La Couronne de Cuivre

- Mmm.... d'accord.... si tu y tiens tant...
Sylvia l'embrassa encore une fois, toujours aussi passionnément, puis s'écarta légèrement de lui... mais au lieu de se diriger vers le feu à allumer, le rôdeur la vit retirer sa tunique, lentement. Puis ses chausses. Avec des gestes langoureux et suggestifs.
- Tout ce que je veux, tu as dit ? Alors, une fois que j'aurai allumé le feu, je veux un massage intégral de toutes les partie de mon corps... Et ensuite... tout ce que tu voudras me faire d'autre... mais interdiction d'agir tant que l'oie n'est pas sur le feu..., ajouta-t-elle avec un clin d'oeil.
Sans se presser, elle s'approcha du tas de bois, l'arrangea au mieux, et s'accroupit pour allumer le feu. Elle ralentissait volontairement ses gestes, sans doute pour le rendre fou de désir. Une douce torture...

Les yeux de Kasumi s’écarquillèrent quand il comprit qu’elle avait l’intention de jouer avec son désir. Mais même sachant qu’il aurait toutes les peines du monde à résister, il ne parvint pas à détourner le regard quand elle retira sa tunique et exposa langoureusement ses deux seins parfaits, si joliment galbés qui appelaient immanquablement les caresses et les baisers. Sa gorge s’assécha rien qu’en y songeant mais la douce torture qui l’attendait ne faisait que commencer : il sentit son intimité se durcir aussitôt qu’elle acheva de se dénuder, révélant ses hanches, ses cuisses, ses jambes longues et finement ciselées par des années d’exercices constant. Elle se détourna juste au moment où il se sentait avancer vers elle malgré sa volonté vacillante, comme un somnambule. Son regard l’explora à nouveau sans que ne diminue en rien l’excitation qui s’était emparée de lui. Et ce n’était pas la vue de sa longue chevelure parvenant presque jusqu’à ses hanches et celle de son très joli arrière train cruellement mis en avant qui avaient une chance de calmer les ardeurs du demi-elfe.

Se sentant à deux doigts de perdre totalement le contrôle, le demi-elfe entreprit de décortiquer frénétiquement l’oiseau sauvage et à embrocher sur un bâton les parties qu’ils devraient faire cuire dès que le feu aurait pris. Le feu qu’avait allumé Sylvia était largement assez ardent quand il la rejoignit avec précipitation et murmura au creux de son oreille en l’entraînant doucement vers le sol : « Tu me rends complètement fou. »

Sans qu’il ait seulement pris la peine de retirer ses propres effets, ses mains se posèrent instantanément sur ses épaules dénudées pour les lui masser mais il fut incapable d’en rester au massage chaste qu’il avait envisagé quelques minutes plus tôt. Il fit néanmoins preuve d’une maîtrise qui l’étonna lui-même en laissant courir ses mains de ses pieds à sa nuque à plusieurs reprises et en prenant force détours attendus ou non. Alors seulement il se laissa aller à lui offrir bien davantage, ce qu’ils désiraient tant et plus, une fois encore…

Sylvia répondit avec fougue à son étreinte, le regard brillant de bonheur, fière du désir qu'elle avait su allumer en lui. Le feu flambait joyeusement, les inondant tous deux de reflets rougeâtres mouvants. Mais leur passion était cent fois plus ardente.
la nuit était tombée, et ils avaient la sensation d'être seuls au monde... A l'exception d'un petit gland qui s'écrasa sur la tête de Kasumi lorsque, allongé contre sa compagne, il se laissait aller à la langueur qui les avait tous deux saisis. Mais ce n'était qu'un gland tombé par hasard. Et les frôlements qu'il crut entendre ensuite n'étaient que le bruit du vent dans les branches... d'ailleurs, ils cessèrent bien vite, au moment où le vent tombait.
- Je crois que l'oie est cuite... murmura Sylvia, lui déposant un léger baiser sur les lèvres avant de se redresser lentement.

Kasumi avait tout d’abord cru qu’on les espionnait et cela avait suffi à l’arracher nerveusement à la bienheureuse langueur qui avait suivi leurs ébats. Si c’était selon toute vraisemblance une fausse alerte, elle donna cependant le signal d’un départ imminent. D’autant que les odeurs émanant du petit feu signalaient que la cuisson de l’oiseau était largement achevée. Il enfila ses chausses pendant que Sylvia retirait la nourriture d’au-dessus du feu puis il s’approcha d’elle sans un bruit et lui caressa lentement le dos et les cheveux :

- Tu avais quelques feuilles. Mmmh, t’ai-je déjà dit que ta peau est merveilleusement douce mon amour ?

Il la sentit doucement frissonner sous la caresse, et devina qu'elle faisait un effort sur elle-même pour ne pas se retourner immédiatement.
- Oui... Mais je ne me lasse pas de l'entendre...
Elle persista à lui tourner le dos encore un moment, découpant rapidement la viande d'une main qu'il devinait un peu tremblante. Puis elle se redressa, se tourna enfin vers lui pour l'enlacer, les yeux brillants de passion.
- Et je ne me lasse pas de tes caresses, de ton corps, de ta chaleur, de faire l'amour avec toi... On risque de ne pas en avoir souvent l'occasion les nuits à venir...
Elle l'embrassa à nouveau.
- On a bien fait d'en profiter... Et... Si on recommençait, d'ailleurs ?
Un nouveau baiser, plus passionné. Interrompu par le sifflement strident de la note la plus aiguë du pipeau de Tilmandil. La rôdeuse grimaça, et s'écarta en soupirant.
- Ils s'impatientent on dirait...

La façon dont il sentait Sylvia réagir à ses caresses était un encouragement à les poursuivre. Et la lueur dans son regard quand elle lui fit enfin face était une récompense à la mesure de son amour passionné pour elle. La douceur de ses mots lui fit perdre les siens et il se contenta de l’enlacer pour y répondre, laissant glisser ses mains sur ses reins avec un soupir d’aise. La note de flûte le fit néanmoins sursauter et interrompit la suite qu’il comptait donner à ses nouvelles caresses. Cette fois, son soupir était dépité mais il prit le temps d’embrasser la rôdeuse avant de s’écarter d’elle.

- Il y aura d’autres nuits ma belle. Des centaines, des milliers… Et des jours aussi !

Il prit soin d’éteindre le feu sans perdre une miette de la jeune femme en train de s’habiller puis il emballa la viande dans un lit de feuilles pour la mettre dans son sac sans le salir. Seulement alors, il rejoignit sa belle rôdeuse et lui saisit la main :

- Laisse-moi te guider !

Sylvia glissa sa main dans la sienne.
- Guide-moi jusqu'au bout du monde... lui souffla-t-elle à l'oreille, avant de se hisser sur la pointe des pieds. Elle n'y voyait goutte, et il ne put savoir si elle avait visé ses lèvres ou sa joue, mais le baiser atterrit juste à la commissure de ses lèvres.
Elle serra doucement sa main, signe qu'elle était prête.

Même avec sa vision elfique, Kasumi eut quelques difficultés à rejoindre le radeau : Tilmandil et Eärundra l'avaient déplacé, l'amarrant au beau milieu d'un bouquet d'arbres pour mieux le dissimuler. Les deux elfes étaient invisibles, mais un nouveau gland reçu inexplicablement au beau milieu de son crâne incita Kasumi à lever la tête et à découvrir Eärundra, perchée sur le plus haut des hamacs, un sourire taquin aux lèvres. Le couchage de Tilmandil était sur l'arbre voisin, et un troisième hamac, de grande taille, les attendait un peu plus loin.
- Il fait faim... On a mangé des fruits, mais ça ne nourrit pas son elfe... Et vu les odeurs qui se dégageaient de votre feu, j'imagine que vous avez mieux à nous proposer ?

Bien qu’il soit soulagé de retrouver leur campement, Kasumi se mit à rougir à la dernière remarque de Tilmandil. S’il avait été assez proche pour capter l’odeur de cuisson, s’était-il approché assez près pour les surprendre tandis qu’ils faisaient l’amour ? Non, même le barde facétieux qu’il était aurait respecté leur intimité. Enfin, il n’en était pas si assuré. Et se pouvait-il que le gland qu’il avait déjà reçu sur la tête indique une complicité d’Eärundra ? Mieux valait ne même pas évoquer cette possibilité et surtout pas en présence de Sylvia. Mais il se moquait de ce que pouvaient bien penser les deux elfes de leur idylle aussi fit-il un effort pour répondre d’un ton léger à la remarque de son demi-frère :

- Grâce à Sylvia, nous aurons tous de la viande à manger. Y compris Léo ! Cela lui évitera peut-être de me considérer comme un en-cas potentiel pendant quelques heures.

Il se retint d'ajouter que c'est pour cela qu'ils avaient allumé un feu et avaient mis du temps à revenir mais ça aurait immanquablement été prêter le flanc à d'impitoyables taquineries.

Mais Tilmandil et Eärundra semblaient décidés à tenir leur langue. Peut-être pour ne pas être privés de viande ? Toujours est-il qu'ils n'ajoutèrent rien, se contentant de descendre de leurs perchoirs et de rejoindre le radeau.
Léo était déjà là, lui, reniflant d'un air appréciateur la sacoche de Kasumi, sans toutefois le quitter des yeux. On le sentait encore tendu.... mais affamé. Il ne fit qu'une bouchée de la maigre carcasse d'oie, et lorgna avec dépit les aventuriers qui se partageaient la viande cuite.
- Promis, mon grand quand on aura quitté ces marais, on te trouvera du gibier digne de ce nom..., lui expliqua Eärundra d'un ton désolé en le caressant doucement, avant de se tourner vers les rôdeurs.
- Organise-t-on un tour de garde ou vous sentez-vous suffisamment en sécurité dans les branchages ? Je n'ai rien repéré de particulier dans les environs, la plupart des animaux vivant par ici sont aquatiques, mais on peut jamais être absolument certain de rien...

Kasumi était désolé pour l’animal qui devait être de plus en plus affamé mais si ses calculs étaient bons, ils pourraient enfin retrouver la terre ferme le lendemain ou le surlendemain. S’ils n’avaient pas trop dévié de leur trajectoire et s’il n’avait pas mal interprété la carte en tous cas. La question de la druidesse n’était pas dénuée de sens et le rôdeur y songea pendant un moment tout en dégustant lentement sa part de viande chaude. Il répugnait à relâcher sa vigilance dans cet environnement plutôt hostile mais tous avaient besoin de repos et il devait reconnaître que l’aménagement de leur campement était à la fois discret et sécurisé. Il répondit donc d’un ton plus assuré que ce qu’il ressentait réellement :

- Je crois qu’un guetteur ne pourrait pas nous protéger des rares dangers que nous pourrions redouter dans ces arbres. J’imagine que Léo restera sur le radeau donc ce serait le plus exposé. Donc si vous voulez instaurer un tour de garde malgré tout, je me rangerai à votre avis quoique nous ayons tous besoin de repos pour aborder la dernière partie de notre périple dans les marais. Et ce qui nous attend au-delà. Je dois reconnaître que cette zone ne m’est guère familière cela dit.

Il tourna son regard vers Sylvia pour lui laisser l’occasion d’intervenir en espérant qu’elle le verrait grâce à la lumière des étoiles qui rendait la nuit un peu moins obscure.

Le couvert des arbres était trop obscur pour que Sylvia puisse apercevoir son regard, mais elle dut deviner qu'il se tournait vers elle car elle hocha la tête.
- Je pense moi aussi que nous pouvons dormir sans grand risque. Léo saura sans doute nous prévenir si quelque chose se passe...
- Oui, il ne dort souvent que d'un oeil, et s'est reposé toute la journée sur la radeau. Une bonne nuit de sommeil nous fera du bien à tous. Et puis, je me lèverai très tôt, comme d'habitude.
Tilmandil se rangea à leur avis, mais ajouta :
- Je pense que je dormirai mal, moi aussi, là-haut... Donc je risque de monter la garde bien involontairement une partie de la nuit...
- Tu te trompes... on dort merveilleusement bien dans un hamac, tu verras ! Bien mieux que sur le sol en tout cas...

La décision étant prise, il ne leur restait plus qu'à regagner leur couchage. Sylvia chercha à tâtons la main de Kasumi, silencieuse. Elle n'y voyait goutte, et aurait besoin de son aide pour rejoindre leur grand hamac de lianes.

Quand Sylvia saisit sa main, Kasumi souhaita la bonne nuit aux deux elfes avec une certaine pointe d’impatience qu’il ne parvint pas à dissimuler tout à fait. Il dut guider ses gestes pour lui permettre de grimper en sécurité sur les grosses branches basses mais c’était loin d’être une épreuve désagréable. Il se permit même quelques gestes parfaitement déplacés et pas forcément très utiles à la manœuvre quand les elfes eurent détourné le regard pour grimper de leur côté. Finalement, et juste pour être certaine que la rôdeuse ne tombe pas - en tous cas si elle acceptait de croire les paroles qu’il lui soufflait à l’oreille – Il la porta sur les derniers mètres avant de la déposer délicatement dans le hamac. Quand leur couchage eut fini de tanguer légèrement, il la rejoignit et ne tarda pas à se glisser tout contre elle, lui permettant de retrouver la position qui avait été la sienne la veille. Contemplant le ciel étoilé au travers des frondaisons, il poussa un soupir d’aise avant de murmurer dans le noir :

- C’est étrange comme le ciel me parait étrange mais pourtant familier. Il me semble que les étoiles soient très différentes dans le ciel d’Helonna.

- C'est peut-être parce que c'est très loin d'ici que les étoiles sont différentes... Mais si ce ciel te paraît étrange, cela signifie sans doute que tu as oublié celui d'ici, et que tu es devenu pleinement hélonnien... si c'est bien comme ça qu'on dit.
Il y avait une pointe de tristesse dans sa voix. Elle bougea légèrement, s'écartant de lui comme si elle voulait croiser son regard dans le noir. Lui voyait ses yeux verts, interrogateurs. Mais elle ne pouvait voir les siens.
- Est-ce que tu resteras ici ? Ou est-ce que... tu veux retourner là-bas ?
Il devina qu'elle n'osait pas poser une seconde question, qui la tracassait sans doute : l'emmènerait-il ?

La réaction de la jeune femme lui donnait à réfléchir aussi Kasumi garda-t-il le silence pendant un moment. Des images de sa vie hélonnienne lui vinrent à l’esprit mais il sentait aussi l’impatience bien légitime derrière les interrogations de Sylvia. Il venait à peine de la retrouver mais il se rendit compte que ces quelques jours avaient chamboulé toutes les idées d’avenir et de bonheur qu’il nourrissait avant d’entamer son voyage. Alors, dans le noir, il s’empara de sa main et la porta à ses lèvres avant de répondre d’un ton sincère :

- J’y ai laissé beaucoup de choses et j’en ai d’autres à régler aussi… Mais je ne m’imagine pas y retourner seul. Ce serait trop dur. M’y suivrais-tu si je te le demandais ? Tu as une famille ici…

La rôdeuse acquiesça, et il vit un sourire radieux s'épanouir sur ses lèvres.
- Bien sûr que je te suivrai ! Comment peux-tu même te questionner à ce sujet ? Tu compte plus que ma famille... Et puis, toi aussi tu as de la famille par ici. Peut-être pourra-t-on leur rendre visite de temps à autre...
Elle se blottit dans ses bras, les yeux brillants.
- Je t'aime, mon amour... il y a si longtemps que j'attendais ton retour sans oser l'espérer vraiment... Tu sais, je crois que j'aurais fini par devenir une vieille bonne femme acariâtre et toujours célibataire si tu n'étais pas enfin réapparu. Je n'osais pas y croire quand on m'a dit que ton père était là, l'autre jour... et encore moins quand on m'a dit que tu venais d'arriver....

Kasumi était sincèrement ému par sa réponse mais il savait aussi qu’il ne fallait pas lui laisser prendre sa décision à la légère. Il espérait tout de même qu’elle ne changerait pas d’avis et le lui fit savoir en la serrant dans ses bras avant de murmurer doucement :

- J’ai vraiment beaucoup à me faire pardonner et je compte bien m’y employer comme il te plaira. Mais, heureusement, j’ai déjà quelques idées sur la question ! Mais peut-être devrais-je t’en laisser la surprise ?

Comme pour se contredire, il déposa un baiser sur ses lèvres en profitant de l’avantage que lui octroyait sa vision nocturne pour la surprendre. Par jeu, il se retira aussi vite avant de poser ses lèvres dans son cou quand il perçut son indignation. Il se contorsionna pour l’embrasser encore aussi loin que lui permit le léger décolleté de sa tunique avant de revenir à ses lèvres.

Sylvia renonça bien vite à essayer de prévoir où se poseraient ses lèvres, et contre-attaqua en lui emprisonnant la tête dans ses mains avant de l'embrasser à son tour sur la bouche. A tâtons... ce qui nécessita quelques ajustements avant d'y parvenir.
Mais leurs jeux ne durèrent guère. Malgré la passion qu'ils éprouvaient, la fatigue prenait le dessus : les nuits précédentes avaient été courtes et agitées, et la journée longue et épuisante. Sylvia finit par renoncer à la lutte et se blottit contre lui avec un soupir d'aise.

Les mille et un petits bruits des marais les berçaient, et tout paraissait tranquille aux alentours. Ils sombrèrent peu à peu dans le sommeil, Sylvia la première. Et ce fut elle également qui s'éveilla la première, le réveillant d'un baiser sur les lèvres. Les chants des oiseaux annonçait l'aurore, mais un bruit ténu lui apprit que le soleil ne brillerait guère : un crachin plutôt froid tombait, et lorsqu'il ouvrit les yeux, ce fut pour découvrir le ciel chargé de nuages.

Kasumi avait profité d’une bonne nuit sans interruption et se réveilla donc en forme. Et la douce façon dont il l’avait été contribua à sa bonne humeur, malgré le temps qui avait tourné au mauvais.

- Bonjour ma beauté. Tu as bien dormi ? C’est vraiment un temps à rester sous les couvertures, dommage que ce ne soit pas possible.

Le rôdeur espérait que le temps ne tournerait pas à l’averse et surtout que le vent ne se lèverait pas sinon leur périple en radeau promettrait d’être désagréable et Léo de fort méchante humeur probablement.

- Ca va être beaucoup moins agréable par ce temps-là... Mais du moment que je suis près de toi, la pluie n'a aucune importance...
Le petit déjeuner fut rapidement expédié. Le crachin, loin de s'atténuer, se muait peu à peu en pluie plus dense et glacée. il n'y avait pas de vent, cependant, et le couvert des arbres les abritait plutôt efficacement. Hélas pour eux, lorsqu'ils bifurquèrent un peu plus loin sur un canal plus important, ce fut pour découvrir qu'il les emmenait loin des grands arbres... mais c'était la bonne direction, aussi s'y maintinrent-ils, trempés mais tenaces.
Peu à peu, le rivage changeait : la terre ferme se voyait plus fréquemment, quelques bosquets de bouleaux témoignaient d'un sol plus sec, les herbes n'étaient plus tout à fait les mêmes. Et le canal déboucha finalement, en fin d'après-midi, sur un cours d'eau plus large, se dirigeant vers l'ouest. Plus aucun embranchement ne semblait partir vers le nord, même si le terrain y était encore marécageux. ils étaient arrivés, sans doute, sur le bras du fleuve le plus au nord. Et le radeau ne leur serait plus d'aucune utilité pour poursuivre leur route. Heureusement, le fleuve était bordé au nord d'une bande de terre ferme leur permettant d'accoster sans danger, même si le terrain au-delà n'était que vase et trous d'eau. Il pleuvait toujours, et il n'y avait pas de bosquet susceptible de les abriter, à part un rideau d'arbres lointain au-delà de la zone de marécages.

Toute la petite troupe - à part peut-être Eärundra qui savait rester totalement impassible - grelottait et s’était empressé de passer une seconde couche de vêtements pour tenter de tromper la pluie glacée. Kasumi avait tenté de remonter le moral de Tilmandil en plaisantant sur le fait que ce temps chasserait à coup sûr les moustiques mais il avait senti l’allant de son demi-frère largement entamé. La vision de la terre ferme aurait dû suffire à regonfler leurs espoirs mais la nature du terrain et l’absence d’abri pour la nuit porta un nouveau coup à leur moral : ils ne pouvaient pas espérer quitter les marais avant le lendemain après-midi dans le meilleurs des cas et même pas avant la nuit s’il fallait vérifier où ils mettaient les pieds à tout instant.

Le demi-elfe dirigea l’embarcation vers la bande de terre praticable avant de l’y échouer :

- On devrait remonter le radeau sur la terre ferme : même si nous ne risquons plus d’en avoir besoin, il pourrait toujours servir à d’autres. Je pense qu’il nous restera encore une heure de marche avant qu’il ne fasse trop sombre alors je suis pour en profiter et être certain d’atteindre un terrain plus avantageux pour notre bivouac de demain soir.

Eärundra sourit.
- Je propose de passer en tête, avec Léo, et commencer à repérer le terrain, pendant que vous halez le radeau au sec. Je laisserai des traces bien visibles pour que vous sachiez où passer. On gagnera un peu de temps... Je prend juste mon sac pour être légère, je vous laisse vous répartir le matériel... Avec un peu de chance, on pourra peut-être atteindre ce rideau d'arbres vers la tombée de la nuit...
Elle avait parlé d'un ton sans réplique. Et si Sylvia leva les yeux au ciel, exaspérée par la manie de la druidesse de sans cesse diriger leur expédition, elle ne protesta pas. La druidesse et son lion s'éloignèrent donc rapidement, sondant le sol au fur et à mesure de leur progression : au bout de ces quelques jours, ils avaient acquis une certaine habileté dans la reconnaissance du type de sol qui les attendait. Il n'était pas impossible qu'ils atteignent les arbres à la tombée de la nuit, en effet.

A peine avaient-ils achevé de hâler le radeau et de se répartir le chargement qu'eut lieu le seul incident de la journée -on ne pouvait décemment pas considérer la pluie comme un incident. Kasumi entendit un cri strident, et il vit Sylvia, tout près de lui, tomber à genoux, les mains serrées autour de sa cheville, tandis qu'un serpent filait au loin. Elle avait été mordue. Il n'eut pas le temps de reconnaître l'espèce responsable, mais la plaie gonflait à vue d'oeil.

Ils avaient manqué de vigilance et cet environnement ne pardonnait aucun relâchement. Mais Kasumi ne perdit pas un seul instant à se lamenter, posant son sac à terre pour en sortir le remède antipoison qu’avait concocté Eärundra, heureusement rangé de façon à être trouvé rapidement. Il enlaça Sylvia quelques secondes après qu’elle ait été mordue pour l’empêcher de s’affaler dans la boue et lui administra le remède d’autorité, faisant couler l’essentiel dans sa gorge avant d’appliquer les résidus directement sur la plaie.

- Courage ma belle, la douleur va s’atténuer dans un instant. Tilmandil, surveille si le serpent ne revient pas s’il te plait.

Après s’être assuré que la rôdeuse avait dégluti, il l’allongea lentement sans se soucier de la tâcher de boue et il lui releva sa jambe blessée en la soutenant sous le genou. Quand la douleur aurait un peu reflué, il lui ferait un bandage mais l’essentiel pour l’instant était qu’elle ne perde pas conscience.

La potion d'Eärundra s'avéra pleinement efficace : le teint pâle de la rôdeuse se colora rapidement à nouveau, et son regard se fit moins flou. La plaie était toujours enflée, mais davantage à cause de la morsure qu'à cause du poison.
- Wouah... fit Tilmandil. Au moins a-t-on la preuve que ça marche...
- Ca va aller, murmura Sylvia d'une voix un peu faible. Merci... Je... j'ai un peu la tête qui tourne et la nausée, mais... ça va mieux. Par contre, qu'est-ce que ça fait mal à la cheville...

Kasumi en aurait ri de soulagement alors qu’il se rendait compte de la tension et de l’inquiétude qu’il avait péniblement contenues dans le feu de l’action. Il caressa la joue de Sylvia sans se soucier des remarques que pourraient lui faire Tilmandil et répliqua d’un ton doux :

- Je préfère largement ce teint-là. Il fait mieux ressortir tes jolies tâches de rousseur. Je vais t’appliquer un cataplasme et te bander la cheville mais tu vas devoir éviter de t’appuyer dessus pendant quelques instants. Tu vas devoir t’appuyer sur moi ou me laisser te porter.

A peine avait-il émis ce constat qu’il avait ponctué d’un sourire ravi, le rôdeur se mit à fouiller dans son sac pour réunir de quoi soulager la jeune femme.

HRP : contrairement à ce que j’avais mis sur sa fiche, je me suis rendu compte que Kasumi n’a pas le droit d’avoir un sort de soin léger (niveau 2 des sorts rôdeur) à son niveau. Dommage, ça aurait été bien pratique !

hrp : pas de bol, oui... mais c'est bien pour ça que je t'ai mis une druidesse pas loin !

- M'appuyer sur toi suffira ! Tu as déjà trop de bagages à porter...
La blessure de la rôdeuse ralentit nettement leur progression. Elle avait beau feindre au maximum de ne rien sentir, ne pas se plaindre, et essayer de peser le moins possible sur le bras de Kasumi, elle souffrait visiblement. Les traces d'Eärundra, faciles à suivre, leur évitaient toutefois d'avoir à sonder le terrain. Une fois n'est pas coutume, Tilmandil s'improvisait éclaireur.
Ils rejoignirent la druidesse au moment où le soleil se couchait à l'horizon, illuminant les nuages de teintes rougeâtres, et faisant surgir un magnifique arc-en-ciel comme quelques rayons rasant apparaissaient enfin à l'horizon.
- Il fera beau demain, affirma la rôdeuse, d'un ton néanmoins tendu. Eärundra comprit aussitôt, en la voyant s'appuyer sur le bras de Kasumi, que quelque chose n'allait pas.
- Un souci ?
Ils n'avaient pas encore atteint les arbres, mais s'en étaient rapprochés. Il leur restait sans doute moins d'une heure pour y arriver, soit à peu près le temps qu'il faudrait à l'obscurité pour envahir totalement l'atmosphère.

Le temps semblait s’apaiser ce qui était une très bonne chose mais Kasumi était surtout soulagé de rattraper la druidesse. Et se priver de ses compétences en la circonstance aurait été particulièrement stupide, quoique puisse penser Sylvia d’avoir à se laisser soigner par sa rivale. Mais au moins pouvait-il lui éviter d’avoir à le demander elle-même en rusant un peu :

- Nous avons été surpris par un serpent. Je ne suis pas certain que mon cataplasme ait été très efficace aussi je serais soulagé si vous pouviez y jeter un œil.

Eärundra ordonna à Sylvia de s'asseoir, et, sans tenir compte de ses protestations, entreprit d'examiner la plaie, enlevant le pansement avec des gestes doux.
- Vous avez utilisé ma potion.
- Oui...
- Très efficace, compléta Tilmandil.
- Tant mieux... j'avoue que je ne l'avais encore jamais testée, du moins pas avec cette composition exacte. Ne bougez pas, ajouta-t-elle à l'adresse de Sylvia.
Elle incanta d'une voix chaude et rocailleuse, et l'hématome se résorba instantanément.
- Ca devrait aller mieux maintenant...
- Oui... Et merci, finit par lâcher la rôdeuse. Ce qui lui valut un sourire d'Eärundra.
- Je suggère de ne pas perdre davantage de temps et de gagner l'abri des arbres... Bien sûr, nous pouvons aussi planter notre tente ici, il y a suffisamment de zones de terre ferme. mais je ne pense pas que quiconque veuille courir le risque d'une nouvelle morsure de serpent.
Elle se tourna vers Kasumi.
- Il ne nous reste que deux potions, donc il vous faudra décider qui, de vous ou de votre compagne, en gardera une sur lui. Je pense préférable que Tilmandil conserve la sienne... Comme vous êtes.. disons... inséparables, il est logique que ce soit vous qui vous partagiez l'autre.

Kasumi était soulagé que les choses reviennent dans l’ordre et qu’ils y soient parvenus sans trop de heurts. Le rôdeur allait donc répondre favorablement à la suggestion d’Eärundra de presser le pas pour se trouver un abri sous le couvert des arbres mais fut interrompu par sa dernière remarque qui dissimulait à peine une taquinerie du reste fort justifiée. Il rougit instantanément et se mit à bafouiller sans oser regarder aucun des deux elfes de peur de se rendre plus ridicule encore :

- Eh bien… Je euh. J’ai utilisé la mienne. Autant que Sylvia garde celle qu’elle a. Et euh… Oui. Je veux dire : nous devrions y aller sans plus traîner.

Il récupéra aussitôt son sac pour l’arrimer à nouveau sur ses épaules, manifestement pressé de déguerpir et se concentrer sur sa marche et non sur l’expression goguenarde des deux elfes.

Mais personne ne parut lui jeter de regard narquois. Ou du moins pas plus qu'à l'accoutumée.
Ils reprirent leur marche dans la grisaille qui envahissait peu à peu le paysage, Kasumi passant cette fois-ci en tête pour reconnaître le terrain, Sylvia juste derrière lui, Eärundra fermant la marche. Plus loin, la druidesse suggéra de laisser Léo passer devant : il avait une vision nocturne encore meilleur que la leur. Il faisait maintenant trop sombre pour Sylvia, et Kasumi sentit une main légèrement anxieuse agripper la sienne pour se laisser guider. Il serait trop tard pour chasser, également, mais il leur restait un peu de viande de serpent, et quelques provisions amenées du campement.
Il faisait nuit noire lorsqu'ils atteignirent enfin la terre ferme, à quelques dizaines de mètres seulement de l'orée de la forêt. La pluie avait quasiment cessé de tomber, mais le sol était boueux. ils pouvaient décider de poursuivre jusqu'au couvert des arbres, ou planter leur tente ici. Et un feu serait indispensable pour se sécher enfin...

Kasumi jugea préférable d’établir leur campement le plus près des arbres tout en évitant le sous-bois : ils pourraient ainsi faire un feu sans avoir à chercher une zone vierge de végétation. La proximité des arbres leur assurait un bon approvisionnement en bois pour le feu ainsi qu’en branchages pour se concocter de bons couchages secs. Chacun s’activa aussitôt à ce qu’il savait le mieux faire : Eärundra réunissant le bois et les branches, Tilmandil aidant Kasumi pour la préparation des couchages tandis que Sylvia s’occuper de faire prendre le feu et de réchauffer une partie de leurs vivres, à commencer par les restes de serpent au grand dam du barde. Le rôdeur improvisa ensuite une corde à linge pour y suspendre leurs effets ayant le plus souffert de la pluie. Il y suspendit sa tunique avant d’en enfiler une autre prise dans son sac et s’approcha nonchalamment de Sylvia comme pour vérifier l'état de la cuisson mais surtout pour lui glisser à l’oreille :

- Si tu veux mettre ta tunique à sécher, je peux te prêter une des miennes… Jusqu’à ce qu’on se cache sous les couvertures au moins.

La Couronne de Cuivre

[Haute-Forêt] Quête : Racines