La Couronne de Cuivre

La tête lui tourna, sa vue se brouilla et elle sentit chacun de ses muscles protester sous le coup de la fatigue inexplicable qui l'accabla sans prévenir. Elle vit Arthur lui échapper alors qu'elle aurait tant voulu l'aider, Luna se lancer à sa poursuite. Les paroles d'encouragement de Don résonnaient à son esprit, déformées par le choc subi, se muant en une supplique inquiète. Son genou droit heurta le sol et la douleur suffit à peine à lui faire reprendre contact avec la réalité. Elle savait désormais que si l'esprit qui possédait Hélios renouvelait son attaque, elle ne parviendrait pas à rester consciente. Elle tenta néanmoins de lever son marteau, sourde à la douleur, peu soucieuse de la lenteur de ses mouvements et de son esprit, cherchant simplement à défendre sa vie et celle de ses compagnons. Si seulement elle parvenait à frapper son ennemi aux jambes pour l'immobiliser. Elle pourrait ainsi laisser un peu plus de temps à ses compagnons pour tenter de défaire la malédiction qui sévissait dans ce lieu de perdition.

Pour Brus, la partie ne se présentait pas aussi bien qu'il l'aurait voulu. Son attaque avait manqué, et désormais le Loviate était en pleine possession de ses moyens. Le roublard effectua un bon en arrière pour laisser une distance appréciable avec le mort-vivant. Un bref coup d’œil vers les autres lui apprit qu'il n'obtiendrait pas d'aide immédiate. Que faire? Brus n'était pas un adepte du combat face à face. La meilleure chose à faire était peut-être d'essayer de gagner du temps. Si le Loviate s'en prenait à lui directement, il se concentrerait à esquiver les attaques, s'il décidait de lancer un sort ou d'entreprendre toute autre action qui lui laisserait une ouverture, il n'aurait qu'à frapper immédiatement. Restait à savoir s'il pourrait jouer longtemps ce petit jeu.

HRP : je suis désolée, mais je ne me représente à nouveau pas du tout la disposition des différents protagonistes... Helios, Chandara et Luna sont au contact ? Donc Arthur aussi ? Bon, si je raconte n'importe quoi, j'éditerai...

Arthur vit Chandara chuter sur un genou et cela cassa momentanément son élan. La créature l'avait manifestement touchée, le livre était juste à portée, mais... mais est-ce que quelqu'un n'avait pas dit qu'il ne fallait pas toucher au livre, justement ? Il n'était plus tout à fait certain, il n'avait pas le temps de réfléchir, Chandara était en danger, et il avait une furie hurlante sur les talons. Son hésitation dura une seconde. Il décida de flanquer un grand coup dans le grimoire, histoire de le balancer le plus loin possible, et tant pis s'il y perdait quelques pages. Sans doute le nécromant dément en serait-il détourné de la paladine et pourrait-il alors l'affronter sans que la barde - quasi aussi folle que son frère, désormais - ne s'interpose.

hrp : c'est moi qui suis désolée. mes descriptions sont un peu fouillis. mais tu as bien compris. Hélios, Luna (derrière Arthur), Chandara sont au contact. Les autres sont à l'arrière.

La chose qui avait été Hélios s'était détournée d'un coup en voyant tomber le livre. Luna derrière lui, voyant qu'Arthur s'en prenait à l'ouvrage plutôt qu'à son frère s'était arrêtée net. Chandara, si elle n'atteignit pas les jambes de son adversaire ne fut cependant pas touchée une seconde fois grâce à l'intervention du paladin.

Du coté de Brus, le zombie Loviate, heureusement dépourvu d'armes s'était mis en tête de l'attraper, dans l'espoir de l'étrangler, vraisemblablement. Le roublard avait tout à fait le droit de ne pas être d'accord avec ce genre de pratiques affectueuses et pouvait, s'il le voulait tenter de porter une nouvelle attaque.

Chandara savait qu'elle devait à l'initiative de son compagnon de ne pas avoir été achevée immédiatement et en aurait souri si elle s'en était encore senti la force. C'était elle qui prenait ce genre de risques inconsidérés d'ordinaire. C'était là une impression étrange que de se sentir protégée sans en éprouver aucune rancœur. De sentir qu'on s'inquiétait pour elle sans pour autant dénigrer ses compétences. De se sentir aimée et importante. Elle puisa dans ces sensations étranges et dans la vue d'Arthur prêt à se battre comme un lion, la force de surpasser la langueur de ses muscles et de son esprit. Elle se redressa dans un mouvement peut-être un peu saccadé et manquant de grâce, se sentit chanceler, fit un effort pour garder contact avec la réalité, rester debout. Elle devait aider Arthur à combattre cette chose. Il n'y avait pas d'autre solution.

Face à son adversaire, Brus pouvait profiter de son agilité et de sa souplesse. Mais le zombie ne s'était jusqu'à présent pas révélé si dangereux que cela et le roublard se dit qu'il était peut-être temps de tenter sa chance s'il ne voulait pas continuer à jouer ainsi encore longtemps et pouvoir ensuite porter assistance au reste du groupe. Le jeune homme profita d'une attaque du mort-vivant pour essayer, en profitant de sa rapidité, de passer sous sa garde et de lui porter un coup au torse.

L'attaque de Brus porta au torse. La lame fendit la chair du monstre et atteignit le coeur qui ne battait plus depuis quelque temps déjà. Mais était-ce par réflexe emporté jusque dans la non-vie, le coup porta et le mort s'abattit. Le roublard avait désormais le champ libre prêter main forte aux autres.

Pendant ce temps, Hélios se saisit du livre et resserrant ses bras autour de lui comme s'il avait été le bien le plus précieux du monde recula. Derrière eux, Eli cessa soudain d'incanter.

"Vous devez le tuer maintenant. Hélios n'est plus. Vous avez fait tout votre possible. Si vous ne le stoppez pas, il va gagner en puissance."

Sa voix était ferme mais douce et désolée. Comme pour corroborer ses dires, le jeune homme commença à incanter et les pages du grimoire se mirent à tourner, comme sous l'effet d'un vent furieux.

Le frère de Luna avait reculé tandis que le désespoir s’immisçait à nouveau dans l’esprit de Chandara : tous leurs efforts pour sauver le jeune homme n’avaient servi à rien, se soldaient par un échec retentissant qui serait probablement marqué par leur mort à tous. Elle avait cherché à négocier et le mal en avait profité pour gagner en puissance. Elle avait cru un instant pouvoir résoudre pacifiquement la crise mais le constat auquel elle était contrainte n’en était que plus affligeant. Affaiblie et passablement déprimée, elle ne pouvait qu’assister à leur fin alors qu’Helios s’était éloigné hors de portée de son arme. Elle ne le rejoindrait jamais assez vite pour l’empêcher de déchaîner toute la puissance du livre. Mais peut-être pouvait-elle donner une occasion à certains d’entre eux de fuir avant la catastrophe. En le déconcentrant juste une seconde. La paladine n’osa pas adresser un regard en direction des deux bardes : celle qui l’enjoignait d’agir et celle qui la maudirait certainement si elle le faisait. Elle empoigna son marteau à deux mains, visa le livre que tenait le corps d’Helios, puis le lança de toutes ses forces amoindries.

Arthur était mortifié d'avoir manqué le bouquin. Il lui avait pourtant semblé qu'il aurait le temps de l'envoyer valdinguer à bonne distance avant qu'Helios ne puisse faire volte-face et réaliser que son précieux livre lui avait échappé. Mais voilà, les choses se passent rarement comme prévu, et à présent, il allait falloir gérer les retombées de son échec.
Les paroles d'Eli lui parvinrent, mais finalement, elles n'étaient que la confirmation de ce qu'il savait déjà. Il fallait remiser la sensiblerie et les jolies espérances, et trancher dans le vif du sujet. Même si le sujet avait été le frère adoré de quelqu'un. Les pires ordures avaient aussi un papa et une maman, ça ne changeait rien à la nécessité de les empêcher de nuire.
Il s'apprêtait à aller découper du nécromant lorsqu'il vit, du coin de l'oeil, le marteau de Chandara fuser dans la direction du forcené. Il eut juste le temps de changer de trajectoire pour l'éviter. Il chargea cependant juste derrière, dans l'idée de frapper ce qui passerait à sa portée... Chair, papier, boyaux...

Lequel de l'épée ou du marteau frappa Hélios le premier. Le marteau atteignit le jeune homme à la tempe et l'enfonça. L'épée mordit cruellement le flanc du jeune homme, l'ouvrant presque en deux. Il tomba en arrière, le livre tombant derrière lui. Parallèlement, Luna s'était jetée sur son frère, voulant le protéger. Maelys, la voyant sur la trajectoire du marteau avait bondi à son tour, lui attrapant les jambes la plaqua au sol. Et ne bougea plus. Les fioles qu'elle avait récupérées tombèrent en tintant.

Ce n'est pas du sang qui commença à sourdre du corps du jeune homme mais une sorte de brume grise qui prit rapidement la forme d'une silhouette haute. Un humanoïde aux bras tendus vers eux. Il dégageait une aura étrange de désespoir et de froid. L'un des Pères leur faisait face

"Il est ici, souffla Eli, seule l'Epée peut le vaincre ... Et les fioles..."

Elle s'interrompit. Le spectre ouvrit grand les bras en direction de Chandara comme pour l'attitrer dans une mortelle étreinte.

Chandara avait contemplé avec horreur la scène se déroulant devant ses yeux. Elle avait lancé le marteau en espérant simplement déloger le bouquin, voire distraire Hélios. La scène qui avait suivi n’avait probablement pas duré plus d’une seconde ou deux mais elle en avait appréhendé chaque détail comme si le temps s’était figé : le coup porté par son compagnon, le marteau atteignant une autre cible, Luna se précipitant avant d’être maîtrisée. Au contraire de la forme délétère que venait de prendre leur ennemi. La paladine avait vu son marteau rebondir et tomber sur le sol, complètement hors de portée. L’esprit maléfique se dressait entre elle et lui, s’apprêtant à l’achever d’un simple geste avant de s’en prendre à ses compagnons. C’était inacceptable. La jeune femme se laissa rouler au sol dans le but d’échapper à l’étreinte et de rejoindre Maelys et son étrange cargaison. Même si elle ne parvenait pas à atteindre les fioles, peut-être réussirait-elle à gagner quelques secondes pour laisser à Arthur le temps de frapper cette abomination.

Il n'était pas question que cette crasse touche — encore ! — à Chandara. C'était presque du harcèlement ! Bon, d'accord, elle était jolie, mais elle n'était plus libre ! Et Arthur était certain qu'elle ne lui préférerait pas un mort-vivant ! Aussi s'interposa-t-il avec détermination. C'était lui qui avait cette fichue Epée, et c'était lui qui allait frapper dans la brume ! Les fioles... Bah... il ne pouvait pas tout faire, non plus.
La brusque roulade de Chandara le prit au dépourvu, mais il parvint à ne pas trébucher dans l'amoncèlement de corps vivants (un comble !) qui se trouvait au sol et décida de porter un coup d'estoc à la chose, en dosant sa force, cependant. S'il ne rencontrait aucune résistance (ce qui aurait dû logiquement se passer à vouloir occire de la fumée), il ne voulait pas non plus être complètement déséquilibré par son propre mouvement.

Brus revint sur ses pas au moment où Helios encaissait l'attaque combinée d'Arthur et de Chandara. Il crut un moment que c'en était fini, puis une forme vaporeuse s'échappa du corps blessé. Il ne comprit pas grand chose à la suite, et notamment aux paroles d'Eli, qui semblait dire qu'elle savait à quoi ils avaient à faire. Mais comme elle avait mentionné les fioles et qu'une bonne partie de celles-ci avait roulé par terre, Brus s'empressa dans ramasser quelques-unes. Il s'apprêtait même à en lancer une sur le monstre avant d'être arrêté par un doute soudain.

"Et... Euh, m'dame Eli, on en fait quoi d'ces fioles?"

"L'enfermer ...", commença Eli avant qu'un hurlement résonne dans la grotte.

Contre toute attente, le coup d'épée du paladin porta car le spectre soudain s'enflamma. Une plainte stridente se fit entendre, inhumaine et contre toute nature. Le cri du mal qui hantait les lieux et qui se mourrait. Durant quelques secondes, la créature étendit les bras vers Arthur, pour l'emporter avec lui dans une étreinte de feu.

Chandara et Brus quant à eux avaient récupéré les fioles. Maelys ne bougeait toujours pas. A coté d'elle, Luna pleurait, incapable d'agir.

"Les fioles, il faut les ouvrir, cria de nouveau Eli, masquant avec peine le vacarme, elles doivent l'emprisonner. Ouvrez les mais ne les lâchez sous aucun prétexte."

Voyant son paladin d’amour sur le point de se faire happer par la manifestation fantomatique, Chandara eut grand peine à conserver son calme : elle avait mis des années à se trouver un homme de cet acabit alors ce n’était pas un vieux spectre puant qui allait le lui voler. La jeune femme se saisit donc de deux fioles – elle ne pouvait pas en tenir plus sinon elle ne s’en serait pas privée – et en retira les bouchons tout en les tenant fermement, comme si sa vie en dépendait à dire vrai.

- Brus, les autres, aidez-moi ! Il faut agir, vite ! Tenez bon, Arthur !

La paladine avait dû quitter la scène des yeux pendant la durée de l’opération et releva un regard angoissé vers le luménien aux prises avec l’entité maléfique.

Arthur avait eu bien du mal à ne pas lâcher l'épée pour se protéger les tympans du cri strident de la créature moribonde. Il l'avait touchée, c'était assez inespéré, et il aurait loué Lathandre avec ferveur s'il ne s'était retrouvé en fâcheuse posture, à deux doigts d'être étreint par un mort-vivant en flammes. Il n'en avait jamais fait l'expérience, mais il était plus ou moins certain que ce serait douloureux et désagréable. Malheureusement, blessée et furieuse, la créature ne paraissait plus s'inquiéter de la lame ensorcelée, et il se doutait qu'elle s'empalerait volontiers dessus si cela lui permettait de se venger. Faire volte-face n'avait aucun sens, il n'en avait pas le temps. Aussi devait-il affronter la mort avec dignité, en paladin. Ce n'était pas comme s'il avait ignoré les risques de cette mission suicide, après tout... Il fut tenté de fermer les yeux pour accueillir le trépas avec une image apaisante dans l'esprit, l'image d'une jolie jeune femme, par exemple, qu'il avait la satisfaction d'avoir sauvée. Mais ce n'était pas honorable. Il devait regarder l'inexorable en face et sans frémir.
De ce qu'il se passait derrière lui, en revanche, il n'en avait aucune idée. Il entendit bien Chandara crier quelque chose, mais le sang qui pulsait à ses oreilles, entraîné par un coeur secoué d'adrénaline, en étouffa le sens. D'autant que le hurlement de la créature l'avait déjà sérieusement assourdi.

Arthur n'avait cependant ressenti aucune douleur, seulement une sensation de chaleur intense parcourant tout son corps. Mais il ne brûlait pas. La lame de l'épée qu'il tenait brillait à présent de mille feu. Cette lueur bénéfique se communiqua au paladin, l'entourant, le protégeant. Armure solaire dont la lumière semblait repousser les ombres bien au delà des parois de la grotte. Le visage et l'armure du jeune homme donnant l'impression fugitive qu'un astre était descendu dans ce lieu de perdition et de pénombre. La créature perdit de ses contours et redevint brume. Brume qui peu à peu sembla peu à peu dériver en direction des fioles. Elle lutta, tentant de gagner le plafond de la cavité mais l'attraction était trop forte. Dans un cri, elle s'effilocha, se découpa pour devenir de minces filins qui peu à peu gagnèrent les réceptacles de verre.

Il les emplit toutes à l'exception de deux. Passant du coté de Chandara, elle prit le visage de son frère disparu. Pour Brus, il prit la forme d'une main qui fit mine de se jeter sur lui pour finalement disparaître. Il n'y eut plus aucun bruit. Petit à petit, paladins et épées retournèrent dans les ombres. L'obscurité, ils le sentirent tous n'avait plus rien d'hostile. Une promesse d'aube et non plus le début d'une très longue nuit ...

Chandara avait failli lâcher les deux fioles qu’elle tenait tant la vision qu’avait offerte Arthur était époustouflante. Durant un bref instant - mais qu’elle n’avait pas pu imaginer au vu de ses conséquences – il avait semblé baigné de toute la lumière et la puissance de son dieu. La paladine en avait été impressionnée, intimidée aussi mais se trouvait surtout pleine d’admiration alors que le phénomène avait suffi à chasser l’ombre. Son doux Arthur venait de révéler son plein potentiel en défaisant l’esprit maléfique à lui tout seul ! La paladine aurait volontiers accouru pour le féliciter en cet instant mais une ombre assombrit son humeur euphorique alors que l’esprit lui envoyait une vision nostalgique comme une dernière attaque mesquine.

Chandara reconnut immédiatement le frère qui l’avait quitté une dizaine d’années auparavant. Cette vision raviva la douleur de son ancien deuil, la ramenant par analogie à la douleur qui devait étreindre le cœur d’une autre sœur éperdue. La paladine eut le bon sens de reboucher les deux fioles qu’elle tenait, comprenant intuitivement que cela retiendrait l’esprit captif puis elle se tourna en direction de Luna qui devait être effondrée. Elle n’était pas certaine que la barde lui fasse bon accueil si elle tentait de la consoler mais elle ne voulait pas reculer devant la difficulté. Lui faire comprendre qu’elle n’avait aucune envie de jubiler suite à leur demi-victoire. Qu’elle ne méprisait pas sa douleur, qu’elle pouvait la comprendre.

Arthur demeura paralysé. Il n'était pas certain d'avoir compris ce qui s'était produit. Il y avait eu cet embrasement, cette lumière, et... l'épée l'avait comme protégé, le nimbant de soleil. Cela avait été une impression étrange... qui s'était cependant dissipée. Il en ressentait comme une étrange perte, comme si on lui avait offert quelque chose pour le lui reprendre aussitôt. Mais il ne se sentait pas pour autant accablé. Non. Les ténèbres étaient apaisées désormais. Et il n'y voyait d'ailleurs pas grand chose.
Mais ils avaient triomphé... non ?
" Est-ce que tout le monde va bien ?" demanda-t-il d'une voix incertaine, en se retournant vers les autres.
Ils avaient vaincu le Père, fauché le malheureux nécromant, mais il ne savait pas où était le bouquin... et Luna n'allait certainement pas être ravie de la tournure qu'avaient pris les événements, elle. Sans parler de Chandara. Finalement, il n'était pas pressé qu'on lui réponde...

Chandara tourna son regard vers le paladin et elle ne put empêcher un sourire d'ourler ses lèvres, chassant durant quelques secondes la peine qu'elle ressentait pour Luna et le sort de son frère. En regardant ce parangon d'espoir qu'était Arthur, elle avait un peu moins de mal à se convaincre qu'ils avaient fait tout leur possible. Et agi pour le mieux : Helios avait été prêt à coopérer, elle l'avait senti : le seul responsable était donc cet esprit abominable et maléfique que le luménien avait détruit et que les étranges fioles de Maelys avaient capturé. La paladine détacha difficilement son regard de l'être doux qui savait pourtant affoler son cœur. Elle y puisait de la force, celle de trouver le courage d'aider la pauvre barde qui pleurait toujours. Elle s'avança vers elle, tendit sa main et déclara d'un ton doux :

- Allons, relevez-vous Luna. Je suis désolée pour votre frère. Nous l'avons ramené. Pas comme vous l'espériez sans doute. Mais il a prouvé sa force en luttant contre cet esprit pour nous. Son âme trouvera le chemin du panthéon. Mais je ne veux pas laisser son corps ici. Il mérite bien mieux. Ramenons-le à l'air libre, sous le soleil.

Luna s'était cependant éloignée de la paladine, les bras croisés.

"J'ai vu, dit-elle cependant, ce n'est pas vous qui l'avez tué. Il lui avait tordu le coup et l'utilisait comme un pantin ... Vous l'avez libéré. Et c'était mieux comme ça."

Elle eut un pâle sourire au milieu des larmes et son visage se fit dur de nouveau.

"Tout ça, c'est à cause de ce stupide livre. Mais tu as raison, remontons ..."

Chandara n'était pas vraiment convaincu d'être parvenu à calmer durablement Luna ou même à la détourner de son chagrin. Mais, après tout, elle ne réalisait peut-être pas encore tout à fait sa perte. Ou alors elle l'avait perçue, dans son cœur, bien avant de se la voir confirmer par les derniers événements. On ne s'y habituait jamais tout à fait mais le sentiment d'absence devait bien finir par s'estomper un jour, non ? Le sourire que Luna lui avait adressé et surtout la marque de familiarité qui l'avait accompagné étaient motifs d'espoir. Un espoir qu'elle accepte son aide et son amitié en tous cas. La paladine ne pouvait pas demander mieux. Elle l'observa une seconde encore, puis chacun de ses autres compagnons : Eli qu'elle ne s'était pas attendue à revoir ici. Maelys et son air un peu revêche sans qui ils n'auraient rien pu faire contre le Père maléfique. Brus, le solide petit gaillard toujours débordant d'énergie et d'une vision si particulière, si directe du monde. Qui ne renonçait pas devant l'adversité et semblait considérer le monde comme un défi à relever. Et Arthur bien entendu. Elle s'approcha doucement de lui et répondit enfin à sa question, l'agrémentant d'un sourire désarmant :

- Tout le monde est en un seul morceau. Grâce à votre formidable commandement !

Elle déposa un baiser léger sur sa joue, arborant une expression mutine. Puis elle ajouta d'un ton plus sérieux :

- Nous devrions quitter ce lieu et emporter ce maudit ouvrage. Qui s'en chargera ? Brus peut-être ? Mais faites bien attention. Nous devrions l'envelopper dans quelque chose avant.

Il faudrait aussi se charger du corps d'Helios. C'était nécessaire. Et pas seulement pour Luna. Elle non plus ne voulait pas l'abandonner alors qu'elle avait été si proche de le ramener vers la lumière. Enfin, il restait Don qui aurait bien besoin d'aide. Décidément, ce n'était pas maintenant que les deux paladins pourraient se retrouver un peu seuls comme elle en avait tant envie !

Tout semblait fini. Quand Arthur demanda si tout allait bien, Brus voulut dire que oui, mais d'un autre côté, il ne pouvait pas s'empêcher de penser que ça s'était joué à peu de choses, et pour tout dire, il n'avait pas compris grand chose de ce qui s'était passé. Il revint tout à fait à lui quand Chandara prononça son nom, en quête d'un volontaire pour se charger du livre. Le roublard fit la grimace :
"Vous avez dit "maudit ouvrage", c'était juste une façon d'parler, hein? Pourquoi ça tombe sur moi?" Et puis il finit par se résigner. Après tout, c'était ça ou porter un mort ou encore un paladin sanguinolent à moitié à poil. Et peut-être même qu'avec la mort de l'entité le livre avait perdu ses qualités "dérangeantes".
"Bon, je l'prends. On n'devrait pas trop traîner. L'général avait parlé d'Mélandiens aussi, si on pouvait avoir mis les voiles avant qu'ils se pointent... On r'monte à la surface, on r'trouve les soldats et les ch'vaux, et on rentre au campement! Et... hum... quelqu'un se souvient du chemin?"

Le baiser de Chandara avait momentanément paralysé Arthur, mais il retrouva rapidement ses esprits en entendant la paladine et Brus faire des plans sur le livre et son transport.
" Attendez ! Je ne pense pas sage que Brus se charge du livre. Il est vraiment maudit et... et je pense que je suis mieux protégé contre le Mal que lui... C'est à moi que devrais revenir cette tâche... Je pourrais conserver l'épée... Elle s'est montrée plutôt efficace jusqu'ici et... Lathandre me protège... un rien, je crois."
Il se tourna vers Eli et Maelys qui semblaient en savoir beaucoup plus qu'eux sur tout ce qui se tramait ici.
" Enfin... si ça vous semble une bonne idée ?"

Arthur devina la grimace de Maelys dans la pénombre. Il y eut un court silence et il l'entendit murmurer.

"Je ne sais pas. Nous sommes venues ici à la recherche de l'un des Pères. Je ne m'attendais pas à tomber sur vous et cet ouvrage maudit. Ce qui est sûr est qu'il a l'air de renfermer une magie sacrément puissante. A votre place, je m'en méfierais."

Eli hocha la tête.

Chandara était restée près de son compagnon mais jetait de temps à autre des regards nerveux en direction de l’ouvrage abandonné par terre après la chute d’Helios.

- Nous ne pouvons pas le laisser ici : il est bien trop dangereux. Je frémis à l’idée de ce qu’il adviendrait s’il tombait entre de mauvaises mains ? Arthur, si vous pensez sage de vous en charger, je vous soutiendrai mais faites bien attention. Je me chargerai d’Helios mais il ne faut plus tarder. Ce lieu continue de me donner la chair de poule.

La paladine sentit la tête lui tourner quand elle se baissa pour récupérer son marteau et elle chancela visiblement en se redressant même si elle tentait de ne pas le montrer. Quoique lui ait fait l’esprit en la frôlant, elle ne se sentait pas encore tout à fait d’attaque même après sa disparition.

Brus haussa les épaules et laissa, presque de bon cœur, le livre à Arthur. C'était un risque qu'il n'était pas pressé de prendre. Il fit quand même remarquer :
"Au fond je m'demande quand même s'il y a vraiment d' "bonnes mains" pour prendre un truc pareil. Hélios n'était pas plus méchant qu'un autre et la malédiction l'a eu. M'sieur Boros veut qu'on l'rapporte, j'espère qu'les Helmites sauront mieux s'en sortir avec... Enfin bon." Du coin de l'oeil il remarqua la légère défaillance de la paladine lorsque celle-ci se baissa : "Ca va aller m'dame Chandara? Bon, vu que j'ai plus rien à porter, j'peux vous aider si besoin, sinon, j'peux toujours ouvrir la marche."

Chandara esquissa un pâle sourire à Brus et tenta sans grand succès de paraître plus vaillante qu’elle ne l’était :

- Merci Brus mais je pense que ça ira. J’ai juste un peu la tête qui tourne mais ça va passer dans un instant. Vous m’aiderez bien mieux en ouvrant la voie.

La paladine n’avait pas quitté Arthur des yeux, attendant peut-être, sans trop oser y croire, qu’il propose de la soutenir. Mais c’était stupide évidemment : il y avait Don qu’il fallait aider et même si elle avait un peu le tournis, elle s’estimait encore capable de regagner la surface par ses propres moyens. Tant qu’ils n’avaient pas à repasser par ces atroces boyaux étroits qu’ils avaient dû emprunter à l’aller. Ce souvenir en évoquant un autre, elle se sentit rosir légèrement. Ce qui avait au moins le mérite de rendre plus crédible son refus et réduire les risques de vexer le jeune manostien.

Arthur s'était approché du livre, de son côté, et hésitait un peu sur la manière de le prendre. Une possibilité aurait été de l'embrocher avec l'épée magique et de le tenir à bout de bras, loin, mais il lui semblait se souvenir de quelque chose à ce propos... Il n'était plus complètement certain.
Il se tourna donc vers Chandara, lui sourit, puis hésita en croisant son regard un peu humide, manifestement éprouvé. Il se sentit brusquement honteux de ne pas avoir remarqué d'emblée qu'elle était fragilisée par ce qui lui était arrivé. Il glissa un bras autour de ses épaules, espérant ne pas la malmener de son armure. Comment diable les chevaliers faisaient-ils pour être courtois avec autant de ferraille sur le corps ?
" Voulez-vous que je vous soutienne ?" demanda-t-il, inquiet.
Il espérait qu'elle ne se vexerait pas de son souci.
" Je crains juste que... je ne voudrais pas que le livre puisse profiter de votre... fatigue momentanée..."

La paladine frissonna quand Arthur l’attira contre elle. Cela n’avait pas grand-chose à voir avec la fatigue cette fois et, malgré l’armure qui les séparait, ce geste doux et attentionné la fit sourire. Elle répliqua d’une petite voix qui ne parvenait pas tout à fait à dissimuler un certain enthousiasme – elle ne voulait pas risquer de vexer Brus après avoir refusé son aide d’assistance :

- Je vous remercie. Ce serait peut-être plus prudent en effet que je m’appuie juste un peu sur vous en effet. Juste quelques instants le temps de recouvrer mes esprits.

C’était à l’extrême limite du mensonge bien entendu car se trouver ainsi enlacé risquait de ne pas beaucoup l’aider à se recentrer sur leur tâche et ses dangers. Mais ce genre de détails ne l’effleurait même pas, au contraire du contact timide d’Arthur.

La Couronne de Cuivre

[Quête] Guerre des plaines brûlantes : un certain goût pour la mort