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Posté : ven. 06 mai 2011, 18:05
par Victor
Quête : voyage au bout de la nuit.
-La harpe, fit spontanément le gamin. C'est l'instrument dont joue... mon maître. Il a commencé à me montrer certaines choses...
Et ce fut fini. Sitôt sa réponse donnée, la Dame parut l'oublier. Mais il ne s'en offusqua pas : sous l'emprise de la fumée, il était incapable de la moindre arrière-pensée, de la moindre idée noire. Aussi profita-t-il avec enthousiasme du reste de la soirée, goûtant la présence de son épouse comme le faisaient tous ses compagnons.
Lorsqu'elle s'en fut, il ne tarda guère à regagner sa chambre et à se coucher - tout habillé, puisqu'il était dans la tenue adéquate. Il n'avait pas oublié qu'un réveil matinal l'attendait et il avait hâte que cette ultime épreuve soit derrière lui. Quoiqu'elle ne l'inquiétait guère.
Qu'est-ce qui aurait pu l'inquiéter, dans l'état d'euphorie où le plongeait la fumée ?
Posté : ven. 06 mai 2011, 21:06
par Voyageuse
Quête : Voyage au bout de la nuit.
Le réveil fut affectivement très matinal : le jour n'était pas encore levé. On tambourina à sa porte, on l'extirpa de son lit manu militari, on lui laissa généreusement deux minutes pour aller aux toilettes, avant de lui bander les yeux et de l'entraîner dans un parcours complexe. Il dut tourner sur lui-même plusieurs fois, avancer, reculer, monter des marches, en descendre d'autres, tourner encore, monter un escalier infini. Les railleries ne manquaient pas à chaque fois qu'il trébuchait, mais ses "accompagnateurs n'étaient que trois, à en juger par leurs voix.
Il déboucha finalement à l'air libre - glacial-, légèrement étourdi, et on lui retira son bandeau d'un coup sec. Face à lui, le soleil se levait, éblouissant, lui permettant tout juste de discerner trois cibles à une trentaine de pas devant lui, à contre-jour. Sur les côtés, ses compagnons faisaient une sorte de haie d'honneur aux couleurs du château. Il réalisa que tout autour d'eux, c'était le vide : ils étaient sans doute au sommet de l'une des tours, particulièrement large.
On lui tendit un arc et cinq flèches.
- Une flèche sur chaque cible, dans les deux anneaux du centre, et tu auras réussi. Si tu échoues, une épreuve de rattrapage t'attend...
Kilian finit la phrase sur un ton sinistre. Les autres se mirent à taper des pieds sur un rythme lent, régulier, leurs bottes réonnant sur les dalles de pierre.
Posté : sam. 07 mai 2011, 12:12
par Victor
Quête : Voyage au bout de la nuit.
Victor faillit lancer une bordée d'injures. N'avaient-ils pas laissé entendre qu'il s'en tirerait très bien, avec cette dernière épreuve ? Il s'en tirerait très bien pour échouer, ouais ! Il ne se souvenait pas avoir déjà tiré à l'arc, et en tout cas jamais avec une arme d'adulte, trop grande, trop peu maniable pour lui. Serait-il même capable de la bander ? Pour ne rien arranger, les cibles étaient lointaines, et ces imbéciles s'étaient arrangés pour qu'il ait le soleil dans les yeux. Bref, ils avaient tout fait pour qu'il se plante.
Il jeta à Killian et aux autres un regard appuyé pour bien leur montrer qu'il n'était pas dupe. Puis, sans mot dire, il s'empara de l'arc. Il ne toucherait probablement pas une seule des cibles, mais il ferait de son mieux, avec application et détermination. Ce serait un fiasco dont ils se gausseraient ; toutefois, ils ne pourraient pas lui reprocher de s'être défiler, de ne pas avoir affronter l'échec avec aplomb et dignité.
Posté : sam. 07 mai 2011, 22:09
par Voyageuse
Quête : Voyage au bout de la nuit.
Comme il le pressentait, il eut bien du mal à bander son arc. mais il y parvint. Il parvint même à encocher une flèche et à tirer... à environ six pètres de distance! Le public s'esclaffa, bien entendu. Puis le martèlement des pieds reprit, saccadé, stressant.
La deuxième flèche parvint à mi-chemin des cibles, la troisième jusqu'aux cibles... mais au sol. La quatrième ne fit guère mieux. La cinquième frôla la cible du milieu. Et ç'en était fini de ses chances de réussite.
- Echec ! constata froidement Kilian.
- Echec, clamèrent tous les autres avec force. Echec.
- L'aspirant Victor aura donc droit à... l'épreuve ultime !
Ce fut aussitôt une nuée ce cris et d'applaudissements. Puis, sans crier gare, les rangs se défirent, et une bonne part des jeunes gens se précipitèrent vers l'escalier, disparaissant vers les étages inférieurs.
Les jeunes garçons restant s'avancèrent vers les cibles, faisant signe à Victor de les suivre.
- Pour cette épreuve, on va t'attacher avec ceci : une sorte de harnais. Tu mets tes deux pieds dans les trous, là, tu enfiles ça comme un short... et on attache la ceinture. C'est pour ta sécurité !
Deux des jeunes gens, derrière les cibles, contemplaient le vide au-dessous d'eux.
-C'est toujours ton adresse qu'on va tester... mais surtout à travers ton sens de l'équilibre cette fois-ci !
Il entendit un clic lorsqu'on attacha un mousqueton métallique à sa ceinture. Les deux jeunes garçons penchés au-dessus du vide se tournèrent vers lui.
- Dis-nous... as-tu le vertige ?
Posté : dim. 08 mai 2011, 19:47
par Victor
Quête : Voyage au bout de la nuit.
-Non, répondit-il tout net.
C'était la pure vérité. Sinon, il s'en serait rendu compte alors qu'il traversait les montagnes avec Taliesin, longeant des précipices aux profondeurs abyssales...
C'était déjà un bon point, même s'il n'était pas sûr d'aimer ce qui l'attendait. Toutefois, il savait que si l'épreuve serait sans doute impressionnante, elle n'aurait de dangereuse. Oseraient-ils mettre sa vie en danger, risquant ainsi d'encourir le courroux de la Dame ? Assurément non. Preuve en étaient les sérieuses précautions qu'ils venaient de prendre...
Bref : ce qu'ils allaient lui imposer ne serait peut-être pas très agréable ou réjouissant. Une chose était sûr, cependant : s'il venait à avoir peur, il n'en montrerait rien. Il commençait à être habitué à jouer la comédie, et il comptait bien les impressionner par son aplomb. Sans compter qu'il avait de l'équilibre...
Posté : dim. 08 mai 2011, 21:52
par Voyageuse
Quête : voyage au bout de la nuit
Il n'eut pas longtemps à attendre pour connaître l'épreuve qui l'attendait. On le fit approcher du petit muret qui bordait le sommet de la tour. En contournant les cibles il aperçut une autre tour, jumelle de celle sur laquelle il se trouvait. Elle n'était éloignée que d'une soixantaine de mètres, et déjà ses "spectateurs" émergeaient au sommet. Entre les deux tours était tendue une corde.
- Tu vas devoir traverser, comme un funambule... En t'aidant de ceci!
On lui montra un long bâton posé au sol, légèrement courbé, avec des poids à ses extrémités. On lui expliqua qu'il devait soulever le bâton par son milieu, et que les poids des extrémités abaisseraient son centre de gravité, l'aidant à s'équilibrer lorsqu'il marcherait sur la corde. Bien sûr, c'était un peu lourd, mais rien d'indsurmontable... Et surtout ce balancier était indispensable pour pouvoir marcher en équilibre sur la corde.
Tandis que l'un de ses camarades lui expliquait le rôle du balancier, l'autre fixait solidement une courte corde à son harnais, l'autre extrémité étant fixée par un mousqueton à la corde tendue.
De l'autre côté, les jeunes gens continuaient d'affluer, et il entendait d'ici leurs cris et applaudissement rythmés.
Il lui restait juste... à trouver le courage de s'avancer dans le vide !
Posté : lun. 09 mai 2011, 19:42
par Victor
Quête : voyage au bout de la nuit
Au final, l'épreuve s'annonçait plutôt amusante. Bon, d'accord, le sol était rudement loin, en dessous, et le "passage" pour le moins étroit. Mais il ne courrait aucun danger : au pire, s'il tombait, il serait suspendu dans le vide et pourrait sans mal remonter sur la corde, quitte à employer ensuite un mode de progression moins élégant, s'il avait perdu le balancier dans sa chute. Et puis, qui disait qu'il chuterait ? Pour une fois, sa jeunesse serait un grand avantage : petit, il serait plus à l'aise qu'un grand gabarit ; de plus, il était encore à l'âge où l'on est casse-cou, où la peur ne tétanise pas, ce qui advient souvent lorsque l'on vieillit...
C'est donc sans hésitation et sans réelle crainte qu'il posa ses pieds nus - autre atout ! - sur la corde. Pour autant, il se montra prudent, précautionneux et attentif, privilégiant la stabilité et l'efficacité à la vitesse : il espérait bien traverser sans tomber et par là impressionner ses compagnons.
Ils allaient voir de quel bois il se chauffait !
Posté : lun. 09 mai 2011, 21:43
par Voyageuse
Quête : Voyage au bout de la nuit
Au début, tout se passa bien. Effectivement, le balancier aidait grandement à garder l'équilibre. Et le jeune âge de Victor le rendait sans doute insensible à la peur du vide.
vers la mi-parcours, il eut une petite frayeur quand un coup de vent soudain fit bouger la corde. Il faillit tomber, serra de toutes ses forces le balancier pour tenter de garder l'équilibre, et au moment où il allait y parvenir une nouvelle bourrasque réduisit ses efforts à néan. il se retrouva accroupi, presque assis sur les talons, une main tenant toujours le balancier en équilibre et l'autre main aggripée par réflexe à la corde sur laquelle il marchait. Il lui fallut quelques instants pour retrouver son calme, attendre que le vent cesse, et se redresser progressivement. mais ce fut le seul incident notable de la traversée.
Il arriva à l'autre tour sous les applaudissements de ses compagnons. Son coeur battait la chamade, il avait les mains moites et tellement tremblantes qu'il ne parvenait pas à se libérer de son harnais... mais il y était arrivé ! On lui arracha le harnais, on le porta en triomphe, des bras solides le lançaient littéralement en l'air - bien que trop près du vide pour qu'il puisse profiter pleinement de l'instant.
- Aspirant Victor, finit par lancer Kilian d'une voix forte lorsque les cris se furent atténués. Nous allons maintenant procéder à votre intronisation, en bas dans la salle commune. Auparavant, avez-vous une requête à formuler, un message que vous voulez communiquer aux membres du harem?
- un discours !
Posté : mar. 10 mai 2011, 19:46
par Victor
Quête : Voyage au bout de la nuit
Un discours ? Mais ils pensaient à quoi ? Pouvaient-ils vraiment imaginer qu'il soit heureux d'être admis dans leur "cercle" ? Sans doute que oui, bêtes comme ils étaient... Et en plus, ils ne lui laissaient pas une seconde pour se reprendre, pour réfléchir à cette fichue tirade qu'ils réclamaient !
Heureusement, il était plutôt fier de la manière dont il avait triomphé de son épreuve, et il n'avait pas envie de se les aliéner à nouveau : la période des tourments s'était achevée, ça n'était pas le moment de tout gâcher. Les deux éléments se combinèrent donc pour l'aider à faire fonctionner ses neurones.
-On dit souvent que la destination importe peu, que seul compte le voyage, commença-t-il. Mais une fois n'est pas coutume, la sagesse populaire n'est point tout à fait exacte. Le marin arrivant au port, le voyageur atteignant le seuil de sa maison sont heureux d'y parvenir, surtout quand leur périple s'est avéré rude et périlleux. Je suis dans la même situation qu'eux : le trajet que je viens d'effectuer sur cette corde est un symbole, une parabole reflétant l'autre trajet, celui que j'ai commencé au jour de mon arrivée parmi vous et qui s'achève aujourd'hui. Celui de mon admission au sein de votre noble société. Rude, périlleux, mon parcours le fut assurément, ponctué des épreuves difficiles auxquelles vous m'avez soumis ; je n'en suis que plus fier de toucher au but. Ne dit-on pas : à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire ? Sagesse populaire, encore, mais elle est ici dans le vrai. Les périls sont derrière moi ; la gloire, celle d'être des vôtres, je la touche du doigt. Je compte bien la savourer comme il se doit.
Ouah, quelle facilité à se montrer hypocrite ! Il se surprenait lui-même.
Posté : jeu. 12 mai 2011, 21:48
par Voyageuse
Quête: Voyage au bout de la nuit
Quelques paires d'yeux s'ouvrirent tout grands d'effarement. Visiblement ceux de ses compagnon qui affichaient les plus gros biceps étaient moins coutumiers des belles paroles que lui, et perdirent un peu le fil.
- Heu... oui, Bien dit !
- Moi je comprends mieux pourquoi elle veut en faire un barde !
Mathieu acquiesça d'un air un peu sombre, jaloux certainement de l'éloquence de son concurrent.
- Allez, descend avec nous au harem, qu'on procède à la cérémonie !
La cérémonie en question se voulait peut-être solennelle, mais était plus probablement une simple occasion de faire la fête. Toujours est-il qu'on obligea l'aspirant Victor à se dévêtir à nouveau. On lui banda les yeux, on le força à avaler une boisson au goût étrange, fortement alcoolisée, tandis que ses camarades battaient la mesure de leurs pies, de leurs mains... et même d'un drôle de tambour au son grave. S'ensuivit une dernière épreuve : on lui demanda d'avancer en ligne droite, yeux bandés et malgré l'effet de l'alcool, jusqu'au "juge" qui officiait à l'autre bout de la salle.. Des éclats de rire saluaient ses hésitations, des mains pinçaient des cuisses dès qu'il s'éloignait de l'itinéraire prévu. Deux de ses camarades lui saisirent brusquement les deux épaules pour lui signifier qu'il était arrivé à destination.
- Nous sommes ici pour procéder à l'intronisation de l'aspirant Victor !
Le rythme régulier des battements de main, de pieds et de tambour s'accéléra.
- Toi qui était dans l'obscurité et la tristesse, toi qui vivait dans la solitude, ne connaissant pas notre Dame, elle vient de t'épouser et de t'amener à la lumière !
On lui ota d'un coup son bandeau, et une lumière vive l'éblouit : Kilian se trouvait à contre-jour, devant un miroir savamment positioinné pour refléter la lumière des fenêtres droit vers lui.
- Tu nous as montré ta force, ton courage et ton adresse, et tu as été jugé digne d'appartenir au harem ! Es-tu prêt à t'engager à respecter nos coutumes et traditions, et à demeurer solidaire de tous tes compagnons ? Ce qui n'empêche pas une saine émulation entre nous bien sûrpour plaire à notre épouse.
Posté : ven. 13 mai 2011, 17:52
par Victor
Quête: Voyage au bout de la nuit
Bon gré, mal gré, Victor s'était plié aux exigences de ses compagnons. Il commençait à en avoir sacrément assez de ce genre de pratiques, mais il avait ravalé sa mauvaise humeur en se disant que, bientôt, une fois cette "cérémonie" passée, elles n'auraient plus cours. Ce serait toujours ça de gagné, et il s'en réjouissait. Il lui fallait juste faire montre d'encore un peu de patience...
Aussi droit que possible, aussi dignement que le lui permettait sa tenue, il fit face à Killian et répondit d'un ton décidé :
-Oui.
Un mot, mais prononcé avec les apparences de la plus ferme des convictions. Les grands discours, il les avait déjà faits. Et puis, avec ce qu'il avait dû ingurgiter, il ne se sentait pas d'en improviser un nouveau...