La Couronne de Cuivre

La jeune femme gloussa tout en mangeant. Taliesin constata qu'elle avait bon appétit.
" Parler, ça fait aussi partie de la fonction des clercs. Ils doivent convaincre leurs ouailles du bien-fondé de leurs croyances, après tout... Tu ne devrais pas être surpris."
Elle lui sourit.
" J'espère que tu as pris des forces..."

Il acquiesça.
-Me laver m'a fait du bien, et je suis sûr que ce repas nous donnera toute l'énergie nécessaire... Pour le reste, je n'ai pas vraiment eu d'activité physiquement fatigante, aujourd'hui.
Il eut un sourire vaillant.
-Mais sans le vouloir, ils m'ont mis la pression, avec ces histoire de grande épreuve ! Bah, au pire, si nous venions à flancher... les bardes ont aussi pour fonction de soutenir le moral des troupes, alors je ferai de mon mieux.

" Je suis certaine que ta musique fera des merveilles... N'as-tu pas une chanson ou l'autre pour ce genre de situations ? Ou même de la magie bardique ? Je sais qu'ils sont immunisés au sommeil, de par leur ascendance, mais... quelque chose de moins radical, d'apaisant, pourrait fonctionner, non ?"
Dans son berceau, Héloïse émit une vocalise étrange, comme interrogative, que ni Taliesin, ni Galathée ne purent interpréter.
" Il parait que c'est normal, dit doucement la rôdeuse. Qu'il faut des jours pour comprendre le sens de leurs cris. Et que parfois, on n'y comprend jamais rien."

-Nous nous montrerons attentifs. Et qui sait si nos formations respectives ne nous seront pas utiles ? Mon oreille musicale, ta capacité à comprendre la manière dont s'expriment les êtres de la nature... Par ailleurs, Helen et Blanche nous donneront sans doute des indications. Voire Gurvan, qui a l'air de bien s'y connaître en bébés !
Il avala quelques bouchées supplémentaires.
-Pour en revenir aux pouvoirs bardiques... Hum, je peux fasciner mon auditoire, voire lui suggérer quelques petites choses... On verra ce que ça donne. Mais il te faudra probablement te boucher les oreilles, si tu ne veux pas subir les mêmes effets que nos enfants !

" Mais je ne demande pas mieux que d'être fascinée, mon amour ! D'ailleurs, entre nous, je suis perpétuellement fascinée. Mais j'essaie de le cacher parce que c'est mauvais pour ton ego."
Elle lui fit un clin d'oeil et reposa son assiette vide.
" Avant l'urgence, je propose une séance de câlins. Histoire de nous donner du courage."
Elle tapota le lit à côté d'elle. Dans son berceau, Héloïse émettait toujours des bruits calmes, comme si elle testait le fonctionnement de ses cordes vocales nouvellement acquises, mais sans forcer.

Il écarquilla les yeux.
-Avec eux à coté ? Et avec cette porte qui ne ferme pas à clef et une cohorte de prêtresses prêtes à surgir à tout instant ?
Il sourit.
-Mais tu es irrésistible, et j'aime le risque !
Il s'empressa donc d'aller poser leur plateau sur la table d'appoint puis rejoignit sa compagne.

Ils s'en tinrent à quelques bisous chastes, d'autant que leur fille prenait de l'assurance et qu'elle se mit bientôt à pleurnicher. Galathée réagit au quart de tour, repoussant doucement le barde et se glissant hors du lit. Elle souleva le nourrisson, constata qu'il était trempé et s'attela à la changer. Dans le berceau, Tristan s'était réveillé à son tour. Il attendit nettement moins longtemps que sa soeur pour se mettre à s’époumoner et Taliesin dut passer à l'action. Galathée étant occupée, il s'agissait de bercer le monstre, mais il semblait furibard et prêt à faire le bruit nécessaire pour obtenir ce qu'il voulait.

Tout bien réfléchi, cela promettait d'être aussi affreux que Blanche et Helen l'avaient laissé entendre...
-Désolé, fiston, tu as été plus long à la détente que ta sœur, et comme ta maman est prise ailleurs, il va te falloir patienter dans les bras de ton papa... dit-il au bébé qui s'égosillait. La prochaine fois, pense à être plus prompt !
Bercer, changer, bercer, changer... Voilà le programme qui serait le sien tout au long de la nuit.
Et de toutes les nuits à venir jusqu'à... oulà, tout ça. Mieux valait ne pas trop y songer !

Tristan était léger et Taliesin put le balader un moment dans la pièce. Il réalisa que tant qu'il restait en mouvement, le bébé s'apaisait, mais dès qu'il faisait mine de s'arrêter, il reprenait de plus belle ses hurlements. Heureusement, Galathée eut rapidement fini de changer Héloïse et regagna le lit. Au moment où Taliesin lui apportait le petit garçon, elle lui fit remarquer qu'il était mouillé, lui aussi, et le barde en fut quitte pour son premier change de la soirée. Tristan parut scandalisé par le délai et reprit ses hurlements, une octave plus haut, lui vrillant les tympans. L'elfe survécut et parvint à tendre le nourrisson à sa mère qui le glissa au-dessus de sa soeur et l'allaita aussitôt.
Le silence revint bien que Tristan lâche encore quelques sanglots douloureux entre deux succions.
Galathée rit derrière sa main. C'était seulement le prologue...

-La nature est mal faite : pourquoi n'a-t-elle pas donné aux bébés des pleurs harmonieux ? Enfin, je connais déjà la réponse : si ça avait été le cas, les parents auraient passé leur temps à les écouter sans intervenir. Alors que là, ils s'empressent de les satisfaire pour épargner leurs tympans martyrisés...
Il sourit.
-Mais je ne devrais pas me plaindre, sachant que toi, tu dois en plus les nourrir... Allez, on va s'en sortir !

Et ainsi débuta leur longue nuit.
Elle fut exactement comme ils l'avaient imaginée, exactement comme les clercs la leur avaient décrite. Les bébés mangèrent, rotèrent, pleurèrent jusqu'à ce qu'on les berce, s'endormirent, se réveillèrent sitôt posés dans leur berceau. Ils souillèrent leurs couches, tétèrent à nouveau, et dès qu'un des deux paraissait sur le point de succomber au sommeil, le second décidait de s'époumoner. La seule accalmie se produisait quand ils étaient au sein, et Galathée dérivait en les nourrissant. C'était cependant un leurre car ils avaient besoin de dormir et ils se mirent bientôt à hurler dans toutes les positions possibles et imaginables, sauf quand Taliesin les trimballait de long en large dans la pièce.

-On ne peut pas continuer comme ça, finit-il par lâcher, d'un ton las.
Il rejoignit la rôdeuse.
-Il faudrait qu'on trouve une solution pour que je puisse les bercer tous les deux en même temps. Ainsi, tu aurais un répit pour réellement dormir...
Dormir, il commençait à en avoir sacrément besoin. Mais puisque Galathée allaitait de surcroit, il imaginait que son état était autrement pire que le sien.

" Tu sais, dormir quelques heures par nuit... c'est l'ordinaire. Ne baisse pas déjà les bras."
Elle lui sourit, vaseuse.
" Regarde... Tristan a l'air de s'être épuisé. Repose-le, pour voir. Et donne-moi Héloïse. Je vais marcher un peu."
Elle glissa la petite fille dans le creux de son bras et circula du lit à la fenêtre à la porte et revint en arrière. Tristan semblait avoir capitulé pour l'heure.
" Pourquoi n'essaies-tu pas de dormir quelques heures ? Je vais gérer. Ensuite, tu prendras le relais."

-Ce ne serait pas juste, Gal : tu dois être beaucoup plus fatiguée que moi... Est-ce que ce ne serait pas mieux si tu essayais de dormir la première ? Moi... On verra si une opportunité se présente. Je pourrai sans doute caser un bout de transe elfique ici où là. Et au pire... Demain, tout le monde est de sorti. Ne resteront ici que Blanche et Helen qui, j'en suis sûr, voudront nous donner un coup de main. J'aurai donc l'occasion de me reposer, et toi aussi.

" Comme tu préfères." dit-elle, sans parlementer.
Elle lui tendit Héloïse et se pelotonna aussitôt sous ses couvertures. Il lui fallut plusieurs minutes pour se détendre, puis d'autres encore pour s'endormir. Elle demeura cependant agitée, et Taliesin devina qu'elle se redresserait au moindre bruit suspect. De son côté, il parvint à bercer la petite fille jusqu'au sommeil et même à la reposer dans le berceau sans qu'elle bronche. Cependant, elle recommença à chouiner avant qu'il n'ait eu le temps d'atteindre le lit, et Tristan poussa un soupir excédé. Le barde put tout juste récupérer sa fille avant que le petit et sa mère n'émergent. Tristan finit cependant par estimer que la nuit avait assez duré et recommença à glousser un peu, avant de gémir, scandalisé d'être seul dans un aussi grand lit.

Épuise, découragé, il puisa néanmoins une once de motivation dans la certitude que sa compagne avait enfin pu trouver un semblant de repos, et dans l'espoir d'être en mesure de lui en accorder davantage. Il s'approcha donc du berceau et se mit à réfléchir à un moment de prendre les deux bébés dans ses bras. Ils étaient minuscules, il n'était pas manchot, pourquoi n'y parviendrait-il pas ? Et si l'un ou l'autre se mettait à brailler de manière irrémédiable, la rôdeuse se réveillerait et viendrait le récupérer...

Ils étaient minuscules mais pas si minuscules que ça, et ils étaient aussi en mouvement perpétuel. Si les maintenir un moment chacun sur une épaule paraissait réalisable, les bercer de concert s'apparentait à une tour de jonglerie que, le barde devait le souhaiter, Galathée n'admirerait jamais, sous peine de lui arracher la tête (il ne pourrait alors plus en porter aucun des deux). La solution passait probablement par l'utilisation d'un accessoire, comme une large bande de toile passée en bandoulière, dans laquelle il aurait pu nicher l'un des deux tandis qu'il portait l'autre, mais il n'en disposait pas pour l'heure.
Et puis Galathée s'éveilla et lui sourit, l'apercevant près du berceau.
" Apporte m'en un... ou les deux d'ailleurs..." murmura-t-elle d'une voix pâteuse.
Une seconde plus tard, le silence était rétabli, tandis que les bébés mangeaient à nouveau goulument. Au dehors, il faisait nuit noire : aucun signe de l'aube à venir.

Si ça se trouve, l'aube ne viendra pas avant deux heures, songea-t-il. Si ça se trouve, il est à peine minuit passé...
Allez, un peu de nerf. S'il se décourageait ce soir, comment s'en sortirait-il demain ? Après-demain ? Au long des mille nuits à venir ?
-Je vais essayer de fermer les yeux un moment, annonça-t-il en s'asseyant près de Galathée. Surtout, n'hésite pas à me réveiller : je crains d'avoir le sommeil lourd...
Et de tenter aussitôt d'entrer en transe. Ah, si seulement il savait mieux maîtriser cette technique...

Il s'éveilla une seconde plus tard, au coeur d'une cacophonie épouvantable.
Galathée était debout près de la table à langer, Héloïse s'époumonait dans le berceau, Tristan n'était pas en reste tandis que sa mère le changeait. Mais, miracle, le ciel avait changé de couleur. La rôdeuse lui tournait le dos, mais elle lui jeta un regard noir lorsqu'elle l'entendit bouger.
" Pour être profond, il est profond, ton fichu sommeil d'elfe à la manque !" grommela-t-elle.
Au moins, il se sentait un tout petit peu reposé. Ou alors c'était une illusion. L'un dans l'autre, il fallait agir.

Se lever, rejoindre le berceau, prendre sa fille, vérifier s'il était nécessaire de la changer... et le faire le cas échéant.
Tout un programme qu'il effectua dans une sorte d'état second.
-Désolé... dit-il d'un ton embarrassé. La prochaine fois, décoche moi un bon coup dans les côtes, je pense que c'est la meilleure solution.
Il ne plaisantait pas.

" Je n'en ai pas eu l'opportunité." répondit-elle, un peu acide.
Héloïse accepta le programme concocté par son père et s'apaisa rapidement même si, à nouveau, elle recommençait à pleurnicher dès qu'il faisait mine de changer de cadence. Galathée en termina avec son frère puis imita le barde, décrivant des cercles difformes dans la pièce. Au dehors, Taliesin l'entendit, un oiseau chantait, trilles matinales, signe que l'aube étendait son manteau sur la campagne et que le soleil finirait par surgir.
" Nous avons survécu... pour l'heure. Je vais les allaiter une dernière fois, et puis ce sera fini pour la nuit. Helen ou Blanche pourront... devront ! les embarquer."

Il faillit proposer de les embarquer lui-même, puisqu'il avait dormi une heure, peut-être deux. Mais vu l'humeur noire - et compréhensible - de la jeune femme, il préféra s'abstenir, craignant de mettre de l'huile sur le feu. Et puis, il n'était pas sûr d'avoir l'énergie nécessaire pour s'occuper encore longtemps des deux petites créatures hurlantes.
-D'accord, dit-il simplement, d'un ton doux.
Ils allaient pouvoir dormir. Ensuite, ce serait à nouveau des langes à changer, des bébés à bercer, et ce jusqu'à l'aube suivante où, à nouveau, ils pourraient prendre quelques heures de repos.
Une chose était certaine : plus jamais il ne plaisanterait sur la possibilité d'avoir des quadruplés.

Galathée s'apaisa en même temps que sa marmaille. Et, curieusement, une fois leur ultime repas consommé et le soleil levé, les jumeaux parurent enclins à dormir à leur tour. Ils s'assoupirent d'abord au sein de leur mère, puis sur l'épaule de leur père, ensuite sur la table à langer, enfin dans leur berceau. La rôdeuse avait sombré avant que le barde ne revienne vers le lit, stupéfait de ce subit silence.
Et ils dormirent alors tous les quatre.
Quelques minutes ou quelques heures plus tard, on frappa à la porte mais Galathée ne broncha pas. Helen fit un clin d'oeil à l'elfe, tira une chaise, et s'installa dans un coin, sous un rayon de lumière, avec un livre. Il put se rendormir, protégé. Quand il s'éveilla, plus tard encore, il perçut l'animation régnant dans les couloirs. Helen marchait avec un des bébés dans les bras, fredonnant à mi-voix. Un plateau de petit déjeuner avait été posé sur la table de nuit. Galathée, quant à elle, dormait toujours .

Comprenant qu'il ne parviendrait plus à se rendormir, l'elfe se leva précautionneusement et entreprit de déjeuner silencieusement : il ne souhaitait en aucun cas arracher Galathée à son repos bien mérité. Quand il en eut terminé, il rejoignit la prêtresse à pas de loup.
-Merci pour ton aide, murmura-t-il. Si tu as encore un peu de courage, j'aimerais prendre cinq minutes pour plonger tête la première dans un tonneau d'eau froide. Je crois que je serai d'attaque, ensuite.

" Repose-toi, Taliesin. Rien ne presse. J'ai bien dormi, Blanche est disponible, Zora aussi... Nous allons gérer la journée au fur et à mesure qu'elle se déroule... Ils sont encore petits, et donc ils ont souvent faim, parce que leur estomac ne peut pas emmagasiner grand chose en une fois... mais ça va aller mieux chaque jour... Détends-toi. Va plonger ta tête où tu veux, va admirer le printemps, dérouille-toi les jambes. Les garçons sont partis, déjà, la ferme est propice au repos..."

Ah, le calme, le silence, la paix... Il ne demandait pas mieux. Sauf que...
-Si je disparais trop longtemps, je crains de me faire proprement décapiter, souffla-t-il. Alors, même si je ne suis plus très sûr de tenir à la vie, je vais me hâter de revenir.
Il lui adressa un clin d'oeil et s'en fut en direction de la salle d'eau. Pour les promenades dans le jardin, il attendrait d'avoir obtenu l'autorisation de Galathée;

La journée se passa toute entière dans une calme tranquillité. Les trois prêtresses se relayèrent auprès des jeunes parents pour qu'ils puissent se reposer et même prendre l'air en couple. Leur sérénité face à tous les petits tracas obligatoires de la naissance était contagieuse, et peu à peu, Taliesin, Galathée, mais aussi les bébés, entrèrent dans un rythme moins tendu. Blanche prédit qu'ils seraient des enfants faciles et que leur connexion gémellaire en ferait des êtres rapidement indépendants de leurs parents. Il fallait cependant les nourrir souvent, et Galathée n'avait souvent que des pauses de deux heures entre les séances d'allaitement. Helen lui expliqua les différentes possibilités pour toujours le faire en même temps. Il fallait trouver le juste équilibre entre les besoins des bébés et la nécessité d'une certaine organisation. Après les repas, rot et change se passaient de plus en plus aisément, puis l'une ou l'autre en berçait un, tandis que Taliesin se chargeait du deuxième. Galathée essayait, quand elle ne dormait pas, de se nourrir. Tout semblait apaisé, désormais, à mille lieues de la nuit agitée.
En fin de journée, Alexandre, Perceval et les garçons revinrent. Ils étaient fatigués et n'avaient pas récupéré Kerun, mais le clerc de Chauntéa ne voyait nulle raison de s'en inquiéter : l'elfe n'avait pas promis de rentrer promptement.
Les enfants obtinrent la permission d'aller dire bonsoir aux bébés et à leurs parents avant de battre en retraite dans la salle à manger. Helen annonça à Taliesin et Galathée qu'elle couvrirait la première partie de la nuit, et que Zora s'occuperait de la seconde. A présent qu'ils avaient survécu seuls à la toute première, il n'était nul besoin qu'ils continuent à souffrir sans raison. Elle conseilla cependant à Taliesin de choisir une petite berceuse rituelle, qui aiderait les enfants à comprendre que le moment était venu de dormir. A force de répétition, elle serait susceptible de faire des miracles...

S'il pensa spontanément au chant de ralliement de sa cité natale, il repoussa aussitôt l'idée : celui-ci n'avait pas pour but d'endormir, sans compter qu'il était trop lourd de sens et que l'elfe préférait le réserver pour de grandes occasions. Il opta plutôt pour la berceuse dont ses parents adoptifs avaient usé pour la grande fratrie dont il était devenu l'un des membres. Il s'en souvenait parfaitement et c'était un beau moyen, songea-t-il, de leur rendre hommage.
Pour le reste, si la journée avait été beaucoup plus paisible que prévu, si la nuit promettait d'être moins épuisante que la précédente, il savait qu'il ne dormirait pas énormément malgré tout : il y aurait du travail et, surtout, il tenait à faire en sorte que Galathée puisse se reposer un maximum. Bref, il ne se mêla guère aux autres, préférant profiter d'un surcroit de calme, prendre encore quelques forces.

Comme Taliesin l'avait prévu, la nuit fut plus tranquille. Les bébés étaient agités, mais Helen était sur la brèche, et elle lui permit de prendre plusieurs heures de repos, malheureusement entrecoupées d'urgences. Galathée se contentait d'allaiter, puis de se rendormir, dans un état second. Elle parvenait à se rendormir à une vitesse incroyable, quelques secondes seulement après avoir donné le sein. Le temps parut long au barde, cependant, mais il découvrit le pouvoir apaisant de sa voix, de son souffle, aussi, quand il parvenait à calmer un bébé juste en le gardant redressé contre sa poitrine, assis sur le lit. La prêtresse de Lathandre se mouvait comme une ombre, sans déranger, survenant en appoint comme si elle percevait les difficultés ou les tensions.
Quand le soleil se leva, il était claqué, épuisé, courbaturé, mais moins, quelque part, que ce à quoi il aurait pu s'attendre s'il avait dû enchaîner deux nuits aussi dramatiques que la première.
Helen le laissa un moment pour aller quérir le petit déjeuner tandis que sa bien-aimée et leur progéniture dormaient à nouveau tranquillement dans l'aube printanière.

Bon, ils allaient peut-être s'en tirer, après tout ! Grâce à l'aide des prêtresses, ils pourraient plus sereinement prendre leurs marques, trouver leur rythme, découvrir de meilleures techniques pour satisfaire et apaiser les jumeaux... Bien sûr, lorsque l'heure du grand départ aurait sonné, ils devraient probablement se débrouiller seul. Mais sans doute le moment critique serait-il alors passé...
C'est avec ces réconfortantes pensées en tête que l'elfe se dirigea vers la cuisine. Une fois sustenté, il laisserait la vaillante Helen vaquer à ses occupations et gérerait les bébés jusqu'à ce que Blanche ou Zora viennent lui prêter main forte. Ensuite, ce serait une petite transe elfique, histoire de se remettre sur pied...

La Couronne de Cuivre

[Quête] Le Domaine des Crocus