La Couronne de Cuivre

La druidesse secoua la tête en levant les yeux au ciel.
- Arrête donc de te culpabiliser avec de soi-disant mauvaises décisions ! D'autant que je ne vois pas du tout desquelles tu parles. On a joué à moitié de malchance... et à moitié de chance de nous en être tirés sans casse. Remercie donc Tymora, et garde confiance ! Toi qui a vécu dans une ville lathandrite, l'espoir, la confiance, ça doit te parler !
Elle sourit.
- Quand à nous remettre en route dans l'heure... La précipitation n'est jamais une bonne chose ! Il n'est pas question de nous remettre en route tant qu'on n'aura pas vraiment décidé de ce qu'on va faire, déjà. Et même ainsi... n'oublie pas que nous disposons d'un moyen de locomotion bien plus rapide qu'eux ! Quelle que soit l'heure à laquelle nous prendront notre vol, nous serons sur eux en moins d'une heure. Enfin, sauf si ton plan prévoie de marcher plutôt que voler, bien sûr...

Le rôdeur écarta les mains puis s'empara à nouveau de sa tasse, y souffla pour tenter de rendre son contenu moins brûlant, puis y trempa à nouveau les lèvres. Tout ça le temps de réunir ses pensées et de répondre d'un ton dubitatif :

- Je n'ai pas de plan. En tous cas aucun qui aurait de bonnes chances de réussite. Nous ne pouvons pas nous contenter de foncer sur la colonne et d'enlever le shaman avec l'un des aigles. Et comme je le disais hier, je n'envisage pas vraiment de nous contenter d'une embuscade pour l'abattre : ce plan me parait trop risqué, à supposé que nous ayons ensuite accès à son corps en évitant un massacre.

- On voit que tu as mal dormi... Ou peut-être que c'est la fièvre. Prend le temps de te remettre de tes émotions. Et laisse les plantes agir...
La druidesse avait étendu ses jambes et semblait parfaitement relaxée.
- On a quelques d'options... dont certaines un peu suicidaires, sans doute. On peut, comme tu le dis, leur tendre une embuscade au milieu de ses rochers, tuer Huasasth, et trouver un moyen d'accéder à son corps plus tard... quitte à demander de l'aide à quelques rongeurs ou petits animaux locaux. On peut attendre demain, qu'ils soient sortis de cette zone rocheuse, et le kidnapper par les airs. Ils ne s'y attendent pas, ils n'ont pas vu les aigles, si on arrive par l'arrière ils n'auront pas le temps de réagir assez vite... enfin, je pense. On peut leur envoyer, par une flèche bien ajustée, un message adressé à Huasasth en lui demandant une rencontre... peut-être en menaçant de le tuer s'il ne vient pas. Ou bien... Si Tilmandil était là, on prendrait l’apparence de reptiliens pour l'approcher. Mais ça n'est pas possible... On peut même les précéder auprès de l'autre communauté, je crois que c'est celle où Ta'sslan a acheté le parchemin pour me dépétrifier, et essayer de trouver un interlocuteur qui accepterait de nous aider à parler à Huasasth... en espérant qu'ils ne nous traitent pas en ennemis. Peut-être qu'avec le soutien de Ta'sslan ça aurait été envisageable... mais il n'est pas là.
Elle sourit.
- Comme tu vois, on a des pistes... dangereuses, certainement, mais tu ne t'attendais tout de même pas à du tout-cuit? Ou peut aussi... abandonner ?

Le rôdeur affichait toujours une mine sombre, loin du sourire et de l’expression détendue affichés par la druidesse.

- Peut-être était-ce une erreur d’entreprendre cette mission à deux seulement… C’est presque suicidaire étant donné que nous sommes à des centaines de lieues du plus proche allié fiable. Cela dit, j’avais pensé au message. Je crois que c’est notre meilleure option puisqu’elle ne remettra pas tout en cause si elle échoue. Cela dit, je pense qu’une menace de meurtre n’aura aucun effet. Je pensais plutôt à lui proposer une négociation pour qu’il lève la malédiction. Si je propose de me livrer en échange, je pense qu’il fera le déplacement même s’il se doute d’un piège. L’aubaine de se venger directement sur le meurtrier de ses parents sera trop belle pour qu’il l’ignore.

Le demi-elfe avait répondu sans que son ton reflète le moindre enthousiasme, comme s’il s’attendait à peut-être devoir mettre sa liberté et sa vie dans la balance.

Eärundra hocha la tête, songeuse.
- L'idée du message, effectivement, ne coûte rien et permettra toujours, en cas d'échec, de tenter autre chose derrière... Je ne sais pas s'il sera sensible à ce genre de négociation. Je ne le connais pas... Il peut être pétri de haine ou raisonnable, c'est difficile à prévoir. Il faut tenter pour savoir... Par contre, il risque de prendre ses précautions et de ne pas venir seul. Il sait très bien qu'on peut vouloir le tuer pour lever la malédiction. Accepter de nous rencontrer est un gros risque pour lui...
Elle secoua la tête.
- Mais on peut tenter, de toute façon. Il faut juste déterminer précisément... ce qu'on met dans cette missive, dans quel genre de lieu tu souhaites lui donner rendez-vous, si tu l'autorises explicitement à venir accompagné, ou, dans le cas contraire, quelle garantie tu peux lui donner...

Kasumi but une longue gorgée de l'infusion avant de répondre mais ses effets bénéfiques se faisaient toujours cruellement attendre.

- Lui demander de venir seul ne ferait qu'éveiller sa méfiance. Peut-être simplement lui intimer de laisser ses guerriers en retrait lors de notre rencontre. Toi, tu ne te montreras pas donc il me pensera seul. Quant au lieu, il faut choisir une zone dégagée : nous pourrons y voir loin - et c'est ce qu'il dira - mais cela permettra surtout à Rubis et Opale d'intervenir. Idéalement, une zone au sol rocheux aussi pour éviter de nous retrouver encerclés à notre insu. Et pour le contenu de la missive, je lui dirai simplement que je l'attendrai pour négocier. S'il ne vient pas, nous trouverons une autre solution, s'il vient avec tous ses guerriers, je ferai mine de partir et nous aviserons.

Eärundra grimaça.
- Une zone rocheuse, il y en a une au sud de ce secteur, il me semble. Ça n'est pas du tout leur direction, ça leur ferait un gros détour. Il faudrait peut-être aller en repérage entre cette zone et leur destination pour en trouver une autre...
Elle soupira.
- Et il me semble qu'on devrait... étoffer un peu le dernier cas. Faire mine de partir je ne crois pas que ça suffise. S'il vient avec tous ses guerriers, il y a des chances que ce ne soit pas pour négocier mais pour te tuer... Donc dans ce cas il faudra recourir aux aigles pour fuir. Ou on peut aussi envisager que je reste cachée, et que l'un des aigles se charge de t'évacuer, l'autre de le capturer ?

Le rôdeur avait encore bien du mal à fixer ses pensées malgré l'effet apaisant de l'infusion. Aussi mit-il un certain temps à répondre :

- Ce dernier cas est en effet le plus probable. Avec celui qu'il ne vienne pas du tout... Dans l'idéal, pour prouver ma bonne foi, il faudrait effectivement que tu ne te montres pas. L'idée que nos aigles puissent le capturer est en effet une option. Mais ça me déplait de te laisser en arrière. Et il y a un risque qu'il puisse incanter pour blesser l'aigle qui le retient prisonnier. Sans compter que si ses hommes l'entourent, il sera difficile à attraper spécifiquement.

- Je pense pouvoir guider Opale suffisamment bien pour qu'elle s'empare du shaman malgré la présence des autres. Mais il y a effectivement le risque qu'il incante pour blesser l'aigle... Bon, il faut le temps qu'il réagisse, puis qu'il incante... ça nous laisse une bonne dizaine de secondes. Peut-être qu'il faut le laisser tomber au sol au bout de dix secondes, de pas trop haut, juste assez pour l'empêcher de lancer son sortilège ou même l'assommer... puis le reprendre... le relaisser tomber s'il incante encore... hum... c'est un peu tordu, je sais... Peut-être réalisable tout de même...
Elle grimaça.
- En tout cas, ne te fais pas de souci pour le fait de me laisser en arrière. N'oublie pas que je peux me transformer pour leur échapper sans difficulté...

Le plan présentait de nombreux risques à nouveau mais comme l'avait dit Eärundra : il ne fallait pas s'attendre à du "tout-cuit" et c'était leur meilleure option jusque-là. Le demi-elfe se redressa, sentit la tête lui tourner encore mais persévéra :

- Mettons-nous en route pour repérer un endroit convenable dans ce cas. Juste le temps d'écrire la lettre et je serai prêt à partir.

C'était faux bien sûr mais il espérait se remettre au cours du vol : ils avaient déjà perdu trop de temps et plus ils attendaient, plus les possibilités de trouver un bon endroit se feraient rares.

La druidesse plissa les yeux, l'observant attentivement, et secoua la tête.
- Non... Tu ne seras pas prêt à partir aussi vite. Tu aurais bien besoin d'une journée complète de repos... et rien ne t'empêche de la prendre. Ils vont de toute façon passer la journée à traverser cette zone de pierres levées, dans laquelle on ne peut pas intervenir avec les aigles. Il est probable qu'ils campent ce soir à l'ouest des dernières roches, et ce sera sans doute le meilleur moment pour leur faire parvenir un message. La seule chose qu'on a à faire, aujourd'hui, est d'aller repérer le terrain plus à l'ouest pour voir si le sol, quelque part, est rocailleux, et s'il s'y trouve un endroit facilement reconnaissable pour y fixer un rendez-vous. C'est une tâche qui devrait nous prendre... oh, allez, une heure ? Deux au grand maximum si on ne trouve pas tout de suite. Et, de surcroît, c'est quelque chose que je peux tout à fait faire seule si tu n'es pas en état de le faire... ce qui me semble être le cas, à bien t'observer.

Kasumi plissa les yeux et jeta un regard indéfinissable à la druidesse avant de répliquer d'un ton un peu agacé :

- Je ne suis pas d'accord pour rester ici à ne rien faire à me ronger les sangs. Il s'agit de sauver mon père tout de même ! Mais puisque tu sembles bien décidée à insister et que je n'aurai certainement pas le dessus, je veux bien attendre un peu. Pour une sieste d'une heure ou deux peut-être.

La druidesse leva les yeux au ciel avant de poser sur lui un regard rieur.
- Repose-toi donc, tu en as besoin. Tu devras être au mieux de ta forme si jamais une rencontre s'organise... et tout autant s'il faut fuir ou combattre. Donc prend le temps qu'il te faut.
Elle jeta un oeil au soleil.
- Je vais profiter de ce temps-là pour retourner nous ravitailler. Sans doute à nouveau à cette oasis, pour voir si on peut y prélever encore quelques fruits et légumes sauvages. Peut-être que j'enverrai Opale nous trouver un autre gibier. Je devrais être de retour en début d'après-midi. Je te charge de faire cuire la viande que les aigles nous ont rapportée hier, à ton réveil ? Normalement, on est suffisamment loin de l'itinéraire qu'ils doivent suivre pour qu'ils ne nous repèrent pas...

Kasumi était bien trop sage - et trop fatigué peut-être - pour se lancer dans un duel de volonté. Du reste, le plan de la druidesse tenait la route : il se reposerait encore une heure ou deux puis aurait quelque chose à faire avant le retour d'Eärundra.

- Très bien : je ferai ça. Tu me laisses le hamac ? Cela dit, les cailloux ont l'air confortables ! Et bien chauds en plus.

Il y avait une lueur - de défi peut-être - dans son regard cette fois. Au moins c'était un signe de vie...

- Mon hamac est tien, fit d'un ton faussement solennel la druidesse, la main sur le coeur, avant d'ajouter d'un ton plus sérieux : Je vais filer... et je ne sais pas pour combien de temps j'en ai. N'hésite pas à commencer à manger sans moi... Et reprends une dose d'infusion à ton réveil, j'en ai fait une bonne quantité. Idéalement il faudrait que tu en prennes quatre fois dans la journée.
Elle sourit :
- Par contre, si jamais tu dors encore lorsque je reviens, je pense que j'irai faire seule la reconnaissance au-delà des roches... Vraiment, il est important que tu te reposes, il me semble...

Kasumi se contenta de lui souhaiter bonne chance. Il espérait bien être éveillé à son retour, non pas seulement pour l'accompagner mais surtout pour avoir le sentiment d'être utile. Contrairement à ce qu'il avait laissé penser, il ne fit pas de manières pour se hisser dans le hamac dès que la druidesse eut pris son envol. L'emplacement jouissait d'une ombre bienvenue et il ferma aussitôt les yeux, essayant de chasser les pensées qui menaçaient de l'assaillir. Seul récupérer des forces comptait en cet instant...

Sa fièvre avait baissé, grâce à l'infusion, et il sombra rapidement dans un sommeil profond, plus réparateur, sans doute, que celui de la fin de nuit. Peut-être aussi parce que le hamac, installé à l'ombre d'un gros rocher, était nettement plus confortable que le sol pierreux.

Il ouvrit les yeux dans un monde blanc, noir et gris, au milieu d'un désert de rocaille où se trouvaient des pierres levées. Un monde qui ressemblait comme deux gouttes d'eau à celui dans lequel il s'était endormi. Sauf que les pierres étaient grises et blanches, tout comme le hamac sur lequel il était allongé, tout comme son sac. Tout était devenu étrangement monochrome, et un sentiment d'irréalité se dégageait de la scène.

Avait-il trop dormi au soleil ? La fièvre le rendait-il victime d'hallucinations ? Le demi-elfe se sentait pourtant plus en forme qu'avant le départ d'Eärundra. Il se frotta les yeux et se releva sans attendre, cherchant à savoir ce qui pouvait bien se passer. Cela venait-il de ses yeux ? Non, la sensation d'étrangeté semblait plus profonde, plus inexplicable. Il chercha dès lors à rejoindre l'endroit où se trouvait Rubis. Sa présence le rassurerait. Si toutefois il était présent...

Il avança vers le nord, là où les roches devenaient plus éparses et où ils avaient laissé l'aigle, sans que s'estompe le sentiment d'irréalité. Il n'entendait pas un son, pas même le murmure du vent soufflant entre les roches. Il n'y avait pas un souffle d'air, d'ailleurs, et il lui semblait que le soleil ne dégageait pas autant de chaleur qu'il l'aurait dû. Il ne croisa aucun être vivant, pas même un insecte ou un scorpion. Et lorsqu'il parvint à destination, ce fut pour confirmer ses appréhensions : l'aigle n'était pas là. Il était seul dans ce monde étrange.
Mais ça n'était pas la seule anomalie du lieu. Un peu plus loin, il devinait des formes allongées au sol. Des formes reptiliennes. Des asabis. Deux ou trois dizaines peut-être. Allongés, immobiles.

Quel subterfuge était-ce là ? L'absence de toute vie était incompréhensible, même en ce lieu désertique. Et celle de Rubis était par trop inquiétante. Non, décidément, soit il rêvait soit... quelque-chose clochait. Un peu comme pendant son rêve après avoir absorbé la racine hallucinogène. Mais ce n'était pas possible, ils avaient perdu les derniers fragments qu'ils possédaient encore. Ou était-ce un effet de la tisane d'Eärundra. La druidesse avait de l'humour mais il doutait tout de même qu'elle soit allé jusque-là... La présence des asabis interrompit brutalement ses pensées pour le ramener au présent. Il bondit à couvert, espérant ne pas avoir été repéré : les reptiliens étaient bien trop nombreux pour les affronter seul. Il mit plusieurs instants à remarquer qu'ils étaient absolument immobiles et plus encore à oser jeter plus d'un regard dans leur direction. Semblaient-ils conscients, vivants ?

Les asabis ne bougeaient pas plus que s'ils avaient été de pierre. Et lorsque le rôdeur se décida à sortir de sa cachette, ils ne réagirent pas. Ils semblaient au mieux, inconscients, au pire, morts... ou peut-être était-ce l'inverse.
Lorsqu'il s'enhardit à s'approcher assez, il put constater qu'ils étaient tous à l'état de cadavre, depuis probablement plusieurs jours, plusieurs mois peut-être pour certains, même si aucune odeur de décomposition n'en émanait. Autre étrangeté de cet univers.
Et puis, plus loin, il devina un autre corps, environné de brume. Humain, ou plutôt elfique. Avec des cheveux noirs, mi-long, parsemé de gris.

Kasumi prit le temps de vérifier le corps de reptilien le plus proche. Mais on ne pouvait se fier qu'à leur peau froide bien sûr. S'étant rassuré sur leur compte et le danger immédiat qu'il ne courrait pas, il osa s'aventurer parmi eux puis s'arrêta brusquement - pendant une seconde - en voyant le corps qui n'avait rien de celui d'un asabi. Il s'agissait, selon toute vraisemblance, d'un elfe de Lune. Peut-être même un de ses compatriotes. Il se précipita vers lui sans vraiment se préoccuper de la brume qui le dissimulait en partie : il n'était plus à une étrangeté près.

Il reconnut, avant même de l'atteindre, le corps de son père. Inerte. Mort. Aussi mort que les asabis qui l'entouraient.

- Un seul mort elfe, contre vingt-sept asabis... Penses-tu cela équitable ?

La voix, forte et autoritaire, venait de nulle part, ou peut-être du désert même. Elle avait l'accent sifflant des asabis.

Horreur, colère, incompréhension. Le demi-elfe eut un mouvement de recul avant d'oser enfin regarder le cadavre de son père en face. Tout ce qu'il représentait pour lui. Ce que signifierait un échec. Alors, quand la voix désincarnée l'interpela, il répondit d'instinct, avec ses tripes plutôt qu'avec sa raison :

- Cela dépend des asabis. Et surtout de l'elfe. Montrez-vous ! Venez répondre de ça : un demi-elfe contre un asabi, cela vous paraît équitable ?

Ce fut un rire bref qui lui répondit.
- Je ne suis pas un asabi, pas tout à fait, même si je le fus autrefois... Et je ne sais trop sous quel aspect je devrais me montrer à toi... Imagine-moi, plutôt !
Et, sur ces paroles énigmatiques, la voix se tut. Il avait la sensation que la présence était toujours là, pourtant. En train de l'observer.

Le rôdeur ne put s'empêcher de se tourner en tous sens pour repérer l'importun, par instinct. Mais il devait se rendre à l'évidence : une sombre magie était à l'œuvre ici. Et on l'y avait attiré en profitant soit de son sommeil, soit de son accès de fièvre. La voix s'était tue cependant, rompant le dialogue. Mais qu'attendait-elle ? Que signifiait cette mise en scène macabre ? Le rôdeur s'adressa au vide, sa colère renforcée par l'absence d'exutoire pour la déverser :

- Ainsi donc vous êtes un fantôme ? Un esprit comme ceux dont me parlait Tass'lan ? Pourquoi m'avoir amené ici ? Et pourquoi me montrer ceci ? Dans quel but ?

La voix ne répondit pas immédiatement, le laissant quelques instants dans l'expectative.
Puis, subitement, elle questionna d'un ton autoritaire.
- Que viens-tu faire dans ce désert, toi qui as tué tant des nôtres ?
Il n'y avait pas vraiment de colère ou d'émotion dans ce ton. Juste de l'autorité, et la certitude d'obtenir une réponse. Il lui sembla que la voix était légèrement plus grave que précédemment. Pouvait-il y avoir plusieurs entités ? Ou était-ce la même qui modulait son ton de voix ?

Le rôdeur se moquait bien de peut-être parler à plus d'une entité ou quoique soit cette voix. Il n'avait en tous cas pas l'intention de la laisser mener les discussions et éviter de répondre à ses propres questions :

- C'est vous qui m'avez amené ici. A vous de répondre le premier à ma question, non ? Mais comme preuve de bonne volonté : je ne suis pas venu tuer d'autres asabis. Pas si je peux l'éviter. Mais je suis venu trouver celui qui a piégé mon père tel un lâche. Celui qui se bat sans montrer ses armes contre un innocent désarmé.

- Insolent ! Celui que tu traites de lâche est un ami, une des âmes de ce monde !, gronda la voix.
Kasumi sentit brusquement une douleur insoutenable naître dans ces entrailles, le jetant à genoux. Puis elle reflua.
- Ignores-tu à qui tu t'adresses, mortel ? Ne t'a-t-on jamais enseigné le respect ? Un seul mot de moi, et tes yeux se fermeront à jamais !
La douleur revint, aussi forte. Plus forte. Tout se mit à tourbillonner tandis que le sang battait à ses tempes, trop fort, beaucoup trop fort...

Il se réveilla en sursaut, manquant tomber du hamac.
- Doucement..., fit la voix d'Eärundra. Tu as fait un cauchemar...
Elle se trouvait juste à côté de lui, le front plissé d'un pli soucieux.

La douleur avait été insoutenable. A tel point qu'il la ressentait encore alors même qu'il avait brutalement repris conscience. Eärundra était là. Le monde avait repris sa couleur normale mais le rôdeur savait qu'il ne s'était pas agi d'un simple cauchemar. Même un songe induit par sa poussée de fièvre. Il gémit faiblement et ses doigts se crispèrent sur le tissu du hamac pour contenir ce que son estomac voulait rejeter à toute force. La sensation reflua toutefois et il parvint enfin à fixer les yeux sur la druidesse.

- Ce n'était pas un cauchemar...

La Couronne de Cuivre

[Désert d'Anauroch] Quête : Racines