La Couronne de Cuivre

"Alors, est ce que tu trouves quelque chose de beau là dedans ?"

Les trois assassins marchaient en silence. Leur cible n'avait pas pu aller bien loin : une chute par la fenêtre laissait toujours des traces. Ils marchaient sans se presser, ils avaientordinaire et non d'une vengeance familiale. "Un crime de sadique" dirait on simplement tout leur temps. L'acompte que la famille leur avait versé pouvait leur permettre de tenir un moins, avec le reste, ils vivraient à l'aise le restant de leurs jours. Il ne leur restait plus qu'à rapporter la tête. Par les temps qui couraient, cela passerait pour un crime …

Pour le moment, l'un des hommes fouillait dans le sac abandonné par l'elfe à la découverte de quelque trésor ou d'éléments inattendus. Mais qu'y avait il là dedans ?

Dans le sac se trouvaient quelques vieux vêtements, soigneusement repliés, un matériel de voyage sommaire. Un nécessaire d'écriture, usé, fatigué par le temps. Une quantité de feuillets écrits à la hâte, reliés grossièrement. Des contes et épopées retranscrites à la va vite, les pages annotées. Des récits, des témoignages, des transcriptions de rumeurs; des plus sérieuses jusqu'aux plus insignifiantes. De la musique écrite en bribes à peine esquissées. Un désordre invraisemblable dans les sujets abordés, même si tout était minutieusement classé. Un lien, une logique devaient les unir; rien qui ne ressorte d'un examen sommaire, même le plus attentif possible.
Un rouleau de cuir, isolé, a attiré l'attention de l'assassin. Il s'en est saisi avec précaution, l'a ouvert.

D'autres pages encore. De la même main, mais cette fois ci avec plus de soin, une attention plus poussée. Ou alors simplement avec plus de temps. Plusieurs années de vie en quelques mots, avec de longues pauses, de longues périodes non explicitées.
La dernière entrée récente était brève, et devait sans doute dater de la traversée en direction de Dorrandin.

***

7 Eléasis, 1379

Adieu donc, Portcalim. Petite perle du Sud... Je crois bien que j'avais commencé à t'aimer. Mais il faudra se contenter d'un nouveau voyage, une fois encore. Pour un ailleurs autre... et sans doute moins glorieux; toutefois, je ne peux pas me permettre d'arrêter tout ceci; pas alors que le but se rapproche sans cesse. Cela ne pourrait signifier qu'une seule chose.

J'ai d'autres choses à penser qu'à ma propre fin.

Les derniers jours auront été une récompense suffisante. Les secrets de famille sont toujours surprenants; il y a finalement toujours à espérer, tant de choses en attendre. Il est presque dommage que je n'en aie eu connaissance qu'il n'y a que si peu de temps. Tant de choses à portée. Tant de choses à découvrir. Dommage que tu me les aies dissimulés si longtemps, cousine; tu me pousses à agir dans la précipitation. Comme si tu savais déjà que je pouvais pas me le permettre. Dommage pour toi, petite garce. D'autres paieront pour toi. D'autres que tu aimais.
Tu ne voleras pas ma vengeance; je sais quel en sera le prix. Il est acceptable, faute d'avoir d'autre alternative.
Le temps des regrets n'a jamais été et ne sera jamais. Tu aurais du le savoir.

Quête : noblesse oblige


"Oui, quelque chose de très intéressant m'est avis"

Le voleur tenait le journal tel un trésor entre ses mains sales. Il s'était arrêté pour lire. C'était intéressant de voir tout ce que l'on pouvait écrire sur soi, surtout si cela pouvait être utilisé comme une arme.

"M'est avis que les gardes seraient bien contents de voir qu'un oiseau rare se promène dans leur ville. Rare et dangereux m'est avis. Une fois en cage, nous la tiendrons plus facilement m'est avis ..."

Eliaedel à quelques pas de là avait entendu tout ce que l'on disait d'elle. Visiblement, ses ennemis tenaient un objet compromettant entre leurs mains. Et ils étaient toujours trois ... Elle se préparait à une journée difficile.

C'est alors qu'une silhouette se dressa à quelques pas d'elle. Un enfant. Non, un halfelin qui la regardait d'un air plutôt débonnaire. Et aussi étrange que cela pouvait paraître, il lui faisait signe de la suivre.

Quête : noblesse oblige

Elle cracherait sur leurs tombes; s'ils avaient mis la main sur son sac... des mois de recherche. Des mois de souvenirs.
Petits voleurs de secrets. Violeurs de mémoire.
Une fureur sourde s'est emparée d'elle, elle s'est accroupie près d'un mur et s'y est appuyée d'un poing crispée
Elle est restée prostrée, immobile, une expression étrange sur le visage, marqué par les coupures et le sang qui commençait à sécher; un sourire haineux, à la limite de la grimace hideuse, heureusement caché par une obscurité complice. Comme si elle était sur le point de perdre tout contrôle.

Puis est venu le déclic, lentement. Comme si elle était arrivée à un paroxysme, sa colère s'est muée en une détermination sans faille. Implacable et raisonnée. Sa haine se passerait sur eux en priorité.
Après tout ils n'avaient pas encore le plus important; elle n'a eu que plus conscience du médaillon froid sur sa peau. Tout n'était pas si désespéré. Même s'il lui fallait impérativement disparaître.

C'est alors qu'elle a remarqué de la petite silhouette à ses côtés et les signes qui lui étaient adressés. Un halfelin après avoir pris le temps de l'observation. Elle a retrouvé un calme apparent, nimbé d'une circonspection prudente et froide.
Le suivre?
Elle a réfléchi en silence. Un curieux mélange de prudence, de défi... de méfiance aussi a d'abord été sa seule réponse au petit-homme. Trop de gens bien intentionnés rôdaient autour d'elle.

Mais il lui fallait savoir. Dans quel camp se plaçait le nouvel arrivé?
A défaut d'alliés sûrs, un soutien, même incertain, même éventuel, ne pouvait que l'avantager. Tant qu'elle ne saurait pas dissimuler sa piste dans Manost faute d'une connaissance suffisante. D'autant plus si la garde venait faire basculer le déséquilibre de manière encore plus flagrante en sa défaveur.
L'elfe s'est levée en silence, sans un bruit et sans un souffle, telle une ombre, puis a hoché légèrement la tête, gravement. Prête à tout au premier geste brusque.

Quête : noblesse oblige

L'halfelin s'était élancé dans une ruelle sans trop se préoccuper de savoir si l'elfe le suivait ou non. Trois grosses brutes la talonnaient et cela lui suffisait pour presser le pas. Si elle voulait les affronter, ce serait son problème et non le sien. Il dirait simplement à Elissa Keens que l'inconnue qu'ils pistaient depuis son arrivée en ville était trop dérangée pour entrer à la guilde. On avait bien assez avec une azimutée.

A présent, il courait ventre à terre, jouant des coudes et volant quelques bourses au passage. Eliaedel déterminée le suivit sans trop de mal. Elle le vit bientôt disparaître dans une boutique qui avait tout l'air d'être une herboristerie.

[Quête : l’invasion des ombres]

Le soleil venait à peine de se lever lorsqu’un navire battant pavillon luménien vint accoster le long de l’un des débarcadères du vaste port de Manost. Une passerelle fut rapidement installée et un groupe de passagers l’emprunta aussitôt. Certes, il était coutumier de voir des personnes pressées de regagner la terre ferme après une longue navigation : pourtant, au premier regard, l’on devinait que ces gens – des vieillards et des enfants, pour la plupart – étaient mus par une urgence fiévreuse.

Ils étaient conduits par une femme de haute taille à la chevelure d’un blanc immaculé. Celle-ci, d’une démarche assurée, conduisit ses compagnons vers le premier garde qu’elle apperçut.

-Excusez-moi, messire, mais nous avons besoin de votre aide. Nous arrivons tout droit de la ville de Lumenis : un coup d’état a eu lieu, et ce n’est que grâce à l’aide de notre généreux capitaine que nous avons pu échapper à la mort. Nous sommes porteurs d’informations de la première importance, et nous croyions nécessaire de les transmettre au plus vite aux autorités de Manost. Accepteriez-vous de nous conduire auprès de quelqu’un susceptible de nous écouter ? Je sais que cette requête peut paraître étrange, mais je vous assure que je ne la formulerait pas sans motifs réels…

Le garde l’observa un moment, interloqué. La vieille femme avait parlé sur un ton calme et courtois : mais la tension était palpable dans sa voix. Elle l’était aussi sur le visage de ceux qui l’accompagnaient. Une chose était sûre : il s'était bel et bien passé quelque chose à Luménis.

[Quête : l’invasion des ombres]

Le garde était resté pantois suite aux paroles de la vieille femme. Un coup d'état à Luménis ? Est-ce qu'elle se moquait de lui ? Le garde ne savait trop quelle attitude adopter mais la tension et l'urgence dans la voix de son interlocutrice acheva de le convaincre qu'il s'était passé quelque chose de grave. Le garde préféra ne pas prendre de risque. Sa voix hésistante, visiblement encore troublé par l'annonce complètement inattendue des nouveaux arrivants, il répondit :

- Je... euh... bien je vais vous conduire au palais administratif. Le Grand Emissaire doit y être actuellement et si votre requête est aussi urgente que vous le dites, il vous recevra sans délai. Suivez-moi, je vais vous y conduire.

Le garde conduit donc la délégation improvisée de Luméniens vers le palais administratif.

[Quête : l'invasion des ombres]

Les quais grouillaient de soldats et la nouvelle du coup d'état de Luménis n'avait pas tardé à circuler dans la ville à la vue de cette inhabituelle activité des soldats manostiens sur le port. Quatre navires étaient en train d'être affrêtés : trois navires de guerre en poste et un navire de transport qui avait vidé de sa marchandise.
Les va-et-viens continuels des soldats qui chargeaient les navires démontraient l'urgence de la situation. Aucune perte de temps n'était tolérée.Vivres, eau, armes et armures, équipement divers pour campement, tout était rigoureusement comptabilisé et organisé sur les navires.

Les officiers informèrent tous les navires qui mouillaient à Manost de la situation actuelle à Luménis si bien que certains capitaines préférèrent changer leur plan plutôt que de se rendre dans la cité de lumière.

Les heures passèrent et Ravestha vint suivre la fin des préparatifs. Le voyage serait suffisamment long avant d'atteindre Helonna, il était inutile de perdre plus de temps maintenant. Chaque heure qui s'écoulait, c'était peut-être un résistant luménien de plus au bout d'une corde...

Quête : l'invasion des ombres

En provenance d'ici

Les quatre navires étaient donc là, prêts à partir. Althéa s'était glissée discrètement entre les gardes pour parvenir jusqu'au grand émissaire. L'helmite avait peu changé depuis la dernière fois où elle l'avait vu sur la place du temple, idem pour la défiance qu'elle entretenait vis à vis de son dieu et de son clergé. Mais l'heure n'était pas à l'anticléricalisme exacerbé. Il fallait s'oublier et agir. Agir pour ne pas penser. Le temps pour les larmes ou l'inquiétude viendrait ensuite. Trop de temps perdu.

Elle toussa pour attirer l'attention de Ravestha avant de lui dire :

"Je suis Althéa de Lochnohan de la Vierge d'Argent. Parée à embarquer"

[Quête : l'invasion des ombres]

Ravestha se tourna vers Althéa. Il reconnut immédiatement la jeune femme qui avait combattu à ses côtés suite au vol de la relique. Jeune, insouciante, et visiblement innocente, le Grand Emissaire savait aussi qu'il ne fallait pas se fier aux apparences et que cette femme s'avérerait un atout sans doute indispensable pour leur mission d'infiltration. Il avait eu la preuve sur la place du temple qu'elle n'était pas ce qu'elle semblait être. Il lui sourit sincèrement, visiblement éreinté par sa journée à coordonner la préparation.

- Merci de m'avoir rappelé votre nom, vous m'épargnez l'embarras d'avoir à vous le demander. Votre hâte fait plaisir à voir mais les navires ne sont pas tout à fait prêts. Nous les avons chargés mais les équipages doivent encore parer le navire pour le voyage. Le capitaine vous a mis au courant de ce qui nous attend sur place ?

[Quête : l'invasion des ombres]

"Oui, il m'a tenu au courant. J'ai l'impression qu'il va falloir jouer serrer si nous ne voulons pas avoir des ennuis dès notre arrivée. Avez vous des nouvelles des membres du gouvernement ?"

Elle n'avait pu se retenir de poser la question. Besoin de savoir s'il subsistait encore un espoir de le retrouver vivant. Elle partirait quelle que soit la réponse mais avec un poids en moins, celui de l'incertitude. Et pour ne rien, elle ajouta :

"Il serait peut être sage de débarquer sur une plage à l'écart du port. Si vous avez besoin de quelqu'un pour vous guider jusque là, je suis votre homme ... enfin ... j'ai repéré quelques endroits accessibles la dernière fois ... réflexe de marin je crois"

[Quête : l'invasion des ombres]

- Nous n'avons actuellement aucune nouvelle des membres de l'ancien gouvernement ni d'aucun dignitaire si ce n'est que nous savons que Taliesin est retenu prisonnier. Les Luméniens qui nous ont averti ont profité du chaos qui régnait encore au port pour s'échapper donc ils n'ont pas d'informations sur la situation actuelle exacte. Concernant notre arrivée là-bas, il est prévu de débarquer à l'écart de la ville. Nous n'avons pas les moyens humains pour engager un conflit direct avec Nwalk c'est pourquoi nous devrons nous infiltrer dans la ville et porter les coups de l'intérieur dans un premier temps. Les soldats seront là en appui mais en aucun cas Nwalk ne doit découvrir leur présence.

Le regard du Grand Emissaire voyageait régulièrement entre Althéa et les navires où les marins s'affairaient tandis que les soldats sur le quai profitaient des derniers instants sur la terre ferme.

[Quête : l'invasion des ombres]

Pas de nouvelles des membres du gouvernement ... La réponse avait sonné comme un glas. Elle avait serré les poings en silence. Surtout, ne pas flancher maintenant. Continuer d'espérer. Se battre contre le froid insidieux qui soudain vous envahit. Vivant ou mort, elle le retrouverait.

Ainsi, il y avait donc Taliesin. Elle avait croisé le barde au cours d'une traversée quand elle était enfant avant de le retrouver bien des années plus tard. Il avait donc fait du chemin depuis Mélandis. Jamais elle ne se serait attendue à le retrouver là bas. Mais que faisait il donc prisonnier de Morfea Nwalk ? Etait il devenu un membre du gouvernement avant sa chute ? Et si celui-ci était prisonnier, peut être que les autres ...


"Alors, embarquons le plus vite possible"

[Quête : l'invasion des ombres]

Ravestha avait reporté son attention sur la jeune femme qui se tenait devant lui. Le ton qu'elle avait employé et les paroles qu'elle avait prononcées trahissait une agitation interne. L'empressement qu'elle manifestait ne résidait certainement pas uniquement dans sa volonté de réinstaurer un ordre sain à Luménis, il l'aurait parié. Aussi essaya-t-il de comprendre, car Althéa ne devrait pas faire défaut lorsqu'ils seraient en ville.

- Nous embarquerons dès que les navires seront prêts. Le capitaine m'a rapporté que vous avez immédiatement tenu à être vous-même de l'expédition. Puis-je connaître les raisons qui vous ont poussé à accepter si vite cette mission ?

[Quête : l'invasion des ombres]

Elle était restée muette durant quelques secondes, le regard perdu vers la mer. Que pouvait elle répondre ? Mentir ? A quoi bon ... Mais il fallait qu'il la laisse partir. Il n'y aurait rien de pire s'il la laissait seule au bout du quai pendant que lui et les soldats feraient voile vers Luménis. Non, elle trouverait un moyen pour embarquer coûte que coûte. Alors, autant jouer franc jeu. Du moins, autant que possible.

"Il y a une personne là bas dont je suis proche. C'est un membre de l'ancien gouvernement, un diplomate affecté aux affaires religieuses. Il se nomme Agrippa d'Orgeval. Je suis inquiète pour lui."

[Quête : l'invasion des ombres]

Ravestha hocha la tête. Il comprenait désormais beaucoup mieux la réaction d'Althéa. A l'instar d'Althéa, son regard se dirigea loin au large, où la mer et le ciel se perdent dans l'infinité.

- Votre inquiétude est légitime, tout comme votre désir de participer à cette expédition. Je peux imaginer le tourment qui taraude votre coeur actuellement. Je vous demande de me pardonner d'avance mais il y a une question à laquelle vous devez répondre.

Ravestha planta son regard dans celui d'Althéa.

- Nous avons désormais un engagement envers Luménis et son peuple. Ce devoir passe avant tous les autres. Alors je vous le demande, quoi qu'il arrive, serez-vous avec moi ?

[Quête : l'invasion des ombres]

Son étrange regard bleu nuit avait soutenu celui de Ravestha sans ciller. Elle s'était engagée dans l'aventure, mue par l'angoisse sans trop se rendre compte des tenants et des aboutissants. Oui, ils avaient un désormais un devoir envers le peuple luménien. Mais pour elle, pas de serments ni de promesses, pas de règles ni de traités. Simplement un devoir humain. A travers la cité de la lumière, c'était Agrippa qu'elle aidait.

Le grand émissaire lui réclamait une promesse : celle de ne pas faillir. D'agir non par amour mais par devoir. Elle ne voulait pas de cela. Mais elle hocha la tête :

"Oui, je serai avec vous. Mais sachez que ce ne sera pas par obligation morale ou légale. Je ne promets pas au chef de l'église manostienne mais à l'être humain"

[Quête : l'invasion des ombres]

Il acquiesca. Il n'aurait pas plus et n'avait pas besoin de plus. Ravestha commençait à cerner la jeune femme. Il avait déjà pu se rendre compte la première fois d'une certaine aversion pour l'autorité manostienne. L'important n'était pas là mais qu'elle ne faillisse pas le moment venu.

- Ca me va. Cette expédition est peut-être le dernier espoir pour Luménis. Et personne ne veut voir une nouvelle cité du chaos apparaître en Helonna. De plus, nous avons tous des connaissances là-bas, nous n'avons pas le droit d'échouer.

[Quête : l'invasion des ombres]

Elle avait croisé les bras, déterminée. Ce n'était pas tant l'avenir chaotique auquel se préparait la cité de la lumière mais plutôt le joug écrasant d'une dictature féroce et cruelle planant au dessus d'elle qui l'effrayait. Elle ne pouvait s'imaginer Lumenis ployer sous le pas pesant des soldats. Rien n'était plus précieux que la liberté, quel que soit la langue dans laquelle on la célèbre, quelle que soit l'endroit de Féérune. Une cage était une cage à Helonna comme Dorrandin.

Elle ignorait qui Ravestha connaissait sur l'autre continent. Peut être n'était ce personne en particulier. Peut être agissait il dans un but commun. Et elle allait le suivre même si le pari était plus que fou. Comment un petit contingent d'hommes allait il pouvoir s'opposer à une force férocement établie ?

"Quelles que soient les chances que nous avons de réussir, nous avons notre va-tout à jouer ... Dans tous les cas, on ne pourra pas nous reprocher de ne pas avoir essayé"

Peu de temps plus tard, un officier vint avertir le grand émissaire que les navires et les soldats étaient prêts à faire voile vers Helonna.

[Quête : l'invasion des ombres]

Le son puissant d'un cor retentit et les soldats sur le quai se rangèrent avant de commencer à embarquer sur les navires où ils avaient été affectés, précédés des officiers.

Le contingent de soldats était dirigé par un capitaine de Graëlon nommé Derlis Vidan. Ce dernier vint prévenir peu de temps plus tard que les navires étaient désormais prêts à quitter le port et l'ordre fut donné de lever l'ancre.

Quelques minutes après le signal, les Luméniens se présentèrent sur le quai et rejoignirent Althéa et Ravestha. Ce dernier se tourna vers eux alors que les navires de guerre larguaient les amares et manoeuvraient pour quitter le port.

- Nous sommes parés à partir, notre navire nous attend. Vous êtes prêts à monter à bord ?

[Quête : l’invasion des ombres]

La vieille femme dirigeant le groupe s’avança d’un pas et s’inclina légèrement.

-Oui, messire. Nous sommes prêts.

La phrase était courte. Mais il n’était nul besoin de davantage de mots pour traduire la détermination des réfugiés. La vieille femme avait un temps envisagé de laisser les plus jeunes ou les plus faibles du groupe à Manost : mais elle y avait renoncé. Aucun n’aurait accepté de rester en arrière. Ils avaient traversé moult épreuves avec Taliesin, des combats acharnés dans les bas quartiers mélandiens à la terrible traversée du désert... Et à présent qu’il fallait venir en aide au barde, qu’il fallait sauver leur terre d’asile d’un immense danger, aucun ne voulait même envisager de demeurer à l'écart. Certes, ce n’était pas les membres de ce groupe, enfants ou vieillards, qui emporteraient la décision sur un champ de bataille. Mais dans de telles circonstances, aucune aide n’était de trop, et les compagnons du barde ne doutaient pas de pouvoir, à un moment ou à un autre, se rendre utiles.

[Quête : l’invasion des ombres]

Le groupe, accompagné de plusieurs gardes, monta donc à bord du dernier bateau. Un certain nombre de personnes s'étaient rassemblées sur le port pour voir partir cette expédition qui devait sauver Luménis de la tyrannie sous laquelle elle était tombée.
On déploya les voiles et le navire de transport quitta les quais pour rejoindre les trois autres vaisseaux qui entamaient leur route vers Helonna.

Ravestha, appuyé au bastinguage du bateau, regardait la cité bénie s'éloigner lentement. Il tentait de s'imaginer une situation semblable à Manost. Non cela ne pouvait arriver. Puis il se moqua de lui-même intérieurement : les dirigeants luméniens n'avaient très certainement jamais ne serait-ce que songé à l'éventualité d'un tel drame avant d'y être confronté.
La vie était faite de tellement de surprises que l'on ne pouvait être sûr de rien. C'est un brin nostalgique que le Grand Emissaire vit disparaître le sommet de la citadelle de la Lame d'Argent au détour d'un promontoire.
Il aimait tant cette ville qu'il ne supporterait pas de la voir crouler sous le joug d'une autorité malveillante. Pour cela, il se devait de faire tout son possible pour rendre aux Luméniens la liberté qu'on leur avait volée. Et qu'on leur rende simplement leur ville.

[Quête : l'invasion des ombres]

Elle avait vu Manost s'éloigner. Sa cité d'adoption, son port d'attache. Elle y avait laissé de nombreux souvenirs. Une grande partie de sa vie. Car, c'était là qu'elle avait vraiment commencé à vivre. Peut être ne la reverrait elle jamais ... Elle ferma brièvement les yeux et laissa ses pensées vagabonder dans le vent marin.

Elle se souvint du temps où, perchée sur la dunette, elle admirait la crête des vagues, l'esprit libre. Ses rêves étaient peuplés seulement d'horizon. Aujourd'hui, ses préoccupations étaient on ne peut plus humaines. Mais elle ne regrettait pas d'avoir rejoint la terre ferme. Il y avait d'autres paysages, d'autres gens, d'autres possibles ... Une autre liberté.

La liberté. Une liberté si fragile que l'on pouvait la perdre et si fragile qu'on se battait pour elle.

[Quête : L’invasion des ombres]

HRP : un nouveau personnage arrivant tardivement…

Kasumi arriva en trottinant sur les docks. Les quais débordaient de l’activité des équipes préposées au chargement des vivres et du matériel de première urgence. Des palans étaient manœuvrés de main de maître dans un ballet harmonieux ponctué d’ordres criés à tue-tête. Le matériel lourd ainsi entreposé dans les calles servirait à monter un campement pour les soldats. Les armes et autres munitions étaient mises à l’abri dans les soutes ou à même le pont dans des caisses recouvertes de bâches étanches.

Le contingent envoyé en renfort par Manost comportait de nombreux soldats en armures lourdes et Kasumi dénotait clairement parmi eux. Le rôdeur portait son armure légère coutumière et ses vêtements destinées à le dissimuler. Solidement armé, l’éclaireur avait préparé son arc long coutumier et ses deux épées. Si la discrétion était le maître mot, il n’était pas sans savoir que Lumenis ne serait pas reprise sans combats ni embuscades.

Il s’était joint naturellement à l’expédition pour défendre la Cité alliée de Manost. Sa vocation comme sa déesse lui enjoignait de porter secours aux innocents de la ville occupée et d’y rétablir la sérénité.

Si on lui avait fait un bref résumé des évènements, sa position ne justifiait pas qu’on lui ait transmis un luxe de détail quant à la situation réelle en Helonna. Il aurait bien le temps d’approfondir ce qu’il avait su glaner au cours du voyage. Il salua l’officier en charge de répartir les troupes sur les différents navires et celui-ci lui indiqua un navire amarré au bout de la jetée après avoir vérifié le registre. Le départ n’allait pas tarder à être sonné et Kasumi se sentait prêt à rejoindre les lieux de l'action.

Quête : le saut de l'ange

En provenance d'ici

Althéa et Lathiriel s’étaient acheminées en silence vers le port. Elles portaient avec elle des provisions, quelques armes, des couvertures … Tout ce qu’avait pu leur fournir la Vierge d’Argent et le Cœur Radieux. Aucun problème matériel à prévoir. Par contre, pour ce qui était du risque …
Althéa n’avait pas prononcé un mot depuis qu’elles avaient quitté la guilde. Trop peu de temps, trop de soucis … Elle commençait à s’interroger sur le bien fondé de leur mission. Avait elle le droit d’y emporter son père ? Certes, elle avait tant à partager avec lui … Mais si c’était pour l’emmener à la mort ? Le retrouver après tant d’années pour le perdre définitivement ? Ils avaient encore tant à se dire …

L’espace d’un instant, elle voulut renoncer, faire demi tour. Protéger de ses propres erreurs cet homme que la vie l’avait empêché de connaître. Il lui avait tant manqué … Après tout, les paladins pouvaient se déplacer à Mélandis …Ils pourraient repartir chacun de leur coté pour mieux se retrouver ensuite, loin du danger … Oui, il fallait qu’elle renonce.

Mais, quand elle le vit qui les attendait, avec son sac sur le dos, elle sût qu’elle ne serait pas capable de faire demi tour. Passer du temps avec lui, coûte que coûte …

« Tu es venu. » murmura-t-elle avec un petit sourire. Elle ne savait pas trop quoi ajouter de plus. Elle se sentait soudain redevenu l’enfant sauvage qu’elle était de nombreuses années en arrière, face à cet homme qui un jour lui avait demandé si elle voulait l’appeler « papa ».

Quête : le saut de l'ange

Thom esquissa un rapide sourire.

"J'ai affrêté une yole qui n'attend plus que nous."

Il leur présenta l'embarcation, très simple, équipée d'un gouvernail et d'une voile unique. Très maniable, elle était moins destinée aux voyages au long cours qu'au cabotage en vue des côtes: idéal pour ce qu'ils comptaient faire.

Il leur faudrait en effet traverser le golfe de l'oubli jusqu'à Paymill, puis longer la côte est de Dorrandin via Vys et Anarelis, et enfin remonter la Houleuse jusqu'à Melandis. L'affaire de cinq à six semaines. Si tout se passait bien, la navigation leur ferait gagner une dizaine de jours par rapport à un voyage terrestre.

"Nous avons un plein chargement de vins fins en guise d'assise et de couverture. J'ai signalé notre départ à la capitainerie. Quand vous voudrez..."

Quête : le saut de l'ange

Les yeux sombres d'Althéa s'étaient subitement éclairés. Alors, ils allaient naviguer. Depuis le temps qu'elle rêvait de revoir la mer. Et avec lui ... Sans le savoir, son père lui faisait le plus beau des cadeaux.

Il était aussi agréable et prévenant que dans ses souvenirs. Bien sûr, ils ne seraient pas seuls mais elle serait avec lui et cela durant quelque temps. Le temps pour lui de la l'apprivoiser à nouveau, le temps pour elle de le redécouvrir. Le but du voyage semblait - pour quelques instants du moins - s'effacer.

Et il était là, attendant de partir. Elle aurait aimé que le temps se suspende pour faire durer le plaisir de ces retrouvailles inespérées. Peut être auraient ils le temps en revenant mais en attendant ...

... se laisser emporter par les sentiments qui la submergeaient, elle le prit dans ses bras et le serra contre elle.

Quête : le saut de l'ange

Thom l'accueillit sans rechigner, tout en observant une dernière fois le paysage manostien. Quand il était arrivé dans cette ville, il avait cru devoir la détester. Manost était la cité de son deuil, celle qui n'avait pas su sauver Martial, où il s'était installé par paresse, par épuisement, par dégoût de l'existence. Puis il avait commencé d'en connaître les habitants, de s'y intégrer, et il l'avait jugée autrement. Manost était une bonne base pour l'organisation, plus sûre même que la trop confiante Lumenis...

A présent Manost, après lui avoir pris son fils adoptif, lui rendait sa fille. Et ils partaient ensemble, pour une fois. Il voyait tout cela avec les yeux de l'intérieur, remarquant à peine ceux que Lathiriel ouvrait en grand, ronds et luisants comme des marmites neuves. Vieillard lubrique et gamine pervertie? Que l'elfe pense d'eux ce qu'elle voudrait. Il était heureux...

Se détachant enfin, il murmura:

"Nous aurons tout le temps durant la traversée; allons."

Et il l'entraîna sur le pont.

Edit: la suite de vos aventures ici, bande de bavards.