[Lieu] Une cité perdue

[Taliesin]

Marthe soupira, déposa son livre puis se leva.
Elle le suivit à l'extérieur, referma la porte derrière elle puis fit quelques pas dans le couloir, afin qu'ils puissent discuter sans être entendus.
-Je t'écoute, dit-elle d'un ton neutre mais sans agressivité aucune.
Cependant, il la sentit sur la défensive.

[Galathée]

Il décida de ne pas prendre de risques et d'en venir aux faits. Il ne se sentait pas capable de lui offrir son épaule pour qu'elle la rejette.
" Je voulais savoir si tu continuerais à... superviser le groupe qui essaie d'extraire des informations des textes que nous avons rassemblés jusqu'ici, ou si je devais trouver quelqu'un d'autre pour reprendre ce rôle. Je voulais savoir si... les membres de l'Académie étaient toujours prêts à faire ce travail, aussi."

[Taliesin]

-Qu'étions-nous en train de faire quand tu nous as trouvés ? demanda-t-elle d'un ton dégagé.
Elle grimaça légèrement.
-Bon, mais tu n'as pas forcément vu les titres... Soit : nous étions en train de travailler et nous continuerons à le faire. Cependant, je ne souhaite pas superviser l'équipe, ni quoi que ce soit d'autre : je préfère aider en restant complètement... à la base. Pour le reste, je crois que tu devrais nous laisser élir un délégué pour jouer ce rôle de superviseur.

[Galathée]

Il s'empourpra légèrement.
" Très bien mais... je pense qu'il serait bon que vous intégriez les nouveaux venus dans votre... académie, dans ce cas. J'ai laissé le clerc de Dénéir et le Chauntéen seuls en bas, mais ils sont volontaires, et compétents, et... Enfin bref. J'imagine que vous ferez ça bien. Prévenez-moi quand vous avez élu votre représentant. J'aimerais qu'il me tienne informé de vos progrès chaque jour, à l'heure qui lui convient. Et il faudra qu'il me donne du travail aussi. Je n'ai pas l'intention de me tourner les pouces."
Il était en train de se crisper aussi se tut-il et sourit-il doucement, sentant la tension refluer aussitôt.
" Je te laisse à ta lecture. Merci pour les informations."

[Taliesin]

-Ne t'en fais pas : nous réintégrerons la bibliothèque dès demain. Nous avions juste besoin d'un peu d'isolement pour... nous faire à la nouvelle situation.
Elle s'arracha un sourire.
-Et rien ne t'interdis de venir lire avec nous. Ce n'est pas contre toi que nous en avons. Nous en avons contre cette situation qui nous oblige à en arriver là. La différence est quand même de taille.

[Galathée]

" Je ne suis pas sûr que... je ne le prendrai pas pour moi, avoua alors le Luménien avec un sourire crispé. Mais à moi aussi, ça me passera."
Il soupira.
" Je viendrai peut-être voir ce que vous avez pour moi en fin de journée. J'ai... encore des choses à faire, là, maintenant."
Il faillit lui dire qu'Hubert et les Tymorans avaient trouvé les objets de culte lathandrites, mais se retint. Il devait respecter son désir de s'écarter, désormais. Il ne fallait pas qu'il s'en offusque : ils étaient en temps de crise, les rapports étaient troublés, tout cela s'apaiserait une fois la paix revenue. Si Marthe décidait de rester.

[Taliesin]

La magistrate lui sourit plus franchement.
-Bon courage, Albérich. Et à plus tard.
Puis elle rejoignit ses compagnons.
Le clerc, pour sa part, pouvait vaquer à ses autres occupations.

[Galathée]

Albérich avait l'intention de prévenir les Ithiliens. Il avait bien réfléchi à la chose et il ne voyait pas comment l'éviter. Bien sûr, il en parlerait avec Frida et Hubert lors du conseil qu'ils ne manqueraient pas d'organiser en soirée, mais d'ici là, il voulait être prêt à une action rapide. Aussi se procura-t-il parchemin et encre, et passa-t-il le restant de l'après-midi, dans la salle des cartes, à tenter de rédiger une missive alarmiste, catégorique et véridique, sommant les Ithiliens d'abandonner leur exploration des mines, dans leur intérêt à tous. Cela ne fonctionnerait peut-être pas, mais c'était nécessaire. Ils ne pouvaient pas garder ce qu'ils savaient pour eux, vu la gravité du danger.

[Taliesin]

Il passa donc l'après-midi ainsi, seul avec sa plume et son parchemin.
La lumière finit par décroitre. Un peu plus tôt que d'ordinaire, lui sembla-t-il.
De l'extérieur provenait toujours la joyeuse activité de la Communauté. Sans doute ne tarderait-on pas à servir le repas. Sans doute ne tarderaito-n pas à voir l'expédition revenir.

[Galathée]

Fatigué et mécontent de son travail — les avertir de quoi ? leur demander quoi, au juste ? et comment venir en aide à ceux qui étaient prisonniers et que, vraisemblablement, le Duc sacrifiait sans honte ? Louis avait utilisé le verbe "tuer". Pourquoi tuerait-on les gens ? Avait-il voulu dire "tuer à la tâche" ? Non, il avait dit "il tue les..."
Les quoi ?
Cette seule pensée le rendait malade. Mais il ne voulait en parler à personne. Parce qu'il n'y avait pas de solution. Aucune. Le temps passait, et il ne voyait toujours pas par quel bout prendre le problème... Il fallait qu'Hubert lise à nouveau les gros volumes qu'ils avaient rapportés. Dès ce soir. Ils rassemblaient des artefacts, des informations éparses, et chaque minute était une minute de trop, sur tous les fronts.
Il avait besoin d'une pause et d'un peu de chaleur. Il se rendit dans la salle commune, juste pour regarder les gens un moment. Cela devrait suffire pour lui rappeler les enjeux, mais sans doute pas pour le rasséréner...

[Taliesin]

Dans la salle commune, la vie suivait son cours, semblable à ce qu'elle avait été les jours précédents : les colons qui ne se promenaient pas ailleurs, qui n'étaient pas aux jardins, aux thermes ou à l'entraînement s'étaient réunis par familles ou par groupes d'amis, devisant, se distrayant... Des nouveaux venus avaient fait leur apparition, des échanges se déroulaient, les premiers liens se tissaient... La tranquillité apparente était telle qu'on n'aurait vraiment pas cru qu'une armée de démons était peut-être sur le point de jaillir des entrailles de la terre. Mais le cadre qu'offrait le palais était propice à se sentir en sécurité, à garder le moral...
Seulement quelques minutes plus tard, il fut tiré de son observation par le retour de l'expédition.

[Galathée]

Albérich alla à la rencontre d'Hubert. Ce dernier, souriant jusque là, devint plus soucieux en l'apercevant et Albérich devina que son expression trahissait quelque chose. Il s'efforça de se composer une mine moins marquée, sans espoir de le tromper.
" Alors ?
— Nous avons bien progressé mais le bâtiment est vaste. Il faudra retourner demain matin pour terminer. Les Tymorans ont besoin de faire le tour de la structure pour voir s'il y a des volumes non repris dans les pièces intérieures, quelque chose comme ça. Je crois qu'ils auraient aimé terminer ce soir, mais ça n'aurait pas été prudent.
— Non, effectivement.
— Et par chez toi ?
— Ça va. J'ai parlé à Etienne, à Marthe... Ce genre de choses.
— Je vois."
Ils se sourirent.
" Est-ce que tu crois qu'après le souper... Tu aurais le courage de te replonger dans l'un ou l'autre livre ?
— Je ferai ça, oui.
— Merci."
Hubert n'osa pas le toucher mais Albérich sut qu'il l'aurait fait en d'autres circonstances, et cela le rasséréna quelque peu. Le paladin partit ensuite vers l'armurerie, sans doute pour se changer, tandis que le Luménien continuait à réfléchir sur le futur proche de leur communauté.

[Taliesin]

-Bigre, en voilà une petite mine...
Thibault, surgi d'il ne savait où, venait de s'approcher sans qu'il le remarque.
Autour d'eux, le grand mouvement de convergeance en direction des salles à manger avait commencé.
-Si je n'avais pas aperçu l'expression plutôt satisfaite d'Hubert alors qu'il rentrait d'expédition, j'aurais pu croire que la situation avait encore empiré...

[Galathée]

Albérich lui sourit.
" Rien n'a empiré. Tout est même exactement identique à ce matin... Enfin... Si on excepte l'aube jaune. Mais c'est la perspective qui a changé. Juste une vue de l'esprit."
Il haussa les épaules.
" Beaucoup d'épluchures, aujourd'hui ?"

[Taliesin]

-Aucune. Pas davantage que de vaisselle ou de couture. Simplement une visite guidée du palais et des démonstrations de ses diverses fonctionnalités, les thermes en particulier.
Son sourire se fit désarmant.
-Le tout étant envisagé comme un contexte propice à nourir les réflexions quant à l'aide concrète qu'apporteront certains de nos collègues fraichement arrivés à la Communauté. Espérer en faire de grands lecteurs étant peine perdue, il faut bien trouver un moyen de les mettre à contribution d'une manière à la fois conforme à leur dogme et utile à la collectivité !

[Galathée]

" Ah oui... L'équipe qui s'enivre dès midi. Je l'avais oubliée."
Il adoucit ses propos d'un sourire, pour éviter l'escalade.
" Ce sont des gens que tu connaissais déjà ?"

[Taliesin]

Le Sunite adopta une mine scandalisée - si scandalisée, même, qu'il était impossible de la prendre au sérieux.
-Pour ta gouverne, sache d'une part qu'il n'y a que pour les petites natures ascétiques qu'une unique coupe de vin est synonyme d'enivrement, d'autre part qu'il n'y a que les Helmathandrites hélonniens pour n'accompagner un bon repas que d'eau plate.
Il sourit.
-Sinon... Non, je ne connaissais aucun d'entre eux, et il était donc d'autant plus important de faire connaissance.

[Galathée]

" Oui, dit Albérich, sans revenir sur l'accusation d'ascétisme — il aurait appelé ça être prudent vu les circonstances — dont il venait de faire l'objet. J'imagine que les lieux ont dû beaucoup leur plaire."
Il espérait que ces nouvelles recrues trouveraient à s'occuper d'ici à ce qu'ils identifient leurs moyens pratiques d'action. Pour l'heure, il fallait être patient, demeurer vigilant... Ce n'était pas facile. Mais ceux-là venaient d'arriver : l'usure de l'attente ne les avait pas encore atteints.

[Taliesin]

-Ah ça oui... Au point, d'ailleurs, qu'ils sont bien décidés à se rendre indispensables, histoire que quand les gens d'épée auront décidé qu'il était grand temps de se débarrasser de ces enquiquinants civils, on ne les force pas, eux aussi, à aller se geler dans un fort sinistre ou dans les Landes plus sinistres encore. Le souci, c'est que les spécialités de certains d'entre eux... ne pourront pas vraiment s'exprimer dans l'immédiat. Note toutefois qu'elles le pourront au moment où il sera question de célébrer la victoire. De quoi nous motiver à la remporter le plus vite possible, non ?

[Galathée]

Albérich rit doucement.
" Même un clerc hédoniste peut soigner une blessure ou ériger un glyphe. Bien sûr, il en faudra pour accompagner les civils, si nous décidons effectivement de les envoyer au loin... mais j'espère que cela se fera sur base volontaire."
Il songea à Gabriel, féru d'aventures, prisonnier consentant d'une myriade d'enfants sauvages.
" Nous n'en sommes pas là. Je n'ai pas encore parlé aux Paludiers, déjà."
En temps normal, Marthe s'en serait chargé. Mais avec tous les bouleversements, c'était sûrement lui qui reprendrait cette partie du travail...

[Taliesin]

-Je ne suis pas certain que la perspective de se replier en nous laissant le soin d'éliminer une menace susceptible de dévaster la région où eux-mêmes habitnt les réjouisse beaucoup : vu la patience dont ils font montre, j'ai plutôt le sentiment qu'ils entendent mettre la main à la pâte. Bon, mais je ne les connais pas le moins du monde, donc mes impressions valent ce qu'elles valent, c'est à dire pas grand chose.
Son sourire revint.
-Mais c'est pas tout ça : et si nous allions boi... heu, manger, je veux dire ?

[Galathée]

" D'accord, dit Albérich. Je te suis : tu me présenteras à tes nouveaux amis."
Il avait vu les clercs en début d'après-midi, bien sûr, mais ce serait l'occasion de bavarder plus informellement. Il percevait la carapace qui s'était formée autour de lui depuis son intervention matinale, maintenant les gens à distance, et il en était déjà malade. Mais c'était la nécessité, il fallait s'en convaincre, et aller de l'avant.

[Taliesin]

Ainsi se retrouva-t-il bientôt au beau milieu d'une joyeuse assemblée - la plus joyeuse, assurément, de toute la salle à manger. Outre Tihbault, Roland et Renaud, qu'il connaissait déjà bien, il y avait Suzanne - surnommée Suzie -, la prêtresse de Sunie, une jeune femme rousse au charme envoûtant, Lorenzo, adepte de Liira, un jeune homme au regard pétillant et au sourire communicatif, ainsi que Luther et Letho, les paladins de Lathandre, deux sémillants jeunes gens dont un regard suffisait pour comprendre qu'ils avaient dû donner du fil à retordre à leurs formateurs, tant ils semblaient... joyeusement délurés. Tous firent un excellent accueil à Albérich.

[Galathée]

Débarquer dans une compagnie complètement imperméable à la situation précaire dans laquelle ils se trouvaient avait quelque chose d'inquiétant et de réconfortant à la fois. Albérich décida de se concentrer sur la seconde sensation, au moins le temps du repas, et se plut à écouter leurs conversations légères et leurs plaisanteries. De temps en temps, son esprit dériva vers les activités des heures à venir : épauler Hubert dans ses visions, parler avec Freya, peut-être rassembler le conseil quelques minutes, mais il parvint chaque fois à raccrocher à la discussion en cours et même s'il n'y participa pas vraiment, il s'imprégna de sa tonalité.

[Taliesin]

Mais contrairement à ce qu'il avait imaginé de prime abord, la discussion n''avait de léger que le ton. Loin de parler de fadaises insignifiantes, les clercs et les paladins évoquaient la situation et, plus précisement, ce que l'on pouvait faire ici, dans ce palais, pour éviter que le moral de ceux contraints à ne pas agir, à demeurer à l'arrière, ne pâtisse pas trop de cet état de fait.
Ses compagnons n'étaient pas du tout imperméables aux enjeux, aux dangers. Simplement, là où certain affichaient de la gravité pour leur faire face, eux préféraient prendre les choses avec bonhomie et enthousiasme.

[Galathée]

Quand le repas fut terminé, Albérich se retira, souhaitant une bonne première nuit dans leurs murs aux nouveaux venus, puis se mit en quête du paladin. Hubert avait mangé parmi ses officiers et le rejoignit rapidement. Ensemble, ils se rendirent dans la salle du trésor.
" Bon, tu veux persévérer dans le bouquin sunite, revenir au grimoire, ou tenter celui que tu as trouvé aujourd'hui ?"
Hubert haussa les épaules.
" Il fait nuit. Optons pour la lumière." dit-il en ouvrant l'épais volume qu'ils avaient ramené du temple solaire.
Quelques secondes plus tard, son regard devint trouble. Il était paré.

[Taliesin]

Durant l'heure qu'il suivit, il eut deux visions.
Toutes deux lui montrèrent des cérémonies.
La pemière se déroulait à l'aube, dans le temple du soleil, et mobilisait une immense assemblée. Peut-être s'agissait-il, simplement, d'une célébration ordinaire comme il y en avait quotidiennement, de nos jour sencore, partout sur Helonna.
La seconde, plus intime, avai tpour cadre une petite chapelle fort semblable à celle qu'il avait visitée. On allumait des cierges, on priait devant la statue de l'être ailé... Ferveur et gravité étaient de mise.

[Galathée]

Après qu'Hubert ait raconté ses visions à Albérich, les deux hommes demeurèrent dubitatifs.
" Nous ne savons pas si ce que tu lis à le moindre intérêt, dit Albérich, finalement. Ce sont des livres, et ils contiennent toutes sortes d'informations... sans doute la plupart n'ont-elles aucune visée pratique.
— Ce sont des livres de pouvoir, pourtant, pas de simples récits...
— Je sais. Bah. Nous réessaierons demain. Je dois aller voir Freya, parler un peu de l'implication des Paludiers. S'il n'y a rien de neuf, autant ne pas réunir le conseil inutilement.
— Non, c'est vrai. Je vais prévenir Frida. On peut se retrouver au jardin médicinal ensuite.
— J'aimerais ça, oui."
Ils s'étreignirent un long moment.
" Ça va aller, dit finalement Hubert.
— Oh, je sais." répondit le Luménien.
Ils partirent ensuite chacun de leur côté.

[Taliesin]

Tandis qu'Hubert se rendait auprès de Frida - l'échange, comme de coutume efficace, ne dura pas plus de quelques instants -, Albérich gagnait la salle où s'étaient installés les Paludiers. Comme lors de sa précédente visite, Freya se dirigea vers lui sitôt qu'elle l'aperçut.
-Que puis-je pour vous ? s'enquit-elle après l'avoir salué.

[Galathée]

" Je n'avais pas d'objectif précis en venant vous voir, dit le Luménien. Juste... bavarder. Savoir comment vont les choses pour vous... Comment vous et vos compatriotes vivez la situation... Comme vous le savez sans doute, Marthe a décidé de quitter le conseil de la communauté. Jusqu'ici... elle était votre interlocuteur privilégié... à présent, j'imagine que ce sera moi. Nous ne nous sommes pas parlés depuis l'autre jour, quand vous m'avez parlé de votre pressentiment..."