La Couronne de Cuivre

Quête : Le début de la faim

Valentine demeurait assise sur le lit, sans tenter de surprendre quoi que ce soit.
" C'est offert par le temple. Et ne protestez pas, de toute façon, j'ai oublié combien j'ai payé !"
Elle se pencha pour attraper l'un des paquets et l'ouvrir.
" Mais quand vous porterez ça, pas question d'aller jouer le héros des profondeurs, sinon ce sera la catastrophe. Et un crime."

Quête : le début de la faim

« Ho, n’ayez crainte. A chaque tenue son utilité. Loin de moi l’idée de vouloir partir à l’aventure avec un costume mondain. »
Sauf si bien sûr l’aventure surgissait à l’improviste au beau milieu de la ville, ce qui n’était pas à exclure. Alchem attrapa une serviette et sortit du baquet. Après s’être essuyé, il se la passa autour de la taille, puis observa ses emplettes avec une curiosité certaine.
« Offert par le temple donc... bien. Ce n’était pas prévu ainsi à la base mais je ne vais pas me plaindre. »
Il devait y avoir ici l’ouvrage du tailleur et celui de la chapelière. En revanche,, les bottines neuves étaient dans sa chambre au temple de Lathandre, à moins qu’elles aient été transportés.

Quête : Le début de la faim

Toutes ses affaires avaient été transférées, il retrouva donc ses bottines, son grimoire, tout ce qu'il avait pu laisser dans sa chambre ou sous le cimetière. Le costume qu'il avait commandé chez le tailleur lui allait parfaitement, tout comme le chapeau, et, s'il avait désormais une allure plutôt originale, ce n'était pas exactement la première fois qu'Alchem changeait de peau... Valentine siffla d'admiration.
" Voici le très respectable maître Murmure qui s'avance ! Il faudra faire attention à ne pas vous faire dévaliser, désormais... Enfin, je ne devrais pas dire ça : vous êtes déjà bien assez méfiant comme ça."

Quête : le début de la faim

De peau, certes, mais jamais encore il n’avait utilisé son pouvoir de déguisement uniquement pour changer d’accoutrement. Ou alors, il l’avait oublié. Il s’était fait passé pour des enfants humains, des gnomes des roches très convenables, des gobelins pouilleux, des halfelins malicieux... mais un Alchem élégant, c’était nouveau. Enfin, élégant... l’était-il vraiment ? Peut-être. En tout cas, moins bizarre pour une cité de surface, ça c’était certain. Devant une glace, il observa son reflet avec attention. Il vérifia la disposition de chaque poche. Il s’assura qu’il pouvait toujours dissimulé ses dagues sans difficulté. Il fit quelques pas, jugea qu’il pouvait bouger convenablement. S’il était attaqué, il était à même de se défendre, même si ce n’était pas le but premier. Il retira son chapeau, le remit. Dalius, qui avait terminé sa propre toilette, le fixait, fasciné.
« T’es étrange comme ça », commenta-t-il avec franchise, pas du tout habitué à voir son maître ainsi.
« Cette poche est assez grande pour t’accueillir. Mais tu te sèches correctement avant. »
« Alala, tu commences à faire des chichis ! »
Le gnome fit face à Valentine.
« Il semble que vous ayez été de bons conseils. A nouveau, je vous en remercie. Allons voir maître Avran. »
L’obtention de sa récompense mettrait un point final à cette histoire.

Quête : Le début de la faim

Valentine rougit sous le compliment.
" C'était un plaisir de vous rendre service, Maître Alchem. Nous autres, Sunites, oeuvrons à davantage de beauté... et je pense que ma mission est un succès !"
Elle l'accompagna ensuite dans le dédale de couloirs feutrés du temple, jusqu'au bureau de Maître Avran, où Alchem avait déjà été reçu. Le maître des enchantements sunites était penché sur une pierre rosée qu'il examinait à l'aide d'une lunette de fabrication gnome. Il leva la tête à leur entrée et Valentine se retira, non sans décocher un clin d'oeil au svirfnebelin.
" Bienvenue, mon ami. Installez-vous. J'espère que vous avez trouvé vos appartements à votre goût."

Quête : le début de la faim

« Oui, ils sont parfaits. Je n’ai pas l’habitude de séjourner dans des lieux pareils. Chez moi, tout est plus spartiates. »
Alchem s’installa. Son regard fut naturellement attiré par la gemme rosée. Son amour des pierres précieuses ne manquait jamais une occasion de se manifester. S’agissait-il de sa récompense ? Il ne demanda pas, laissant le responsable des enchantements Sunites poursuivre à sa guise.

Quête : Le début de la faim

" Le goût d'une certaine esthétique fait partie de notre formation, dit le Sunite avec un léger sourire. J'espère que cette ostentation ne vous met pas trop mal à l'aise."
Il se carra dans son siège.
" Je suis encore désolé de vous avoir envoyé dans une aventure aussi périlleuse. Je me doutais qu'il y avait quelque chose de douteux là dessous, mais pas à ce point là, je dois dire."

Quête : le début de la faim

« Mal à l’aise ? Non. Pas spécialement. C’est nouveau, voilà tout. Et si j’ai entrepris mon voyage à la surface, c’est justement pour pouvoir découvrir de nouvelles choses. Concernant la mission, vous n’y êtes pour rien. Ce qui a été pour nous le plus éprouvant, ça a été le détour par le complexe Drow. Un imprévu provoqué par un incident de téléportation. C’est le sortilège qui est ainsi. »
A aucun moment Alchem n’avait eu l’impression de pouvoir blâmer ses commanditaires. Il s’avait d’expérience que tant de choses en cachaient d’autres, que ce qui semblait simple ne l’était pas forcément et que, à son grand dam, il n’était pas possible de se prémunir de l’imprévu.

Quête : Le début de la faim

" Je suppose. Mais vous nous avez ramené tous nos disparus. Vu les circonstances, c'était inespéré. Nous vous devons beaucoup."
Il se carra dans son siège et croisa les bras.
" Avez-vous une idée de la forme que vous aimeriez voir prendre à l'artefact que je vous ai promis ? Les capes sont généralement fréquentes, mais j'ai l'impression que ce n'est pas le genre de choses qui va vous arranger, vu votre profession."

Quête : le début de la faim

Alchem se laissa un petit instant de réflexion. Il observa la pierre rosée qui ne pouvait qu’être l’artéfact en question. Finalement, il déclara :
« Un pendentif, ce serait bien. Avec une chaînette élégante mais discrète. Ainsi, j’aurai tout le loisir de le montrer ou de le cacher selon la situation. »[/color]
Il disposait déjà d’un pendentif mais celui-ci ayant perdu toute magie après la confrontation contre le Despote, il pouvait tout aussi bien le garder dans une poche. L’important, c’était qu’il le porte, vu la valeur sentimentale de l’objet.

HRP : je disposais d’un charme antipoison, mais le personnage a déjà bien assez de capacité comme ça. Je ne veux pas m’y perdre moi-même. Je profite d’un élément introduit par Kasumi pour m’en débarrasser.

Quête : Le début de la faim

" Très bien. C'est sans doute le plus facile."
Il laissa la pierre rosée sur la table et alla fourrager dans un tiroir, dont il extirpa une chaînette argentée de belle facture. A son extrémité se trouvait un petit cadre d'argent qui n'attendait que la gemme dont on voudrait bien le décorer. Il y posa la pierre rose et incanta ensuite à mi-voix. Une lumière dorée s'échappa de ses doigts et vint frapper le joyau, le noyant une seconde. Ensuite, la poussière se dissipa et il releva les yeux, avant de tendre l'objet à Alchem.
" Voici. J'ai lié la pierre à la chaîne avec un sortilège, pour minimiser les risques de perte. Le charme qui imprègne l'agathe ne vous rendra pas irrésistible... mais vous ne devriez plus attirer le regard pour de mauvaises raisons et les gens devraient davantage vous faire confiance. Cela dit, je n'ai pas l'impression que vous ayez besoin d'un quelconque artefact pour vous attirer la sympathie de vos compagnons."

Quête : le début de la faim

« Cet objet ne sera effectivement d’aucune utilité pour le regard de mes compagnons. C’est face au regard des inconnus qu’il m’aidera. J’ai pour vocation de me fondre dans le décor. Chez moi, dans les profondeurs, la tenue grise est de rigueur. Je suis tel la roche dans un monde de roche. Ici, les règles sont différentes. Je m’y plie. »
Alchem saisit le pendentif et le mit à son cou. Ses traits faciaux se muèrent subtilement de sorte qu’on ne puisse plus les qualifier de disgracieux. Désormais, le commun des mortels allait sans doute le prendre pour un petit homme à la peau grise, plutôt que comme un gobelin. Son apparence demeurait exotique cela dit.
« Merci pour le bijou. Si d’aventure vous avez encore besoin d’un spécialistes des cavernes, n’hésitez pas à me contacter. Je suis toujours prêt à aider. »
Si la discussion était close, le gnome allait retourner dans ses appartements. Il y passerait la nuit, il avait grand besoin de repos. Et le lendemain, il partirait.

HRP : si tu n’as rien à ajouter, fais-moi signe par MP et je fais déplacer mon personnage à la Bienveillance. Encore merci pour cette histoire !

Quête : Le début de la faim

Avran sourit et se carra dans son siège.
" Bonne route, messire Murmure, et bonne chance parmi les gens de la surface. Nous ne manquerons pas de songer à vous si nous avons jamais besoin de retourner dans les sous-sols."
Le Sunite prit ensuite congé et le gnome put retourner à ses affaires...

HRP : tu es libre

Et c'était avec plaisir (f)

Intermède épistolaire

Il faisait nuit depuis des heures mais le temple bruissait, comme toujours, de mille et un murmures. Alors que leurs voisins de lumière dormaient sous le couvert de l'ombre, les Sunites se mouvaient, immanquablement, comme s'il était vital pour eux d'emplir l'ombre de mouvement. Soren ne dormait pas plus que les autres, même s'il était seul. Il était en train de terminer une sculpture, et lorsqu'il était pris par sa fièvre créatrice, le sommeil, la nourriture, les étreintes, tout devenait complètement accessoire. C'est aussi la raison pour laquelle il avait laissé cette enveloppe sur le coin d'une table, pendant plus d'une veille, peut-être deux, sans l'ouvrir. Il savait d'où elle venait : c'était écrit dans son odeur de mer, dans le papier froissé, dans l'écriture élégante qui mentionnait son nom sur le vélin. Il craignait qu'elle affecte son élan, d'une manière ou d'une autre. Pourtant, il était curieux. Un peu fatigué, aussi : il devait bien être passé la minuit depuis deux ou trois heures, ce fichu soleil estival ne tarderait plus à pointer son nez. Et son oeuvre était presque terminée, une question de jours à présent. Les finitions ne risquaient rien d'un courrier, tout bien considéré... Aussi prit-il son courage à deux mains et l'ouvrit-il enfin...

"Cher Soren,
j'ai mis plus de temps à t'écrire que je l'aurais voulu. Et il s'est passé plus d'événements à Manost que je ne l'aurais jamais crû.
A mon retour, j'ai appris que les tyrites pouvaient de nouveau circuler librement en ville à condition de se faire discrets. Les suites d'un accident odieux survenu lors d'une émeute portée contre notre commanderie, entraînant la mort de plusieurs novices et personnes trop âgées pour quitter la ville. Cet événement fut à la l'origine d'une prise de conscience relative ... Manost n'a rien à voir avec Melandis et ce genre de débordement n'est heureusement pas monnaie courante. Le gouvernement manostien, pour calmer les esprits a donc autorisé les tyrites à regagner la ville, sans doute dans une tentative d'apaisement.
J'ai rencontré certains de mes co-religionnaires, pour la plupart des amis. Ils sont partagés entre différentes attitudes. Certains ressentent la frustration de devoir à jamais rester dans l'ombre du Conseil - de par notre capacité à promulguer décrets et lois - sans jamais pouvoir y accéder. D'autres ressentent une culpabilité certaine qu'ils ne supportent pas. L'une de nous est devenue tormite, un autre s'est engagé dans l'armée pour "rattraper les erreurs" de notre dieu. D'autres en veulent à la population entière pour l'accident. Certains sont plus dans une logique de rapprochement envers les autres obédiences. Je ne sais pas vraiment vers lequel pencher. Je suis et je resterai tyrite, c'est ma seule conviction pour le moment.

La commanderie étant pour le moment inhabitable, je vis pour le moment chez Morgan. Les premiers temps dans la grande maison vide ont été difficiles. Avant une arrivée pour le moins inattendue. Elle s'appelle Amélie. Et jusqu'à il y a quelques jours, j'ignorais tout de son existence. Amélie est la fille de Morgan et elle a vingt cinq ans. Elle s'est rendue à Manost pour la rencontrer. Elle n'a trouvé que moi. Heureusement, elle n'est pas seule. Elle a ses parents adoptifs et son compagnon à Cojum. Elle a demandé à rester ici quelque temps. J'ai accepté. Ce n'est pas très facile ni pour elle ni pour moi. Mais au bout du compte, nous nous épaulons. C'est une personne à la fois vive et tranquille qui pourrait facilement tenir tête à Moïra. Elle est d'ailleurs tombée sur les deux pièces d'échec que tu m'as offertes. Elle les a trouvées magnifiques et projette de créer une collection parallèle entièrement en verre. Son père est un artiste verrier et elle a été longtemps son apprentie. Elle exerce le métier de barde.

C'est plutôt étrange mais depuis que je sais qui elle est, je m'en sens responsable ... Et c'est très difficile. Je n'étais pas préparée à cet attachement là. Et heureusement, elle est adulte et sait se défendre. Mais Manost a changé. Pas plus tard qu'hier, un garde lui a posé des questions simplement parce qu'elle est nouvelle en ville et qu'elle portait une tunique rouge ! Je ne reconnais plus ma ville.

La grisaille est toujours omniprésente et laisse très peu passer le soleil ... Pourrais-tu en envoyer un peu de Lumenis ? Et toi, comment vas-tu ? J'espère que cette lettre te trouvera en bonne forme. Amicalement."

Au terme de sa lecture, il reposa la lettre et se leva pour chercher du parchemin. Autant répondre immédiatement...

Quête : Un autre appel

Arrivant du quartier portuaire, cette fois sans faire de mauvaise rencontre, Chandara atteignit à nouveau le temple de la déesse aux cheveux de feu. Les jardins étaient toujours relativement calmes, mais il s'y trouvait désormais quelques personnes qui musardaient entre les statues, les fontaines et les parterres fleuris. Il faisait déjà bon et la grille était entrouverte sur le chemin de sable blond qui menait au parvis...

Chargée de ses roses, Chandara avait traversé les beaux quartiers avec un soupçon de nervosité qui n'était cette fois plus du tout dû à sa rencontre matinale avec le marin imbécile. Non, elle s'apprêtait à accomplir l'un des actes les plus difficiles de son existence et - parvenue devant la grille entrouverte du jardin du temple de Sunie - elle faillit bien y renoncer et s'enfuir en courant en maudissant ses élans impulsifs. Mais Sullyan lui avait conseillé de s'ouvrir au monde et ses mentors nains d'autre fois à affronter ses peurs et ses craintes en faisant front. De chercher toutes les occasions de les dépasser et de se jouer d'elles. De combattre le feu par le feu. Le feu de la timidité qui lui brûlait les joues en l'occurrence. A présent, elle ne pouvait plus reculer sans s'en vouloir à tout jamais alors elle fit ce qu'elle savait le mieux faire : elle s'avança vers la première personne qu'elle put identifier comme un clerc, peu importe son grade ou qu'il s'agisse d'un homme ou d'une femme. Elle avait l'intention de répéter l'opération jusqu'à épuisement de son petit stock mais le premier pas était certainement le plus éprouvant :

- Bonjour, puis-je vous offrir une rose pour célébrer cette belle journée ?

Elle avait réussi à trouver les mots qu'elle s'était répété des dizaines de fois et paraissait avoir trouvé la bonne intonation malgré la crainte de paraître parfaitement ridicule.

Le clerc, un jeune homme d'environ vingt-cinq ans, sourit à la jeune femme en prenant la fleur.
" Oh... Charmante attention... mais vous gardez la plus belle rose du lot... A qui l'offrirez-vous, je me le demande..."
Il avait dit cela avec aplomb, en la regardant droit dans les yeux, qu'il avait fort beaux au demeurant.

Le jeune clerc était un peu intimidant avec ses jolis yeux et son franc parler mais Chandara ne détectait aucune malice dans son attitude et ses propos au contraire du marin de sinistre mémoire. Elle ne détourna donc pas le regard et lui sourit même alors qu'elle gagnait en assurance, faisant mention de ne pas comprendre en partie par jeu :

- La plus belle rose du lot, vous dîtes ? Pardonnez-moi mais je viens d'arriver en ville et vos expressions me sont encore un peu étrangères. Que voulez-vous dire par là ?

Elle avait répondu avec un certain aplomb dont elle n'était pas peu fière, elle aussi, son sourire malicieux en témoignait.

" Belle et naïve, attention à vos pétales, gente dame, il y en aura pour les effeuiller..."
Il leva les yeux au ciel.
" Mais dites-moi plutôt pourquoi vous venez semer des roses dans les jardins de Sunie ? C'est votre anniversaire ? Ou vous cherchez la bénédiction d'une union ? "

Elle avait rougi de sa réponse bien sûr et repensé aussi aux événements du matin : oui, elle allait devoir apprendre à se défendre et pas seulement à la manière des paladins... Elle demeura silencieuse et songeuse l'espace d'un instant avant de trouver la réponse au fond de son cœur, ne se souciant plus de la naïveté de sa démarche :

- Faut-il vraiment une raison pour semer un peu d'affection et de reconnaissance ? Non, je viens simplement d'arriver en ville et c'est quelque-chose que j'avais envie de faire... Et puis on ne répond pas à une invitation en se présentant les mains vides, n'est-ce pas ? Peut-être n'ai-je pas amené assez de roses pour en offrir à chacun d'ailleurs : je n'ai pas pris le temps de me renseigner avant sur votre nombre.

" Un rendez-vous ? Vous feriez mieux d'offrir vos roses à la personne qui vous a donné rendez-vous, dame, où elle pourrait être extrêmement jalouse de se voir rabaissée au rang de n'importe quel autre prêtre errant dans les couloirs... Si par contre, c'est avec Sunie que vous avez rendez-vous... Vous devriez aller poser vos roses au pied de sa statue, dans la nef... Dites-vous que de toute façon, plus de la moitié des prêtres sont dans des endroits ou en train de faire des choses qui ne supportent pas trop l'intrusion, aussi belle soit-elle..."

La jeune-femme fit un bel effort pour tenter de ne pas rougir à cette évocation ce qui ne fut évidemment pas couronné de succès. Elle conserva tout de même assez d'aplomb pour répondre calmement :

- En fait, j'ai rencontré trois de vos confrères hier mais un seul m'a donné son nom. Et il ne m'a pas vraiment donné rendez-vous personnellement, il m'a simplement invité à venir découvrir votre temple. Alors je crois que c'est ce que je compte faire en rencontrant ses habitants visibles sauf si vous pensez que je pourrais déranger. Quant à votre Dame, jamais je n'aurais la prétention de penser qu'elle ait pu me donner un rendez-vous sauf si le fait de tomber amoureuse s'apparente à une invitation bien sûr !

Elle balaya du regard le jardin autour d'elle et esquissa une grimace :

- Accepteriez-vous de me faire faire une visite ? Vous devez être très occupée bien sûr mais ainsi j'aurais moins l'impression d'être une intruse.

" Pourquoi pas ?" dit le jeune homme.
Châtain, le regard vert, il sourit à la promeneuse.
" Mais je ne me suis pas présenté. Je me nomme Kenan. Ici... Vous êtes dans les jardins. C'est un lieu de rendez-vous prisé, comme vous pouvez l'imaginer."
Il se tourna vers Chandara.
" C'est quand même bizarre, cette histoire de visiter. Les temples sont des lieux de vie... pas vraiment des monuments."

Avant de répondre à sa question, la jeune-femme entreprit de se présenter à son tour pour que l'échange puisse se faire sur un pied d'égalité :

- Enchantée Kenan. Je ne vous ai pas non plus donné mon nom et j'imagine que c'est ici aussi la coutume : je m'appelle Chandara et je suis arrivée hier de Manost. Nous n'avons pas vraiment d'équivalent chez moi et c'est la première fois que je me rends dans un temple consacré à Sunie. Alors plus qu'une visite, c'est une découverte.

Elle jeta un regard neuf sur la nature qui les entourait, sur les centaines de petit coins discrets qui pouvaient abriter les promeneurs... et les amoureux.

- Ces jardins sont magnifiques et il me semble que les luméniens accordent beaucoup d'importance aux beautés de la nature : mon amoureux m'a fait découvrir le parc, hier.

Le clerc sembla ne pas relever l'allusion à un "amoureux".
" Bon, et bien... Voici les jardins de Sunie. Nous en prenons grand soin, comme de toute belle chose, car la beauté est le reflet de l'âme. Ensuite, il y a le temple proprement dit... Où vivent les clercs, comme dans n'importe quel temple, et où se recueillent les fidèles."
Il se dirigea vers les marches du perron.
" C'est évidemment le plus beau temple de Luménis, en cela vous avez l'oeil. Mais c'est normal : les choses belles s'assemblent et répugnent à se contenter du laid, du vulgaire ou de l'ordinaire."

Toujours chargée de ses roses, Chandara suivit le prêtre en silence vers les marches non sans une certaine appréhension sur ce qu'elle allait trouver à l'intérieur : il circulait tant de rumeurs sur les temples dédiés à la Dame aux cheveux de feu mais elle n'en avait entendue aucune émanant de vrais connaisseurs.

Tout ce qu'elle voyait jusqu'ici était agréable à l'œil et guère choquant à moins d'être particulièrement puritain. A moins d'être un pur manostien en fait... C'est en tout cas avec les yeux grand ouvert pour satisfaire sa curiosité qu'elle pénétra pour la toute première fois dans le temple proprement dit.

Le Temple débutait par une galerie aux miroirs surplombée de vitraux jaunes et roses. L'effet était pour le moins stupéfiant, car Chandara put voir sa propre silhouette, sa robe légère, sa chevelure rousse, son bouquet de roses, reflétés des milliers, des millions de fois, jusqu'à l'infini, grâce au jeu adroit des glaces. Le sol était heureusement couvert de marbre clair, limitant les risques de vertige induits par l'illusion d'optique. De temps en temps, l'oeil trouvait un répit grâce à une tenture de lin crème, ou une statue, qui rompait l'étendue argentée.
Ils débouchèrent ensuite sur une vaste salle en forme d'oeuf, où se trouvait une grande statue de la déesse. Elle avait été peinte de couleurs réalistes, si bien qu'on avait l'impression d'être en présence d'une géante absolument magnifique, à la beauté époustouflante, qui renvoyait les mortels à leur juste niveau. Le jeune clerc qui accompagnait Chandara s'inclina respectueusement devant l'oeuvre d'art.

Et Chandara l'imita sans hésitation, touchée par la beauté intemporelle et surnaturelle de l'œuvre et de ce qu'elle représentait. A tel point que la jeune-femme resta plusieurs secondes en admiration, les yeux levés vers le visage peint, avant de pouvoir revenir à la réalité et admirer le reste de la salle.

Et pourtant elle revint bien vite à la grande statue tant elle était admirable : on se sentait étrangement galvanisé en l'admirant, comme si elle incitait à se dépasser pour faire en sorte de lui être digne.

- Elle est vraiment époustouflante, murmura-t-elle dans un souffle respectueux avant de s'avancer d'un pas hésitant vers l'autel à offrandes qui se situait à ses pieds. Ses roses lui semblèrent soudain bien ordinaires mais elle avait tout de même l'intention de les déposer avec une prière adressée à la déesse de l'amour. Pour la remercier de la belle rencontre que la vie lui avait ménagée. Pour la remercier que ses sentiments soient réciproques. Une prière pour tout ce qui lui restait à découvrir et à vivre de merveilleux.

" Comme il se doit." dit le clerc avec un sourire.
Il laissa Chandara déposer ses fleurs tout en laissant courir son regard sur la pièce. Ils n'étaient pas seuls. Deux autres fidèles étaient agenouillés, en prière, un peu plus loin. Un couple était enlacé sur la gauche, sur l'une des banquettes recouvertes de velours qui parsemaient le pourtour de la salle. Deux clercs discutaient d'une aquarelle suspendue près de la sortie, manifestement peu enchantés, jusqu'à ce que l'un des deux la décroche et l'emmène. Tous portaient le rouge vif des Sunites, et des échancrures et décolletés qui laissaient bien entendre que s'ils avaient pu, ils n'auraient rien porté du tout.

En tout autre lieu et notamment dans ceux que Chandara avait fréquentés jusqu'ici, leurs tenues auraient paru plus scandaleuses encore que la nudité. Mais sous le regard pénétrant de la statue, dans un lieu où tout était magnifiquement beau, la jeune-femme ne les trouvait pas déplacés. Bien sûr, elle ne s'imaginait même pas se vêtir de la sorte mais tous les clercs étaient si harmonieux que cela rendait très bien sur eux.

Sa prière silencieuse achevée, Chandara se redressa et évita tout de même de laisser son regard s'attarder sur le couple célébrant l'amour. Non pas que cette vision la gênait mais ils avaient bien droit de goûter l'intimité de ce moment et les voir lui donner une furieuse et dérangeante envie de retrouver un grand blond au beau regard clair.

Elle se racla la gorge en tentant de chasser cette vision séduisante et rejoignit plutôt son guide improvisé en lui décochant un sourire timide :

- Je vous remercie de m'avoir amenée jusqu'ici, Kenan. C'est vraiment un très bel endroit même s'il semblerait que ma tenue tranche un peu avec celle de vos fidèles. A ma décharge, on ne trouve pas d'étoffes aussi délicates au sud de Dorrandin.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Temple de Sunie