[Bâtiment] Le Palais Présidentiel

[Galathée]

" Seul votre témoignage aura de la valeur, s'il est authentifié par le clerc. Le sien n'en aura aucune. On pourra toujours prétendre qu'il ne fait que répéter ce que vous lui avez raconté, comme un... animal savant."
Le centaure écarquilla les yeux de stupeur.
" Ne faites pas cette tête. Il vaut mieux que je vous en avertisse ici, qu'une fois que vous serez en public devant l'assemblée. Les gens ne sont pas tendres, vous savez ? Et les humains se serrent les coudes, comme n'importe quelle race. Votre histoire est pour le moins extrême, si vous me pardonnez l'expression. Alors soit mademoiselle fait tout le travail... mais elle ne pourra déclarer que ce qu'elle a vu de ses yeux personnels... soit on se cherche un clerc de Lurue... C'est une déesse sans temple, ça pourrait demander un peu de temps."
Il soupira.
" Il faut savoir que de toute façon, les... accusés auront un droit de réponse. Et ils vont sûrement trouver de belles explications. L'un dans l'autre, hum... Sans doute faudra-t-il qu'on établisse aussi votre... égalité des droits. Je ne suis pas certain que les centaures soient déjà recensés dans nos archives. Et sans ça... Il va falloir établir votre degré d'humanité."

[Voyageuse]

Astrée se surprit à serrer les poings. Tout ce que les propos de l'homme sous-entendaient la hérissait. Elle les trouvait extrêmement insultants vis à vis de Byron et de son peuple.
" C'est quoi, un... "degré d'humanité" ? Byron sait lire et écrire, il y a parmi les centaures des clercs et des bardes, ils ont une culture et des traditions qui remontent à la nuit des temps et leur shaman est plus puissant qu'un druide... Ça devrait suffire non ?"
Elle avait protesté d'un ton un peu sec, mais se retint de demander s'il entendait aussi par là le complexe de supériorité des humains vis-à-vis des autres races et leur tendance à la destruction de leur environnement. L'elfe qui lui faisait face n'était pas responsable de la complexité des relations interraciales. Elle savait très bien qu'une bonne partie des montequins considéraient les centaures comme de simples animaux savants, et justifiaient ainsi leur volonté de les "domestiquer"... Certains luméniens pouvaient très bien envisager les choses ainsi, également.
Elle se tourna vers Byron, un peu inquiète de voir comment il prenait cet aspect des choses. Il leur restait à trancher la question du témoignage, également. Il était important que Byron s'exprime lui-même devant les autorités, mais combien de temps cela prendrait-il de trouver un clerc de Lurue ?

[Galathée]

L'elfe sourit à Astrée, un brin ironique.
" Vous êtes un peu sanguine, pas vrai ? La colère va faire mauvais genre, je vous préviens. Ce n'est pas moi que vous devez convaincre, moi, je suis juste le malheureux employé qui veut vous donner un coup de main. Honnêtement, vous me dites qu'ils ont des bardes et des clercs. Vous savez quoi... les gobelins aussi !
— Nous ne sommes pas...
— Garde ta salive, mon gars. Comme je l'ai dit, ce n'est pas moi qu'il faut convaincre. Mais le souci, c'est que si vous voulez votre badge, et bien... ça veut dire que votre peuple... ou du moins votre groupe, parce que j'imagine que vous n'allez pas parler pour tout le peuple... Il faudra qu'il reconnaisse l'autorité luménienne."

[Voyageuse]

Astrée haussa un sourcil. Reconnaître l'autorité luménienne ? Qu'est-ce que c'était que cette histoire au juste ? Reynald avait prononcé ces mots lui aussi, en évoquant la possibilité qu'une harde puisse s'implanter dans la Trouée.
" Pourquoi ça ? Je ne vois pas le rapport. Si des personnes sous juridiction luménienne commettent un crime, alors quelle importance que les victimes soient ou non sous l'autorité luménienne ? Le crime reste le même ! Montequine est sous votre autorité, et l'esclavagisme est un crime... Mais cela dit, je ne suis pas sûre de comprendre exactement ce que vous voulez dire par reconnaître l'autorité de Luménis..."
Peut-être, en fait, que la ville n'acceptait de venir en aide qu'à des personnes demandant à se placer sous sa protection, et pour cela acceptant sa juridiction ? Ça voulait juste dire respecter les lois d'Hélonna ? Ça n'était peut-être pas un problème après tout. Tout dépendait de ce que contenaient exactement ces lois. Cela dit, ils n'auraient sans doute guère d'autre choix que de se plier aux exigences de la ville... Mais il était important que Byron sache exactement à quoi s'en tenir à ce sujet.

[Galathée]

" En fait, ça dépend. Si les centaures refusent l'autorité luménienne, pourquoi les villageois devraient-ils l'accepter ? Ils sont humains, vous êtes centaures, vous prétendez tous à la même chose... Montequine, comme vous dites, est sous notre jurisdiction... dans ce cas, la harde l'est aussi. Mais est-ce que la harde est prête à le reconnaître ? Cela signifie que si certaines de ses pratiques sont contraires à la loi, cela pourrait poser des problèmes... Je sais que pour certains peuples, la dette de sang est acceptable... ou le fratricide dans les luttes de dominance par exemple... Or, ces choses sont également illégales, au regard de la loi luménienne. On ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre, quelque part. Ça n'a rien à voir avec l'esclavagisme, mais si vous attirez l'attention des autorités sur l'existence d'un peuple qui prétend à une reconnaissance de son humanité, légitimement, j'en suis sûr, ce peuple doit pouvoir prouver qu'il fait partie des peuples qui partagent des valeurs... conformes à l'esprit luménien. Sans quoi... rappelez-vous de mes gobelins. Ils ne sont pas stupides. Mais les tuer est légal."

[Voyageuse]

Astrée réprima une grimace. Ça n'était pas si simple. Certaines traditions des centaures n'étaient pas acceptées par la loi luménienne, elle le savait très bien. Les Montequins n'avaient pas complètement tort quand ils parlaient de la part d'animalité des centaures. Mais toute espèce a sa part d'animalité, sans doute, humains y compris. Et en l'occurrence, pour les centaures, renoncer à leurs coutumes serait, quelque part, renoncer à leur identité, à ce qu'ils étaient, à leur nature. Ça n'était pas une bonne solution, elle en était convaincue. Mais si ces coutumes leur interdisaient l'aide de Luménis ? Quel choix devraient-ils faire ?
" Je comprends bien, soupira-t-elle. Pourtant il peut y avoir des races intelligentes qui partagent les valeurs luméniennes mais ont une ou deux pratiques traditionnelles, acceptées de tous, qui ne sont normalement pas autorisées par la loi luménienne. Comment peut-on traiter ce genre de cas ? Si, par exemple, les centaures ne peuvent pas respecter une ou deux lois luméniennes de par leur tradition, est-ce que leur problème devient insoluble ?"
Les montequins accepteraient certainement l'autorité luménienne, eux. Quoique... ils vivaient isolés et quasiment indépendamment de l'extérieur, ils pouvaient avoir des velléités de se déclarer indépendant du pouvoir central luménien. En tout cas, ça pouvait faire débat...
Elle n'avait pas imaginé que la situation puisse juridiquement être si complexe. Et plus elle discutait avec l'elfe, plus elle se disait qu'ils avaient tout intérêt à ce que la décision soit prise par Dame Lathiriel seule et non par l'assemblée.

[Galathée]

" Le problème, c'est que vous allez dire qu'une culture permet des exceptions... Que ferez-vous si ces Montequins estiment que leur culture autorise l'esclavage ? Va-t-on faire une gradation entre les crimes ? Permettre à certains ce qu'on interdit à d'autres ? C'est compliqué, dame, et il y a un socle de valeurs nécessaires, sans quoi on est hors-la-loi, et quand on est hors-la-loi... Il est difficile d'exiger qu'elle intervienne pour vous et pas pour les autres."
Il soupira.
" Quand l'autorité luménienne viendra à Montequine, elle mettra fin à l'esclavage. Et puis elle examinera les tenants et les aboutissants de la situation. L'histoire de cette pratique. Les torts de chacun. La guerre, finalement, qui a opposé les centaures et les humains. Il faudra punir les esclavagistes. Mais les meurtriers de l'autre camp, vont-ils accepter de se plier à la loi ?"
Il se tourna vers Byron.
" Votre harde est-elle blanche comme la neige ? Ou bien va-t-elle devoir accepter la justice des hommes ?"
Le centaure pâlit et jeta un regard inquiet à Astrée.

[Voyageuse]

Astrée grimaça.
" Difficile d'être blanc comme neige en période de guerre. On aboutit vite à des escalades de haine et de violence..."
Elle échangea un regard avec Byron, s'efforça de lui sourire avec confiance. La cause de la guerre était l'esclavage, donc les torts étaient du côté des humains. Même si tout n'était pas rose avant, même s'il y avait déjà des altercations, une escalade de violence peut-être... C'était ce que prétendaient les Montequins, et elle se souvenait des explications de la dryade et de Neffen. Les tensions remontaient à loin. Mais tout de même, les coupables, dans cette histoire, étaient principalement les humains.
" Quoiqu'il en soit, pour que justice soit rendue, il faudra de toute façon agir vite. Les centaures ont quasiment été exterminés, il ne reste parmi eux qu'une petite poignée d'hommes... de mâles si vous préférez, quelques femmes, et des enfants. Et là, pendant qu'on parle, les humains organisent des battues pour tenter de tuer les derniers survivants. Si Luménis n'intervient pas très vite, les autorités ne trouveront plus personne à qui demander des comptes dans leur camp..."
Mais pourquoi donc Reynald était-il absent alors qu'ils avaient tant besoin de son aide ? Il aurait sûrement su trouver de bons arguments, lui...

[Galathée]

L'elfe pinça les lèvres.
" Vous allez devoir jurer sous sortilège, dame. Vous avez intérêt à ne rien déclarer qui ne soit vrai, intégralement vrai, absolument vrai. Cela ne change rien à la nécessité, pour les centaures, de reconnaître l'autorité luménienne. La guerre mène à des atrocités, mais qu'on perde ou qu'on gagne, il y a des limites à ne pas franchir. Ce n'est pas qu'une question de camp."
Il les dévisagea l'un et l'autre.
" Je vais essayer de travailler sur les différents noeuds de votre affaire. Revenez demain matin à la première heure, et nous verrons où nous en sommes."

[Voyageuse]

Quoi ? Partir, déjà ? Astrée se mit à bredouiller.
" Mais... Déjà ? Je veux dire, je comprends bien qu'il faut du temps pour trouver un clerc de Lurue pour Byron, mais je pensais... je ne sais pas, qu'on pourrait peut-être, déjà, faire une déclaration écrite, ou même fixer une date pour rencontrer Dame Lathiriel. N'importe quoi qui puisse nous faire gagner un maximum de temps. Moi je suis prête à donner mon témoignage tout de suite, en attendant que Byron puisse donner le sien, si ça peut accélérer la procédure. Parce que la situation là-bas est vraiment... désespérée. Je ne sais pas vraiment combien de temps ils peuvent encore tenir."
Elle soupira.
" Je suis désolée d'insister ainsi, mais il y a des vies qui dépendent de ces démarches. Alors s'il y a quoi que ce soit qu'on puisse faire qui accélérerait les choses... Peut-être qu'on peut essayer de faire le tour des temples pour savoir s'ils connaissent un clerc de Lurue par exemple...

[Galathée]

" Si vous trouvez ce clerc de Lurue, c'est bien, oui. Et si vous voulez faire votre déposition... Vous pouvez venir en fin de journée, j'essaierai de vous trouver quelqu'un d'ici là. Ça ne s'improvise pas, vous savez, et le bureau suit environ vingt autres dossiers de conflits interraciaux sur Hélonna, en ce moment."
Il les dévisagea.
" Vous pensiez que c'était très original ? Dieux, les amis, vous êtes naïfs."
Il secoua la tête.
" Il me faut du temps pour rassembler des données sur votre espèce, monsieur... Byron. Et il faut aussi que vous réfléchissiez à ce que je vous ai dit. Votre amie parle tout le temps, avec cette impétuosité classique des humains, mais vous devez pouvoir me donner la position de votre harde sur ce que je vous ai dit. Sinon, vous allez faire perdre beaucoup de temps à tout le monde."
Byron acquiesça.
" Et je ne pense pas que c'est une décision que vous allez réussir à prendre juste là dans mon bureau."

[Voyageuse]

Astrée réprima un soupir... Oui, elle avait parlé, trop, et Byron n'avait rien dit. Elle jugeait ce que disait le fonctionnaire très déstabilisant, elle avait voulu prendre les devants... Mais il avait raison, Byron devait peut-être réfléchir encore à tout cela. Même si pour elle la décision ne faisait aucun doute, parce qu'ils n'avaient pas d'autre choix...
" Nous reviendrons en fin de journée, dans ce cas, pour une déposition... Sinon, si vous cherchez des informations sur les centaures, leur shaman me disait qu'il y a peu d'écrits à leur sujet, à part un ouvrage elfique, un Traité sur la Race Homoéquine ou quelque chose comme ça. J'espère que vous trouverez... ou que vous trouverez d'autres informations. Merci en tout cas pour votre aide, pour nous avoir expliqué toute la complexité juridique de l'affaire."
Elle espérait que l'homme n'allait pas attendre davantage pour commencer les recherches. Il pouvait craindre que les centaures n'acceptent pas l'autorité luménienne. Elle se tourna vers Byron, interrogative. Il avait sans doute besoin d'y réfléchir, mais s'il pouvait dire quelque chose qui aille dans le sens d'une acceptation des conditions, ça encouragerait l'elfe à commencer ses recherches...

[Galathée]

" Je dois... consulter... mon chef, articula-t-il finalement. Ou y réfléchir."
L'elfe acquiesça.
" Très bien. Pendant ce temps-là, je vais consulter le Bureau des Reconnaissances, pour voir s'il y a des choses en particulier qui doivent être actées pour que vous receviez votre papier. Je vais chercher le bouquin, aussi. Mais ce clerc de Lurue nous faciliterait vraiment les choses. Peut-être qu'au Castel des Beaux Etrangers, ils auront une idée. Il y a eu une jeune femme en ville, mais c'était déjà il y a plusieurs mois, et ce sont des clercs itinérants... Bref. Une autre possibilité, ce serait un clerc centaure, mais il faudrait attester de la qualité de ses sortilèges, ce qui nous renverrait à la case départ."

[Voyageuse]

Pauvre Byron. L'affaire s'annonçait beaucoup moins simple que prévu. Et elle avait beau se dire qu'ils n'avaient pas d'autre choix, la pilule restait difficile à avaler. Elle jugeait les conditions excessives. L'esclavage était interdit, les Montequins devaient être sanctionnés, c'était pourtant simple. Demander aux centaures, en échange, de renoncer à certaines de leurs coutumes était injuste, ces traditions ne dérangeaient personnes après tout ! Quant au fait de juger quelles races étaient dignes d'êtres aidées et quelles autres ne l'étaient pas, de décider que certaines pouvaient être exterminées... le principe la mettait sacrément mal à l'aise.
Mais après tout, ça n'était pas le fonctionnaire qui devrait prendre la décision. Peut-être que Dame Lathiriel se montrerait plus compréhensive ? Qu'elle n'imposerait pas ce genre d'exigence ? Pas certain. Et de toute façon, pour accéder à la conseillère, il fallait franchir le barrage de son secrétaire...

Astrée hocha la tête avec une grimace à la dernière phrase de l'elfe.
" Je comprends le problème..."
Un clerc centaure pouvait être jugé non impartial, peut-être ? Et on pouvait, tout bêtement, mettre en cause la qualité de ses sortilèges, imaginer que leur effet n'était pas similaire au sortilège humain.
" Est-ce qu'un clerc de Mielikki ferait l'affaire, sinon ?"
Ça lui semblait potentiellement moins rare qu'un clerc de Lurue. Et peut-être que Reynald ou Tybert pourraient avoir un clerc de l'une ou l'autre obédience dans leurs connaissance, après tout...

[Galathée]

" Oui. Mielikki, Lurue... Ça devrait marcher. Mais je ne suis pas certain que vous trouverez plus facilement le premier que le second."
Il haussa les épaules.
" Bon, si vous n'avez plus de questions, je vais vous ramener vers la sortie... Je sais que les méandres de l'administration sont complexes, pour qui n'y connait rien, mais vous allez voir, nous allons progresser."
Il se leva et leur indiqua la porte, puis les suivit quand ils sortirent.
" Je vais avertir le guichet d'accueil de me prévenir tout de suite quand vous revenez tout à l'heure..."

[Voyageuse]

Astrée hocha la tête avec un sourire. Au moins n'auraient-ils pas une attente interminable lorsqu'ils reviendraient.
" C'est gentil à vous, merci beaucoup..."
Elle était sortie la première du bureau, parcourant les couloirs et escaliers qu'ils avaient franchi un peu plus tôt.
Il leur fallait récupérer leurs affaires, et ils avaient ensuite du pain sur la planche. Et avant tout, lui semblait-il, ils avaient besoin de faire une pause. Au Parc.
Une fois revenus dans le grand hall d'entrée, elle tendit une main amicale à l'elfe.
" Merci encore pour votre aide... et à tout à l'heure, certainement..."

[Galathée]

L'elfe regarda sa main bizarrement, puis finit par la serrer mollement, et fit volte-face. Deux gnomes attendaient dans le hall et se dirigèrent vers lui, tandis qu'il levait les mains au ciel.
" Pas encore vous ! Saintes branches ! C'est la troisième fois en deux jours !"
Ils ne purent cependant en entendre davantage, car le trio s'engouffra dans un couloir et disparut de leur vue. Byron quitta le couloir et gagna le jardin, avec de frissonner.
" Il me faudrait Reynald, pour pouvoir contacter Sheldon."

[Voyageuse]

La rôdeuse acquiesça.
" Je m'en doutais... Je ne sais pas où il en est, je pense qu'il devrait être là d'ici ce soir au plus tard. Ils avaient une bonne journée de retard sur nous, peut-être un peu plus, mais le connaissant, il a dû trouver des charrettes pour avancer plus vite..."
Il lui fallait entrer en ville, trouver l'herboristerie, puis trouver le Castel. Elle soupira.
" Tu veux aller tout de suite au Castel pour voir s'il est déjà arrivé ? Ça me semble trop tôt encore, mais on ne sait jamais. On pourra aussi les questionner au sujet de ce clerc. Sinon, je te suggérerais bien de faire une pause au parc. Ça nous ferait du bien... à tous les deux. Mais on peut très bien faire un crochet par le Castel avant, bien sûr..."
Il leur faudrait aussi trouver de quoi se sustenter. A en juger par son estomac vide, l'heure du repas de midi était proche.

[Galathée]

" Je ne sais pas, répondit le centaure. Oui, allons au Parc... Juste histoire de faire le point, sans doute."
Ils récupérèrent leurs affaires et regagnèrent la rue. Il était effectivement près de midi et ils découvrirent plusieurs petites échoppes ambulantes le long de leur parcours, auxquelles ils purent acheter de quoi se sustenter, notamment de petites tourtes tièdes, fourrées de viande et de légumes, goûteuses. Tout en mangeant, ils traversèrent le quartier du gouvernement et ses mille promeneurs pressés jusqu'à atteindre les grilles salvatrices du Parc Verdoyant et ses promesses de quiétude.

HRP : reprends-les au Parc et indique peut-être vers quel genre de coin Astrée les entraîne ?

[Galathée]

Quête : Equité

Quittant le Parc Verdoyant, Astrée gagna à nouveau le Palais. Elle dut repasser par toutes les étapes de la fois précédente : saluer les gardes en faction, abandonner son équipement, gagner le guichet d'accueil. Heureusement, l'elfe avait prévenu l'employé, comme il l'avait promis, et Astrée n'eut pas à patienter très longtemps avant de le voir arriver. Il paraissait aussi pressé que plus tôt dans la journée et se contenta de la gratifier d'un signe de l'index, avant de repartir dans les couloirs. Il n'attendit pas qu'ils atteignent son bureau pour la tenir au courant de l'avancement de leur dossier.
" Bon, vous avez de la chance. Il y a déjà eu un cas litigieux impliquant des centaures par le passé, il y a onze ans, et l'humanité de la race a été attestée à l'époque. Cela signifie que nous pouvons nous passer de cette étape. Cependant, il reste le problème de l'acceptation, par le chef de la harde, de l'autorité luménienne. Il est probable que le décret prononcé par Dame Dithazir imposera des conditions des deux côtés. A présent que votre ami est absent, je peux le dire franchement : certaines pratiques de ces quadrupèdes sont franchement intolérables dans un état civilisé, et même si elles ne seront pas la première chose que regarderont les autorités, il n'est pas impossible qu'elles décident de sévir, à terme, pour y mettre fin. De la même manière, il est peu probable que les esclavagistes soient punis comme la harde le voudrait. Là encore, ils seront obligés de s'en remettre à la justice luménienne. Mais bon. Nous avons juste besoin d'établir l'acte d'esclavagisme. Votre témoignage devrait suffire, et nous enverrons ensuite des inspecteurs pour constater l'infraction. Les choses devraient aller vite."

[Voyageuse]

Bon... Les choses devraient aller vite. C'était une bonne nouvelle. Mais le reste du discours n'était pas tout à fait du goût d'Astrée. Elle aurait bien demandé à ce fonctionnaire quelle était sa définition d'un état civilisé, par exemple. En quoi jugeait-il les pratiques luméniennes plus "civilisées" que celles des centaures ? Et de quel droit les considérait-il comme supérieures ? C'était juste un peuple différent, avec un mode de fonctionnement différent qui jusque-là n'avait jamais gêné personne. Ils ne demandaient que le droit de continuer à vivre tranquillement dans leur vallée. Et pour ça, on leur imposait de changer leurs coutumes, alors que celles-ci ne nuisaient à aucun de leur voisin... Ça n'était pas juste. Et pourquoi les esclavagistes ne seraient-ils pas punis ? Est-ce qu'au moins on accepterait de les chasser de leur village ?
" Nous devrions avoir demain la réponse du chef de la harde concernant leur acceptation des lois luméniennes", répondit-elle néanmoins. "Je persiste à trouver un peu injuste qu'on leur impose tant de chose alors qu'ils sont, dans cette histoire, les victimes... mais je pense que leur chef comprendra qu'ils n'ont pas d'autre choix."
Elle réprima un soupir. Inutile de se lancer dans un débat avec cet homme, ce n'était pas lui qui déciderai des conditions imposées.
" Par contre... Mon témoignage prouvera sans conteste qu'il y a une situation d'esclavagisme, bien sûr, et suffira à lancer la procédure, mais il faudra tout de même que Byron puisse s'exprimer lui-même devant les autorités, devant Dame Lathiriel, pour exposer officiellement, si on peut dire, la demande de son peuple. Il est envoyé ici comme ambassadeur de son peuple, et... c'est à lui de parler, en fait. Il me semble important qu'il puisse le faire."
Une question... de respect. Les centaures étaient un peuple fier. En espérant que ça ne rallonge pas la procédure de plusieurs jours...

[Galathée]

L'elfe se tourna vers la jeune femme tout en négociant un dernier tournant.
" On ne leur impose pas grand chose. Si leur culture nécessitait d'égorger leurs nouveaux-nés femelles pour les cuisiner sur feu, trouveriez-vous normal que les autorités le tolèrent ?"
Il ouvrit la porte de son bureau et l'invita à entrer.
" J'ai lu le dossier concernant leur humanité. Des problèmes ont été soulevés, bien sûr. Vous allez dire que les souffrances qu'ils s'imposent ne concernent qu'eux. Certes. Mais on peut lire cela en terme d'aliénation, aussi. Pensez-vous parfois au plus jeune fils d'un chef de harde, qui a le malheur d'être moins costaud que ses frères, et qu'il sait qu'il va être massacré ? A partir du moment où leur harde veut faire appel à la loi luménienne, elle doit s'y soumettre. Nous ne pouvons pas faire deux poids deux mesures. Mais comme je vous le disais, cela ne sera sans doute pas nécessaire. L'ordre de mission de nos hommes ne concernera que la situation d'esclavage."

[Voyageuse]

" Je comprends", acquiesça Astrée en entrant dans le bureau.
D'un point de vue humain, il était inacceptable qu'on tue les frères du chef. Mais d'un point de vue centaure, c'était différent. Parce que la harde comptait bien plus que l'individu... donc cela leur paraissait tout à fait normal. La différence venait probablement de ce qu'ils n'avaient pas autant de libre-arbitre que les humains. Sauf peut-être ceux qui finissaient par devenir des sans-harde ? Elle était curieuse de savoir le parcours de ceux de l'auberge... mais il était peu probable qu'ils le lui racontent.
Quoiqu'il en soit, l'elfe n'avait jamais eu l'occasion de connaître des centaures, donc il voyait nécessairement la situation à travers les yeux de sa propre culture et de sa propre perception des choses. Il ne pouvait pas comprendre. Il était inutile d'en débattre, d'autant qu'elle voyait bien les raisons juridiques qui sous-tendaient tout cela. Ils trouveraient sans doute un autre fonctionnement, transformant par exemple les meurtres en bannissement, comme ils le faisaient pour les messagers pressentis liés à ces chefs potentiels.
Elle attendit qu'il l'invite à s'asseoir pour prendre un siège. Pour l'heure, elle ferait mieux de se concentrer sur son propre témoignage plutôt que de se préoccuper d'enjeux politico-diplomatiques qui la dépassaient.

[Galathée]

L'elfe lui désigna une des chaises puis passa dans la pièce voisine. Il revint accompagné d'un autre homme, plus âgé, qui portait une aube bleue et violette, barrée d'une écharpe blanche. Astrée remarqua qu'il portait un gant blanc à la main gauche et un gain noir à la main droite. Il salua la rôdeuse d'une inclinaison polie de la tête.
" Je vous présente Maître Félicien. Il sert Tyr, Luménis et sa justice. C'est lui qui va recueillir votre témoignage, sous couvert d'un sortilège de vérité."
Le clerc s'assit sur une troisième chaise.
" Dame, ce sortilège est de courte durée, je vous demanderai donc de prendre le temps de rassembler vos idées avant de vous exprimer. Si vous désirez prendre quelques notes pour ne pas perdre le fil de votre témoignage, n'hésitez pas. Je peux lancer mon sortilège quatre fois, mais si vous vous perdez en palabres et en circonvolutions, cela ne suffira pas. Concentrez-vous sur les aspects cruciaux de ce que vous voulez dire, et ne succombez pas aux interprétations ni aux racontars. Seules les choses dont vous avez été personnellement témoin ont valeur de preuve, mais il suffit de peu pour établir les faits dont vous accusez ces gens de la montagne."

[Voyageuse]

Astrée salua le clerc d'un signe de tête, accompagné d'un sourire un peu crispé.
" J'ai besoin de rassembler un peu mes idées, oui... Peut-être de les écrire. En fait, j'ai du mal à évaluer jusqu'à quel point je dois donner des détails, s'il suffit de dire que j'ai vu une situation d'esclavagisme ou si je dois préciser tout ce que j'ai vu de la façon dont ils sont traités, et ce que j'ai entendu affirmer par les villageois. Et c'est vrai qu'il y a quelques certitudes que j'ai simplement déduites de ce que j'ai vu et entendu..."
Elle n'avait pas songé que son temps serait limité à son point. Le seul fait de le savoir était stressant et susceptible de lui faire perdre le fil de ses idées, malgré ses efforts pour se répéter une fois ou deux durant le trajet l'essentiel de ce qu'elle devait dire. Elle grimaça.
"Il dure combien de temps, le sortilège ? Pour que je me rende mieux compte..."

[Galathée]

Le clerc croisa les bras.
" Disons qu'au total, je peux le faire durer un peu moins d'une demi-heure. Cela peut sembler beaucoup, mais en réalité, il n'en est rien. Je vous conseille honnêtement de prendre le temps de noter l'une ou l'autre chose. Si vous savez écrire, bien sûr. Si vous ne le savez pas, Caranthir peut vous servir de secrétaire."
L'elfe n'avait pas l'air ravi, mais il opina du chef, sortant un parchemin et une plume, qu'il poussa vers la rôdeuse.
" Vous ne devez pas chercher à faire davantage qu'établir l'urgence et la situation d'esclavage, reprit le Tyrite. Les détails peuvent être relevés par les enquêteurs que nous enverrons."

[Voyageuse]

Etablir l'urgence et la situation d'esclavage...
" D'accord..."
Astrée prit la plume et le parchemin, les sourcils froncés, concentrée. Il fallait simplement qu'elle fasse une liste de ce qu'elle ne devait surtout pas oublier de dire.
L'esclavage, c'était facile à prouver... Elle les avait vus nus, attachés, parqués dans des écuries. Obéissant aux ordres, faisant toutes les tâches. Les travaux des champs sous la surveillance de gardes armés. Les marques de fouet sur le corps de Byron. Comment ils essayaient de faire plier la résistance de Sheldon. Que des centaures mâles, les femelles étaient pour la reproduction. Elle ne les avait pas vues, mais elle avait vu les enfants centaures, là encore que des mâles, nés en captivité. Flûte, avait-elle une raison objective d'être certaine qu'ils étaient nés en captivité ? C'était pourtant une évidence... ils étaient sous la surveillance d'humains, pas de leur mère, et parqués dans une écurie la nuit. Elle avait vu la différence de comportement entre les centaures nés en captivité et ceux issus de la harde. Elle avait, également, discuté avec un montequin qui parlait ouvertement d'esclavage. Qui parlait d'élevage, et qui disait que les mâles sauvages finissaient souvent par être castrés pour casser leur résistance. Brrrr...

Elle notait juste rapidement quelques mots, une simple liste de ce qu'elle ne devait pas oublier.

Pour l'urgence... c'était plus difficile. Elle avait entendu les montequins dire qu'ils voulaient en finir, elle en avait déduit qu'ils parlaient d'achever les derniers centaures, elle savait que certains montequins étaient partisans d'exterminer la harde pour mettre fin à la guerre. Mais c'était une interprétation, ça, non ? Elle en avait la certitude, pourtant. Et elle savait qu'ils n'y avait plus que trente centaures environ, dont très peu de mâle, qu'ils ne pourraient pas tenir longtemps, retranchés dans un coin reculé de la vallée en attendant les secours. Et puis, ils avaient bloqué toutes les failles pour empêcher des renforts d'arriver... ou simplement pour cacher leur méfait ? Ça, elle n'en savait rien... Et la tension avait certainement monté encore d'un cran depuis qu'elle avait aidé le chef et son messager à s'évader. Il lui paraissait évident, d'après ce qu'elle avait entendu, que les humains avaient l'intention de tous les tuer rapidement. Mais c'était sa conviction, tout ça, pas des faits avérés... le sort faisait-il une différence ?
Le clerc avait raison, ça n'était pas si simple...

Elle soupira.
" J'ai noté l'essentiel, je ne devrais rien oublier... N'hésitez pas à me poser des questions si ce que je dis n'est pas clair."
Elle hésita.
" Mais avant de commencer, je voudrais savoir si je peux présenter des choses dont je n'ai pas été témoin directement mais que je sais véridiques... peut-être en expliquant ce que j'ai vu et entendu qui me conduit à cette certitude ? Il s'agit de ce qui m'amène à dire qu'il y a urgence...

[Galathée]

" Le sortilège vous empêchera de proférer des mensonges intentionnels. Mais si vous présentez les choses avec le doute requis, il n'y aura pas de difficultés." dit le Tyrite.
S'assurant que la jeune femme était prête, il écarta ensuite les bras et se mit à psalmodier à mi-voix. Un rayon d'énergie violacé dansa un moment autour de lui, avant de former une sphère translucide, d'énergie brumeuse, qui s'étendit peu à peu jusqu'à englober toute la pièce. Le Tyrite humecta ensuite sa plume et leva les yeux sur la rôdeuse.
" Vous pouvez y aller. Si votre langue pique et refuse de se mouvoir, c'est que vous ne dites pas parfaitement la vérité. Essayez de vous en tenir aux faits, présentez les supputations pour ce qu'elles sont, et tout ira bien. Nous vous écoutons."

hrp : tu n'es pas obligée de tout détailler, tu peux résumer les choses... Comme tu préfères

[Voyageuse]

hrp : je vais détailler (comment ça je suis une pipelette ? )... pour mieux estimer le temps qu'il lui faut, aussi (et bien sûr on suppose que le clerc relance des sorts).

L'incantation eût pour effet immédiat de paralyser l'esprit d'Astrée. La rôdeuse se trouva un instant incapable de trouver ses mots. Elle n'y attendait un peu, à vrai dire. Elle inspira profondément, relut le début de ses notes, elle avait longuement réfléchi à ses premiers mots, les plus difficiles... ah, elle se souvenait.
" Je... J'étais en expédition dans les contreforts des Pics des Orques, et... -le hasard... non, ça n'était pas vraiment le hasard- mes pas m'ont porté jusqu'au village de Montequine. J'y ai découvert une situation tendue, j'ai appris qu'ils étaient en guerre depuis environ trente ans contre des centaures. Il y a eu... une escarmouche, pendant que je logeais là-bas, et ils m'ont fait croire qu'ils avaient tué trois centaures, dont le chef de la harde. Mais il y avait des choses qui clochaient, des traces qui prouvaient que l'un au moins des centaures n'avait pas été tué mais capturé. Alors j'ai fouillé un peu. Et j'ai découvert un passage, une faille cachée derrière une maison, qui menait à une vallée secrète... et c'est là-bas que se trouve le vrai village de Montequine, bien plus grand que le petit hameau que j'avais vu."
Elle prit une inspiration. il fallait qu'elle aille plus vite, qu'elle aille à l'essentiel.
" Là-bas j'ai vu le chef des centaures, enchaîné, attaché à une sorte de structure de bois sur une place publique, complètement immobilisé. J'ai entendu les Montequins dire qu'ils le privaient d'eau et de nourriture et qu'ils se donnaient deux veilles pour venir à bout de sa résistance. Puis j'ai vu... des centaures esclaves. Tous ceux que j'ai vus étaient de sexe masculin. Ils sont traités... comme des chevaux intelligents, en fait. Ils sont nus, parfois bâillonnés, parfois entravés au niveau des bras, souvent attachés ou enchaînés, parqués dans des écuries. Ils obéissent aux ordres des humains, ils font tous les travaux nécessitant de la force. Les travaux des champs, entre autres, sous la surveillance de gardes armés. Ils servent de monture, et aussi de bêtes de bât. Et j'ai vu aussi les traces de coup de fouet sur le corps de Byron... C'est le messager du chef de la harde, il avait été capturé en même temps. Je n'ai pas eu le temps de repérer où étaient emprisonnées les femmes centaures, pourtant je sais qu'ils en ont capturé une en même temps. Mais j'ai vu des enfants centaures sortir un moment. Ils étaient bâillonnés, certains avaient les bras attachés dans le dos, et ils sont rentrés quand une des villageoises leur a ordonné. La nuit ils sont eux aussi parqués dans une écurie. Il s'agit très certainement d'enfants nés en captivité... et puis on voit la différence entre les centaures nés en captivité et ceux qui ont été capturés : ils ne sont pas dans les mêmes écuries, et les premiers se laissent apparemment monter sans la moindre réaction. Bref... j'en ai déduit que les femmes servent uniquement pour la reproduction. J'ai eu l'occasion ensuite de discuter avec un Montequin qui me parlait ouvertement de leur élevage, et employait le terme d'esclavage. "
Elle ne savait plus trop où elle en était, elle ne devait pas perdre de temps sur des sujets secondaires... Qu'avait-elle oublié ? Elle jeta un coup d'oeil à ses notes, laissant le temps au clerc de relancer un sort au besoin.
" Il m'a dit, aussi, qu'ils castraient les mâles capturés s'ils résistaient trop... Et que certains voulaient finir d'exterminer la harde pour mettre fin à la guerre mais que d'autres voulaient garder quelques centaures sauvages libres pour le plaisir de les... dompter. Ils sont de toute façon beaucoup moins nombreux que les centaures esclaves. Mais après que j'aie aidé Byron et son chef à s'évader, les choses ont monté d'un cran, je les ai entendu dire que le conseil avait décidé d'en finir avec tout ça. J'ai compris qu'ils ont décidé de tuer les derniers centaures libres, mais c'est mon interprétation. L'un d'eux parlait d'escalade de la violence. C'était quand ils m'avaient condamnée à mort pour avoir libéré les deux centaures..."
Flûte. Elle n'avait pas eu l'intention de parler de ça. Elle s'embrouillait, il fallait qu'elle reste claire. Qu'elle aille au but.
" Actuellement... La harde s'est réfugiée dans un coin reculé de la vallée cachée. Ils ont la certitude que les montequins vont les attaquer prochainement, ils n'ont pas dû apprécier l'évasion et veulent probablement gagner définitivement cette guerre. Les centaures vont essayer de tenir aussi longtemps que possible en attendant l'aide luménienne. Mais ils ne sont qu'une trentaine, dont très peu de mâles. Même avec la magie de leur shaman ils ne tiendront pas indéfiniment. Quelques veilles, quelques mois tout au plus. Le shaman me parle de tenir jusqu'à l'automne, mais je l'ai déjà surpris à être trop optimiste, ça me semble douteux. La vallée n'est pas infinie, tôt ou tard les Montequins trouveront leur cachette, et une fois repérés ils en viendront vite à bout. Ah, j'oubliais, ils ont fermé toutes les failles par des rochers, des éboulements, et la vallée est entièrement close, personne ne peut y entrer ou en sortir. Il faudra sûrement utiliser la magie pour accéder rapidement au village."
Elle hésita, relut une dernière fois son papier pour vérifier qu'elle n'avait rien oublié.
" Je crois que c'est tout... Enfin... je n'ai pas pensé de dire qu'ils mangeaient de la viande de centaure et j'ai vu la tannerie où ils travaillaient les peaux, mais ce n'est pas lié directement à l'esclavage... Et puis j'ai vu la terreur chez Byron, je l'ai vu plus démoli à chacune de mes visites, j'ai vu certains instruments qu'ils utilisaient pour essayer de conditionner leurs prisonniers à obéir, en particulier à être montés... Mon familier, un écureuil, a assisté à une séance de domptage du chef des centaures, vers la fin de sa captivité, mais c'était trop difficile à voir pour lui, il ne m'a pas donné de détails et n'est pas resté. Et sinon... le shaman m'a expliqué que la guerre avait commencé quand les centaures ont appris que les humains avaient asservi certains d'entre eux, mais Byron vous dira mieux... Je ne sais pas si vous avez besoin d'autres précisions ?"

[Galathée]

Les deux hommes s'entreregardèrent. Il n'y avait nulle horreur dans leur regard, peut-être juste une pointe de lassitude.
" Cela me semble suffisant, dit le clerc. S'il faut davantage de précisions, nous reviendrons vers vous. Je vais faire remonter votre témoignage à qui de droit. Le plus probable est qu'une force d'intervention sera envoyée pour constater la situation et y mettre un terme. Ensuite, il y aura l'enquête exhaustive, la désignation d'un juge... Cela prendra du temps, pendant lequel des mesures transitoires seront placées. Il faudra déterminer les torts de chacun, les peines à appliquer. Mais votre récit est suffisamment parlant en lui-même."
Il se tourna vers le dénommé Caranthir.
" Le témoignage du centaure lui-même reste utile, n'est-ce pas ?
— Disons qu'il n'est pas nécessaire au lancement de la procédure. La dénonciation extérieure reste suffisante mais... ce serait certainement un plus. Je ne sais pas bien. Peut-être pouvons-nous attendre l'effet de la première lecture."