La Couronne de Cuivre

Le fantôme s'approcha de Yann, le regardant avec curiosité, mais sans aucune animosité. Il détailait les enfants, allait et venait de l'un à l'autre, semblant parfois vouloir partir puis, il s'adressa à Thibault comme s'il fut le chef de la bande.

C'est qui ? Ton petit frère ? Moi j'm'appelle Constantin et toi ? J'suis mort parc'que j'ai voulu faire comme j'voulais, j'suis puni jusqu'à c'que je rachète ma faute. Et puis, vous faîtes quoi ici ?

Pour Podrick, la chose n'était pas aisée, il sentait que malgré les efforts physiques qu'il faisait, le froid le pénétrait et son chandail bien chaud qui maintenant était devenue un mince cordage lui aurait été nécessaire. Son oeuvre avançait lentement, le petit garçon avait les membres de plus en plus engourdis par la fatigue et le froid.

Thibault se départit quelque peu de son attitude défiante... tout en demeurant malgré tout des plus vigilants.
-Oui, c'est mon frère Yann. Lui c'est Etienne, mon frère aussi. Moi, c'est Thibault. Et, ce qu'on fait là, ben, on explore ! Notre ami Podrick nous a invités à passer deux jour chez lui et... il a des caves vachement grandes, pleines de couloirs, de passages secrets... Et là, on a trouvé l'entrée de ce tunnel dans son jardin.
-Et Podrick il est tombé dans une trappe.
-Un trou;
-Oui, enfin, voilà, donc on le cherche, coupa Thibault.

L'intéressé n'avait pas bougé d'un pouce. Mais il s'apprêtait à le faire : il pensait disposer d'assez de "corde" pour réaliser son projet. Et quand bien même n'en aurait-il pas suffisamment : il devrait faire avec. Gelé, les doigts gourds, il n'était plus vraiment en état de continuer à en fabriquer.
Se relevant, il rangea son matériel dans les poches de son manteau, puis, prenant une profonde inspiration, il se lança à l'assaut du boyau.

Constantin tourna autour des enfants en silence un long moment avant de reprendre la parole.

Vous êtes entrés par le passage de la Source, c'est pas le meilleur endroit, il faut se méfier, c'est là qu'il est tombé votre copain ? Ca m'étonne pas, c'est plein de pièges, vous avez d'la chance d'être arrivés jusqu'là.

Dans le boyau, Podrick commençait lentement son ultime ascension sans savoir non seulement s'il parviendrait jusqu'en haut, mais si ces cordages seraient suffisants et si le hamac prévu tiendrait sous son poids.

Thibault se frotta le menton.
-Le passage de la Source ? Je n'ai pas vu de source, pourtant...
-Mais y avait de l'eau dans le trou où t'es tombé... avança Yann.
-Oui, de l'eau qui a dû glisser au fond, s'infiltrer à travers la terre... Mais pas une source !
-Par contre, des pièges, ça, y en avait.
-Oui : le mur qui s'est refermé derrière nous, la trappe...
-Le trou.
-...par lequel est tombé Podrick...
-Et maintenant, faut qu'on aille le chercher, conclut Yann, décidé.

Pour sa part, Podrick progressait lentement dans le boyau. Il avait l'impression de gravir une cheminée d'une longueur incroyable, et ce vague sentiment de familiarité le rassérénait.
Il finit par atteindre le sommet, à bout de souffle, les coudes et les genoux douloureux. Il prit quelques instants pour respirer calmement, puis se lança dans la première étape de son plan : la fixation des pitons. Il regarda les anfractuosités les plus prometteuses, farfouilla dans ses poches à la recherche des tiges de métal, puis entreprit de les y insérer, puis de les enfoncer profondément en tapant dessus avec le talon de sa botte.
L'exercice était malaisé, l'obligeait à certaines contorsions pour ne pas dégringoler... Mais le petit garçon était agile, habitué à travailler dans ce genre de conditions. Et il était patient, surtout. Patient et déterminé.

Le petit fantôme s'envola revint alors que son rire amusé remplissait la galerie.

Pas d'eau, la source, pas d'eau ... puis, il revint le visage enjoué. C'est pas une source d'eau c'est le nom du passage, c'est un code pour que les traîtes puissent pas comprendre. Tu dis tu passes par la source et y pouvaient pas savoir.

Puis, il s'immobilisa regardant avec compassion le petit Yann qui tremblait de froid.

Ben, l'a pas chaud le petit, c'est pas facile pour rejoindre votre copain vu que vous pouvez pas passer par les murs. Je vais aller le voir, mais je vais vous montrer un endroit où fait sec et plus chaud ... enfin c'est comme vous voulez, si vous préférer le rejoindre maintenant ... mais ... vous pourrez pas entrer comme ça, ce sera long ...

Podrick avançait lentement, ses forces diminuaient petit à petit, mais la fatigue aussi il connaissait. Le soin qu'il prenait pour s'assurer à chaque centimètre gagné sur le boyau lui offrait d'avancer, bientôt. il pourrait fixer son hamac et enfin de reposer.

Les garçons s'entreregardèrent... puis, dans un même mouvement, secouèrent la tête. Yann y compris.
-On va avec toi.
-Même si c'est long.
-Même si on peut pas passer dans les murs.
-On va pas rester tranquillement à nous réchauffer quand Pod il est dans un piège.
-Et peut pas se réchauffer.
-Et est tout seul.
Une chose était certaine : ils voulaient partir au secours de leur ami dans l'instant, malgré le froid et la fatigue.

Le froid, la fatigue, Podrick les affrontait autant que ses compagnons. Sinon plus. Mais il faisait tout ce qu'il pouvait pour oublier ces désagréables sensations, pour se concentrer sur son travail.
Parvenu au sommet du boyau, il plaçait les pitons, un à un, avec une minutie sans faille, cherchant les anfractuosités les plus adaptées, la meilleure position pour encastrer les tiges de métal, ne lésinant pas sur les coups pour les enfoncer solidement entre les pierres... Une fois qu'il se serait assuré de la fiabilité de ces prises, il commencerait à y passer ses cordages improvisés...

Soulevant les épaules vu que cela lui était finalement égal que les frères viennent ou pas, il regarda pourtant Yann avant de prendre la parole.

C'est comme vous voulez, mais va falloir bien suivre c'que j'vous dirai, parcqu'autrement vous risquez d'tomber dans les pièges.

Lentement, ils cheminèrent dans les couloirs, se collant parfois à la paroi, marchant au milieu du boyau. Thibault dû activer plusieurs mécanismes avant qu'ils ne pénètrent dans une petite pièce, celle où le garçon voulait qu'ils attendent.

Bon, j'veux bien vous guider plus loin, mais d'abord vous vous changez. Dans l'armoire y'a plein de vêtements. Pendant ce temps je vais voir c'que fait votre copain. Pis ça l'rassurera

La chaleur était douce comme si un feu brûlait dans un âtre inexistant. Dans un grand coffre désigné par le spectre, moult vêtements de paysans s'y trouvaient. Peu seyants, peu confortables, mais secs et chauds. Quelques peaux de bêtes grossièrement assemblées avec un grossier fil de lin y étaient rangés.

Les enfants n'eurent pas le temps de protester que déjà Constantin avait disparu.

Dans le piège, Podrick continuait son labeur. Ses doigts engourdis par le froid avaient de plus en plus de peine à oeuvrer.

Les trois garçons échangèrent quelques regards mécontents. Le fantôme était bizarre : d'ordinaire, c'étaient les adultes, et non les enfants, qui se préoccupaient de choses telles que les vêtements mouillés, le risque d'attraper froid si on les gardait sur le dos... Et puis, quoi qu'ils aient dit, il les avait conduit là où il avait voulu : dans cette pièce à la température étonnamment élevée, compte tenu de la saison. Pire : il les y avait laissés tandis qu'il allait voir Podrick. Les prenait-il réellement pour des couards, des incapables ?
De mauvaise humeur, ils se changèrent néanmoins : après tout, ils avaient vraiment froid... Mais, peut-être par bravade, ils enfilèrent les peaux de bêtes plutôt que les frusques de paysans. Ainsi vêtus, ils feraient plus "barbares", inspireraient peut-être plus de respect au dénommé Constantin...

Podrick avait fini d'enfoncer ses pitons. Plus gelé que jamais, il s'efforçait à présent d'y fixer ceinture, cordelettes et lanières de tissu tressé. Plutôt qu'un hamac, bien trop compliqué à faire compte tenu de la situation, il avait opté pour une sorte de harnais qui le garderait suspendu juste en dessous de la trappe... Venir à bout de se labeur ne serait pas une mince affaire, mais il ne désespérait pas.

Les trois frères pouvaient se réchauffer et se changer, le petit fantôme ne s'inquiéta plus d'eux et fila vers le piège dans lequel Podrick était tombé. Celui-ci était afféré, faisant taire en lui la fatigue et la souffrance comme il savait le faire. Arrivé à mi-hauteur, Constantin fila au-dessus de l'enfant sans penser à la surprise que celui-ci aurait et d'une voix gaie s'écria.

Salut toi ! Mais tu fais quoi ? Tes copains y t'cherchent.

Si concentré sur son labeur qu'il en oubliait tout le reste - c'était la seule solution pour ne pas flancher -, Podrick ne vit pas venir le spectre et fut totalement pris au dépourvu par son intervention. Il sursauta violemment, son équilibre précaire entre les parois du boyau fut brisé et, dans un cri, il se retrouva à dégringoler tout en bas. Il finit bientôt au fond du piège, étalé de tout son long, et passablement sonné...

Ne comprenant que maintenant son erreur, le petit fantôme se mit à tourner autour du petit garçon. Il aurait voulu l'aider, mais cela lui était impossible. Il chercha vainement à se souvenir de son nom, mais cela non plus il ne le pouvait pas.

Bon, tu bouges pas, j'reviens.

Conseil bien inutile, même si Podrick reprenait suffisamment conscience, ses forces étaient maintenant nul et sa chute n'avait rien arrangé. Constantin fila vers la pièce où il avait laissé les trois frères et dès qu'il fut arrivé, resta silencieux à les regarder un moment.

Ben dîtes donc ! Puis de continuer sur un ton autoritaire. Votre copain, il est pas très bien. Toi Thibault, je te guide, mais les petits y restent ici où j'emmène personne.

Ce n'était pas un caprice, mais certains passages allaient se révéler délicat et le trajet serait plus vite parcouru si seulement l'ainé l'empruntait.

Thibault grimaça. Il savait que ça n'allait pas plaire aux deux autres. Pas leur plaire du tout... Et puis, avec sa cheville toujours vaguement douloureuse, il n'irait pas bien vite...
Mais si le fantôme ne leur laissait pas le choix, que pouvait-il faire d'autre qu'accepter et tenter de convaincre Yann et Etienne ?
-Bon, les gars, je vous confie une mission... commença-t-il.
-Pas question. On vient. Moi, en tout cas.
-Moi aussi, je viens !
-Mais c'est une mission super importante ! Faut surveiller nos fringues pour que personne vienne nous piquer les boutons ! Vous savez bien qu'on est sur les lieux de la guerre !
Ses frères écarquillèrent les yeux.
-Tu nous prends pour des imbéciles ? maugréa Etienne.
-Heu... Ben...
-Personne a voulu nous piquer nos boutons jusqu'ici, alors pourquoi ça changerait ? fit Yann, que cette possibilité inquiétant pourtant toujours.
-Laisse tomber, il nous prend pour des imbéciles.
-Ben non, mais... Si Constantin veut pas que vous veniez, on va pas laisser Podrick attendre indéfiniment dans son trou...
Les autres demeurèrent butés, les bras croisés.
-On sera plus efficaces tous ensemble.
-Je reste pas à attendre pendant que Podrick il va pas bien. Lui, si j'avais un problème, il viendrait ! Même si c'est risqué !
-Il est un peu plus vieux que toi !
-Et alors ? Pépé il dit comme quoi la valeur elle attend pas le nombre d'années, ou un truc comme ça !

Constantin marqua un temps de silence avant de répondre décidé d'autant que maintenant, il savait comment nommé celui qui se trouvait dans le piège.

Bon, moi j'discute pas, c'est juste Thibault ou Podrick y s'débrouille tout seul. Je discute pas avec les petits. Eux y restent ici ou vous restez tous les trois. A vous de décider et vaut mieux qu'vous fassiez vite.

Podrick, se remettait lentement de sa chute, tentait de se relever en s'appuyant contre le bord du boyau. Dernier rempart pour ne pas croupir dans l'eau stagnante au fond du trou dans lequel il était tombé.

Etienne et Yann fusillèrent le fantôme du regard.
-Je suis pas petit ! Je suis à peine moins vieux que Podrick !
-Moi non plus, j'suis pas petit ! Enfin pas tant que ça !
Thibault soupira.
-Allez, les gars. On a pas le choix, faut que vous soyez... responsables, quoi...
-Responsables ? cracha Etienne. Oh, ça te va bien de dire ça ! C'est pas toi qu'on oblige à rester en arrière comme si t'étais un bébé !
-Ouais ! renchérit Yann.
Leur aîné grimaça.
-Ben on a pas l'choix, comme je dis... Et pendant que vous râlez, Podrick, il est sous sa trappe...
-SON TROU !
-Ouais... En tout cas, il est pas en bonne posture, et vous faites que prolonger ça...
Ses cadets, fulminants, tantôt le dévisageaient, tantôt observaient le fantôme, d'un air plus que haineux.
-Allez-y, alors, lâcha Etienne, froid comme la glace. On boira notre biberon, en attendant.
Thibault, malheureux, se tourna vers Constantin.
-Bon ben... On y va...

Le petit fantôme ne répondit pas aux regards acerbes des deux petits, il était bien loin de ces regards haineux et il ne s'intéressa qu'à Thibault et au chemin qu'il allait lui faire suivre.

Allons-y, bon je volerai près du sol, tu dois passer exactement là où je passe, si je vais trop vite, tu cries. Allez en route.

Le mécanisme de la porte fut activé et celle-ci n'était pas complétement fermée que Thibault courrait le plus vite qu'il pouvait derrière Constantin qui s'était élancé à un rythme élevé. Parfois celui-ci 'sarrêtait, montrait à l'enfant un mécanisme à actionner ou un piège à éviter en passant sur une très mince bande de terre.

Ils arrivèrent devant une butte de terre et de pierres où seul un petit passage était visible tout en haut.

Tu comprends pourquoi les petits pouvaient pas venir, on serait pas à moitié du parcours et ils seraient sûrement tombés dans un piège. Bon là va falloir que tu creuses pour passer, fais gaffe en escaladant ça risque de s'ébouler. Mais après on sera arrivés.

Dans le piège, Podrick s'était appuyé contre le mur du boyau, le froid l'envahissait jusqu'à la moelle des os, il se sentait petit à petit défaillir, pourtant avec toute la hargne il était encore et toujours debout.

Dans son laboratoire, la magicienne venait de terminer son expérience, elle annotait les différentes manipulations de remarques personnelles avant d'aller voir ce que faisaient les enfants.

Thibault acquiesça puis, avec maintes précautions, entreprit l'ascension. A deux reprises, des pierres dégringolèrent sous son pas, manquant le faire tomber ; mais il réussit à conserver son équilibre et, parvenu au sommet, il commença à creuser, à mains nues, afin d'élargir l'étroit passage. La tâche était loin d'être évidente... Il s'y attela cependant avec conviction et patience. Après tout, c'était de sauver Podrick dont il était question !

Le trou s'agrandissait lentement, Thibault sentait le bout de ses doigts s'érafflés sur les pierres qu'il tirait de toutes ses forces, parfois, il glissait et devait remonter ou une pierre enlevée voyait une autre la remplacer.

Pendant que tu creuses, j'vais aller trouver ton copain pour lui dire que tu arrives.

Constantin disparut à travers le mur derrière lequel le petit garçon s'accrochait à ce qu'il pouvait pour rester conscient.

Eh Podrick, faut tenir, Y'a Thibault qu'y s'ra là dans quelques minutes ... eh ça va ?

Tandis que son ami s'acharnait non loin de là, Podrick relevait les yeux sur l'apparition.
-Heu... Salut... fit-il comme préambule, tout en cherchant à rassembler ses pensées.
Un fantôme. Celui qui l'avait fait sursauter alors qu'il était sur le point de terminer son harnais. Mais pourquoi diable ne s'était-il pas annoncé, s'il était bienveillant ? Il avait pu vouloir lui faire une simple farce, mais, franchement, si c'était le cas, ce n'était pas bien malin.
Et puis, qu'est-ce qu'il fichait là ? Le collègue d'Arya avait dit qu'il n'y avait plus d'êtres de ce genre sous la maison ! Il fallait croire qu'il n'était pas bien doué, et il ne manquerait pas de le dire à la magicienne...
Cependant, le point crucial contenu dans les paroles de Constantin lui apparut enfin : Thibault arrivait. Cela paraissait étrange : comment pouvait-il approcher ? Par où comptait-il venir ? Il avait examiner toutes les parois de son cul de basse fosse, sans découvrir l'ombre d'un passage !
Peut-être le fantôme se jouait-il de lui ?
Peut-être avait-il fait du mal à Thibault et aux autres ?
Mais alors, il voyait mal ses amis lui confier leurs prénoms...
-Heu, oui, ça va... répondit-il d'un ton un peu trop léger.. Je me gèle et j'hésite à me faire pipi dessus pour me réchauffer, mais à part ça, tout roule !
Hésitation ou pas, sa vessie ne tiendrait plus très longtemps. Mais... il était trop engourdi pour s'en préoccuper, désormais.

La réplique de Podrick comme sont aplomb firent briller de l'admiration dans le regard du feu petit page. Il n'avait jamais eu autant de force de caractère et lui qui se destinait à être chevalier se l'était souvent vu reprocher.

T'es bientôt sorti de ce trou, faut pas t'inquiéter, mais y'a eu un éboulement et ton copain, y doit d'abord creuser. J'vais voir où il en est, ce s'ra plus très long. J'reviens.

Le petit fantôme disparut et se retrouva face au passage que se fréyait Thibault qui se faufilait avec peine à travers un trou juste à sa taille.

Bon l'temps qu'tu sortes, j'vais dire à Podrick que t'es passé.

De repasser le mur souriant.

Ton copain est passé, j'vais lui expliquer comment ouvrir.

Et de disparaître à nouveau et de guider Thibault.

Bon, j'sais pas comment tu vas faire, mais ... euh ... c'est que le mécanisme il est assez haut. De le désigner et de constater qu'il manquait à l'enfant lorsqu'il sautait une bonne vingtaine de centimètres pour atteindre la poignée déclenchant l'ouverture du piège. ]Va falloir que tu trouves une solution, je vais dire à ton copain que ... ben .. il faut qu'il attende encore un peu.

Et de se retrouver face à Podrick

Il est pas très grand Thibault et pis, faut qu'il trouve un moyen pour atteindre la poignée, alors je sais pas. Mais pt être que j'pourrai aller chercher ta maman, enfin si tu penses qu'elle sera pas terrifiée de me voir, elle vous criera p't-être dessus, mais ça irait plus vite.

Aller chercher Arya ?
Podrick, trop fatigué pour répliquer qu'elle n'était pas sa mère, ou même y songer, fronça les sourcils. Bien sûr, elle pourrait tout arranger, mais... Il lui faudrait d'abord enclencher le mécanisme ouvrant le tunnel dans le jardin, et ce n'était peut-être pas évident : lui avait eu un coup de chance. Ensuite, elle devrait suivre les tunnels, éviter les pièges, gagner l'endroit où se trouvait Thibault... Cela pouvait être long. Très long...
-On va déjà voir si Thibault y arrive... répondit-il finalement.
Ce dernier n'avait pas chômé, Constatant qu'il ne pouvait atteindre le mécanisme, il était retourné sur ses pas récupérer quelques pierres et, depuis, en amoncelait un petit tas. Dès qu'il aurait la hauteur requise, les vingt centimètres qu'il lui manquait, il grimperait dessus et serait en mesure d'utiliser le levier...

Persuadé que celle qu'il pensait être la mère de Podrick devait être une véritable marâtre, Constantin n'insista pas, ne rajouta pas qu'il y avait une sortie, voire une entrée puisque c'était à double sens, seulemetn à quelques pas. Il aurait voulu aider un peu plus le petit garçon, mais sa qualité de fantôme l'empêchait d'être plus efficace.

Ben, c'est comme tu veux et pis t'a raison, ton copain, il va faire vite, tu sais, il s'est bien débrouillé pour me suivre, ch'ui allé vite et il a jamais dit de ralentir. bon je vais voir où il en est.

Thibault avait réussi à faire un petit monticule relativement stable et au même moment que le spectre réapparaissait, il touchait enfin le mécanisme. Mais, celui inutilisé depuis des siècles refusa d'obéir malgré les efforts répétés du garçon.

Essaie encore

Ben ça marche pas ton truc, y'en a pas un autre

Ben non, c'est le seul et puis y marchait bien avant. Tu appuies pas assez fort.

Mais j'peux pas plus fort.

T'en j'vais voir ton copain pour le faire patienter, j'reviens, mais essaie encore.

La mine de Constantin était plus grave, il pressentait le pire car si le mécanisme ne fonctionnait pas, l'enfant ne pourrait jamais sortir, la trappe supérieure ne s'ouvrant pas tant que le mécanisme du bas n'avait pas été actionné.

Ben, t'attends encore un peu, y'a ... enfin ... c'est pas grave, mais ... l'est un peu grippé le mécanisme.

-Faudrait de l'huile... murmura Podrick. Mais à part s'il éteignait sa lampe et vidait le contenu sur le mécanisme...
Bah, si Thibault n'y arrivait vraiment pas, il enverrait le fantôme quérir Arya. Peut-être serait-il assez gentil pour la guider dans les tunnels, lui faire éviter les pièges...
Son ami ne se décourageait cependant pas. Il avait fini par attraper le levier, mettre ses pieds contre le mur, en appui... et peser de tout son poids. Si cela ne suffisait pas, il s'y suspendrait tout entier...

Les paroles de Podrick, bien que murmurées ne tombèrent pas dans l'oreille d'un sourd et Constantin acquiessait alors que déjà il repassait le mur.

J'vais lui dire...

Et voyant Thibault suspendut de tout son pied au levier, il n'hésita pas à rapporter l'idée du prisonnier.

Attends, ton copain a eut une idée, mais j'sais pas comment tu vas faire, car il faudrait pas que tu te brûles et en plus te sera dans le noir ... non ... attends ... viens, suis-moi.

Le garçon se sentant impuissant suivi le petit fantôme, à une dizaine de pas de là, il lui indiqua un mécanisme qui fit s'ouvrir une trappe sur l'extérieur. Un paquet de neige lourde et mouillée s'écroula sur le sol, manquant de peu l'enfant qui se tenait sur le côté et la clarté extérieure pénétra dans le boyau.

Maintenant passe tes mains dans la neige ... encore .... éteinds ta lampe et va mettre l'huile sur le mécanisme. C'est Podrick qui a eu l'idée et ça devrait marché.

Thibault n'attendit pas, ne fit guère attention au support brûlant pour accéder au contenu et grimpant sur le tas de pierres et de terre, il appliqua conscienceusement l'huile restant dans la lampe tout en actionnant régulièrement la poignée.

Un grincement se fit entendre, puis plus rien ... puis face à l'acharnement de l'enfant, ce fut un succession de déclic et lentement le mur s'effaça rendant la liberté au petit protéger d'Arya.

L'apparition subite d'une ouverture dans sa geôle jusqu'ici hermétiquement close, ainsi que la vision de son ami, rendirent immédiatement quelques forces à Podrick. Assez, du moins, pour se déplacer.
-Ben dis donc, t'en as mis du temps ! s'exclama-t-il en arrivant face à Thibault. Tu faisais quoi pour avoir tardé comme ça ?
Le garçon grimaça, embarrassé.
-Ben, je...
-Et puis, c'est quoi cette tenue ? Des peaux de bêtes ? Tu jouais au barbare ?
L'autre, pantois, ne sut que répondre. Mais déjà Podrick se fendait d'un large sourire.
-Allez, va, je te taquine ! Je te dois une fière chandelle, vraiment !
Et de lui serrer l'épaule avec chaleur. Pour un peu, il l'aurait étreint, tant son soulagement était grand.

Une lueur d'envie fit briller un peu plus de petit spectre face au mouvement d'amitié et d'affection que Podrick eut à l'égard de Thibault , mais celui-ci savait les petits encore dans la pièce où ils les avaient laissés et il ne souhaitait pas que ceux-ci dans l'impatience s'aventure dans les couloirs remplis de pièges.

Bon, puisque tu connais la sortie Thibault, moi je vais faire sortir les petits.

Sans attendre de réponse, avant même que les enfants puissent dire qu'ils voulaient l'accompagner, Constantin avait disparu. Quelques secondes plus tard, il apparaissait dans la pièce où Yann et Etienne attendaient ... direction la sortie.

Bon, votre frère a réussi à sortir Podrick du piège, maintenant vous ramassez vos vêtements et vous me suivez, pour moi vous êtes des grands, alors je ne prendrai pas plus de précautions que si ce fut Thibault qui me suivait.

Piêtre mensonge, mais Constantin se souvenait des paroles des enfants et c'était sa manière de leur montrer qu'il ne les sous-estimait pas, mais que la situation l'avait obliger à agir autrement.

La magicienne, après avoir terminé dans son laboratoire avait tendu l'oreille. Un groupe d'enfants particulièrement bruyants s'ébattaient non loin et bien qu'elle ne reconnut pas la voix de Podrick, elle pensa qu'il faisait partie du groupe et s'en alla alimenter le feu du fourneau pour préparer un bon chocolat chaud avant de faire rentrer les enfants. Une fois tout prêt, elle se présenta sur le perron au moment même où Podrick et Thibault s'apprêtaient à sortir des boyaux.

Podrick, Etienne, Yann, Thibault, il vous faut rentrer maintenant.

Podrick sourit en entendant la voix de la magicienne. Cela acheva de le réconforter... mais il était d'avance amusé par sa réaction quand elle les verrait débarquer, dans un état de saleté pas du tout reluisant, loin s'en fallait. Et avec un Thibault vêtu de peaux de bêtes, de surcroit ! Oh oui, ça ferait son petit effet...
-On arrive ! lança-t-il d'une voix forte.
De leur côté, Yann et Etienne suivaient bon gré, mal gré le petit fantôme. Leur ressentiment à son égard n'avait pas diminué, ils n'étaient pas dupes de son mensonge et se demandaient même s'il n'avait pas isolé Thibault pour lui faire subir les dieux seuls savaient quel sort. Ils se montraient donc des plus vigilants, prêts à se défendre le cas échéant. On verrait bien s'ils étaient des bébés !

Rassurée par la réponse de Podrick, la magicienne rentra dans la maison et s'afféra pour préparer aux enfants un goûter copieux et surtout chaud, ne doutant pas qu'après les heures passées à jouer dans le jardin, ils devaient avoir besoin d'une boisson bien chaude.

Constantin passa devant, allant suffisament vite pour que les enfants ne puissent le ratrapper, mais modérant son allure afin de ne jamais les distancer. Venait maintenant le seul passage vraiment délicat où seule une mince bande permettait l'accès à une sortie située non loin de la pièce où ils avaient attendus.

Bon maintenant, je vais n'être plus qu'une ligne et vous devez absolument ne suivre qu'elle ... enfin vous faîtes ce que vous voulez, moi je veux bien avoir un petit copain pour l'éternité.

Constantin ne devint plus qu'un trait blanc sur le sol, bande d'une dizaine de centimètres sur un mètre de long ...

Les gamins furent tentés, par provocation ou, qui sait, par crainte d'un piège, de marcher exactement là où ça leur était interdit. Mais, après avoir échangé un regard, ils suivirent les instructions de Constantin, marchant avec précaution sur la ligne qu'il avait dessinée. Ils n'en demeurèrent pas moins sur leurs gardes, prêts à réagir au premier signe de traquenard.

Une fois les enfants passés ce passage, Constantin leur montra où activer le mécanisme qui leur permettrait d'accéder à une pièce minuscule. Les enfants suivirent les consignes et se retrouvèrent enfin en sécurité aucun piège n'existant dans la pièce.

Bon maintenant, faut vous plaquer au mur si vous voulez pas recevoir l'échelle sur la figure. Et pis faut que vous appuyez sur les mécanismes de chaque côté. ben chacun appuye sur un, mais faut appuyer très fort, sinon ça fonctionne pas.

Podrick et Thibault pénétrèrent dans la maison et à leur arrivée la magicienne les regarda d'un regard plus inquiet qu'amusé en voyant son petit protéger, les lèvres bleuies par le froid enduré pendant près d'une heure au fond de sa prison et la tenue plutôt primitive de son copain. Surtout, elle s'attendait à voir arriver les deux petits frères qui semblaient pourtant ne pas pointer le bout de leur nez.

Elle entoura Podrick de ses bras, enlevant le châle qu'elle portait pour en enveloper l'enfant et le pousser vers la cheminée tout en regardant inquète vers la porte et étonnée vers Thibautlt.

Je crois que vous aurez encore bien des aventures à me raconter, mais, Etienne et Yann ne sont pas avec vous ?

Podrick accueillit avec bonheur la chaleur du foyer, même si celle-ci, tranchant radicalement avec le froid et l'humidité dans lesquels il avait dû rester bien trop longtemps, était presque douloureuse. Ses vêtements, trempés par endroits à cause de l'eau croupie dans laquelle il était tombé, lui collait à la peau. Mais il s'en soucierait plus tard.
-Oh oui, plein de choses à te raconter, qu'on a ! répondit-il. Et les autres, t'inquiète pas, vont arriver. Sont avec un p'tit fantôme qui nous a aidés. D'ailleurs, ton collègue, il s'est trompé, puisqu'il y avait ce fantôme dans les souterrains; Enfin, p'être que comme ceux-là sont pas directement en dessous de la maison...
De leur côté, Etienne et Yann appuyaient sur les mécanismes de toutes leurs forces, avec hargne, presque. Ah, qui pourrait encore dire qu'ils étaient des "petits", après ça ?

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Quête : Brumes

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