La Couronne de Cuivre

Arya était en ébullition et si elle n’avait eu un caractère posé et réfléchi, qu'elle ne faisait appel à la magie dans de tels cas qu'en dernier recours, elle aurait dans la minute secoué les puces, non pas des lits, mais de la patronne de la Maison close. Un son inaudible sortit de ses lèvres.
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- Scélérate de maquerelle qui t’enrichit sur le dos de pauvres filles tout en appelant le fruit résultant de leur travail des accidents. Comment oses-tu traiter des enfants ainsi ?
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Mais son sourire amical revint aussi vite qu’il avait disparu. Son intonation montrait pourtant qu’elle n’était pas de l’avis de l’enfant.
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Pour l’instant, je n’irai pas voir la patronne, mais d’ici peu de temps, il fera trop sombre ici pour que tu puisses lire et écrire. Il faudra trouver une autre solution.
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Tout en regardant la paille sale et grimaçant aux odeurs pestilentielles qui régnaient, elle ne put s’empêcher d’entrevoir les risques supplémentaires que couraient la marmaille qui dormaient ici. Si un incendie venait à éclater, ils seraient pour la plupart prisonniers de flammes. Ses pensées suivirent à l’ensemble des taudis abritant probablement de vieilles personnes, voir des handicapés. Elle se baissa à la hauteur de Podrick alors qu’une idée lui venait d’une contre-partie à ses cours.
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Dis-moi Pod, que ferais-tu si le feu venait à prendre dans les taudis ?

Arya sourit en lisant la peur dans le regard du garçon en soupçonnant que celui-ci avait eu une pensée des plus saugrenues. Le ton de sa voix démontrait autant une réprimande qu’une certitude.
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- Pod, tu n’oserais pas penser que je puisse mettre le feu ? Cela jamais, tu peux en être assuré. Son visage devint sérieux, mais je craints pour toi et pour les autres habitants des taudis, ce serait une catastrophe. Tu es leste, rapide, tu t’en sortirais. Mais les autres enfants, les plus petits d’entre-vous et également les habitants qui ne sont plus capables de courir, voire peut-être même de marcher.
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Elle s’était tue laissant à l’enfant le temps de s’imaginer ce que serait les conséquences d’un incendie pour certains d’entre eux.
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- Tu me dois quelque chose Pod, c’est toi même qui me l’a fait remarqué. Alors maintenant je sais. Dans un premier temps, tu devras indiquer sur une feuille tous les habitants qui logent dans les taudis, les vrais, pas ceux qui ont la chance d’être déjà relogés dans les premières maisons de la rue. Cela pourra en même temps être un exercice d’écriture pour toi. Mais avant d’aller plus loin dans mon idée et en même temps ton premier cours. Il faut que tu me dises si tu es d’accord avec ma proposition.

Le gamin la dévisagea, perplexe, en se grattant machinalement le flanc.
-J'sais pas ce que vous avez derrière la tête, m'dame, alors ça m'inquiète un peu. Mais oui, j'peux toujours essayer de faire ça. Sauf qu'a part si vous avez un sort pour m'apprendre à écrire d'un coup, va falloir du temps ! Et pis, y a beaucop de gens, ici, donc faudra plus qu'une feuille, je crois. Des tas, même.
Il grimaça brusquement, plongea une main à l'intérieur de sa chemise et, après y avoir fouragé un instant, en retira un minuscule insecte qu'il écrasa entre ses doigts.
-Saloperie ! gromella-t-il. Puis il rougit brusqumeent. Heu,, saleté, je voulais dire...
Il eut un sourire mauvais.
-Remarquez, si ça cramait tout ic, ça leur ferait les pieds, à ces bestioles. Ou les pattes, enfin, vous voyez, quoi. Et aux poux, aussi. Rupert, il en a plein. Ditez, ça craint les poux, les elfes ? Parce que si ça craint, va falloir que vous fassiez vachement gaffe !

Après une grimace dégoûtée à la pensée que des poux et des puces pourraient bien venir se nourrir sur son corps, le sourire d’Arya ne laissa pas entrevoir que le gamin venait de lui poser une question des plus simples, mais à laquelle elle ne pouvait répondre. Il y eut juste un déclic dans son esprit lorsqu'il évoqua que ce serait bien que tout brûle .... Elle concocterait une potion le soir même pour remédier à une éventuelle attaque de ces bestioles.

- Ne t’inquiète pas pour moi, je n’en ai jamais entendu parler, mais si cela devait arriver ce ne serait pas si grave que cela. Mais il faudra que je pense à t’apporter une potion pour lutter contre ces bestioles.
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Elle se fit sérieuse.
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- Les mots grossiers, tu les connais, alors fait tout ton possible pour ne pas les prononcer, je serai la première à te féliciter. Si tu es consciencieux dans ton apprentissage, tu pourras accéder à un bon travail. Mais certains mots que tu dis …. Elle secoua la tête pour lui faire comprendre que cela ne serait pas accepter Allez, il est temps que nous nous mettions à l’ouvrage. Tu verras qu’il ne te faudra pas tant de papier que cela.
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Elle prit une feuille et un fusain, une plaque d’ardoise et un morceau de craie dans la besace que Podrick portait, chercha un support rigide pour la poser la feuille, mais il était évident … rien ne pouvait convenir. Elle sortit le livre, posa la feuille dessus et se mit à dessiner des formes simples, base de l’écriture, qu’il reprenait maladroitement mais patiemment sur l’ardoise, lentement et avec patience le chenapan apprenait à les dessiner, ainsi qu'à reconnaître les sons qu’ils représentaient et l’usage qu’il en ferait pour faire un recensement des habitants des taudis. Une fois qu’il eut réussi à mémoriser le minimum nécessaire, Arya prit 5 autres feuilles et se mit à expliquer tout aussi patiemment ce qu’elle attendait de l’enfant.
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Le quartier miséreux fut divisé en cinq afin que chaque portion puisse entrer sur une feuille. Les baraques seraient représentées par des cercles, les habitants qui y logeaient par des dessins suivant la catégorie d’age, les enfants incapables de se débrouiller tout seuls, les plus grands et les adultes. Pour les deux dernières catégories les bases de l’écriture étaient utilisées pour dire s’ils avaient un handicape ou pas.
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Le temps fila vite et même l’arrivée de quelques chevaux dans l’écurie ne perturba pas la leçon, tous deux, complices, firent juste le silence absolu. Podrick était concentré, posait moult questions laissant sa curiosité percer, s’appliquait autant pour apprendre que pour satisfaire l’Elfe. Mais comme tout enfant, il est un temps où le besoin de bouger se fait et le garnement remuait de plus en plus, secouant parfois sa main qui avait des crampes à trop serrer la craie et à se crisper pour dessiner les signes le mieux possible.
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- Bon Pod, je crois que nous allons arrêter là pour aujourd’hui, tu as bien travaillé, tu vas vite y arriver. Ce serait bien que tu t’exerces sur l’ardoise pour bien dessiner les formes des lettres que je t’ai montrées. Ne cherche pas à avancer trop vite, avance bien ce sera suffisant. Pour le travail que je t’ai demandé aussi, tu as le temps, d’abord tu t’entraînes à bien écrire, ensuite tu fais un petit bout du travail. J’espère que tu es d’accord et puis peut-être as-tu des questions à me poser.
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L'enfant secoua la tête.
-Non non. Enfin oui, je suis d'accord, mais j'ai pas de questions, je crois que j'ai tout compris pour l'instant...
Il se releva, chassa vaguement les brins de paille accrochés à ses vêtements, et lorgna les alentours, cherchant visiblement un endroit où dissimuler la besace.
-Ah, par contre... fit-il, embêté. Pour les autres jours, faudra pas que vous soyez en colère si je suis en retard. Parce que je fais pas que vendre le journal, et si j'peux pas partir avant d'avoir fini le travail, sinon je suis pas payé. Mais j'essayerai d'être a l'heure... Et si y a du monde dans l'écurie, j'vous attendrai un peu plus haut, dans la rue... Vaut mieux qu'on se fasse pas trop remarquer, sinon on va me poser des questions.

Le travail du petit était primordial et Arya comprenait que celui-ci ne pouvait s'en passer. Pour la besace, elle avait pensé demander à la maquerelle un coin tranquille, ainsi le problème de la sauvegarde aurait été réglé, mais en l’instant, elle devait s’en charger et la rendre à Podrick le lendemain. Elle prit doucement l’objet à l’enfant.
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- Ne t'inquiètes pas, je ne t'en voudrais jamais pour un peu de retard si celui-ci est justifié ... et puis ... pour me mettre en colère, il faudrait que tu fasses une grosse bêtise ... mais tu n'en feras pas ?!? Alors ... ! Mais, je pense que tu as une question Pod, où bien mettre tes affaires de cours pour que personne ne vienne te les chaparder ? Si je les emporte, tu ne pourras pas travailler et si tu les gardes …. ! Pour un premier jour, tu as assez travaillé et tu auras probablement de la peine à t’y remettre, ce soir je les emmène, cela te laissera le temps de leur trouver un lieu sûr. Je te les apporterai demain matin au port, si tu es d’accord bien sûr, ainsi si tu en as l’occasion ... Peut-être aurais-je une autre solution pensa-t-elle. D’accord, nous nous retrouverons un peu plus haut .. à moins que je trouve un autre endroit. Elle sourit ravie de son idée. Que penserais-tu si nous nous retrouvions au Grand parc ? Si tu finis tard, c’est plus près pour toi et pour moi aussi.

-D'accord, on fait comme ça, dit Podrick. Hum, mais comme le parc est super grand, vaut mieux qu'on se donne rendez-vous à l'entrée nord. C'est celle qui est l'plus près du port, et ça évitera qu'on se cherche longtemps... J'espère juste que les gardes y m'diront pas de ficher le camp. Avant, quand y avait le Tyran, on avait pas le droit d'y aller. Parce que c'était près de chez les riches et que... ben... j'ai pas trop l'air d'un riche, et ils devaient avoir peur que je leur gâche la vue ou que je leur fasse les poches. Mais maintenant, c'est plus trop les mêmes gardes et ils embêtent moins les gens.

Le regard attendri d’Arya se posa sur l’enfant

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Ne t’inquiète pas Podrick, je serai près de l’entrée et personne ne pourra t’empêcher de me rejoindre. Tu n’es pas riche, mais tu es honnête et courageux … et malin en plus, moi je le sais, dit-elle accompagnant ses paroles d’un sourire complice. Morféa a fait beaucoup de mal et généré beaucoup de misère, mais il n’est plus là et il faut penser autrement, elle était consciente que certains devaient regretter ce temps où les nécessiteux étaient obligés de rester dans leur coin. Je suis ton amie Pod, ne n’oublie pas … d’accord ?
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Tous deux descendirent l’échelle abrupte, se glissèrent entre les chevaux jusqu’à la porte. Arya jeta un dernier coup d'oeil et fut encore plus affligée de laisser le petit vendeur de journaux en un endroit aussi peu accueillant, mais elle ne voulait pas qu'il devienne un assisté, il devait avoir en tout temps conscience que lui seul pouvait décider de sa destinée.



Tu connais mieux le coin que moi, alors je ne sais si tu peux m’accompagner un bout de chemin ou pas.

-J'peux sans problème. J'travaille pas ce soir, en plus...
Podrick s'emmitoufla dans son manteau usé jusqu'à la corde et la précéda au dehors. Il faisait nuit à présent, et s'il ne pleuvait pas, un vent aigre et un ciel couvert signalaient que cela n'allait sans doute pas tarder. Les habitants l'avaient compris et, tandis que l'elfe et l'enfant remontaient la rue, ils ne croisèrent guère qu'une poignée de passants pressés. Mais, dans les venelles transversales, Arya pouvait saisir du coin de l'œil des mouvements furtifs.
-Le secret, c'est de faire comme si on avait rien vu, lui souffla Podrick. Si on voit pas les ennuis, ils nous voient pas non plus, en général. Si on regarde trop, par contre...
Son secret ne l'empêcha pas, quelques minutes plus tard, de retenir brusquement la magicienne par la manche. Devant eux, à quelques dizaines de mètres, un groupe d'hommes s'avançaient. Ils parlaient fort et avaient l'air particulièrement agités.
-On va passer par la p'tite rue, là, plutôt... fit le gamin. Si vous êtes d'accord, bien sûr... Vaut mieux pas trop leur chercher des noises, à eux...

L’Elfe sentait son sang se glacer dans cet environnement devenu des plus lugubres. Son infra vision lui permettait de voir bien plus qu’elle ne l’aurait voulu et ceux qui complotaient dans les recoins les plus sombres des ces venelles déjà peu recommandables la journée lui faisaient ressentir la peur que devaient avoir les habitants des taudis. Si elle avait les moyens de se défendre, eux étaient à la merci d’un regard trop appuyé ou de travers mal interprété.
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Si elle n’avait craint des représailles sur son petit protéger, elle n’aurait pas hésité à avancer froidement dans leur direction et leur aurait fait goûter à un brin de magie bien placé, mais Podrick vivait là et elle n’avait pas le droit de l’exposer.
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Machinalement, elle prit la main du gamin et s’enfila à regrets avec lui dans la ruelle qu’il avait indiquée. La colère de la fin d’après-midi avait encore enflé et Arya l’aurait volontiers fait fondre sur ces scélérats qui terrorisaient des pauvres gens sans défense. Elle marmonna avec rage en serrant un peu plus la main de Podrick.
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C’est invraisemblable que l’on ne débarrasse pas le quartier de cette vermine, je leur enverrai bien les foudres des ténèbres.
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Mais, elle se reprit aussitôt espérant que l’enfant n’ait pas entendu ses paroles.
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Je ne suis pas sûre que j’ai eu une bonne idée en te demandant de m’accompagner, tu vas devoir rentrer seul et c’est dangereux dans le coin. Peut-être vaudrait-il mieux que je te raccompagne jusqu'à l'écurie.

-Oh, vous inquiétez pas pour moi, m'dame, répondit le garçon avec aplomb. Je connais le quartier comme ma poche, et je le traverse souvent bien plus tard que ça... Si on fait attention et qu'on évite les coins trop glauques, on a pas vraiment d'embêtements. Bon, d'accord, des fois ça arrive même si on fait attention. Même à moi. Mais je cours vite, et je sais ou me cacher. Et quand je cours pas assez vite...
Il haussa les épaules, philosophe. Mais, croisant un instant le regard de la magicienne, il s'empressa d'ajouter :
-Souvent, ils se contentent de me piquer mon argent. Et j'en ai jamais beaucoup.

Le regard de Podrick dans lequel flottait le sentiment d'injustice de ces larcins sans scrupules, ainsi que ses paroles n’étaient pas faites pour calmer la colère intérieure d’Arya et elle se sentait de plus en plus près de cette limite qu’il valait mieux ne pas atteindre pour éviter que l’enfant soit témoin d’une de ses colères qui étaient aussi fulgurante que violente. Elle lui faisait confiance pour ne pas prendre de risque, mais d’entendre que le peu d’argent qu’il gagnait durement lui était soustrait par des malfrats de bas étages la révoltait. Elle ne réagirait pas pour l’instant, mais elle se promettait de mettre un peu d’ordre dans ce lieu que tous devaient connaître de nom, mais que tous s’efforçaient d’oublier de peur de prendre un mauvais coup ou de se priver de quelques futilités.
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Le temps était maintenant devenu maussade, cette soirée de début d’automne annonçait déjà les frimas à venir et une fine pluie pénétrante s’était mise à tomber.
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Ils méritent une bonne leçon pour ce qu'ils font, je vais aussi penser à cela. Mais pour l'instant puisque tu es courageux et malin .... et que tu cours vite, alors faisons un bout de chemin ensemble. J’ai faim, pas toi ? Connais-tu une taverne pas trop loin où nous pourrions discuter à l’abri du temps et manger quelque chose de chaud?
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Podrick se gratta la tête, songeur.
-Ben... Y a le Fond de la Barrique, mais faudrait qu'on fasse demi tour, et c'est pas très bien fréquenté. Pareil pour les gargotes du coin. Après, il y a des trucs dans les beaux quartiers mais alors là, ils m'laisseront pas entrer, c'est sûr. Ils auraient peur que j'coupe l'appétit aux clients, p't'être ben ! Sinon, y a la Bienveillance, évidemment. C'est peut-être là que vous êtes, d'ailleurs, puisque c'est la plus connue du port... et de la ville. Après, j'peux pas trop vous dire, non plus : j'vais jamais dans les tavernes. Y donnent pas la bouf... la nourriture gratis. Même si des fois, ça arrive que le cuistot, dans certains endroit, donne ce qui a pas été mangé. Mais faut connaître les heures, et souvent, la place est prise...

Le Fond de la Barrique n’inspirait pas Arya, qu’il fut mal fréquenté n’était pas le critère principal, les plats devaient probablement être à la hauteur des clients et cela la convainquait beaucoup plus d'aller voir ailleurs, d’autant que pour Podrick ,le sortir un peu de ce trou ne pouvait qu'être bénéfique. La Taverne de la Bienveillance était un peu loin pour l’enfant qui devrait faire le chemin inverse, mais au moins il aurait le ventre plein d’une nourriture de qualité et abondante.
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Et bien moi je ne connais que la Bienveillance et je sais que l’on y mange bien, alors si cela ne te fait rien de refaire tout le chemin après pour revenir ici, je pense que nous devrions aller là-bas.
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Est-ce de sortir des taudis ou la perspective d’un bon repas dans un endroit bien mieux fréquenté, Podrick eut un sourire satisfait pour toute réponse. L’Elfe et le garçon prirent la direction du port d’un pas rapide tout en bavardant.

Quête : Un désir de crépuscule.

De leur cachette, Belenn entraîna Kasumi jusque dans les quartiers défavorisés de la capitale. Natif de l’endroit, il se promenait avec aisance, les mains dans les poches, un sourire tranquille sur le visage, qui semblait ne pas pouvoir l’abandonner en dépit de la situation difficile dans laquelle ils se trouvaient. Ils gagnèrent les ruelles plus sombres et plus sordides de la ville, où une faune inquiétante traînait à toute heure de la journée.
« Il est encore tôt pour se balader dans le coin… » remarqua Belenn d’un ton badin. « Si nous allons au Fond de la Barrique, nous trouverons trois pelés deux tondus croupissant dans le vomi de la veille. Non, pour trouver de l’animation à toute heure, il n’y a qu’un endroit… »
Son sourire s’élargit.
« J’espère que vous ne tenez pas trop à votre réputation… ou à votre vertu… » fit-il, en tournant dans une petite impasse sombre même en pleine journée. Quelques façades plus loin, il s’arrêta devant une porte voûtée et frappa trois petits coups secs.
« Ne faites pas cette tête. » dit-il à Kasumi. « Tout va bien se passer et nous rencontrerons des gens intéressants. Souvent bavards. Et prompts à se vanter. »
Le judas coulissa et un œil féminin y apparut, lorgnant l’extérieur. La petite fenêtre de bois se referma et une seconde plus tard, la porte s’ouvrit. Une jeune femme à moitié vêtue en sortit et se jeta dans les bras de Belenn.
« Sire Belenn ! Vous ici ! » s’exclama-t-elle en l’embrassant sur la bouche.
« Bien le bonjour, Fiona. » fit le clerc, aimable, en la reposant sur ses pieds.
« Et accompagné… » ajouta la demoiselle en lançant une œillade à Kasumi. « Entrez donc. »
Elle s’effaça pour les laisser passer. Kasumi fut d’abord frappé par les odeurs capiteuses d’encens et de parfums qui flottaient dans l’air, puis par la couleur rose et rouge des murs, drapés de tentures de velours poussiéreux s’ouvrant de temps en temps sur une peinture érotique des plus explicites. Belenn emboîta le pas à la jeune femme, et Kasumi ne put que suivre.
« Vous vous faites rare, sire Belenn ! Marthe a dit que vous aviez finalement épousé cette bourgeoise que votre père vous avait choisie ! »
« Marthe a menti. »
« On vous a revu avec cette paysanne, aussi. »
« Ne médis pas d’elle, Fiona, tu sais ce que j’en pense. »
« Pfff… Enfin. Je ne voudrais pas gâcher cette occasion rare en jouant la jalouse. Je sais que je ne peux pas me le permettre. » fit-elle en haussant les épaules.
Il hocha la tête avec une grimace contrite.
« La matronne ? »
« Elle est sortie. »
« C’est la fête, donc. »
« On peut dire ça. Qui voulez-vous ? Je pense que Sonia, Marguerite et… »
« Nous allons passer au salon rouge, si ça ne te fait rien. »
« Oh. Pas de soucis. »
Elle les conduisit jusqu’à une embrasure de porte masquée par des voiles et les écarta d’un geste distrait. A l’intérieur se trouvait un bar et une dizaine de tables, dont les trois-quarts environ étaient occupées par des convives. Tous étaient de sexe masculin. Autour d’eux gravitaient une dizaine de filles en tenue légère. La dénommée Fiona les conduisit à une table puis fit signe au tavernier, un homme là encore, et gratifiant Belenn d’un dernier signe, s’éclipsa.
« Ne faites pas cette mine, je vous en prie. » dit le clerc au rôdeur.

Quête : un désir de crépuscule

A mesure du chemin depuis le refuge du quartier ouest, l’humeur du rôdeur s’était assombrie. La traversée du quartier des taudis avait un effet naturellement déprimant. Les « rues » par lesquelles le clerc le conduisait faisait découvrir au rôdeur une misère qui lui avait rarement été donné de percevoir. La présence de quelques maraudeurs se montrant même à cette heure était déprimante. Ils ne cherchèrent pas à s’approcher des deux hommes manifestement bien nourris et ayant les moyens de se défendre. L’impuissance de la garde à faire régner l’ordre ici lui rappelait douloureusement la période d’occupation.

Pourtant, c’est quand il avisa la destination choisie par le clerc que l’air sombre de Kasumi prit toute son ampleur. Bien évidemment, il n’était pas assez naïf pour ignorer l’existence de tels établissements dans Luménis. La pratique de la prostitution lui était étrangère et il n’avait guère d’a priori positif à ce sujet. Encore une coutume des cités qui l’éloignait un peu plus de ses convictions. Il ne protesta pas ouvertement et garda le silence jusqu’à ce que Belenn et lui se retrouvent installés dans un salon confortable et aussi animé que le clerc l’avait annoncé.

Le rôdeur interpella Belenn d’un ton bourru, assuré d’être entendu si une oreille attentive écoutait :

- Alors quoi ? C’est ainsi que vous avez choisi de me convaincre ? Pensez-vous qu’il faille m’offrir ce genre de plaisir pour me gagner à votre cause ? Mais peut être êtes-vous plus subtil que je ne le pensais en voyant votre air ? Il est vrai que l’aperçu du quartier que vous m’avez montré a du potentiel.

Le demi-elfe adressa un clin d’œil discret au clerc devant son air abasourdi.

Belenn ne resta pas longtemps décontenancé. Il se tourna à demi vers l’extérieur, dégageant un genou sur lequel vint bientôt se poser une jeune elfe à moitié dévêtue. Blonde et svelte, elle leur décocha un sourire aguicheur et Belenn passa le bras autour d’elle, comme si ça avait été la chose la plus naturelle à faire.
« Je vous connais mal, mon ami. » commença le clerc d’un air concentré. « Mais suffisamment pour savoir que vous avez l’œil. La force potentielle des personnes rassemblées dans ses rues dépasse de loin celle que pourraient rassembler ces crétins du Fort même s’ils allaient racler le fond de leurs baraques. Mais il nous faut d’abord agir à la tête. J’ai bien quelques idées pour salir le Temple, mais je dois avouer que la sorcière de l’université me pose plus de problèmes. »
L’elfe avait commencé à embrasser la tête du clerc et il la repoussa soudain, l’air surpris.
« Tu es nouvelle, n’est-ce pas ? » dit-il avec rudesse.
Elle acquiesça en se trémoussant.
« J’ai horreur des elfes, on ne te l’a pas dit ? Allez file, et envoie-moi une des tes copines un peu moins filiforme et avec les oreilles rondes, merci. »
Il la remit sur ses pieds et la chassa d’un geste. Elle grimaça, puis sourit à nouveau, un sourire sans aménité mais qui tentait de donner le change, et s’éloigna.
« Une bouteille à la mer. » murmura-t-il.
Il se redressa et croisa les bras.
« Mais vous, qu’avez-vous à offrir ? » reprit-il, plus fort.

Quête : un désir de crépuscule

Le rôdeur n’adressa pas même un regard à la prostituée, jouant à la perfection le rôle du conspirateur dédaigneux. Belenn avait vite compris où il voulait en venir et Kasumi se félicita de son sens de l’improvisation. Il se pencha par-dessus la table pour répondre au clerc :

- Vous êtes bien certain que nous pouvons parler librement ici ?

Il attendit le hochement de tête d’acquiescement de Belenn avant de poursuivre :

- J’ai supervisé l’entraînement de la milice et cela m’a permis de détecter les failles dans leur système de ronde et leur dispositif de surveillance. Donnez-moi quelques hommes discrets et je suis certain de parvenir à n’importe quel objectif qui nous serve. La Tour n’est pas le seul endroit où on peut intercepter la sorcière si c’est elle qui vous intéresse.

Le clerc le dévisagea une seconde, fronçant les sourcils.
« Vous voulez dire que vous avez des hommes capables de venir à bout de la magicienne ? Vous ? J’ai du mal à le croire. Je ne veux pas vous manquer de respect, mais il faut plus qu’une flèche pour venir à bout de ce type de monstre… »
Une nouvelle fille s’approcha, humaine cette fois, encore moins vêtue que la précédente, et s’assit sur une chaise restée vacante à leur table. Elle déposa deux chopes devant les conspirateurs, puis appuya son menton au creux de ses paumes.
« Ça cause de quoi, ici ? »

Quête : un désir de crépuscule

Le rôdeur s’empara d’une choppe à laquelle il goûta avec une grimace. Il afficha ensuite une figure pleine de morgue lorsqu’il lança à la jeune humaine :

- Rien qui concerne les catins.

Le ton était aussi méprisant que la mine du demi-elfe. Il espérait bien que cela encouragerait la jeune femme à écouter la suite et à le répéter. Il affecta pourtant de ne pas la voir alors qu’il se tournait à nouveau vers Belenn :

- Si vous vous imaginez que ce sont là mes seules armes, vous êtes dans l’erreur. Une erreur qui a coûté cher à plus d’un. Il y a mille façons de parvenir à ses fins pour qui connaissent les herbes et peut dissimuler ses traces. Il y a plus de gens qui meurent de l’infection provoquée par une morsure que par l’épée ou la magie. Et les victimes s’en défient bien davantage ce qui facilité la tâche et détourne les soupçons.

La prostituée se tourna vers Belenn et celui-ci l’invita à se rapprocher. Il l’enlaça et commença à la caresser distraitement, tandis qu’elle roucoulait contre sa poitrine.
« Dans ce cas, que nous manque-t-il exactement ? Vous avez l’air de penser pouvoir régler le coup à vous tout seul… Je peux payer, je vous l’ai dit. »
Il arracha un gloussement surpris à l’humaine perchée sur ses genoux.
« Mais dites-moi, je suis curieux… Pourquoi tant de haine à leur égard ? »

Quête : un désir de crépuscule

Le rôdeur essaya de ne pas prêter attention à la conduite scandaleuse mais malgré tout appropriée du clerc. Pour masquer sa gêne, il but une nouvelle gorgée d’alcool avant de répondre :

- Je vous répondrai bien que c’est la loi des affaires qui m’oriente mais vous m’accuseriez alors de vouloir faire monter les prix. Non, ce ne serait pas tout à fait exact. Mettons que je n’aime pas être écarté de l’action et ce gouvernement trop timoré n’a pas su m’accorder crédit. J’espère que vous ne ferez pas la même erreur. Vous offrez d’intéressantes opportunités. Il me serait loisible de bénéficier d’une certaine aide comme je vous le suggérais. Des hommes discrets pouvant se déplacer dans les ombres, pas les brutes qui peuplent celles de ce quartier. Ils constituent un outil plus grossier, un outil qui nous servira plus tard.

Belenn grimaça et vida sa chope.
« Chérie, va m’en chercher une autre. Pour mon ami aussi. » fit-il en gratifiant la prostituée d’une tape sur le derrière.
Elle se leva en lui souriant d’un air coquin, et fila entre les tables.
« Vous voulez que je vous trouve des gens de l’ombre ? Ce n’est pas exactement ma spécialité, mais j’imagine que ça doit pouvoir se trouver. Luménis est la ville du commerce, tout peut s’acheter. »
La fille était déjà de retour avec les chopes. Un homme la suivait de près et il s’assit sur la chaise vide, tandis qu’elle reprenait place sur les genoux de Belenn. Ce dernier l’accueillit d’un baiser sonore sur les lèvres et lui couvrit les seins des deux mains, lui arrachant un cri.
« Vous avez besoin de quelque chose ? » demanda l’homme, très naturellement.
C’était un elfe aux cheveux sombres et aux yeux clairs, le visage barré d’une cicatrice peu avenante. Il jouait machinalement avec une pièce d’or, qu’il faisait danser sur les phalanges de sa main gauche.

Quête : un désir de crépuscule

Le rôdeur adressa un sourire sans joie à la jeune prostituée qui revenait. Que ce fut la bière ou autre chose, il commençait à s’amuser dans cet endroit à défaut de s’y plaire. Il se frotta le menton, d’un air indécis pour répondre à Belenn :

- Je suppose que vous êtes au courant comme moi. Je ne pense pas qu’il s’agisse de simples rumeurs. Mes contacts dans la garde m’ont révélé que le plus grand secret entourait cette affaire. Les autorités ne réagiraient pas ainsi sans un fon de vérité. Le nouveau groupe qui opère dans Luménis pourrait faire l’affaire. Il est évident que je garderai le commandement des opérations mais les mercenaires aplanissent parfois les difficultés.

Il se tourna enfin ostensiblement vers le nouveau venu et le jaugea un moment avant de lui répondre :

- Cela dépend de ce que vous offrez.

« J’dirais que ça dépend de c’que vous cherchez. » répondit leur interlocuteur.
Belenn le dévisagea les yeux rétrécis, puis se crispa brusquement, le rouge lui monta aux joues, et il jeta un regard courroucé à la fille sur ses genoux.
« Pas ici, ma chérie. On en reparlera en tête à tête. » lui dit-il.
« Oh… Pas drôle… » lâcha-t-elle avec une moue langoureuse, retirant ses mains de sous la table.
Belenn sourit à Kasumi et à l’elfe, embarrassé, puis sembla se souvenir de la question du visiteur.
« Du silence, d’abord. » fit le clerc.
« On peut pas dire qu’ça soit vot’spécialité jusqu’ici, pourtant. » rétorqua l’elfe.

Quête : un désir de crépuscule

Kasumi leva un sourcil à l’adresse de Belenn alors qu’il repoussait la fille, manifestement gêné. Puis comme si de rien n’était, il regarda aux alentours avant de reportait son attention sur le nouveau venu. Il fit grand effort pour paraître choisir ses mots et baissa la voix :

- Cela n’a plus grande importance. Mais soit, si la discrétion vous sied, peut être pouvez-vous être utiles. Mettons que nous cherchons quelques gars suffisamment dégourdis pour passer inaperçus là où ils n’auraient aucune raison officielle de se trouver. Du genre à ne pas laisser de trace ou faire de vague. Et qui sachent se défendre en cas de maladresse.

L’elfe sourit.
« Mmm. » fit-il. « C’est le genre de choses qui peut-être pourrait… »
Il s’interrompit et jeta un regard sombre à Belenn.
« Vous êtes un Lathandrite. Qu’est-ce que vous faites ici ? »
« Est-ce que ça vous regarde ? »
« Disons que c’est plutôt original… de tenir vos propos. »
« Avez-vous besoin de connaître mes raisons ? »
« Non, elles vous regardent. »
« Très bien alors. »
« Néanmoins… »
Belenn jeta un coup d’œil à Kasumi, puis à la fille qu’il avait sur ses genoux et sourit.
« Je vais vous laisser une demi-heure. J’ai à faire, et vous vous sentirez plus à l’aise. » fit-il alors en se levant, les bras autour de la prostituée. « Bonne conversation. »
Puis il s’écarta de la table, la jeune femme à son bras, et ensemble, ils quittèrent la salle.
« De quel genre de boulot s’agit-il ? » reprit l’elfe.

Quête : un désir de crépuscule

Le rôdeur adressa un regard sombre au clerc qui quittait la salle. Il espérait que celui-ci était suffisamment consciencieux pour interroger la prostituée avec laquelle il était parti mais il n’en était guère convaincu. Visiblement, les mœurs de leur coéquipier étaient des plus libres. Se rendant compte que l’elfe avait intercepté son regard et le dévisageait, il crut bon de se justifier parlant à demi pour lui-même :

- Je n’ai pas confiance en ce type. Il dit avoir des contacts mais c’est un Lathandrite. Je ne sais pas si je peux vous faire confiance pour cette affaire. Elle est délicate. Il s’agit de profiter de récentes opportunités. Ma cible est haut placée et bien défendue mais ce n’est pas un problème pour certains ici en ville.

« On n’est jamais assez bien protégé. » fit son interlocuteur avec un léger sourire. « D’autant que vous m’avez l’air bien informé. Quant à ce Lathandrite… C’est vous qui le connaissez. Mais parfois les ténèbres se terrent au creux de la lumière. A force de répéter des âneries sur les beaux lendemains, on finit souvent déçu, pour peu qu’on ait de la jugeote. Mais si vous êtes si peu sûr… Etes-vous forcé de travailler avec lui ? »