[Bâtiment] L'Antichambre du Conseil

[Lothringen]

Il s'éveilla avec l'impression d'avoir dormi trois lunes sous un sommeil magique, comme jamais il n'avait dormi depuis plus de dix mois. Depuis leur dernière nuit ensemble, peut-être... Mornagest reposait paisiblement à ses côtés. Mornagest, paisible ? Il en aurait douté s'il n'avait pu l'entendre respirer doucement : il n'avait pas oublié ces nuits de cauchemar, au bosquet, où son compagnon s'éveillait presque chaque nuit terrassé par des visions d'horreur absurdes. S'il avait pu surmonter cela, c'était heureux...

La pièce était aveugle et ne donnait aucun moyen de savoir où en était le soleil. Peut-être le jour était-il encore loin, après tout ? Lothringen avait dans l'idée que la journée du chancelier devait commencer particulièrement tôt ces temps-ci, à cause de cette guerre des cultes qui faisait rage en ville. Il préféra le laisser dormir encore un peu.

Et pendant qu'il le regardait, des idées folles lui traversaient l'esprit. Il avait tantôt envie de lui faire l'amour au réveil, tantôt envie de profiter de son sommeil pour l'enlever, et le téléporter d'office dans quelque endroit oublié de Dorrandin où personne ne les trouverait d'ici bien longtemps, et d'où ils auraient tout loisir de réfléchir au moyen de changer d'apparence ou de vie... Mais non, Mornagest voulait préparer son départ, s'assurer que nul ne les poursuivrait - précaution chimérique, à son avis. Mais le guerrier avait sans doute raison de vouloir essayer de garantir ses arrières...

Et lui, pendant ce temps-là, il rongerait son frein, encore et encore, avec la crainte de le voir repousser sans cesse ou chuter à nouveau. La patience n'avait jamais été son fort...

[Mornagest]

La nuit du mélandien avait été la plus reposante qu'il ait passée depuis des mois. La plus longue, également. Personne n'avait osé le déranger, pendant qu'il recevait Lothringen... les rumeurs allaient peut-être circuler, mais il n'était pas rare qu'il dialogue de longues heures avec quelque représentant d'un culte ou d'une guilde de marchands en ville ; pourquoi pas avec son homologue manostien ?

Ses rêves avaient été curieux. Légers, quelquefois effrayants, car ils l'emmenaient dans un passé tumultueux, tout en le ramenant brutalement dans une perspective assez proche. Mais tous étaient focalisés sur eux deux ; à Manost, dans la forêt dense et inquiétante du bosquet des pierres, dans les neiges glacées de ses contrées natales, au cimetière de Melandis... ils confondaient souvenirs et espoirs dans un entremêlé d'images, de sons et de sensations plus étranges les unes que les autres. Cependant, ses songes étaient reposants. Parce qu'il se permettait le luxe de dormir, déjà, et ensuite, parce que Lothringen était là, à ses côtés. Qu'espérer de mieux ? Que la suite se déroule comme ils le projetaient...

Il se réveilla alors que le soleil se levait sur Melandis. Son compagnon était assis au bord du lit, en train de l'observer silencieusement. Ses traits s'étaient rendurcis un peu ; la quiétude du sommeil avait cessé, mais le semi-drow paraissait moins soucieux que la veille. Illusion ?

"Toujours debout avant moi", lui dit-il avec un sourire. "As-tu bien dormi ?" Il espérait qu'il avait pu trouver autant de repos que lui-même. La journée ne serait peut-être pas facile. Qu'allaient-ils faire, d'ailleurs ? Prendre des décisions, se fixer des échéances... ensuite... son cœur se serra en songeant à leur séparation trop proche, inéluctable... mais peut-être la dernière. Peut-être...

[Lothringen]

"J'ai si bien dormi que j'aurais bien passé la journée au lit..."

Lothringen lui rendit son sourire. Il ne fallait pas gâcher le peu de temps qu'il leur restait avec des souvenirs ou des appréhensions.

"J'imagine que tu as un emploi du temps bien chargé, pour aujourd'hui ? Je me téléporterai à l'ambassade avant que tu n'ouvres ta porte aux ennuis ordinaires. Toute personne qui veut le savoir sait déjà que je peux lancer ce sort... Il n'y aura qu'à laisser croire que je l'ai lancé durant la nuit."

Des précautions nécessaires, mais qui en ce moment-même, lui paraissaient si dérisoires. Ils ne s'étaient pas vus depuis des mois, qu'importaient les mouchards...

"Nous avons une discussion à finir. Quand pourrons-nous le faire ?"

Il baissa les yeux. Ici, à Melandis, il était en danger ; il était un intrus, il devait se cacher, attendre. La patience n'avait jamais été son fort, et elle n'était jamais autant sollicitée...

[Mornagest]

La journée risquait en effet d'être longue. Les rapports s'étaient succédés, relatant des combats sauvages entre factions religieuses, tantôt directement aux temples des concernés, tantôt en rue, dans le chaos le plus total. Melandis portait décidément bien son surnom... Soupirant intérieurement face à la tâche qui l'attendait encore, Mornagest répondit :

"J'espère avoir calmé la situation d'ici demain. Les combats sont rudes, mais je pense qu'ils seront aussi de courte durée. La question de la succession officielle de Talos va se poser, et lorsque le Conseil aura donné sa décision, plus personne n'osera agir sans crainte de s'attirer les foudres du clergé vainqueur."

Il hésita. La suite risquait de faire grincer les dents de Lothringen. Mais autant le lui annoncer tout de suite...

"Il y a fort à parier que ce sera Cyric. Le pire choix, mais son influence est grande, ici. Une excellente raison de plus pour m'en aller." Son visage s'était fermé. Le dieu fou... Melandis risquait de ne pas se relever. Mais seul, il ne pouvait agir contre le poids des autres conseillers... du reste, Devir allait très probablement se retirer des affaires mélandiennes. Sa présence n'était plus assurée par la puissance de Talos, et lui-même ne pouvait le soutenir publiquement. Il n'y tenait du reste que très modérément.

"Cela risque de durer, cependant. Mais je trouverai un moment pour te rejoindre. Dis-moi simplement où tu seras, et quand tu préfères. Je m'arrangerai. Après tout, je suis encore maître à bord", ajouta-t-il, mi-figue, mi-raisin.

[Lothringen]

Bien que l'idée de voir Cyric conduire Melandis à l'autodestruction ne lui plaise guère, Lothringen préféra laisser la question de côté. Où se retrouver... Ce n'avait rien d'une évidence. Mornagest ne pouvait pas se permettre de revoir officiellement le manostien, dans le contexte actuel, sans qu'on ne commence à se demander en quoi ce dernier était lié aux derniers événements. Lothringen ne tenait vraiment pas à ce que son implication dans l'incendie du temple de Talos soit mise au jour. Et moins souvent on pourrait faire le lien entre eux, mieux cela vaudrait pour leurs affaires, bien sûr.

Des endroits neutres, à Melandis ?

"Je peux te donner rendez-vous au temple de Kelemvor. Ou à la Main de Gloire, selon ce qui t'arrange. Pour l'heure, disons, en milieu d'après-midi ? J'aurai l'air d'une voleuse humaine. Présente-moi comme une balance..."

Il sourit à demi. Il rêvait encore du jour où ils pourraient marcher côte à côte, en plein soleil, sous leurs vrais noms, leurs vrais visages, sans redouter les ombres portées derrière eux. Ce jour viendrait peut-être... En attendant, il leur faudrait encore entortiller quelques grossiers mensonges dans la trame des complots mélandiens.

[Mornagest]

Il lui rendit son sourire. Lothringen "déguisé" en voleuse, voilà qui ne manquerait pas de piquant...

"Cet après-midi ? Ce sera difficile, mais je me débrouillerai. Je gage que les discussions risquent d'être longues, mais je prétexterai des visites aux clergés impliqués." Passant du coq à l'âne : "Tu veux manger avant de partir ?"

La question était un peu idiote. Lothringen aurait tout le loisir de se restaurer, où qu'il le veuille. Il savait cependant quelle en était le motif... chercher à repousser son départ inexorable. Un nouveau pincement au cœur l'avait touché, et même s'il savait qu'ils se reverraient rapidement, il aspirait au calme. Au bonheur, au vrai.

[Lothringen]

"Manger ? Euh..."

En réalité, il était déjà en train de s'étirer les bras en prévision de son incantation prochaine ; se savoir dans l'Antichambre du Conseil mélandien avait de quoi vous donner la bougeotte. Mais la question de Mornagest lui rappela qu'il était impoli, et que rien ne pressait. Non, vraiment, rien ne pressait. Qu'allait-il faire de sa journée, d'ailleurs ?

"Oui... merci."

Le semi-drow s'adossa maladroitement au mur, certain qu'il allait gêner où qu'il se mette. La journée, il la passerait à attendre, et attendre encore, le moment de revoir Mornagest. Il n'avait plus aucune autre raison de demeurer en ville... Il avait vu ce qu'il voulait voir de la guerre des cultes. Misère, les cyriciens... Ils assassineraient tous leurs opposants les uns après les autres, quand ils ne s'égorgeraient pas entre eux... Les adeptes du Soleil Noir étaient aussi indiqués pour diriger une ville que des helmites pour animer une soirée.

[Mornagest]

Mornagest s'absenta quelques instants, le temps de demander un solide déjeuner. Comme il avait un appétit pantagruélique, ils auraient de quoi manger en suffisance à tous les deux. Le guerrier réceptionna un lourd plateau et revint dans sa chambre, portant pain, œufs durs, confitures diverses, fruits...

Ils mangèrent silencieusement. Il essayait de ne pas penser à la journée à venir, mais ne pouvait réellement s'en empêcher. Il ne pouvait se payer le luxe d'arriver au conseil sans avoir préparé ses interventions, et pour l'heure... il n'avait rien d'autre que de vagues idées. Et il devrait écourter la réunion ! Voilà qui serait bien délicat... mais le jeu en valait largement la chandelle. Ils pourraient, Lothringen et lui, discuter plus concrètement de la suite des opérations. Partir maintenant était illusoire, mais d'ici quelques semaines, quand la situation serait plus favorable, pourquoi pas ?

"Je ne sais pas si tu trouveras des choses intéressantes en ville. Les gens risquent d'être agités, avec tout ça. Il vaudrait mieux éviter les temples, même Kelemvor. Bien qu'il soit neutre, j'ai rencontré un de ses prêtres, l'autre jour, et il se proposait de jouer les médiateurs... on ne sait jamais. La Main de Gloire me semble plus adaptée, surtout vu notre situation."

Il avait terminé de manger, prêt à affronter les épreuves de la journée.

"Sois prudent." Il serra une nouvelle fois son compagnon contre lui, comme s'ils devaient se quitter à jamais. Le temps lui paraîtrait long...

[Lothringen]

Une séparation. Encore une. Ils n'auraient eu qu'une nuit, cette fois encore. Ne se retrouvaient-ils jamais que pour de nouveaux adieux ? Lothringen força un sourire.

"Hé bien, à ce soir donc, et bon courage pour ta journée, quelque chose me dit que tu en auras besoin. Je t'attendrai aussi longtemps que je me croirai en lieu sûr."

La Main de Gloire était connue des services secrets pour être un lieu neutre fort commode pour quiconque ne souhaitait pas avoir affaire aux autorités. Cette taverne servait de point de rencontre et d'échange aussi bien pour les contrebandiers et maladrins que pour les agents de la diaspora. Une adresse précieuse... L'importance du service d'ordre garantissait ordinairement que les lames resteraient au fourreau, mais sait-on jamais ?

Quelques mots de pouvoir, et le semi-drow disparut, sans laisser d'autre trace qu'un léger crépitement d'énergie magique à l'endroit où il s'était dématérialisé...

Suite (les quais)
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[Mornagest]

La sensation de vide était nette et cruelle. Si peu de temps passé ensemble, et déjà, il lui fallait goûter à nouveau au supplice de la solitude, aggravé par la complexité et l'ennui mortel des tâches à venir... la réunion qui allait bientôt commencer risquait d'être très longue. Il rassembla son courage et s'apprêta à affronter la journée. Peu de papiers lui seraient nécessaires ; il avait une bonne connaissance de la situation en cours, ayant suivi pratiquement en temps réel l'évolution des conflits religieux.

Il se rendit, pensif, dans la salle de réunion du Conseil, située non loin de ses appartements. Il arriva le premier, s'installant dans son fauteuil habituel. La pièce était relativement petite, mais ils n'avaient besoin que de peu de place, excepté s'ils voulaient manger pendant une longue séance. Celle-ci serait très certainement l'une des plus longues, d'ailleurs.

Le chancelier se frotta les paupières, inspira à fond, et attendit que ses collègues entrassent. Ils ne furent guère longs... Beorn Devir entra le premier, suivi de près par deux autres conseillers de moindre influence. Le dernier arriva enfin. Cinq conseillers, chacun ayant ses attributions propres.

Lorsque tous furent assis, la séance débuta :

"Messieurs, voici un bref résumé des derniers évènements. Les conflits entre les divers cultes se sont généralisés, ce qui rend la bataille entre Talos et Cyric quelque peu masquée... on a rapporté un assaut contre Aurile. Les responsables seraient les suivants d'Umberlie, ce qui tend à montrer que le joug de Talos s'est affaibli. Ils ne parviennent plus à maîtriser les prêtres de leurs cultes bannerets.
- Cela peut également être synonyme de traîtrise", fit remarquer Devir.
"Possible, mais dans ce cas, la crainte du tout-puissant Talos n'est plus aussi grande qu'avant, s'ils osent tenter une félonie de la sorte.
- Une alliance avec Cyric, peut-être ?
- Pour l'instant, le fou semble agir seul de son côté. Et sa puissance se développe", nota un autre.
"J'ai eu quelques échos. Les cyrinishades sont prêts à jurer qu'ils ne sont pas responsables de la destruction du temple. Évidemment, prouver leur innocence relève de l'impossible. Du reste, ils ont la moitié de la population à dos...
- Quand bien même, le dieu n'est que trahison, mensonge. Ce n'est pas sérieux, messire", siffla Devir. Toucher à Talos relevait du crime suprême, selon sa conception de la religion, et il voyait là une belle occasion de se débarrasser de son rival le plus dangereux.
"Pour l'instant, l'enquête est en cours dans les ruines du temple. Patientons. Et tentons de canaliser la violence. Si les combats s'intensifient encore, le Chaos sera trop important... et même Talos ne pourra plus rien pour Melandis", prophétisa Mornagest, sentencieux. Il s'en fichait, à dire vrai, de ce que Talos pouvait faire. Mais il avait néanmoins un certain attachement envers la cité elle-même, ses rues familières, son ambiance particulière...
"Il est urgent d'attendre, selon vous, chancelier ? La situation est délicate...
- Prendre une décision maintenant pourrait précipiter les évènements, et le risque est grand que les conséquences soient plus dramatiques que le remède tenté. Nous gagnerons en efficacité avec un peu de recul. En revanche, rien ne nous empêche d'apaiser les esprits. Au moins, pour que les cultes mineurs cessent ce ridicule simulacre de bataille pour la succession qu'ils n'auront jamais.
- Vous parlez de Baine, messire ?" railla l'un des conseillers. S'il savait ce que Mornagest en avait à faire... mais il devait jouer le jeu.
"Gardez vos remarques inutiles pour vous. Votre position au conseil n'est pas des plus favorables..."

Menaces, tensions... le lot classique de ce genre de séances. La question religieuse était la plus importante, aujourd'hui, mais rien, ou presque, ne pouvait être fait. Les points mineurs furent réglés assez rapidement, mais ils prirent leur repas sur place - non sans avoir fait auparavant goûté les mets à des cobayes choisis pour cette tâche ingrate. Aucun empoisonnement aujourd'hui.

Furent abordés les questions commerciales avec Manost, qui demandait des éclaircissements quant à certains quotas sur des marchandises bien spécifiques. Le registre de la population, ainsi que des flux démographiques, furent examinés ; les tensions diminuaient les immigrants, c'était net. La nouvelle s'était répandue comme une traînée de poudre. Rien d'étonnant... les espions en ville étaient nombreux, transmettre un message à l'extérieur était des plus facile.

[Mornagest]

Faute de détails supplémentaires, la réunion fut reportée au surlendemain. Les espions du conseil auraient fort à faire pour éclaircir cet embrouillamini infernal de complots et alliances en tous genres, qui se formaient et se déformaient aussi vite qu'une catin du port se vêtissait pour retrouver le trottoir.

"Il convient de mettre un terme à ces attaques. Le chaos ne peut prendre une telle ampleur, Melandis risque d'en souffrir si aucune accalmie n'est en vue. La garde sera renforcée autour des temples, et une grande prudence est de vigueur pour les membres du clergé. Cela vaut pour vous également, messieurs. Un accident peut toujours arriver, et je ne doute pas que nous ayons tous des subalternes prêts à tout pour prendre nos postes respectifs..."

Il déclara cela, l'air sombre. Les dieux seuls savaient s'il aurait le temps de quitter la cité en vie. Pour l'heure, il disposait de presque deux jours pour rester avec Lothringen, excepté des rapports à consulter de loin en loin. Ils pourraient en profiter un peu.

"Empêchez tout complot d'être exécuté. Faites arrêter les suspects, interrogez-les sans trop de brutalité. Inutile de renforcer les tensions avec du ressentiment envers les autorités. Il faut que le calme revienne."

Les conseillers se levèrent et sortirent, mais Mornagest fit signe à Beorn de rester. Ils discutèrent quelque peu.

"Cyric semble prêt à prendre le contrôle... les alliées de Talos se déchirent entre elles, et lui-même semble trop affaibli pour résister. Qu'allez-vous faire ?"

Le drow ne put qu'acquiescer face à la déroute. Inutile de la nier, le chancelier en savait tout autant que lui sur la question.

"Les temps vont être durs. Avant, j'aurais résisté sans soucis, mais mon âge s'avance, et ma vigilance s'effrite. Dès l'annonce de la catastrophe, j'ai envisagé de me retirer dans l'ombre. Et plus les jours passent, plus j'estime cette décision sage pour ma survie. J'ai encore des choses à faire, la mort attendra. Mais que ceci reste entre nous, Mornagest."

Il toisait le guerrier de ses yeux sombres comme le charbon. La ressemblance raciale avec Lothringen n'était jamais flagrante, excepté leurs yeux, sombres et inquiétants, s'ils voulaient le laisser paraître ainsi.

"Entendu. N'ayez crainte. Je n'ai aucune raison de vous trahir.
- Bien." Devir sortit sans rien ajouter, laissant Mornagest à ses réflexions, qui étaient principalement composées de façons de rejoindre la main de gloire par le plus court chemin. Il se mit en route après avoir remis ses affaires en place dans son bureau, marchant d'un pas décidé.

En route vers

[Ben-jXX]

En provenance du temple de Cyric, Ben-j pénétra dans le bâtiment du conseil.

Il demanda à parler au fonctionnaire responsable du chantier.

Après un bref instant d'attente, celui-ci apparut. Le moine lui fit un rapport détaillé de son activité :
"Bonjour, je viens vous faire un compte-rendu de mon enquête auprès des temples de Melandis. Il s'avère que Talos n'est pas à l'origine de l'attentat. En revanche, mon investigation auprès du temple de Cyric a été plus fructueuse ! J'ai réussi à me faire passer pour un assassin à la recherche d'un travail bien rémunéré. Le grand prêtre m'a confié la tâche... D'éliminer le responsable des travaux de reconstruction du monastère, moi en l'occurence !
Comment procédons-nous à présent ? me croyez-vous sur parole ou désirez-vous une preuve de l'implication du temple de Cyric dans l'attentat ?"

[Mornagest]

Il resta songeur. Les cyrinishades se faisaient bien entreprenants, ces derniers temps... une pierre de plus à l'édifice anarchique qu'ils tentaient de bâtir.

"Je crains qu'il ne faille trouver des preuves formelles. Une action contre le clergé ne peut s'effectuer à la légère, et, même si vous avez bien travaillé, vous devrez encore enquêter. Vous avez accès à la haute sphère des cyrinishades ; profitez-en pour fouiner où vous le pourrez."

[Ben-jXX]

Salut Foss, désolé j'ai un peu trainé, mais, à vrai dire, j'ai manqué d'idée pour la suite du RP, et puis il y a eu les fêtes Pour info je pars demain en vacances donc ne t'étonne pas si je ne fais pas de réponse avant la semaine prochaine

"Très bien, je vais procéder selon vos désirs. Cependant, je ne vois pas par quel moyen je vais pouvoir apporter une preuve de l'implication de Cyric hormis espérer un hypothétique document incriminant le temple."

Ben-j salua son hôte et prit la direction du monastère.

[Mornagest]

En provenance de

L'aube se levait timidement sur la ville, envoyant ses rais rosés sur les plus hauts toits des bâtiments de Melandis, à commencer par celui du temple de Baine, dont la tour principale dépassait désormais largement le reste des environs, le sanctuaire de Talos ayant été rasé quelques nuits auparavant. Tout cet étalage de richesses, il en était responsable, lui, Mornagest. Simple guerrier devenu ambassadeur sur un malentendu, puis chancelier par la force des choses et grâce au fil de son épée, il allait bientôt fuir cette cité comme un malpropre qu'il était. Il avait trop donné pour Melandis, sans qu'elle lui rende quoi que ce fut. Elle lui avait pris plus qu'il n'avait consenti. Elle l'avait accaparé, asservi, et ne le rejetterait que facilement face à cet aveu de faiblesse qu'était le sien : sa prise de conscience réelle.

Le pas lent mais déterminé, il réfléchissait tant bien que mal à ce qu'il allait bien pouvoir énoncer lors de cette réunion. Les membres du clergé de Cyric, d'Umberlie et de Baine seraient présents. Il recevrait des pressions, des demandes, des menaces, peut-être... il ne pourrait qu'abonder dans le sens le plus logique ; la prise au "pouvoir" de Cyric, seule divinité majeure, outre Talos le déchu, à régner à Melandis. Qu'ajouter à cela ? Des contreparties pour les cultes lésés... Baine bénéficiait déjà d'un temple énorme, qui attirait assez de monde. Umberlie n'avait en revanche pas grand-chose pour elle, sinon le fait d'avoir pris le dessus sur sa rivale Aurile...

La tête pleine de réflexions désordonnée, il entra dans le bâtiment et fila dans ses appartements pour se rafraîchir tant qu'il le pouvait et se changer. Les protagonistes ne tarderaient pas à arriver.

[Mornagest]

La réunion allait commencer incessamment. Les traits tirés, Mornagest se rendit dans la salle attenante à celle qui accueillait généralement le conseil lui-même. Les conviés étaient plus nombreux, ils auraient besoin de davantage de place.

Il arriva le premier, comme à son habitude. La table était en place, les sièges, relativement confortables mais sans exagération, disposés tout autour. La lumière provenait de diverses lampes à huile placées un peu partout dans la salle, diffusant une clarté faible mais suffisante. Inutile de trop montrer les visages menaçants des conseillers, qui tenteraient par tous les moyens de faire pression sur les représentants du clergé présents.

Le guerrier s'installa, faisant un effort afin de ne pas céder à la tentation et fermer les yeux ; il n'était pas certain de ne pas s'endormir sur place. Fort heureusement, les autres conseillers arrivèrent peu après, et commencèrent à débattre avant l'arrivée des autres protagonistes.

"Messieurs, je pense que le temps est venu de prendre une décision importante quant à l'avenir de cette cité. Talos... n'a plus la mainmise qu'il avait autrefois, les faits l'ont suffisamment prouvé. Aurile a été déboutée par sa rivale, et elle-même s'est affaiblie dans la bataille, même si elle conserve une certaine puissance...
- Et Cyric prend la tête", compléta un autre. Devir grogna, mais ne put qu'acquiescer. Nier l'évidence n'était pas son style.
"Pour l'instant, c'est indubitable. Mais lui laisser la main sans contrepartie est hors de question. L'équilibre de la cité ne tient qu'à un fil ; à nous de le conserver en manœuvrant correctement.
- Et comment comptez-vous réaliser cet exploit ? Excepté le fait que les forces en présence sont affaiblies par les combats menés ces derniers jours, rien n'indique que le chaos ne sera pas total...
- Le clergé cyrinishade est ambitieux, mais il n'aura pas le dessus sans notre accord. Je compte bien l'obliger à accepter nos conditions... sans quoi, il n'obtiendra rien.
- Quelle idée avez-vous derrière la tête ?
- Cyric devient la divinité tutélaire de Melandis, en échange d'un homme d'une autre foi au sein du conseil. Ou plutôt... gravitant autour du conseil. Je pense que vous avez tous connaissance de Duorok Gutrash... umberlite demi-orque dévoué, il a déjà mené à bien quelques tâches ingrates pour le conseil. Et sa guilde a pris de l'ampleur, ces derniers temps... j'ai dans l'idée qu'elle gagnerait à traiter plus directement avec nous, afin d'asseoir sa position.
- Cela entraînerait un conflit inévitable entre Umberlie et Cyric... trop instable.
- Pas si les cyrinishades se tiennent. Le conseiller qui prendra place ici sera garant de leur obédience... n'appelons pas cela un otage, mais disons que c'est un peu le principe.
- Risqué... très risqué, chancelier. Mais je n'ai pas trouvé de meilleure solution afin de débrouiller la crise religieuse qui nous frappe. Quant à moi, je me retirerai définitivement de l'échiquier politique. Cela enlèvera une bonne partie des tensions et... je suis fatigué de tout ceci."

L'annonce, à brûle-pourpoint, de Devir, ne suscita d'autres réactions que de rapides coups d'œil des conseillers à son encontre. Ils s'y attendaient peu ou prou ; la situation était par trop tendue, en effet, et Devir ne désirait pas rajouter de chaos supplémentaire.

Peu après, les prêtres entrèrent. Deux cyrinishades, un umberlite, un bainite. Le rapport de force annonçait la couleur. Les débats furent âpres. Sans nourrir trop d'espoirs, le clergé de Baine avait tout de même envisagé la possibilité d'une entrée au conseil, mais ne put que repartir avec une "promesse" de paix avec Cyric. Cela valait moins que rien, au final. Umberlie fut plus satisfaite ; Gutrash était un prêtre reconnu, et sa place bâtarde pourrait lui apporter bien des avantages. Cyric, enfin, accepta de mauvaise grâce les conditions dictées par le conseil, mais l'affaire fut réglée avec une rapidité étonnante... même si ce genre de "révolutions" étaient forcées par la nécessité et la lucidité des diverses parties.

[Duo]

Cette intervention se déroule le lendemain de l'incendie du temple de Talos.

Un peu avant midi, Duorok se présenta à l'Antichambre. Il fut saisi, comme à chaque fois, par l'immensité de cette construction démesurée, symbole de la puissante mégalomanie dirigeant Melandis. Il poussa une lourde porte, et avança à pas résolu vers le pupitre du préposé à la réception des visiteurs. Vêtu comme il était, Duorok ressemblait plus à un marchand bourgeois qu'à un chef de guilde mercenaire. Et c'était son objectif. Il rajusta son pourpoint et déclara.

"Je suis ici pour exposer au Conseil, ou au Chancelier lui-même si il est disponible, une requête en provenance directe de l'Ombreterre."

Il n'ajouta rien, persuadé que son intervention titillerait, sinon attiserait, la curiosité du fonctionnaire.

[Mornagest]

Hrp : on va continuer sur ce titre de quête pour l'instant, on corrigera par la suite si on décide de changer

L'homme haussa les sourcils. Ombreterre n'était pas à proprement parler un endroit idyllique, pour ce qu'il en savait. Les interlocuteurs qu'on pouvait y trouver parlaient rarement longtemps, parce qu'en général, on se retrouvait enfermé dans une cage également occupée par un nabassu ou un œil-tyran afin de procurer quelque spectacle distrayant aux prêtresses lasses de leurs tortures classiques sur leurs mâles...

Aussi restait-il précautionneux lorsqu'il se décida à répondre :

"Ma foi... le chancelier est assez occupé en ce moment... non que cela ne l'intéresserait guère, mais j'aurais besoin de quelques détails supplémentaires pour juger de l'urgence de votre requête, messire."

Une demande d'aide ? Sûrement pas. Une déclaration de guerre ? Impensable. Les drows attaquaient sans prévenir. Une proposition surprenante, donc, quelle qu'elle fut.

------------- Message complété par l'auteur -------------

En quelques heures furent donc scellés les destins des cultes à Melandis, grâce à l'influence de quelques membres du conseil, ainsi que d'autres gravitant autour de lui. La politique avait ceci de répugnant, aux yeux de Mornagest. Qui étaient-ils pour décider de la sorte de l'avenir de plusieurs milliers de personnes ? Car les talassiens étaient légions à Melandis, et, déforcés, ils risquaient rien moins qu'une chasse aux sorcières contre eux, dès l'annonce de la décision du Conseil...

Dégoûté de tous ces abus, le chancelier se retira, éreinté par la journée et ses nuits trop courtes, dans ses appartements. Ses yeux se fermaient seuls, et il ne se sentait plus le courage de faire autre chose que s'allonger et dormir. Revoir Lothringen maintenant ne lui semblait pas possible, il n'avait plus la force de se relever et lui écrire. Un peu de repos lui permettrait d'être dans de meilleures dispositions pour le revoir...

Le temps de songer à cela, et il sombrait déjà dans les tréfonds du sommeil et des rêves sinistres qui l'accompagnaient généralement. Cette fois, il se projeta dans les rues dévastées de la cité, cherchant désespérément des survivants après que ce soit abattu sur Melandis ce qui semblait être un véritable raz-de-marée. Des ruines, des cadavres putréfiés, des détritus dans tous les sens. Et au loin, une vague rumeur de bataille. Il se dirigeait vers l'origine du bruit, sans prêter plus attention à ce qui l'entourait. Il arriva rapidement en vue d'une bataille rangée entre membres de plusieurs cultes, s'affrontant à feu et à sang, avec des pertes humaines considérables de tous côtés ; les cadavres s'empilaient grotesquement tout autour du champ de bataille, tandis que les religieux fanatiques arrivaient toujours plus nombreux, alimentant le flot des morts de façon intarissable. Et, quelque part au-dessus de ce charnier sans cesse grandissant, les visages indistincts des dieux qui souriaient face à ce déchaînement de violence inouïe... face à tout cela, Mornagest restait sans bouger, incapable de même comprendre ce qu'il voyait, de réaliser qu'il assistait à un carnage pur et simple.

Et soudain, il se réveilla dans le noir, couvert de transpiration, les muscles tendus et avec l'impression d'être entouré de psychopathes prêts à l'égorger au moindre mouvement contraire de sa part. Fort heureusement, ce n'était pas le cas...

Réveillé, il se contraint à rédiger une note à l'adresse de Lothringen. Et se posa la question de savoir s'il irait la glisser lui-même dans la fissure du muret. Il n'avait aucun moyen d'être certain qu'il arriverait à bon port... il se décida donc à aller le porter, immédiatement. Il faisait encore pleine nuit, et il serait probablement au calme dans les rues désertes de la cité du Chaos...

[Duo]

Affichant volontairement un visage outragé, comme s'il était furieux qu'on ne l'introduise pas immédiatement dans la chambre du Chancelier, Duorok garda les lèvres pincées quelques instants. Puis, hésitant, il se pencha vers le fonctionnaire et lui annonça sur le ton de la confidence.

"Cette requête, mon cher ami, est -et je vous demande de garder ce secret- d'ordre commercial. Les drows souhaitent nouer des liens pacifiques et de négoce avec l'Empire ! Rendez vous compte !"

Puis il se tut, laissant théâtralement à l'homme le temps de digérer la nouvelle.

[Mornagest]

Dire qu'il était étonné serait un mensonge. L'homme garda la bouche bée un instant, et se repassa la phrase de Duorok en tête pour s'assurer qu'il avait bien compris.

"Du commerce ? C'est une farce ?" demanda-t-il, incrédule. "Enfin... j'imagine que vous savez ce que vous faites. Venez, je vais vous mener auprès du chancelier."

Il se leva et se mit en route dans l'immense hall, avant de descendre une volée d'escaliers menant aux appartements de Mornagest. Après avoir remonté une succession de couloirs dont les directions diverses faisaient rapidement perdre tout sens de l'orientation, le fonctionnaire s'arrêta devant une massive porte en chêne et frappa trois coups. Sans que le prêtre entendît une réponse, il entra et s'effaça pour laisser passer Duorok.

"Messire, cet homme désire vous entretenir d'une chose quelque peu particulière. Je pense qu'il est préférable qu'il vous explique cela par lui-même..."

Il sortit et laissa Duorok seul face à Mornagest, qui ne tarda guère à le reconnaître.

"J'ai déjà eu affaire avec vous. Messire Gutrash, si ma mémoire ne me trahit pas. Que puis-je pour vous ?"

[Duo]

Saluant le Chancelier d'une révérence forcée, Duorok hocha la tête.

"En effet, Chancelier. Le motif de ma visite, cependant, est relativement inédit."

Il marqua une courte pause et fit quelques pas.

"Voyez-vous, j'ai été contacté il y a peut par un émissaire représentant les Matrones Drows de l'Ombreterre. Celles-ci souhaitent établir une enclave commerciale dans l'Empire Mélandien."

Il n'ajouta rien, laissant au Chancelier le temps d'assimiler les tenants et les aboutissants d'une telle nouvelle.

[Mornagest]

Ainsi donc, l'idée ne venait pas de lui. Guère étonnant ; le demi--orque n'avait pas vraiment de raison de traiter avec des drows, sauf en terme de contrats ponctuels, ce dont les elfes noirs n'étaient pas coutumiers. Évidemment, du commerce, cela prêtait encore plus à rire, de prime abord. Mais la proposition semblait sérieuse... et probablement piégée.

"Quelles seraient les modalités de cet accord ? Les marchandises échangées ?"

Il soupira intérieurement. Il accumulait le manque de sommeil depuis quelques jours, depuis la destruction du temple. Se reposer quelque peu ne lui aurait pas fait de mal, mais la situation exigeait sa présence... pour l'instant.

[Duo]

Duorok prit volontairement un moment avant de répondre, comme si il rassemblait les informations en sa possession.

"Les Matrones proposent de vendre des esclaves, des objets relatif à la magie, de la nourriture et divers plaisirs exotiques. Peut être souhaitent-elles simplement renflouer leurs caisses ou acquérir des marchandises qu'on ne trouve qu'à la surface."

Mimant une hésitation, Duorok se pencha vers Mornagest.

"Voyez-vous, dans le cadre de cet accord, je serai l'interlocuteur privilégié des Matrones. Les marchandises passeraient de l'Ombreterre à moi, et je me chargerai de les revendre et de les redistribuer dans tout l'Empire, déchargeant le Conseil de cette pénible responsabilité. C'est le second but de ma visite, j'ai l'ambition de doter ma guilde de mercenaires, Zaefal, d'une structure commerciale, et je désire ardemment obtenir la permission du Conseil, et donc la vôtre, grand Chancelier."

Il insista bien sur ces deux derniers mots, et avait parlé d'une voix empreinte de respect.

[Mornagest]

Des esclaves. Rien d'étonnant à cela. Pourquoi devait-il espérer que cela cesse un jour ? Il avait toujours exécré cette activité dégradante, sans toutefois pouvoir faire quoi que ce soit pour améliorer la situation en ville... et ce pont commercial entre Ombreterre et Melandis ne ferait qu'accroître ce phénomène...

Cela dit, avoir un certain contrôle sur d'autres marchandises que celles proposées par Manost pouvait s'avérer être très utile... notamment pour les magiciens de la cité. Et si c'était Zaefal qui s'en occupait, pourquoi pas... Gutrash prenait certaines initiatives intéressantes, et il semblait ambitieux. Mornagest eut succinctement l'idée de lui confier un poste plus élevé, mais se promit d'y repenser à tête reposée.

"Bien... comme vous le savez, en ce moment, la situation est tendue à Melandis. J'ai beaucoup de choses à surveiller, et la guerre religieuse menace à tout moment d'éclater... je vous accorde l'autorisation de mettre en place ces échanges. Nous discuterons de la nature exacte des marchandises qui transiteront par Melandis... plus tard. D'ores et déjà, vous pouvez y réfléchir et me proposer une liste que je soumettrai au Conseil. Revoyons-nous d'ici... une semaine, mettons ?"

[Duo]

Déjà ? Cela avait été si facile que Duorok en resta bouche bée quelques instants. Il hocha la tête et répondit.

"Certes, c'est parfait. Je vais faire mon possible pour établir cette liste d'ici là. Et je vais m'atteler dés aujourd'hui à préparer le terrain pour tout mettre place facilement."

Il fit quelques pas en arrière et ajouta en s'inclinant d'un guindé.

"Je vous remercie de l'intérêt que vous portez à cette affaire Chancelier, et je vous dis à la semaine prochaine donc !""

Et il s'en fut, satisfait, en direction de Zaefal.

[Mornagest]

Revenu de sa petite escapade nocturne, le futur ex-chancelier mélandien resta un long moment assis sur son lit, réfléchissant sans trop de logique, ressassant plutôt les derniers évènements qui étaient venus troubler l'ordre classique de sa vie de tyran - si tant était qu'on pût trouver de l'ordre à Melandis. Le retour de Lothringen lui avait été salvateur, et il avait pu ouvrir les yeux sur sa propre existence. Il avait cherché un refuge ici, mais n'avait trouvé qu'un piège, une cage dorée qui lui prenait tout ce qu'il pouvait donner, sans rendre en échange autre chose que la rancœur, l'amertume, et l'aveuglement total et complet. Que serait-il devenu, si son compagnon n'était pas intervenu ? Sinon un cadavre balancé dans la Houleuse pour se débarrasser de lui et mettre un autre chancelier à sa place, un homme sombrant peu à peu dans la folie furieuse et la paranoïa, cédant à Baine chaque journée un peu plus de son temps et son esprit déjà peu critique.

Lothringen avait changé la donne. D'abord, par cet assaut fou contre Talos. La situation en ville avait bien changé. Aurait-il accepté de rester si Cyric était devenu la divinité tutélaire de la cité ? Probablement. Et cela aurait accéléré sa chute dans l'abîme de la démence.

Ensuite, par cette rencontre, si risquée, mais qui lui avait permis de se retourner sur ses actes commis. Ses crimes. Ses décisions qui avaient fait basculer la vie de tant de gens... combien de morts avait-il sur la conscience ? En avait-il seulement une ? N'était-il finalement que le froid guerrier qu'il s'estimait avoir toujours été ?

Ses pensées le menaient tout droit vers le sommeil, et en se réveillant quelques heures plus tard, il en avait déjà tout oublié. La fatigue était toujours présente, mais quelque chose ne l'oppressait plus, ne lui embrouillait plus subversivement la pensée. Avait-il déjà le cœur plus léger à l'idée de bientôt quitter Melandis ?

Il se prépara rapidement, déjeuna et dîna en même temps, vu l'heure avancée, puis prit le chemin du Luménien Noyé.

[Ben-jXX]

En provenance du monastère

Lorsque Ben-j arriva à l'antichambre du conseil, non sans être au préalable allé rendre son journal au grand prêtre de Cyric, il constata que le jour commençait à tomber et qu'il avait passé sa journée à marcher à travers Melandis. "Une bonne nuit de repos me ferait le plus grand bien" jugea-t-il.

Il pénétra dans le bâtiment et demanda à parler à son interlocuteur habituel.

[Mornagest]

Le fonctionnaire avec qui Ben-j s'était déjà entretenu n'était pas disponible dans l'immédiat, et le moine dut patienter presque une heure. Habitué aux longues heures de solitude et de méditation, il n'en parut pas affecté, et se contenta d'examiner la décoration du hall d'entrée pour passer le temps.

Les murs étaient pour la plupart masqués de lourdes tentures rouge sombre, qui avaient une triple fonction de décoration, d'isolation face au froid des pierres et d'absorption des sons afin d'éviter l'écho dans la salle immense.

Les piliers soutenant le plafond avaient un diamètre égal à l'amplitude du moine lorsqu'il écartait les bras au maximum. Rien ne semblait pouvoir les détruire, encore moins les déplacer.

De nombreux sièges étaient disponibles, et pour la plupart, occupés par d'autres visiteurs en attente de leur interlocuteur. Confortables, ils étaient apparemment prévus pour une attente souvent longue, bien que Ben-j se demanda pourquoi ; il y avait visiblement suffisamment de personnel pour s'occuper des demandes des citoyens... il songea que c'était simplement un moyen de faire mariner dans leur jus les bourgeois furieux ou les commerçants audacieux venus réclamer des comptes avec le pouvoir en place...

Il en était à ce point dans ses réflexions lorsque le fonctionnaire approcha et lui demanda tout de go :

"Du neuf, messire ?"

[Ben-jXX]

Ben-j, surprit, se retourna :

"Bonjour, je vais bien, merci de demander... Du neuf effectivement ! Mon enquête au temple de Cyric a porté ses fruits. J'ai réussi à démasquer un complot : des dooplegangers avaient pris la place de Cyrinishades, notamment celle du grand prêtre, et étaient à l'origine de l'attentat contre le monastère.
Il sont tous morts maintenant heureusement, mais nous ne savons pas s'ils agissaient seuls ou s'ils répondaient à une puissance supérieure. Peut-être auriez-vous des infos à ce sujet ?"

[Mornagest]

L'homme écarquilla les yeux. Visiblement, il n'imaginait pas quelque chose de ce genre...

"Des dopplegangers ? Ici ? À Melandis ? C'est une catastrophe ! Qui sait s'il n'y en a pas ailleurs ? Ces créatures sont démoniaques..." Il semblait quelque peu paniqué à l'idée de finir étranglé par les pattes molles mais musclées de ces monstres sans pitié.

"Bon... j'imagine qu'il y aura une enquête plus approfondie. Pour l'heure, vous avez accompli votre tâche, et je vous en félicite. Ce ne semblait pas évident... bravo. Il était convenu que vous accédiez à la tête du monastère, une fois celui-ci terminé, n'est-ce pas ? Cet accord tient toujours... si vous acceptez, bien entendu."