant les dents, concentré sur sa tâche pour ne pas tourner de l'oeil, puis opta pour une huile de millepertuis déjà préparée, qui fleurait bon l’été précédent. Il refit ensuite le bandage, le serra du mieux qu’il put, puis s’allongea sur son lit. Avec un sourire un peu contraint, il songea à la nuit précédente et aux marques qu’il y avait récoltées. Il avait eu de la chance, beaucoup de chance. Comme Ada et Hodor. Il s’en tirait vivant, et en un seul morceau. A bien y réfléchir, être dévoré sur pied ne le tentait plus du tout. Il décida de se reposer quelques heures encore, puis d’essayer de descendre au village, retrouver Ada.

[Taliesin]

Se reposer, il le fit, et sans doute plus longtemps qu'il ne l'avait imaginé. Lorsqu'il émergea d'un somme inopinément prolongé, la nuit était plus qu'à demi tombée, au dehors, et il lui sembla vaguement entendre des hurlements, dans le lointain. Des loups ? Peut-être, à moins qu'il ne s'agisse tout simplement du vent. Celui-ci s'était levé, alors qu'il dormait, charriant brumes et nuages bas.
Il y avait du bruit aussi, dans le donjon. Des conversations. Des pas. D'ailleurs, on ne tarda guère à toquer doucement à sa porte.

[Galathée]

En découvrant le ciel obscurci, Albérich étouffa un juron et se maudit sur les trente improbables générations à venir. Ce n’était pas encore ce soir-là qu’il rentrerait chez lui, ni qu’il pourrait rendre visite à la halfeline. Résider au château n’était pas franchement désagréable, mais il ne voulait pas abuser de l’hospitalité du seigneur de ces lieux. Après tout, il n’était qu’un étranger et il doutait que les villageois soient souvent les hôtes de leur baron.
« Oui, j’arrive, un instant… » répondit-il en se relevant précautionneusement.
Le baron et ses hommes étaient manifestement rentrés. Ils auraient sans doute des nouvelles, quelles qu’elles soient.

[Taliesin]

C'était le vieux majordome qui se tenait derrière la porte. Il était visiblement embarrassé.
-J'espère que je ne vous réveille pas, messire... fit-il. Mais monsieur le baron aimerait vous parler dès que possible. Il est pour l'heure dans son bureau mais, si vous ne vous sentez pas en état de grimper jusque là, il ne voit aucun inconvénient à vous rejoindre ici... Au moment qui vous conviendra, évidemment.

[Galathée]

Grimper encore. L’ancien clerc fit la grimace. Il était tenté de répondre à son invitation, mais il risquait de s’esquinter à nouveau et de repousser sa guérison.
« Si le baron a le courage de descendre jusqu’ici, je serais ravi de le recevoir à sa convenance. Je crains de ne pas être très vaillant. »
Forcer son hôte à venir à lui. C’était assez pathétique. Albérich se promit de se rattraper d’une manière ou d’une autre. En acceptant d’enseigner tout ce qu’il savait à Elisa, par exemple. Au vu des circonstances, leur petit arrangement semblait des plus saugrenus.

[Taliesin]

Le serviteur se retira, après avoir déclaré qu'il transmettrait le message. Sire Eudes parut un quart d'heure plus tard. Il portait encore sa tenue de selle, humide par endroits, et c'était tout juste s'il avait pris le temps de se débotter. Les traits tirés, marqués, il avait l'air las de qui aspire au repos... tout en sachant que celui-ci n'était pas pour tout de suite.
-Bonsoir, messire...fit-il en refermant doucement la porte derrière lui. Je vous remercie d'avoir accepté de me recevoir... tout en étant désolé de venir vous déranger alors que vous n'êtes pas encore remis... Puis-je d'ailleurs m'enquérir de votre santé ? Elisa m'a dit que vous lui aviez demandé les plantes médicinales d'Eloi...

[Galathée]

« C’est moi qui suis confus de vous forcer à vous déplacer. » fit Albérich en l’invitant à prendre la chaise, tandis qu’il restait assis sur son lit. « Une des morsures s’est un peu infectée, mais rien de grave, je pense. Je l’ai nettoyée et pansée de frais, j’espère être un peu plus en forme après une bonne nuit de sommeil supplémentaire… Je n’ai plus vingt ans. Et je vous remercie encore pour votre hospitalité. Je suis un invité des plus encombrants, je m’en rends compte et je m’en excuse. »
Il eut un léger sourire.
« J’ose espérer que votre journée s’est bien déroulée… et que les nouvelles ne sont pas trop mauvaises… »
A voir la mine du baron, en réalité, il n’espérait rien du tout de la sorte.

[Taliesin]

-Oh, chevaucher à travers la campagne enneigé n'est pas sans agrément... répondit sire Eudes avec un sourire fatigué. Cependant, la chose devient tout de suite moins plaisante lorsque l'on découvre, à proximité d'un paisible village, les traces de plusieurs meutes de loups... Et celles d'au moins deux ours en maraude. Je ne sais ce que signifie tout cela... Mais je crains qu'il ne s'agisse pas de bonnes nouvelles.
Il soupira.
-Et vous ne devez pas vous sentir gêné de loger sous mon toit : l'hospitalité est un devoir. Et un plaisir, en l'occurrence. De plus, j'ai à vous soumettre une requête qui devrait faire taire en vous tout sentiment de culpabilité...
Il jeta un regard furtif par la fenêtre, comme retentissait un hurlement - de vent ? de loup ? - particulièrement sonore.
-Voilà... reprit-il. Compte tenu de la situation, il va nous falloir installer des guetteurs autour de Combeloup. Or, l'ancienne garnison est un poste de défense et d'observation privilégié : c'est pour cela qu'il a été construit. Je voudrais donc solliciter votre accord afin d'y installer au moins un de mes hommes.

[Galathée]

Albérich lui sourit.
« Oh, mais c’est évident, bien sûr. Il y a suffisamment de pièces pour loger plusieurs personnes… » commença-t-il. « En fait, je peux même vous en laisser l’entière disposition, si c’est plus simple pour votre organisation. Je suis certain qu’Ada pourrait m’héberger le temps nécessaire et comme ça, je ne serai pas dans les pattes de vos soldats. Ce n’est vraiment pas un problème pour moi. Je comprends que tout doive être mis en œuvre pour protéger Combeloup, je n’ai pas besoin de mon petit confort. »
L’un dans l’autre, l’idée qu’il ne soit plus tout seul sous son toit, quel qu’il soit, était plutôt alléchante.

[Taliesin]

Le baron demeura un moment pensif, au nom d'Ada. Mais quand Albérich eut terminé, il sourit à nouveau.
-Je vous remercie, messire Ferwyn. Vraiment. Mais vous n'êtes en rien obligé de quitter votre maison : mon ou mes hommes pourront être discrets et vous causer le minimum de dérangement. Sentez vous donc libre de demeurer en vos murs... Enfin, pour l'heure, je gage qu'il est plus prudent que vous restiez ici, le temps de vous remettre un peu plus..