La Couronne de Cuivre

Ils acquiescèrent.
-Effectivement, intégrer des enfants de cet âge est presque impossible, même si découvrir une autre vie peut attiser en eux la part d'humanité que leur tribu n'a pas encore tuée.
-Les envoyer à l'extérieur peut être une solution. Mais méfiez-vous : quand on y est né, on garde avec les Landes un lien très puissant, et en être arraché contre son gré est une grande souffrance...

" Je m'en souviendrai."
Les paroles des Paludiers étaient sans doute réalistes. Albérich les aurait aimées plus réjouissantes. En même temps, il n’était pas certain que l’expérience ait été tentée souvent, socialiser des gosses cannibales, dans un groupe étranger aux Landes, et donc… personne ne pouvait vraiment en prédire les résultats. Il fallait espérer et Albérich était mûr pour le faire. D’autant qu’il ne pouvait pas croire que leur acte de bonté débouche sur une catastrophe. L’ombre triomphait souvent, mais la lumière ne s’éteignait jamais, il était bien placé pour le savoir.
" Est-ce que vous savez si la cellule familiale a un sens, dans l'organisation de ce genre de tribus ? Je suis surpris du peu de références qu'ils font à leurs parents, que nous avons certainement tués sous leurs yeux ou presque. Est-ce que les enfants sont élevés par leurs géniteurs ? Ou alors pas du tout ?"

-Non, la famille au sens où vous l'entendez n'existe pas vraiment, chez les cannibales. Leur famille, c'est la tribu dans son ensemble.
-Les gosses sont élevés par le groupe. D'abord par les femmes, jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge des Épreuves. Ensuite par les hommes.
-Ils doivent savoir qui étaient leurs véritables parents. Ils doivent savoir, aussi, s'ils ont ou avaient des frères et des sœurs. Mais cela ne signifie pas grand chose pour eux.

" J'imagine que c'est déjà ça, murmura le clerc. Merci pour vos lumières. J'en parlerai avec le groupe qui s'occupe d'eux en ce moment..."
Il hésita.
" Est-ce que... vous qui êtes membres d'une tribu des Landes... Vous imagineriez intégrer quelques uns de ces enfants chez vous ? Je parle... d'un point de vue strictement théorique, bien sûr. J'imagine que vous n'avez pas l'autorité de décider de ce genre de choses."
C'était beaucoup demander, mais quelque part, la communauté avait débarrassé les Paludiers de voisins encombrants. Si on ne pouvait les disséminer sur l'île, peut-être pouvait-on les disséminer dans leur territoire d'origine...

Les deux hommes grimacèrent, échangèrent un regard.
-D'un point de vue strictement théorique, ça n'est pas absolument impossible. Après...
-Les Écorcheurs étaient sans doute aucun la plus ignoble des tribus cannibales qui ensanglantent la région depuis des siècles. Le ressentiment accumulé contre eux par les clans civilisés, et même les autres, est énorme... Ces enfants ne sont bien sûr pas responsables des horreurs perpétrées par leurs pères, mais... Cela entre malgré tout en ligne de compte.
-De toute façon, c'est le genre de points sur lequel nous ne pouvons pas nous prononcer. Il vaudra que vous en discutiez avec nos chefs.

Albérich s'était douté qu'il obtiendrait ce genre de réponse. Il ne se montra pas déçu, extérieurement, du moins.
" Peut-être... Mais... Juste par curiosité... Imaginons que ce soit votre tribu qui ait défait les écorcheurs, et pas notre groupe... Qu'est-ce que vous auriez fait ? Vous auriez tué tous ces gosses ?"
En prononçant ces mots, Albérich se demanda ce qu'il était advenu des plus jeunes. Des nourrissons. Des gosses de deux ou quatre ans. Ils n'en avaient récupéré aucun. Cela lui arracha malgré lui un frisson, mais il n'en cessa pas moins d'interroger ses interlocuteurs du regard.

Ils s'observèrent, à nouveau, puis jaugèrent Albérich quelques instants, silencieux.
-Il est question de dizaines d'enfants, n'est-ce pas ? Alors, dans ce cas de figure précis, nous aurions gardé les plus jeunes et offert aux autres une mort douce, à base de plantes.
-Cette réponse doit vous révolter, nous en sommes conscients. Sachez toutefois que nous n'aurions guère d'autre solution. Les confier à d''autres clans ? Ils refuseraient. Les placer à l'extérieur ? Qui en voudrait ? Les garder ? Assurer la subsistance de nos propres enfants n'est déjà pas aisé, nous vivons dans un équilibre fragile... Tenter de tous les intégrer, ce serait risquer nôtre perte par manque de vivres ou de matériel. Sans compter qu'ils pourraient fort bien se retourner contre nous, tôt ou tard.

" Non, vous vous méprenez. Je ne vous juge en rien et ça ne me révolte pas vraiment. Il est vrai que c'est une solution que je ne peux pas envisager... mais je ne suis pas dans votre situation, dans votre monde. Que je ne puisse pas adhérer à vos méthodes ne signifie pas que je les condamne. Je me doute que notre décision de les épargner doit vous sembler relativement suicidaire. Elle l'est peut-être. Mais nous venons davantage d'un univers où nos principes priment souvent sur le pragmatisme. Peut-être encore plus dans cette communauté que dans les cités lointaines... C'est une entreprise de rêveurs... C'est notre identité."
Il sourit pour les apaiser.
" Merci de vos réponses, en tout cas. Je vais vous laisser terminer votre repas tranquillement."

Les paludiers lui rendirent son sourire.
-Ne lui en voulez pas : Albérich est incapable de parler d'autre chose que de travail, intervint alors Thibault.
-Survivre aux Landes est un travail qui ne souffre aucun répit.
-Ne lui en veuillez pas : lui aussi ne sait parler que de travail.
Ils rirent.

" Je parle de travail dans les moments opportuns afin de pouvoir goûter sans arrière pensée à mes moments de détente. Il n'est que midi, j'ai encore du pain sur la planche. Or, j'espère que grâce aux bons conseils de tes valeureux guides, mon labeur sera plus productif... et donc moins ardu et moins long. Appelle ça comme tu veux, mais j'en suis satisfait."
Il s'étira.
" Bon, mais si tu es d'attaque, ainsi que tes amis, je propose que nous partions à la recherche de vos chambres."

***

De son côté, Hubert avait fini par refaire surface. Lorsqu'il entra dans la salle à manger, le repas était presque terminé. Il n'ignorait pas que Gustave aurait gardé de quoi nourrir les équipes d'explorateurs, mais il n'avait pas tellement faim. Il aperçut rapidement l'endroit où s'étaient installés les nouveaux venus, en compagnie de Giovanni et d'Albérich. La conversation avait l'air joyeuse, animée, et le paladin les observa un moment.
Il se souvint que Thibault était déjà connu de la communauté, qu’il n’aurait nulle difficulté à s’intégrer, à se trouver une place. Son charisme indéniable en ferait rapidement l’ami de tous. Sauf le sien. Il se sentit curieusement indésirable, brusquement, alors que rien ne s’était encore produit. Le Sunite s’était montré légèrement piquant, sans plus. Sans doute n’appréciait-il qu’à moitié qu’Albérich ait admis quelqu’un d’autre dans son intimité. Mais il ne pouvait pas en savoir davantage. Sauf si son affinité avec les choses du cœur le rendait particulièrement apte à percevoir ce qui était tu. Hubert eut l’impression que son seul salut serait de l’éviter comme la peste. En même temps, il fallait que les choses aient l’air naturelles, il devait absolument faire bonne figure. Et si ce Thibault restait collé à Albérich, il serait bien obligé de le supporter, sous peine de ne plus jamais côtoyer le Luménien. Restait la disposition de leurs chambres : à cet égard, il ne pouvait que remercier Tymora que le Sunite ne soit pas arrivé un jour plus tôt.

Il songea à nouveau aux tertres. Aux morts-vivants à combattre. A une vie de paladin solitaire, sans plus d’attaches, avec la foi comme seul soutien, et le bien comme seul moteur. C’était satisfaisant. Il était habitué à la solitude, après toutes ces années. Il se demanda où était Niall. S’il s’était trouvé quelqu’un d’autre. Fatalement, oui, c’était un barde charmeur, un homme de contact, cela n’avait pas dû prendre plus de quelques veilles. Sur le bateau qui l’emmenait vers Féérune, peut-être, déjà. Mais Giovanni avait dit qu’il y en avait d’autres, dans la communauté. Peut-être pourrait-il se trouver une autre flamme…
Tu penses comme si tout était déjà perdu.
Il avait du mal à croire que ce ne soit pas le cas. Thibault était un clerc de Sunie, un chantre de l’amour, il avait à sa disposition tout l’arsenal nécessaire pour séduire Albérich et le faire basculer. Et s’il s’y employait… s’il y parvenait… Il ne supporterait pas de rester là à les regarder. Il faudrait qu’il parte. Ou qu’il convainque Albérich de retourner à Luménis.

Le paladin ne resta pas seul bien longtemps : Ézéchiel et Étienne, qui terminaient de manger, l'invitèrent à leur table pour lui transmettre les informations qu'ils avaient déjà données à Albérich. Le jeune chevalier lui expliqua en outre que sitôt les contrats signés, sitôt récupérées les cartes tracées le matin-même, il partirait à son tour explorer la cité avec Lothar. Aucun des deux hommes ne parut remarquer son trouble. Mais sans doute donnait-il bien le change.

***

Pendant ce temps, Albérich aida les nouveaux venus à choisir leurs quartiers. Ayant besoin de grand air, d'espace et de tranquillité, les Palueirs s'installèrent dans un secteur encore peu habité, le long de l'une des façades. Les Sunites, eux, s'établirent le plus près possible de la chambre de Giovanni... et de la sienne. Thibault regretta d'ailleurs qu'il ne soit pas possible de poser ses bagages juste à côté de chez lui.
-Et Hubert prend quand même son rôle de garde du corps très, très au sérieux, ajouta-t-il. Franchement, vu l'organisation des lieux, impossible de venir te voir sans qu'il en soit informé et sans qu'il donne son autorisation ! C'est embêtant...

" Hubert ne contrôle pas mes fréquentations ! C'est mon garde du corps, pas ma mère !"
Il rit.
" Nous avons prévu de tendre de la toile entre les pièces... et il y a une porte qui donne sur le couloir, regarde..."
Il retourna vers la chambre qu'avait choisie Thibault.
" En plus, si tu veux me voir pour me raconter des secrets... Tu n'as qu'à frapper et je viendrai te voir chez toi."

-Je prends cela pour une promesse, tiens-toi-le pour dit ! fit-il, souriant. Sinon, j'ai quand même l'impression qu'Hubert te chaperonne... Le fait que vous soyez dans le même semblant d'appartement, tout ça... Mais qu'importe ! Nous recommencerons à faire le mur, comme dans notre lointaine jeunesse !
Il croisa les bras.
-Bon, je pense que je vais aller faire un tour au thermes, histoire de prendre un vrai bain. A moins que je ne puisse t'être utile dans l'immédiat ?

" Non, prends donc tes aises. Nous nous retrouverons plus tard. Et cesse donc de t'inquiéter d'Hubert : ce n'est pas une sorte de chien de garde ! C'est lui qui m'a obligé à sortir, de temps en temps, à Solarcis. Sans cela, j'aurais travaillé chaque jour de l'aube à la nuit sans même songer à me nourrir. Il est bien plus hédoniste que moi, même si c'est un paladin. N'oublie pas que je suis le Lathandrite ilmate. Et maintenant, installe-toi, lave-toi, nous nous retrouverons quand j'aurai épouillé mes trois derniers lascars."
En réalité, Albérich avait l'intention d'aller voir Barthélémy avant de descendre aux oubliettes.

-Mais vous en avez attrapé combien, de ces petits barbares ?
Il rit.
-Et bien, bon courage, Albérich ! A tout à l'heure !
Barthélemy ne fut pas long à trouver : après une brève apparition à la cantine, il avait regagné son dispensaire, pour l'heure désert.
-Que me vaut ce plaisir ? demanda-t-il, affable, une fois passé le temps des salutations.

" Je suis en train d'examiner les petits barbares et il me reste les trois récalcitrants... J'ai discuté avec les deux Paludiers que nos amis sunites ont ramenés ce midi et ils m'ont fait songer à quelque chose... Si je descends en bas et que je leur parle, ils ne m'écouteront pas. Si je me fais accompagner de quelqu'un pour les maîtriser le temps de je fasse mon inspection et mes soins, cela sera traumatique... pour eux comme pour moi. Mais si je leur fais avaler une potion sédative, je pourrai procéder à mon examen sans difficultés et sans casse. Ils en seront à peine conscients, j'aurai tout le loisir de les soigner, et tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes. Je venais donc chercher le nécessaire dans ton officine. A mon avis, une décoction mandragore, valériane, jusquiame avec un peu d'aubépine devrait faire l'affaire."

Le Chauntéen eut une légère grimace.
C'est un expédient qui ne les fera progresser en rien. Mais malheureusement, sans doute est-ce la moins mauvaise des méthodes... Je vais donc te donner ce qu'il faut. Méfie-toi, toutefois : il faudra probablement les forcer à boire, parce qu'ils verront bien que ce n'est pas simplement de l'eau.
Une poignée de minutes plus tard, le Lathandrite avait ce qu'il était venu chercher.

" Je sais que ce n'est pas idéal, mais il s'agit juste d'un examen médical... L'alternative est de les soigner sans les examiner, en réalité. Un sortilège de guérison des maladies, suivi d'un sort de soins, et ils seront comme neufs. Je ne serais même pas obligé d'entrer dans leur cellule... Je n'en sais rien. Je préfère les méthodes naturelles, sur des organismes si jeunes... mais si je dois attendre de les avoir apprivoisés, les tiques auront eu le temps de leur sucer le sang dix fois."
Il haussa les épaules, désolé.
" Nous avons décidé de les épargner... Les compromis à venir sont moins douloureux que celui qui aurait consisté à les abattre."
Il salua Barthélémy et regagna la cantine. Il y chercha trois bols où il fit infuser les plantes, puis il rajouta du miel pour en dissimuler l'amertume, et un peu de cannelle. Ensuite, il descendit dans les caves. Il lança son second sort de don des langues, se chercha un garde du corps parmi les volontaires, puis entra dans la première cellule, celle du pire des gosses.

Moins d’une heure plus tard, Albérich retrouvait la surface. Faire boire la décoction aux trois fortes têtes n’avait pas été chose évidente mais il y était parvenu. Le reste des opérations s’était déroulé sans anicroche : s’ils étaient dans un état de saleté repoussant et couverts de parasites de toutes sortes, les captifs ne souffraient d’aucune blessure grave et n’étaient pas en moins bon état de forme que leurs congénères logés dans des conditions moins drastiques. En cela, au moins, le Luménien pouvait être rassuré. Pour le reste, l’intégration du trio promettait d’être très longue et très difficile, pour peu qu’elle réussisse jamais.

Avec une bonne partie de son après-midi libérée, Albérich décida de se mettre en quête d'une pièce apte à recevoir le bureau de Marthe, et une autre pour y installer le sien. Il travaillait dans l'intendance pour les choses liées à celle-ci, mais il lui semblait approprié d'avoir un autre endroit pour poser la pile de parchemins qu'il ne manquerait pas d'entasser. Son objectif de l'après-midi était de relancer le projet sur les apprentis. Tout en musardant dans les couloirs, il ne put s'empêcher de sourire en songeant au moment où il annoncerait à Thibault qu'il devait se trouver un novice ou deux. Le Sunite allait adorer. Mais peut-être pourraient-ils imaginer une manière oecuménique d'instruire les futurs clercs, en organisant des classes groupées.

Compte tenu de la multitude de pièces aux dimensions diverses dont était truffé l'édifice, il n'eut aucun mal à en trouver convenant parfaitement à des bureaux. Mieux encore, il en dénicha qui étaient en même temps proches de l'intendance et de la nouvelle salle du conseil et en retrait par rapport aux principaux couloirs. Ainsi pouvait se constituer une sorte de pôle administratif : chacun saurait où se rendre en cas de besoin et Marthe comme lui-même pourraient ainsi travailler tranquillement. Ce qu'il fit d'ailleurs jusqu'à ce que la nuit tombe sur la forterese. Dans un peu plus d'une heure, ce serait le repas.

Il faisait noir et malgré la bougie qu'il avait posée sur sa table, il commençait à avoir un peu mal aux yeux. Il se souvint alors, amusé, qu'il était désormais capable de faire la lumière en quelques mots et il enchanta un des livres qu'il avait pris avec lui. Il était désormais illisible pour deux bonnes heures, mais diffusait une agréable lueur sur sa table de travail. Il soupira avec satisfaction. La journée avait été belle et productive. Il se sentait serein. Il rangea ses affaires pour pouvoir aisément se relancer le lendemain puis partit vers la salle à manger. Sans doute Etienne serait-il rentré de ses pérégrinations dans la cité, peut-être Hubert ou Thibault traîneraient-ils dans les parages, ou l'un des enseignants (mais cela le ramènerait alors immanquablement au travail). Il songea alors qu'il ne s'était pas lavé la veille et décida de faire un crochet par les thermes. S'il attendait l'après-repas, avec le conseil prévu, toute sa soirée y passerait.

Les thermes étaient comme de coutume très fréquenté, surtout le bassin tiède et plus encore le chaud. Toutefois, l'ensemble étant beaucoup plus vaste que ce dont ils avaient disposé au fort, il n'avait rien de surpeuplé.
Une fois propre et sec, le Luménien rallia la cantine, où une bonne partie de la Communauté se massait déjà : il remarqua Étienne, Ézéchiel, les officiers d'Hubert, les instituteurs, Giovanni ou encore Thibault, qui vint à lui presque aussitôt,
-Je constate qu'on n'a pas perdu ses vieilles habitudes, lança-t-il, joyeux. Je suis passé te voir à ton bureau, dans l'après-midi, et tu étais si absorbé par ton travail que tu ne t'es même pas rendu compte de ma présence. Pareille concentration forçant le respect, je n'ai pas eu le cœur de la briser.

" A cet égard, je crains de ne pas avoir changé. Je suis un être facilement absorbé par les objectifs que je me fixe. Mais tu aurais pu... dû... me déranger."
Il sourit.
" Et toi ? Tu as trouvé de quoi occuper ton après-midi ? Nos thermes t'ont plu ?"

-Pas mal du tout, pour dire le moins. Alors je me demande bien à quoi ressemblent les légendaires thermes de la cité, ceux dont on voit le superbe édifice depuis le rempart sud... Honnêtement, si j'avais eu mon mot à dire, ce sont les berges du lac qu'on aurait nettoyées en premier : ce quartier est tellement sublime qu'il donne le tournis ! Sinon, et bien, je me suis installé, j'ai reconnu les lieux, j'ai admiré le décor, j'ai discuté avec nos compagnons... Rien de très productif, je le crains. Mais je vais pouvoir me rendre utile, à présent que j'ai pris mes marques.

" Quand je vois le temps que j'ai mis à trouver des activités à mon goût, je serais bien le dernier à exiger que tu te sois mis à la tâche dès ton premier jour. Mais je suis heureux si tu as pu prendre la mesure du lieu... et je pense que nous passerons aux rives du lac dès que nous aurons dégagé la route qui mène aux portes... Enfin... Aux portes nord, devrais-je dire."
Il haussa les épaules.
" Tu peux faire valoir ton point de vue... Nous avons peut-être mal choisi notre zone d'exploration. Sais-tu si Etienne a trouvé quoi que ce soit ?"

-Il a exploré cinq bâtiments sans rien découvrir d'autre que de la ferronnerie, de la céramique, du mobilier en marbre et quelques menus objets. Ah si, des traces et quelques ossements rongés, aussi. Même topo pour Lothar. Bon, il faut dire qu'ils ne cherchent pas les passages dissimulés et les pièces secrètes... A ce rythme là, m'est avis que la rue principale jusqu'aux portes nord sera sécurisée dans... deux veilles ? Mais c'est effectivement par là qu'il fallait commencer. Et pour modeste qu'il soit, le château demeure agréable...

" Nous pouvons aussi décider d'envoyer quatre équipes de front, deux vers le lac, deux vers les portes. Avec le renfort de tes deux preux de la Rose Rubis, nous avons sûrement suffisamment d'hommes... et comme nous ne trouvons pas grand chose, deux ou trois colons par équipe de fouille suffira. J'en parlerai à Etienne et Hubert au conseil, si tu veux. Notre souci principal était de ne pas vider la forteresse de ses habitants. Il y a toujours des menus tâches à accomplir et si tout le monde sort jouer les aventuriers, nous risquons de nous retrouver sans cuistots, sans palefreniers et sans lavandières... Ce genre de choses. Mais si les groupes peuvent être plus limités... Nous pourrions avancer plus vite."
Il leva les yeux au ciel.
" Tu vois, c'est toi qui me fais encore travailler."

-N'inverse pas les rôles, tu veux ? Je me suis contenté de faire une bête plaisanterie et tu l'as aussitôt transformée en projet sérieux. Ah, quel dommage que cela fonctionne si bien avec l'exploration et si mal pour le reste... Enfin, quoi qu'il en soit, je suis un membre de la Communauté parmi cinq cent autres, il n'y a absolument aucune raison que mon avis compte davantage que celui de nos compagnons. Alors ne va donc pas ennuyer tes collègues du Conseil avec ma remarque...

" J'ai retrouvé Lathandre mais je manque toujours autant d'humour : j'ai tendance à prendre les gens au premier degré."
Il jeta un regard circulaire autour de lui. Il réalisait qu'il n'avait pas beaucoup vu Hubert depuis le matin. Le paladin avait paru vaguement mal à l'aise au petit matin, suite à son coucher tardif, et Albérich se demanda à nouveau s'il avait eu un rendez-vous galant dont il ignorait tout. Si c'était le cas, il était vraiment d'une discrétion exemplaire. En même temps, le Luménien n'avait jamais eu l'oeil pour ce genre de choses, naïf comme il était.
" Tu as vu Hubert, dans la journée ?"

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Une cité perdue