Le Cimetière

[Le Façonneur]

Il semblait n’y avoir qu’une seule personne derrière la porte, une personne petite et pieds nues, Asmodeus en acquit la quasi certitude. Cette personne faisait les cent pas, quelque part, légèrement sur la gauche. Elle finit par marmonner d’une voix haut perchée et quelque peu grinçante.
« Fais ci, fais ça... Mais jamais j’ai mon mot à dire, jamais ils m’écoutent, alors que c’est moi, c’est moi le plus intelligent ! ... Ils ont des gros muscles et moi, moi j’ai la cervelle ! »
La personne retomba dans le silence. En regardant par le trou de la serrure, la momie put distinguer la lueur d’un brasier, rien de plus.

[Asmodeus]

Il semblait y avoir peu de danger derrière cette porte finalement. En tous cas, aucun qui paraisse moins surmontable qu'une rencontre avec les créatures du couloir. Asmodeus réfléchissait déjà à la suite : soit la créature esseulée se montrait raisonnable et coopérative, soit il pouvait devenir utile de faire un otage, connaissant la loyauté qu'entretenaient les diables avec les leurs. En somme, après avoir partagé sa vision avec Dame Irélia, la momie entreprit d'ouvrir la porte. Le plus silencieusement possible.

[Le Façonneur]

La porte, ses gonds surtout, semblaient être étrangers au concept de discrétion. C’est ce que put en déduire Asmodeus lorsqu’il entendit l’horrible grincement métallique. Au moins la porte n’était-elle pas verrouillée. Et il était possible que le groupe de diables, très éloignés, n’ait rien entendu. La momie découvrit un paysage qui ne pouvait se trouver sur le plan matériel, ni même en Gisombre. Un ciel incandescent dominait un monde déchiqueté de roche et de lave. Au loin, les tours d’un palais en métal noir se découpaient sur des nuages de souffre. Sur la gauche, un pont de pierre enjambait un gouffre vertigineux qui aboutissait à un chaos embrasé. Un vent chaud soufflait sur cette infernale désolation. La porte que venait d’ouvrir Asmodeus était encadré par deux flambeaux. À côté de l’un d’eux se trouvait la personne entendue. Il s’agissait d’un diablotin à l’air plutôt inoffensif. Moins d’un mètre de haut, sa vêture se limitait à de larges bracelets, à un médaillon lui arrivant jusqu’à mi poitrine et à une chaînette ornant sa queue fourchue. Tout était en or, ressortant particulièrement sur sa peau rouge et luisante. Ses yeux maléfiques tombèrent aussitôt sur le mort-vivant.
« Vous êtes qui, vous ?! » glapit le petit diable.

[Asmodeus]

Asmodeus s’avança dans la pièce et fit signe à Dame Irélia de refermer la lourde porte derrière eux. Il n’y avait pas de danger apparent dans cette nouvelle salle mais la présence des patrouilles de diables au niveau inférieur le rendait nerveux. En tous cas, il semblait nécessaire de couvrir leurs arrières et d’éviter que le petit diable ne s’échappe pour donner l’alerte. Il répondit d’ailleurs à ce dernier en adoptant un ton plutôt diplomate, mais ferme :

- Des visiteurs à la recherche de réponses. Pour le moment en tous cas. Mais qui pourraient devenir plus si cela s’avère utile… Est-ce que tu as l’intention de poser des difficultés ou plutôt d’aider, diable ?

Avec cette engeance, mieux valait en imposer : la moindre faiblesse affichée était une invitation mais il était inutile de jouer excessivement les faux-semblants.

[Le Façonneur]

Le diablotin ne sembla pas spécialement intimidé, mais en même temps, il était aisé de supposer qu’il avait l’habitude de côtoyer des gens aussi puissants que dangereux. Lorsqu’il répondit, ce fut avec malice :
« Ho, moi, je ne suis pas là pour aider, ni pour pauser des difficultés. Je suis là, c’est tout. On m’a dit d’attendre, voyez-vous, pas de monter la garde. Alors si vous voulez partir... »
Il eut un geste de la main vers une arche toute proche. La momie constata que cette salle à ciel ouvert menait à l’extérieur. Il suffisait de passer sous l’arche, puis de descendre une courte volée de marches.
« En revanche, si vous voulez des réponses, il vous faudra payer. Tout à un prix, vous le savez n’est-ce pas ? Et il y a plein de façon d’exprimer ce prix. »
Les yeux du diablotin glissèrent sur la liche. Celle-ci n’étant guère adepte de la diplomatie, garda le silence.

[Asmodeus]

Ah, les diables et leur manie de vouloir marchander chaque interaction ! Si Asmodeus n’avait pas été un modèle de patience – comme Dame Irélia en fait – il aurait pu répondre qu’il acceptait de ne pas réduire en charpie cet avorton malicieux en échange de menues informations. Mais Asmodeus n’avait rien moins qu’envie de se battre s’il pouvait l’éviter. Il y avait trop de risque que l’alerte ne soit donnée et qu’il ait ensuite affaire aux modèles grands formats de la population autochtone. Il se contenta donc de répliquer calmement :

- Un diablotion comme toi doit connaître bien des histoires passionnantes : c’est dommage de ne pas les partager ! Mais un bon commerçant sait faire goûter un échantillon de ce qu’il est prêt à vendre. Peux-tu révéler quel est cet endroit ? Ou qui le dirige ?

Asmodeus espérait flatter l’ego sans doute bien malmené de cette créature qui se plaignait tantôt que son intelligence ne soit pas reconnue à sa juste valeur.

[Le Façonneur]

« Hélas, messires momie, je n’ai guère le luxe de pouvoir offrir quoi que ce soit. Par ici, l’existence est rude. »
Elle ne devait pas l’être de trop pour lui qui ne portait que des bijoux en or. Pour autant, le petit diable demeurait imperturbable. Nul doute qu’il avait une grande expérience du langage, sans doute son arme la plus efficace.
« Si vous voulez savoir où vous êtes, et qui dirige ici, dites-moi qui vous êtes et d’où vous venez. Ça me semble être un marché honnête. »
Dame Irélia grinça des dents.
« On perd notre temps, déclara-t-elle.
- Ho, j’en doute fort, répliqua le diablotin. J’ai bien l’impression que vous êtes complètement perdus et je crois savoir pourquoi. Vous avez plus besoin de moi que moi de vous. Si vous étiez à ma place, vous vous comporteriez de la même façon. »

[Asmodeus]

La momie coupa court au débat après avoir réfléchi à la question et déterminé qu'il n'y avait pas grand chose à craindre de révéler ces informations :

- C'est un marché qui semble équitable à Asmodeus. Asmodeus, donc, vient de Gisombre ainsi que la Dame Irélia que voici.

Le diablotin avait demandé d'où ils venaient et il ne voyait pour le moment aucune raison de lui préciser que Gisombre n'avait été que leur destination précédente.

[Le Façonneur]

« Bien, très bien. Vous vous trouvez ici dans le demi-plan de Corneflamme, dirigé par l’archidiable du même nom. Voilà, vous savez tout, enfin tout ce que vous m’avez demandé. Je pourrais bien vous donner quelques conseils pour partir d’ici, si c’est ce que vous désirez, seulement voilà... »
Le diablotin eut un petit rire.
« ...c’est toujours la même rengaine. »

[Asmodeus]

Asmodeus, pour sa part, n'avait pas la moindre idée de la manière dont quitter le demi-plan diabolique. Dame Irélia était peut-être plus au fait de la façon dont il fallait s'y prendre mais la momie n'avait pas envie de se frotter aux diables peuplant cet endroit. Surtout pas sans avoir récupéré ses moyens d'action.

- Connais-tu un moyen sûr de partir d'ici ? Et si oui, que veux-tu savoir en échange ?

[Le Façonneur]

« La sûreté, par ici, est quelque chose d’assez abstrait. Mais il existe bien un moyen de partir. Après... que pourrais-je bien vous demander... »
Le diablotin observa tour à tour les deux morts-vivants. Dame Irélia s’avança d’un pas et fit claquer son bâton sur le sol de pierre, l’air passablement agacée.
« Ne joue pas trop avec notre patience ou on pourrait bien se retrouver à faire d’autres sortes de marchés, vermine !
- Je doute que vous puissiez vraiment me menacer. Je gage que vous n’êtes pas aux mieux de vos capacités magiques. »
Les flammes brûlant dans le regard de la liche s’attisèrent. Elle serra son poing squelettiques et sa voix devint tranchante comme l’acier.
« Penses-tu réellement que j’ai besoin du moindre sort pour te faire souffrir mille morts ? »
Le petit démon sembla sur le point de répliquer, mais pour la première fois, il s’accorda un instant de réflexion. Il fallait avouer que Dame Irélia en imposait particulièrement. Quelque part dehors, des voix diaboliques se firent entendre ainsi que des bruits de pas pesants.

[Asmodeus]

Ainsi le diablotin savait bien des choses qui pourraient s'avérer utile sinon fondamentales : Asmodeus doutait qu'il ait pu deviner que la liche ait perdu tous ses sorts, tout comme lui. C'est donc que ce phénomène ou un artefact à proximité était à l'origine de la perturbation. Malheureusement, il semblait que la conversation doive prendre fin : il était hors de question de se laisser surprendre par les diables dans des conditions si défavorables. Car si le diablotin pouvait aisément être maîtrisé - et peut-être intimidé - ce ne serait pas le cas d'un diantrefosse ou de ses acolytes.

- Asmodeus pense que le phénomène t'affecte aussi, toi et les tiens. Peut-être y-a-t-il un moyen de s'entraider ?

La momie cherchait à déterminer si les pas se rapprochaient et, le cas échéant, s'il était possible de se cacher ou d'emprunter la sortie qu'avait désigné le diablotin.

[Le Façonneur]

« Pardons mais je ne crois pas que nous soyons spécialement affecté par la vague anthropique. Le phénomène est étrange, nul ne peut le nier, mais par ici, nous n’en sommes pas à un mystère près. Nous entraider, oubliez ça. Faire affaire, peut-être. Vous devriez voir mon maître, Seigneur Corneflamme. Il sera ravi que vous lui parliez de ce qui s’est passé. Et si vous lui êtes utile, peut-être vous récompensera-t-il. »
Les voix et les pas ne s’éloignaient pas mais ne se rapprochaient pas non plus. Il y avait des diables dans les parages, voilà tout. Le demi-plan devait en être plein.
« Nous perdons notre temps, Asmodeus, déclara Dame Irélia. Je n’ai aucune envie de m’entretenir avec un archidiable. Ce vermisseau nous a vu, réglons-lui son compte et nous trouverons par nous-même la sortie du plan. »
Elle ajouta, plus bas :
« Et même si on ne la trouve pas, il nous suffit de se cacher quelque part, le temps que je récupère mes sortilèges. J’ai de quoi nous ramener. »
Le diablotin, de plus en plus mal à l’aise, se tordit les doigts.
« Vous savez, vous devriez pouvoir trouver votre bonheur en empruntant le chemin de gauche. Je dis ça, je dis rien... Et puis, je le répète, moi on m’a dit d’attendre, pas de monter la garde. »

[Asmodeus]

Asmodeus esquissa un sourire mauvais après avoir entendu les intentions de Dame Irélia. Il n'y voyait pas vraiment d'objection mais ce diablotin commençait malgré tout à l'amuser, petit être trop intelligent mêlé parmi des plus forts... Et puis, il pourrait éventuellement s'avérer un peu plus utile, ne serait-ce qu'en leur évitant d'avoir à se fier au hasard :

- On t'a demandé d'attendre mais pas forcément ici, pas vrai ? Et si on faisait un bout de chemin ensemble ? Ce sera sans doute intéressant et cela vaut toujours mieux que de te laisser entre les mains expertes de Dame Irélia, n'est-ce pas ?

Une façon plus douce de s'assurer de son silence. Sans compter que se trouver en sa compagnie pourrait donner des allures de normalité à leur présence.

[Le Façonneur]

« Ha, navré, Messire Asmodeus, mais c’est bien ici que je dois attendre. Je pourrais certes jouer sur les mots, et vous devez savoir à quel point nous autres diables aimons ça, seulement vous comprendrez que mon maître n’appréciera guère et qu’il me le fera savoir avec sa cruauté coutumière. Et en matière de cruauté, vous devez vous en douter, celle d’un archidiable n’a rien à envier à celle d’une liche, sans compter que vous, vous êtes pressés, que mon maître ne l’est pas, qu’il aura donc tout son temps pour me faire hurler. Il est en colère en ce moment, je ne désire pas lui déplaire. Notez aussi que, de nature suspicieuse, il ne tardera pas à réagir si jamais je devais mourir ou me volatiliser. Il conclura que des ennemis sont présents sur ses terres et mettra tout en œuvre pour les trouver. Je pense, compte tenu de tout ceci, que le mieux pour nous, ce serait que vous me laissiez tranquille et que j’oublie de parler de vous à mon maître quand il reviendra. Qu’en dites-vous ? »
Plus l’ombre d’un doute possible, ce diablotin avait une sacrée verve.

[Asmodeus]

Cet arrangement n'était pas à leur avantage mais le diablotin marquait un point en affirmant qu'ils étaient pressé et qu'il valait mieux éviter de se faire connaître défavorablement auprès des autochtones en assassinant le premier venu, aussi insignifiant soit-il.

- C'est dommage, petit diablotin. Mais Asmodeus est prêt à consentir un marché : il promet de ne pas te confier à Dame Irélia si tu oublies de signaler cette intrusion et cette conversation. Dans le cas contraire ou si tu nous as menti pour le chemin, Asmodeus est même prêt à promettre qu'il s'occupera personnellement de ton cas. Alors, marché conclu ?

[Le Façonneur]

« Je n’ai qu’une seule parole, Sir momie », répondit le diablotin avec une légère courbette.
Dame Irélia dût estimer l’affaire satisfaisante car elle se détourna et se mit à marcher en direction de l’arche, de l’escalier, de l’extérieur.
« Venez Maître Asmodeus. Ce long échange ne nous a pas apporté grand-chose, il serait bon de rentabiliser plus efficacement les prochaines minutes. »
Le petit diable demeura sur place tout en regardant les deux morts-vivants s’éloigner. Une fois en bas des marches, la momie constata qu’il était possible de prendre deux chemins distincts. Le premier conduisait au pont de pierre puis à la noire forteresse. L’autre serpentait au milieu de la rocaille jusqu’à ce qui semblait être une sinistre ville. Le paysage infernal avait largement de quoi déstabiliser. Ce n’était pourtant qu’un demi-plan, pas l’Enfer véritable. Il était certains que des diables se trouvaient dans les parages, il fallait s’attendre à tomber dessus à tout moment, mais présentement le duo avait de la chance : personne, excepté le diablotin bien sûr, ne les avait vu.

[Asmodeus]

Le diablotin leur avait conseillé de prendre le chemin de gauche. Il ne l’avait formulé que sous la forme d’une vague suggestion et les diables étaient connus pour leur perfidie et leur fourberie. Cependant, ils étaient aussi tenus par un code d’honneur très strict et Asmodeus considéra qu’il était tout de même plus prudent de parier sur le second plutôt que sur la propension des diables à la tromperie gratuite. Dans tous les cas, un chemin ne semblait pas meilleur que l’autre même si se dissimuler dans la ville infernale pourrait être éventuellement plus aisé que dans le château forcément beaucoup plus surveillé. Mais les deux options coïncidaient-elles ?

HRP : Asmodeus est désormais compatible en version 5 !

[Le Façonneur]

HRP : c’est noté.

Le chemin de gauche, c’était celui de la ville. Dame Irélia ne tarda pas à choisir celui-là, mais très vite, des bruits stoppèrent la progression des deux morts-vivants. Des gens, des diables probablement, venaient par ici. Ils étaient encore invisibles, cachés par les rochers et les virages sinueux du chemin. Se cacher devait être possible mais il n’était pas non plus certain que le duo ait le temps pour cela. La liche murmura à l’oreille de son confrère d’aventure :
« Nous devrions tenter d’avancer comme si de rien n’était. J’en ai assez de me cacher. »

[Asmodeus]

Asmodeus partageait l’opinion de son acolyte. Il en avait assez de se cacher comme des fugitifs en sachant pertinemment qu’ils seraient de toute façon découverts tôt ou tard. Pour autant, il n’avait pas encore l’intention de provoquer ouvertement une rencontre. La solution proposée par dame Irélia était donc tout à fait conforme à ses états d’âmes : quel meilleur moyen de ne pas attirer l’attention que de faire semblant d’être tout à fait à sa place ?

- Très bien : il faut simplement donner l’impression de savoir dans quelle direction aller. En cas de question, Asmodeus suggère de prétendre enquêter sur le phénomène qui a frappé ici aussi.

Un bon mensonge était empreint de vérités et celui-ci lui semblait le plus facile à faire avaler s’ils faisaient une mauvaise rencontre.

[Le Façonneur]

Dame Irélia n’eut guère le temps de donner son avis car déjà émergeait du virage un groupe fort de six individus. Quatre d’entre eux étaient des diables de haute taille et lourdement armés. Leurs sombres armures d’acier étaient frappées d’un blason en forme de corne ardente. Nul doute qu’ils représentaient de solides adversaires. Ils encadraient deux humains, l’un vêtu comme un mage, l’autre, comme un guerrier.
« Je vous assure, pleurnichait le mage, c’est une affreuse méprise ! J’aurais de quoi payer sous peu, je vous jure ! Laissez-moi encore un peu de temps ! »
Le guerrier, renfermé, ne disait mot. À la vue des deux morts-vivants, un des diable demanda :
« Que faites-vous ici ? Le marché se tient uniquement dans la cité. »
Malgré sa rudesse, il parlait avec un certain respect. Il savait probablement ce quétait une liche et un seigneur momie : de puissants individus.

[Asmodeus]

Le sort du mage et du guerrier importait peu au seigneur momie mais leur présence était rassurante sur au moins un point : des êtres d’autres plans se trouvaient ici, ce qui pouvait contribuer à rendre moins suspecte la présence de deux mort-vivants. Il importait cependant de la jouer finement avec le diable qui venait de les interpeler :

- Un simple contretemps nécessitant une expertise et de s’éloigner très temporairement du marché. Mais il est temps de retourner au marché, effectivement.

[Le Façonneur]

« Oui, il est temps », confirma le diable.
Le groupe avait cessé de progresser, surveillant les deux morts-vivants. Ceux-ci se mirent en marche vers la cité sans plus attendre. Les diables et leurs prisonniers finirent par disparaître au bout du chemin. Ce dernier s’élargissait peu à peu pour devenir une rue pavée. Des bâtiments de fer se dressaient maintenant de part et d’autre de la voie. La ville irradiait de chaleur et d’activité. De nombreux diables se trouvaient là, la plupart arborant le symbole du seigneur local. Mais ce n’était pas le cas de tous. Il y avait de surcroît des gens d’autres races, des hommes principalement, avec comme caractéristique commune de sembler très louche ou parfaitement infréquentable. En somme, c’était une foule d’impies qui vaquaient à leurs sinistres occupations. Localiser le marché fut des plus simples : il se trouvait sur une grande place et se constituait d’une multitude d’étales. Des édifices semblaient également être mis à contribution.

[Asmodeus]

Asmodeus était rassuré de la tournure des événements : visiblement, la sécurité n'était pas aussi sur les dents vis-à-vis des étrangers cheminant sur le territoire du seigneur diable. En tous cas, tant qu'ils ne s'approchaient pas des zones les plus sensibles et conservaient l'attitude de ceux sachant ce qu'ils font.

Pour l'heure, la meilleure option consistait à obtempérer à l'injonction de la patrouille : c'est au marché qu'ils avaient le plus de chances de recueillir des informations voire de rencontrer des personnes capables de leur fournir des pistes pour sortir de ce guêpier. A condition de redoubler de prudence et de ne pas attirer une attention malvenue en posant trop de questions.

[Le Façonneur]

Le duo, de son pas décidé, gagna le marché. Il ne fallut pas longtemps à la momie pour constater qu’ici se vendait et s’achetait toutes sortes de marchandises plus que largement proscrites dans le monde matériel. Livres et ingrédients pour magie noire étaient légion. Matériaux insolites et fétiches divers aussi. D’autres commerçants offraient des services moins évidents à deviner. Des clients allaient et venaient sans généralement parler entre eux, sans même faire vraiment attention les uns aux autres. À chacun ses projets, à chacun ses secrets. Les voleurs devaient ici se tenir à carreaux car les diables étaient très vigilants. Un détail finit par attirer l’attention d’Asmodeus. Il s’agissait d’une porte dans un renfoncement, une lourde porte en bois avec un écriteaux. Cette porte ressemblait à s’y méprendre à celle menant à la boutique du Façonneur.

[Asmodeus]

Incroyable ! Quelle aubaine ! Se pouvait-il que la chance leur sourie enfin et que le Façonneur ait étendu son influence jusque dans ce demi-plan infernal ? Les chances étaient infimes, illusoires, mais Asmodeus ne pouvait pas non plus laisser passer un tel coup du sort. Il tira discrètement Dame Irélia par la manche et lui désigna très discrètement la porte qui avait attiré son attention. Déjà, il formulait le plan d'aller vérifier s'il pouvait l'ouvrir, à condition qu'elle ne soit pas surveillée.

[Le Façonneur]

Surveillée, la porte l’était et par deux grands diables à l’air particulièrement sévère. Ils se tenaient de part et d’autre du vantail, leurs bras musculeux croisés sur leur plastron d’acier sombre. Après, quant à savoir s’ils laissaient où non passer des clients, difficile de le savoir. En tout cas personne n’emprunta la porte pendant qu’Asmodeus regardait. Ce dernier fut néanmoins à peu près certain qu’il s’agissait bien de la porte du Façonneur. Il reconnaissait la pancarte.
« C’est quoi cette porte ? » demanda la liche, sa curiosité piquée au vif.

[Asmodeus]

Si c’était bien la porte menant à la boutique du Façonneur, il s »’agissait de leur meilleure chance de quitter cet endroit. Certes, il faudrait peut-être négocier avec l’étrange gnome qui tenait les lieux pour ressortir par la porte de Melandis mais Asmodeus préférait de loin traiter avec son commanditaire plutôt qu’avec quelque seigneur diable et ses sbires. Rester donc à convaincre Dame Irélia de tenter l’opération et aussi de passer outre la vigilance des deux gardes. Le seigneur momie s’éloigna un peu de la porte avant de chuchoter à la liche :

- Asmodeus a tout lieu de penser que cette porte mène dans un endroit qu’il connait. Un endroit d’où il sera possible de retourner sur le plan matériel. Il s’agit avant tout d’une boutique mais elle est accessible depuis bien des lieux. Mais il semble que son accès soit limité de ce côté...

[Le Façonneur]

« Limitée ? »
La liche regarda autour d’elle.
« Il y a des gardes partout, ils surveillent pour que tout se passe bien... mais je doute qu’ils nous empêchent d’aller dans une boutique ou, tout du moins, qu’ils nous suspectent de quoi que ce soit si on demande à y entrer. On est sur un marché après tout. La curiosité des clients est légitime, vous ne pensez pas ? »
Dame Irélia poursuivit son observation.
« Si toutefois vous avez un doute, il est plus que probable que ce demi plan possède une autre sortie. Le marché est grand et fréquenté, il doit donc être un minimum accessible depuis les plans extérieurs. Je gage que le portail n’est pas très loin d’ici. »

[Asmodeus]

Asmodeus précisa sa pensée après avoir vérifié que personne ne semblait les espionner :

- Cette boutique est particulière : elle peut servir pour changer de plan et donc échapper au seigneur des lieux. Il est donc normal qu’elle soit un peu plus surveillée que le reste des commerces. Ceci étant, Asmodeus pense qu’il s’agit de la meilleure façon quitter cet endroit. Il est partisan de tenter d’emprunter cette porte et de prétendre une erreur si les diables cherchent à s’interposer.