La Couronne de Cuivre

Lorsque Silmandel apperçu la courette, il se dit que les choses se présentaient biens. Personne ne les avait remarqué, malgré le fait que le bâtiment était loin d’être vide. Et les voilà dehors. Les venelles s’offraient à eux. Un peu de magie et la fuite deviendrait un jeu d’enfant. Hélas, la voix qui retentie modifia quelque peu l’avis de l’elfe sur la situation. Il jeta un regard vers le frère et la sœur et déclara :

« Bon, va falloir encore courir. Rien de tel que des journées comme ça pour se maintenir en forme ! »

Alexandre sourit, Clémentine fronça les sourcils, mais ni l'un ni l'autre ne songea à lui répondre. L'instant suivant, la jeune fille les entraînait vers le passage de gauche. Sans doute aurait-elle pu courir plus vite, mais elle veillait en permanence à rester près de son cadet, à ne pas le distancer.
-Tuez l'homme qui les accompagne ! reprit la voix. Et eux, essayez de les ralentir !
Presque aussitôt leur parvint le murmure reconnaissable entre tous d'une incantation. Et peut-être les Appariteurs disposaient-ils, eux aussi, de moyens de communiquer par magie. Car à peine le trio de fuyards s'engageait-il dans l'allée étroite, encombrée de caisses, de tonneaux et de détritus divers qu'il entendait déjà du raffut dans le bâtiment qu'il venait de quitter.

Du moment qu’ils n’étaient pas cerné, que les bruits venaient de derrière, Silmandel n’estimait pas la situation catastrophique. Certes, on voulait sa mort, mais après tout, c’était une banalité pour un aventurier. En entendant l’incantation, il chercha à la reconnaitre. Sait-on jamais, avec un peu de chance. De plus, puisqu’il ne pouvait courir à fond, il essaya de renverser derrière le groupe de quoi compliquer la poursuite. Mage ou pas, s’il y avait une caisse dans le passage, il fallait la passer. A moins que le dit mage ne puisse voler, ou se rendre intangible, ou qu’il puisse se téléporter, ou qu’il puisse déblayer par télékinésie ou... et puis zut ! Au diable les exceptions !

Silmandel ne parvint pas à identifier la nature de l'incantation et lorsqu'elle fut terminée, tout ce qu'il put dire, c'est qu'elle n'avait point de visée offensive, car aucun sortilège ne le prit pour cible. Pour le reste, mystère de boule de gomme : impossible de le savoir à moins de jeter un regard par-dessus son épaule, ce qui serait prendre de gros risques. Car oui, la venelle était décidément très encombrée, et ne pas ralentir le rythme de la course tout en veillant à ne pas s'étaler de tout son long était pour le moins malaisé.
Cependant, l'ensorceleur parvint à faire tomber quelques caisses, à renverser quelques tonneaux, et il eut la satisfaction d'entendre certains de leurs poursuivants se heurter à ces obstacles supplémentaires, lesquels leur firent perdre du terrain. Mieux encore, ils semblaient, dans l'immédiat, avoir renoncé à lancer de nouveaux sorts : la poursuite devait réclamer trop de concentration, sans compter qu'il leur fallait veiller à ne tuer ni Clémentine ni son frère.
Mais combien de temps cela allait-il durer ainsi ? Certes, la jeune fille les fit bientôt bifurquer dans une autre allée, puis dans une autre encore. Certes, rien n'indiquait que les Appariteurs connaissent plus qu'elle ce dédale. Néanmoins, que se passerait-il si le trio découchait dans une impasse ? S'ils croisaient des individus qui décidaient de leur bloquer le passage ?
Devaient-ils s'en remettre à la chance et continuer comme ils le faisaient pour l'instant ? Valait-il mieux, au contraire, envisager une autre méthode tant qu'ils en avaient encore l'opportunité ?

Silmandel faisait confiance à Clémentine. Elle semblait très bien connaitre la ville et depuis qu’il était avec elle, il ne l’avait jamais vu se tromper. De plus, bien qu’il menait une vie d’aventurier depuis un bon moment, prendre des initiatives n’avait jamais été sa spécialité. Lui, pour le coup, il s’était trompé d’innombrable fois. Ses décisions, généralement, étaient impulsives. Certes, il avait bien en tête un plan, rendre invisible le frère et la sœur, puis se déguiser lui-même sous une autre apparence, avant de se mettre à attendre que les poursuivants les dépassent, néanmoins il n’aurait pas le temps d’enchaîner trois incantations sans que celles-ci ne soit perçu par les appariteurs. Bref, l’elfe continua de courir et de renverser ce qu’il pouvait.

Un nouveau passage, une nouvelle courette, une venelle aux relents nauséabonds, une rue plus large qu'ils traversèrent à toute allure sous les regards curieux de quelques badauds avant de s'engouffrer derechef entre deux bâtiments... Jusqu'ici, ils avaient réussi à maintenir l'allure et la distance qui les séparait de leurs poursuivants. Mais ils commençaient à avoir le souffle court, les jambes lourdes ; Alexandre, surtout, même s'il ne se plaignit pas une seule fois, paraissait épuisé. Depuis combien de temps détalaient-ils ainsi ?
Un nouveau passage, une nouvelle courette... dépourvue d'issue, celle-là.
-Oh merde... lâcha Clémentine.
Elle lorgna le puits qui ornait le centre de l'espace crasseux, les portes closes percées dans les murs.
Et, pour la première fois, elle hésita.

S’ils étaient fatigués, Silmandel gageait que leurs poursuivants l’étaient tout autant. C’étaient des mages, pas des spécialistes de la course à pied. Restait l’inconnu des sorts auxquels ils avaient accès, mais l’ensorceleur ne poussa pas la réflexion jusque là. En fait, voyant Clémentine hésiter face à l’impasse, il ne réfléchit pas et décida sur le champ d’appliquer le plan qu’il avait en tête.

Silmandel --> Déguisement --> Silmandel

Le voilà devenu un banal citadin sans rapport avec le marin qu’il était l’instant d’avant. Il s’était inspiré de ceux qu’il avait vu à la volée. Il toucha la jeune femme.

Silmandel --> Invisibilité --> Clémentine

Puis le garçon.

Silmandel --> Invisibilité --> Alexandre

« Clémentine, revenez sur vos pas avec votre frère. Disparaissez comme vous savez si bien le faire. »

-Hors de question que je file sans m'être assuré que vous vous en êtes sorti ! protesta la jeune fille d'un ton qui ne souffrait aucune réplique. Nous allons rebrousser chemin jusqu'à l'avant-dernier croisement et vous y attendre. Si vous ne paraissez pas...
Elle n'alla pas plus loin, et Silmandel l'entendit s'éloigner rapidement en compagnie de son frère.
Quatre hommes en noir étaient apparus dans l'allée qu'ils venaient juste de parcourir. Le teint rouge, l'air furieux, ils venaient tout droit dans sa direction.

Mais... mais que venait-il de faire ? N’aurait-il pas dû garder pour lui l’un des sorts d’invisibilité ? Non, non il ne pouvait pas. Il fallait que ce soit ainsi. Maintenant, il allait improviser, voilà tout. Quelle fable allait-il pouvoir narrer à ces quatre là ? Il y avait un puits. Ne pouvait-il pas faire semblant de tirer de l’eau et d’être surpris à l’improviste dans cette tâche ? Non, c’était trop tard. Il devait plutôt jouer celui qui venait de voir trois fuyards passer en trombe et disparaître... où ça ? Il se mit à chercher du regard l’endroit en question, le plus plausible.

Malheureusement, les possibilités n'étaient pas légion : il pouvait prétendre soit que les fuyards s'étaient jetés dans le puits, mais son mensonge risquait d'être très vite éventé, soit qu'ils s'étaient engouffrés par l'une des portes, en espérant que celle qu'il désignerait ne serait pas verrouillée... Quant à affirmer qu'ils avaient escaladé l'un des murs... Certes, le bâtiment sur sa droite était plus bas que les autres, et les prises ne manquaient pas sur sa façade. Néanmoins, parvenir sur le toit en si peu de temps, était-ce bien crédible ?
Les Appariteurs débouchèrent dans la petite cour. D'abord, ils ne lui prêtèrent guère d'attention, préférant scruter les lieux. Mais quand il devint évident qu'il en était le seul occupant, l'un d'entre eux l'apostropha :
-Vous ! Nous cherchons une jeune fille, un gamin et un marin. Où sont-ils partis ? Au nom de l’École du Necronomicon, je vous somme de répondre, et sans tarder !

Silmandel fit face aux appariteurs et imprima à son visage le masque de la crainte. Comédie certes, mais n’y avait-il pas au fond un brin de vérité ? Lui, si téméraire, avait néanmoins l’habitude d’accueillir les dangers à coups de sortilèges et rapière au poing. L’action avait cet avantage d’éviter de trop se poser de questions. Là, le danger, il le voyait venir et pour autant, il ne faisait rien. Il eut la tentation d’entamer sur le champ les hostilités. Mais non. Pas encore tout du moins.

« Une jeune fille, un gamin et un marin vous dites ? Pas vu par ici messire. J’ai bien entendu du raffut, mais j’ ne serais dire où. »

Nulle part en somme et c’était sans doute le mensonge le plus plausible. Le trio ne s’était-il pas volatilisé une première fois dans le grenier ?

L'Appariteur ne daigna pas lui répondre et s'en fut jeter un œil au puits, tandis que ses collègues tentaient d'ouvrir les portes - elles s'avérèrent toutes verrouillées, ce qui démontra à l'ensorceleur qu'au moins pour l'instant, il avait opté pour la bonne stratégie.
Constatant qu'il n'y avait nulle issue par laquelle les fuyards auraient pu se faire la belle, celui qui était apparemment le chef du groupe lança une brève incantation.
-Personne d'invisible, ici, grommela-t-il.
-Où ont-ils bien pu aller ? Je suis presque sûr de les avoir vu prendre dans cette direction ! s'exclama un autre homme.
-Il y a d'autres portes dans l'allée. Allons voir.
L'instant suivant, ils rebroussaient chemin. S'ils ne s'intéressaient plus à Silmandel, leur manoeuvre lui bloquait néanmoins le passage.

Silmandel eut bien du mal à ne pas réprimer un sourire. Pour l’instant, cela se passait bien, très bien même. Mais ce n’était pas terminé. Il était encore là, séparé du frère et de la sœur qui, eux, l’attendaient. Comment s’esquiver ? L’elfe se voyait mal passer devant les appariteurs sans que ceux-ci ne bronchent. Et s’il était vu en train d’escalader un bâtiment, sa culpabilité ne ferait aucun doute. Il décida donc d’attendre lui-aussi, assis sur le puits, l’air songeur. Au cas où, il avait un autre mensonge à servir. Comment allait évoluer la situation ?

Ce ne fut effectivement pas nécessaire. Du moins, pas dans l'immédiat.
Les appariteurs testèrent les unes après les autres les portes crasseuses dont les murs bordant la venelle étaient percés. Toutes s'avérèrent hermétiquement closes, hormis une seule. Sitôt qu'ils l'eurent découverte, les quatre hommes s'y engouffrèrent sans plus perdre un instant.
L'allée était déserte, la voie totalement libre.
Combien de temps cela durerait-il ?

La voie libre ? Silmandel n’hésita pas un seul instant. Il se leva et s’avança d’un pas hâtif. Il essayait de ne pas trop faire de bruit, même si les appariteurs devaient avoir bien autre chose en tête que de le surveiller en ce moment. Et puis, après tout, il n’était qu’un banal citadin juste pressé de s’éloigner pour ne pas avoir d’ennui.

Lorsqu'il passa devant le bâtiment où s'étaient rués les hommes de l’École du Necronomicon, Silmandel perçut des sons de courses, d'objets bousculés ou renversés, des appels et des cris : manifestement, ces gens ne prenaient pas de gants lorsqu'ils entraient quelque part, se souciaient peu de ceux qu'ils surprenaient... Quoi qu'il en soit, comme il l'avait pensé, ils étaient trop affairés pour prêter attention à ce qui se passait dans l'allée.
Rien ne s'opposa donc à ce qu'il quitte les lieux et, quelques minutes plus tard, il atteignit le point de rendez-vous fixé par Clémentine.
-Par ici ! fit la voix de la jeune fille.
Son frère et elle s'étaient abrités dans l'ombre d'un porche, un peu en retrait du croisement.
-Heureuse de vous revoir sain et sauf, dit-elle, souriante, quand il les eut rejoints. Bon, je crois qu'il vaut mieux ne pas s'attarder dans les parages... En suivant cette ruelle, nous gagnerons l'Antre du Miséreux, où il leur sera quasiment impossible de nous retrouver. Mais... Je ne suis pas sûre d'avoir envie de vous emmener là-bas. C'est un endroit... aussi répugnant que périlleux.

Silmandel était également soulagé. Il se rendait compte de la crainte qu’il avait ressenti à présent qu’elle s’était envolée. Pas une crainte terrible, mais tout de même. Le fait était assez rare pour être signalé.

« Allons Clémentine. La misère ne me fait pas fuir. Je l’ai déjà vu de près. Et puis, je me suis déjà aventuré dans les sordides quartiers de cette ville », assura-t-il en s’engageant dans la ruelle indiquée.

Il ne fallait pas s’attarder. L’ensorceleur voulait être sûr que le frère et la sœur trouveraient un refuge avant de les laisser.

Les autres lui emboitèrent le pas, adoptant d'emblée un bon rythme. Pour l'heure, aucun signe de leurs poursuivants.
-Je ne doute pas que vous ayez visité les taudis, lui souffla Clémentine. Mais si vous êtes resté dans les rues principales, je crains que vous n'ayez rien vu. L'horreur de cet endroit dépasse l'entendement, croyez-moi. Enfin, peut-être est-ce ainsi dans toutes les grandes villes... J'ai cependant le sentiment que c'est pire ici que partout ailleurs.
Elle soupira.
-Dès que nous serons sûrs de ne plus être suivis, il faudra ralentir le pas. Quelqu'un qui fuit semble une proie de choix pour bien des individus... Et nous n'avons nullement envie de nous attirer des ennuis : les venelles de l'Antre grouillent de crapules à côté desquelles les Appariteurs auraient presque des allures d'enfants de chœur.

« Il ne me semble pas être resté dans les rues principales. Disons que je suis allé assez loin pour trouver une secte. Quand j’y pense, ça en fait deux en peux de temps. Elle est chouette cette ville ! »

Silmandel avait retrouvé son sourire. Non, vraiment, la misère, ça ne l’intimidait pas. Il pouvait être surpris, à la limite. Melandis semblait aimer la démesure. Il n’y avait qu’à songer au cimetière et à ses cryptes. Peu de cités pouvaient se targuer d’en avoir des comparables. Mais l’elfe, tout charmant qu’il puisse être, n’avait pas en horreur la saleté. Une fois, avec son ancienne compagnie, il s’était aventuré dans des égouts. De la merde jusqu’à la taille et des rats énormes. Ha, doux souvenir... La vie d’aventurier n’était propre que dans les histoires.

Clémentine lui jeta un regard aussi prononcé qu'indéchiffrable.
-Soit vous maniez une forme d'ironie joyeuse à laquelle je ne suis pas habituée, soit vous avez une manière... originale d'envisager les choses, dit-elle finalement. Parce que je vous assure que quand on vit dans ses taudis ou quand on est victime des sectes et autres gropuscules qui y pullulent, l'adjectif "chouette" n'est pas celui qui vient en premier à l'esprit pour qualifier Melandis...
Ils poursuivirent leur chemin par des voies détournées, enfilant maints passages étroits, franchissant maintes courettes perdues au milieu de bâtiments dont l'allure se faisait sans cesse moins engageante. Ils ne virent plus trace des Appariteurs, qu'ils avaient dû semer, en tout cas temporairement, et c'est donc sans encombre qu'ils gagnèrent les ruelles des bas-quartiers.

Quête : l’affaire Blancbouillon

Depuis les quais, Kededric revint effectivement devant le Lumenien Noyé. Mais la rousse qu’il suivait, et qui ne semblait pas l’avoir remarqué, au lieu d’entrer dans l’auberge, pénétra dans le bâtiment d’en face. C’était une bâtisse fort banale pour le quartier, mais son enseigne placardée au-dessus de l’entrée ne laissait aucun doute sur sa nature. "A la Sirène Lubrique" annonçait-elle. Une illustration de sirène blonde et très, très, très peu vêtue venait compléter le titre de l’établissement.

Quête : l'affaire Blancbouillon

Kededric restait alerte pour suivre la femme rousse, tout en estimant le temps qu'il passait à la suivre le long des ruelles. Heureusement, elle ne tarda pas à s'arrêter pour disparaître dans l'embrasure d'une porte de bordel pour marins. Un établissement qu'il n'avait jamais fréquenté autrement que pour des raisons professionnelles, mais il n'en connaissait pas tous les recoins. Il faudrait sans doute improviser un peu... C'était son fort ; aussi ne s'inquiéta-t-il pas outre mesure lorsqu'il franchit le seuil de la Sirène Lubrique.

Il ne pourrait rester là bien longtemps... qu'aurait-il à récolter ici ?

Quête : l’affaire Blancbouillon

Dans la première salle du bordel, Kededric découvrit deux types musclés. C’était l’habituel duo chargé de la sécurité. Bien souvent, ils refoulaient les clients vraiment trop imbibés ou violents. Au fond de la pièce se trouvait la rousse. Elle avait retirée son manteau qu’elle tenait maintenant sous le bras. Ses courbes plus qu’agréables au regard et sa tenue légère sous-entendaient qu’elle travaillait ici. Elle discutait avec une femme plus âgée et nettement plus volumineuse. Il s’agissait de la grosse Gertrude, la fameuse tenancière de la Sirène Lubrique. Fameuse car elle avait une certaine notoriété. Dès l’entrée du faux marin, les deux femmes se turent. Gertrude se tourna vers Kededric et lui demanda, les poings sur les hanches, et avec son ton vulgaire qui la caractérisait :
« Salut mon p’tit lapin, qu’est-ce qui te ferait plaisir ? »

Quête : l'affaire Blancbouillon

À cette heure, il n'y avait pas beaucoup de monde. C'était somme toute logique, car la clientèle devait plutôt s'amasser en soirée... il pourrait toujours revenir, évidemment, mais avec le risque que la femme rousse ne fût plus présente. Était-elle simple "employée" ici ? Sa présence face à la Dame Rouge était trop étrange pour n'être qu'une coïncidence... elle devait sans doute connaître le capitaine Griscieux, ou un des membres de l'équipage, ou... bref, elle n'avait peut-être rien à voir avec leur affaire en cours. Toutefois, il valait mieux s'en assurer.

Kededric affecta un air timide et peu au fait de ce genre d'activités. Il bredouilla :

"Euh... disons que... est-ce que vous pouvez me dire..." Il rougit volontairement pour appuyer sa comédie "... qui est... serait disponible ?"

Quête : l’affaire Blancbouillon

« Vous n’avez que l’embarra du choix, répondit sur l’instant Gertrude. Ici, y’en a pour tous les goûts, enfin presque. C’est un établissement respectable ! »

Elle appuya sur ce dernier mot qui avait visiblement de l’importance à ses yeux. Les deux femmes échangèrent un dernier regard, puis la rousse passa la porte qui se trouvait derrière la grosse. Cette dernière reprit à l’intention du client :

« Des humaines, des elfes, des minces, des dodues, des douces, des rudes, des jeunes, des moins jeunes... vous trouverez forcément votre bonheur. Alors, ne soyez pas timide, dites ce qu’il vous faut et vous l’aurez. »

Quête : l'affaire Blancbouillon

Il restait un instant sans répondre, comme s'il réfléchissait à la liste que venait de lui proposer la femme. Avait-il seulement un attrait quelconque pour le sexe ? Il n'avait jamais eu de véritable occasion de se poser la question, ni de se laisser tenter. Et ce ne serait pas pour cette fois-ci non plus.

"Eh bien... euh... j'ai toujours... hum... rêvé de femmes rousses, et... je viens de voir une dame rousse, là, qui vient de s'en aller..." Il devint pivoine. "Est-ce que c'est possible de..." Il déglutit, incapable de terminer sa phrase. En apparence, du moins.

Quête : l’affaire Blancbouillon

« Mais oui, bien sûr que c’est possible, grand timide ! s’exclama Gertrude. Berelda a la réputation d’être un vrai ouragan au lit ! J’ose espérer que vous allez y survivre ! »

Elle eut un rire tonitruant qui permettait de la reconnaitre entre mille autres. Ce rire parvenait parfois jusqu’à la rues. Et parfois, un passant remarquait à haute voix, sourire aux lèvres : tiens, ça c’est Gertrude ! La tenancière redevint cependant vite sérieuse.

« Cela vous fera huit pièces d’argent, payable d’avance et non remboursable. Ici, c’est pas satisfait ou rembourser. Ici, c’est toujours satisfait ! »

Essayer de négocier avec Gertrude revenait à essayer de faire comprendre à un orque l’agencement planaire du multivers.

Quête : l'affaire Blancbouillon

Il devint pivoine à l'insinuation de la maquerelle. Pareil vocabulaire n'était pas dans les habitudes du jeune timide dont il tenait le rôle. Il sourit, plus de gêne que d'amusement.

D'ordinaire, il aurait tenté de marchander, par principe, et aussi pour l'exercice. Mais il devait jouer le rôle du timide qui n'osait rien demander à qui que ce fût. Aussi hocha-t-il vigoureusement la tête lorsque la dénommée Gertrude accepta sa demande et lui indiqua le prix, qu'il paya sans broncher. Toutefois, il agissait de manière hésitante, comme honteux de ce qu'il faisait. Il tendit la somme à la maquerelle et s'attendit à ce qu'elle recomptât les pièces ; c'eut été de bonne guerre. Pendant ce temps, il ne pipa mot, mais sa couleur redevint plus normale. Néanmoins, il évitait de la regarder dans les yeux. Ni même ailleurs.

Quête : l’affaire Blancbouillon

Gertrude recompta effectivement les pièces. Ceci fait, elle adressa un signe au timide client, tout en passant la porte.
« Allez, venez ! »
Dans la pièce voisine, elle beugla :
« Berelda, quelqu’un pour toi ! »
La rousse ne fut pas longue à apparaitre, ne s’étant guère éloignée. Elle détailla le marin qu’était Kededric de la tête aux pieds, un petit air coquin sur son mignon minois.
« Il a craqué sous ton charme », ajouta, goguenarde, la grosse.
« Je vois. Suivez-moi, beau jeune homme ! »
Après une volée de marche, la prostituée s’engagea dans un couloir. L’endroit, pour l’heure, était très calme. Elle ouvrit une porte, découvrant une chambre feutrée, très confortable. Ce n’était pas du grand luxe, mais tout de même, pour le coin, la pièce en imposait.
« Mettez-vous à l’aise ! » susurra-t-elle à son client.

Quête : l'affaire Blancbouillon

Le jeune homme timide qu'il jouait jusqu'alors disparut tranquillement. Kededric prit un air bien plus assuré et s'installa confortablement dans un petit fauteuil recouvert de velours rouge. Un goût sûr, pour ce genre de chambrée. Mais qu'il trouvait, pour sa part, tape-à-l'œil. Bah. L'essentiel ne résidait pas là.

"Avec plaisir, délicieuse dame. Verriez-vous un inconvénient à ce que nous devisions un instant ? J'ai à cœur de ne pas précipiter les choses...

Sa voix était claire, désormais, et il fixait la femme rousse d'un air intense mais poli. Kededric aimait rester courtois et civil en toute circonstance. Sauf si celles-ci exigeaient l'inverse, mais c'était heureusement rare.

La Couronne de Cuivre

[Lieu-dit] Les ruelles interlopes du port