[Quête] En pleine mer

[Galathée]

" Pfff, frimeur." dit Victor avec un haussement d'épaules.
Baptiste lui retourna un sourire ravi.
" Donc tu vois, pas la peine de me jouer le "mais c'est notre dernière chance de chevaucher ces bestioles"... Il pourra toujours le lancer ! Hahaha !"
Victor haussa à nouveau les épaules.
" Vous êtes pas comiques. Ni l'un, ni l'autre. Je vais demander à Lewis de me conjurer un cheval fantôme et je vous attendrai à Eredhun."
Et sur ces mots, il s'en fut.

[Taliesin]

-Le pauvre, il s'expose à une sévère déconvenue...
Il n'imaginait pas, en effet, Lewis accéder à sa demande.
-Mais bref : à la navigation maritime succédera la navigation fluviale. Je pense cependant que ce ne sera pas très long.
Il n'était pas exactement pressé d'être à la suite, mais puisqu'ils faudrait en passer par là de toute façon...

[Galathée]

" Avec le courant sur la Sereine, ce ne sera pas aussi facile que la navigation en mer, disent les habitués, murmura Baptiste. On sera peut-être obligés de ramer. Ça aurait été plus facile avec la magie de Nremyn, mais les elfes ne descendent sûrement pas aussi bas en terre humaine."
Il regarda Taliesin en coin.
" C'est dommage que tu ne te sois pas davantage mêlé aux gens, tu sais. Ils pensent tous que c'est parce qu'un Solaire ne veut pas frayer avec le commun des mortels."

[Taliesin]

Il haussa les épaules.
-Grand bien leur fasse. De toute façon, s'ils ont pensé cela au lieu de se dire que j'étais simplement occupé ou d'humeur solitaire, c'est qu'il aurait fallu bien davantage que les actions d'un seul solaire pour leur faire abandonner leurs préjugés. D'autant que le fait que je voyage avec deux humains est déjà on ne peut plus explicite en lui-même, montrant bien que non, je ne suis pas du genre à mépriser les autres races. Maix que veux-tu : les gens ne voient et ne retiennent que ce qui les arrange, que ce qui les conforte dans leurs idées préconçues.

[Galathée]

" Pas tous." dit simplement Baptiste, et il s'en fut à son tour, sans doute un poil vexé de la manière dont Taliesin venait de parler de ses nouveaux amis.
La fin de la traversée se déroula sans heurts et ils abordèrent à Marécage selon l'horaire prévu, un peu avant la mi-journée. On demanda aux passagers de descendre en cale pour effectuer les dernières manoeuvres sans qu'ils gênent, et il régnait une certaine effervescence sous le pont, la plupart des voyageurs ayant déjà vidé leurs cabines. Vasco passa d'un groupe à l'autre pour vérifier que tout le monde avait récupéré ses affaires et fit un dernier tour dans chaque chambre pour ramasser les derniers objets perdus. Enfin, le navire s'immobilisa, le mouvement des pas sur le plafond s'intensifia et la trappe finit par s'ouvrir...
" Nobles dames, fiers seigneurs, nous sommes rendus !" annonça la voix du capitaine, laquelle fut acclamée avant que le flot des passagers ne quitte la pénombre.
De l'autre côté de la passerelle, s'étendait Marécage.

[Galathée]

Quittant le port luménien, l'Ivresse des Profondeurs s'élança vers le large, droit vers l'ouest. Libéré des eaux fréquentées de la capitale, le voilier prit de la vitesse, dévorant les vagues avec emphase, nettement plus remuant que le navire qui avait mené Angèle et Amélie jusqu'en Hélonna. Joshua ouvrit la porte.
" Voilà, nous sommes partis. Si vous voulez sortir, c'est possible. Ça éclabousse pas mal, mais il fait chaud, c'est plutôt agréable..."

[Althéa]

L'arrivée de Joshua avait réveillé Amélie en sursaut et au bout de quelques secondes pour se rappeler où elle se trouvait, elle se leva sensiblement ragaillardie et totalement enthousiaste.

"Oh, on est partis. Vous venez voir ?"

Et elle partit sans attendre de réponse.

"C'est mon quotidien, observa la paladine au bout de quelques secondes, depuis qu'elle est là j'ai l'impression de ne plus pouvoir me poser ou réfléchir."

[Galathée]

" Ce qui, te concernant, est peut-être une bonne chose, Angèle." dit Soren avec un clin d'oeil.
Il se leva et retira le peu de vêtements qu'il avait sur le corps, avant de sortir sur le pont, nu comme au premier jour. La paladine le vit se diriger vers la proue, où il se tint face à l'horizon, les fesses à l'air, pareil à lui-même.

[Althéa]

Angèle allait répondre quand le sunite sortit et décida de profiter du grand air dans le plus simple appareil. Amélie ôta ses sandales et alla s'accouder au bastingage afin de profiter des embruns et du vent, du parfum de l'aventure (même si elle savait qu'elle n'avait rien de périlleux) et du grand large. Angèle après quelques hésitations vint la rejoindre. Elle craignait d'être trempée ainsi que l'empreinte du soleil sur sa peau pâle. Mais elle craignait aussi de se retrouver seule avec son angoisse.

Parce que, quelque part, elle devait bien admettre que Soren avait raison : l'immobilité et la solitude ne lui avaient jamais fait du bien. A coté d'Amélie, elle essaya de se détendre, allant même jusqu'à fermer les yeux quelques secondes et osa sourire un peu.

[Galathée]

La mer était magnifique, reflétant les rayons du soleil naissant qui grimpait dans le ciel derrière eux. Très vite, une bande de marsouins surgit, accompagnant leur navire en bondissant dans les vagues. Valtameri barrait avec emphase, l'air beaucoup moins gardé que lorsqu'elles l'avaient rencontré un peu plus tôt. Il faisait chaud mais les embruns étaient glacés, ce qui faisait frémir Soren de temps en temps, sans qu'il cherche à se couvrir pour autant. L'Ivresse s'éloignait de la côte à chaque seconde, puis commença à obliquer vers le nord-ouest. Les marins étaient vigilants mais désormais nettement moins sollicités par leur capitaine. Si les deux plus jeunes semblaient peu se soucier de la tenue de Soren, le troisième avait l'air stupéfait et un peu scandalisé, même s'il ne fit aucun commentaire.

[Althéa]

Amélie regarda les marsouins totalement émerveillée, s'amusant des embruns qui la trempaient sans se préoccuper du froid. Soren quant à lui jouait les figures de proue sans se soucier des réactions qu'il provoquait. Angèle observait leur insouciance et leur liberté. Ils avaient l'air de deux gamins heureux.

Elle faillit leur dire de faire attention de ne pas s’enrhumer, mais préféra garder le silence. Ils n'avaient pas besoin d'elle pour cela après tout. S'ils tombaient malades ... On en était pas encore là après tout.

[Galathée]

Le navire continua sur sa lancée pendant deux bonnes heures, sans ralentir, porté par un vent généreux. Ensuite, le capitaine céda sa place à Joshua et descendit sur le pont. Il ne s'y attarda pas et prit l'escalier pour disparaître en cale. Ismène, la seconde matelote habituelle de l'Ivresse, s'arrêta quelques secondes à côté d'Angèle.
" Vous n'avez rien contre le poisson ? Nous avons deux jours de provisions terriennes, mais ensuite c'est la mer qui nous nourrira... Et contre le poulpe, aussi... Si ça vous dégoûte, c'est mieux de le dire tout de suite."

[Althéa]

Angèle secoua la tête.

"J'ai déjà eu l'occasion d'en goûter à Luménis, c'est une texture assez étrange, mais ce n'est pas dégoûtant."

Tant que ce n'était pas de la poule ...

"A votre avis, si tout va aussi bien, dans combien de temps arriverons nous à Erhedun ?", demanda-t-elle.

[Galathée]

" Si le vent souffle aussi bien, sept jours pour atteindre l'embouchure de la Sereine, puis un ou deux pour la remonter. La remontée est toujours plus compliquée, mais en cette saison, la rivière est plutôt molle, ça facilite les choses."
Elle croisa les bras.
" Mais honnêtement, le vent est particulièrement généreux aujourd'hui... Donc à mon avis, on en a plutôt pour huit jours, ou neuf, pour atteindre l'embouchure. Ici, on doit s'écarter de la côte pour éviter le delta de la Lézarde, qui est dangereux à cause des bancs de sable, mais ensuite on reviendra vers la côte et on cabotera. Ce sera très joli... mais j'espère que vous avez emporté de la lecture."

[Althéa]

Alors, tout se passerait bien. Leur seule préoccupation serait de lutter ... contre l'ennui. Angèle n'en revenait pas. Bien sûr, elle n'était pas déçue par ces tranquilles perspectives, pas du tout. Elle était ce qu'on pouvait appeler en vacances après tout. Mais quelque part, l'immobilité était propice à la réflexion. Et elle savait très bien vers quel objet les siennes porteraient. Un amour à distance qui - elle devait bien se l'avouer - ne la satisfaisait plus vraiment. Mais revenir sur ce principe, c'était quelque part se mettre en danger. Ils étaient beaucoup mieux à correspondre derrière leurs confortables murailles de solitude. Soren aurait sûrement un avis différent.

Enfin, si elle en discutait avec lui ...

"Oui, j'ai de la lecture, dit-elle avec un sourire, et le beau temps est avec nous. C'est vraiment magnifique."

[Galathée]

Ils naviguèrent jusqu'à la mi-journée, heure à laquelle on leur proposa de quoi se nourrir, simplement mais sainement. Valtameri reprit le gouvernail pour les diriger vers le nord. La terre avait complètement disparu, ils étaient au milieu d'une immensité bleue, infinie, dans toutes les directions. Les voiles blanches de l'Ivresse demeuraient gonflées et le navire fendait l'onde de son étrave effilée. Ce ne serait jamais une traversée vraiment tranquille — leur tonnage ne le permettait pas — mais pour l'heure, il n'y avait nul nuage à l'horizon. Soren finit par disparaître sous le pont pour reparaître un peu plus tard, toujours nu mais légèrement huileux, avec du parchemin et une pointe de fusain. Quant à Angèle et Amélie, il ne leur restait plus qu'à trouver, elles aussi, de quoi occuper les longues journées à venir...

[Althéa]

Au bout d'une demi-minute, Amélie disparut à son tour pour revenir pas moins vêtue, mais comme le sunite avec son matériel de dessin et alla retrouver Soren pour lui demander si cela le dérangeait qu'elle profite de ce moment de calme pour le dessiner en train dessiner.

Angèle quant à elle alla chercher de quoi écrire. Avec un peu de chance, ce moment de calme lui apporterait un peu d'inspiration pour écrire à Malo.

Elle commença par le prénom, mais trouva la formule trop familière et hésita entre "Cher Malo" ou "Mon cher Malo" puis se demanda si elle devait rajouter "très" qui risquait d'être explicite. Elle soupira. Elle n'était pas très avancée.

[Galathée]

Soren laissa Amélie faire ce qu'elle voulait. Après tout, il avait accepté d'être son modèle et en conséquence, il avait bien l'intention de se montrer docile. Ce n'était pas dans sa nature, cependant, et en réalité, il oubliait rapidement qu'on était en train de le regarder (sans doute en avait-il l'habitude) et avait tendance à bouger un peu trop souvent. Les mouvements du bateau n'aidaient pas les artistes, non plus, qu'ils soient dessinateurs ou écrivains.
A l'arrière de l'Ivresse, Joshua lança plusieurs lignes de pêche puis s'assit pour les regarder filer dans l'onde. Ismène et le nouveau matelot descendirent se reposer tandis que Valtameri barrait, cheveux au vent, dans la plus totale décontraction. Le monde était bleu, en haut comme en bas, et ils étaient seuls au monde.

[Althéa]

Amélie dessinait vite, et les mouvements intempestifs de Soren et du bateau l'amusèrent plus qu'ils ne la contrarièrent surtout quand l'un d'entre eux fit apparaître une sorte de moustache sous le nez du sunite. Voyant l'esquisse perdue pour la cause, elle ajouta des favoris et d'autres rouflaquettes avant de passer à un autre croquis.

De son coté, Angèle quant à elle avait décidé que "Mon cher Malo" était ce qui sonnait le mieux. Elle pouvait donc passer à la suite qui était bien plus délicate que l'entrée en matière. Elle soupira et releva la tête. Ils voguaient dans un océan de bleu et si elle ne faisait pas attention, elle allait attraper une insolation. Elle alla dans la cale prendre le chapeau qu'elle avait acheté à Luménis lors de sa première visite.

En pantalon et chemise légères, son chapeau sur la tête, elle était bien loin de la paladine guindée dans sa tenue de grisaille qui arpentait les rues de Manost sans relever la tête.

[Galathée]

HRP : sauf signe contraire de ta part, je ferai passer trois ou quatre jours dans un de mes posts suivants... A toi de voir s'il y a des choses que tu veux placer en début de traversée...

Cette première journée de voile se déroula sans heurts jusqu'au crépuscule. Il était alors déjà tard et les passagers furent inviter à dîner dans la salle à manger. Le capitaine se joignit à eux mais pas les matelots, une question de bienséance maritime. Cela dit, Valtameri n'était pas bavard, au contraire de Soren, qui avait toujours quelque chose à dire, sur le temps, l'allure du bateau, les derniers potins luméniens ou eredhins ou même manostiens (dont il ne savait en réalité rien). Il entretint Amélie sur les plus beaux vitraux de la cité aux mille temples, puis s'étonna qu'Angèle n'ait pas été rencontrer ses homologues juristes au Palais de Justice luménien. En fin de repas, il se tourna à nouveau vers la plus jeune des deux femmes.
" Est-ce que vous ne m'avez pas dit que vous étiez barde ? Vous nous chanteriez peut-être quelque chose, pour égayer la fin de journée ?"

[Althéa]

La soirée avait été agréable en très grande partie grâce à Soren et son art de mener les conversations. Amélie l'avait écouté presque religieusement lui parler des vitraux et Angèle invoqua le fait qu'elle était en "vacances" pour n'avoir pas rencontré ses pairs. En réalité, elle n'avait eu aucune envie d'entendre les autres avocats lui parler des lois liberticides de Manost. Elle avait déjà assez honte d'être manostienne ...

Quand Soren proposa à Amélie d'interpréter un morceau, elle apparut décontenancée quelques secondes avant de sourire, le rouge aux joues.

"Oh, tu sais, je suis un peu plus maître-verrier que barde, mais je veux bien essayer."

Elle courut dans sa chambre chercher son luth et prit son temps pour l'accorder vu que l'instrument n'appréciait manifestement pas la chaleur. Quand elle fut prête, elle ferma les yeux. Ses doigts coururent un instant sur les cordes et elle se lança. Elle avait une voix douce et claire, plus encore que lorsqu'elle parlait.


"Bien en dessous de la mer
Se dresse la belle Ys
Les algues recouvrent ses frontières
Et son temple se hisse
Bien en dessous de la mer

Écoute dans le vent sa triste complainte
Et son histoire à jamais éteinte
Connue simplement par quelques anciens

Belle et fière était Ys
Une ville gagnée sur les flots
Bien au dessous de l'eau
Mais les digues partout se hérissent

Le seigneur Gradlon en possède les clés
Qui gardent la cité en dehors du danger
Les digues empêchent que les eaux se déferlent
Par les clés et cette serrure si frêle

Sa fille Dahut s'ennuie
Et vaque sur le sable de midi à minuit
Attendant pour toujours qu'un beau cavalier
Vienne au delà d'Ys pour toujours l'emmener

Cyric se penche sur cette ville en sursis
Décide à tout jamais d'y instaurer la nuit
Il prend l'apparence d'un beau jeune homme pâle
Et va séduire Dahut lors d'un funeste bal

A sa maîtresse sur son lit couché
Il exige de la ville les clés
Dahut aveuglée par l'amour
Les lui donne au lever du jour

La porte s'ouvre et les eaux se déchainent
Inondent les rues vers la mer les entraîne
Gradlon incrédule assiste à la fin
De son rêve impossible car simplement humain

Il bataille sans relâche et parvient à sauver
Quelques chanceux, bon nombres de blessés
Vers Graëlon il leva les yeux
Dans ce village perché, il finit malheureux

Dahut fut cependant emportée par les flots
Fille de trahison, mère de tous les maux
Mais Cyric la changea en sirène
Créature de mal et de haine

Sous la mer git la belle Ys ...
Les algues et les limons à jamais la ternissent
Mais on dit que certaines nuits ...

Elle surgit de la mer où elle s'est endormie ..."

[Galathée]

" Bravo ! s'exclama Soren en applaudissant. Magnifique !"
Le capitaine l'imita mais son expression était plus illisible.
" Cela dit, jeune fille, j'avais parlé d'égayer la soirée... Sunie m'en soit témoin, une histoire de noyade, de trahison et d'amours mensongers... On voit bien que vous venez de Manost et pas de Luménis ! Enfin... de Dorrandin, je veux dire. Vous n'étiez pas supposée vénérer la déesse de la Joie ?"

[Althéa]

Amélie hocha la tête, quelque peu ennuyée. Entonner une composition sur une mer qui reprenait ses droits à bord d'un bateau n'était pas ce qu'il y avait d'approprié ni de très joyeux. Le choix de la chanson s'était imposé de lui-même et elle avait réalisé sa bêtise dès les premières paroles. Quant à sa déesse, elle la trouvait bien frivole depuis le temps, et en même temps culpabilisait d'avoir ce genre de pensées. Il était difficile qu'elle-même avait changé et n'arrivait plus vraiment à passer sa vie dans une constante béatitude. Peut-être avait-elle grandi, tout simplement ...

"Je suis désolée, se dépêcha-t-elle de dire pour masquer son trouble, vous avez raison, mais je peux me rattraper."

Et sans attendre passa à cette autre chanson, en espérant qu'elle ferait oublier l'autre.


"Dans la belle Lumenis,
Vivait un noble riche,
Il avait dans ses vices
Une avarice chiche ...

En mendiant sa vêture
Quand il se promenait
Et des vilaines chaussures,
il portait ...

En revenant des bains,
Il vit à sa place,
De très fins escarpins,
Pas ses ignobles godasses,

Oh gentil coup du sort,
c'est sûrement un cadeau
Il les prend sans remord
Ces très beaux godillots,

Alors voila qu'arrive,
Le vrai propriétaire
Pensant à une dérive,
Lui botte le derrière,

Et le voila dehors,
Ses infâmes chaussures,
Dissimulées alors,
Par terre battent la mesure,

Oh vilains godillots,
Vous me jouez des tours,
Et vous êtes mon fardeau,
Allez donc faire un tour,

Rentré alors chez lui,
Il prend ses chaussures,
Les lance loin de lui
Il entend la brisure

Les chaussures vengeresses
Ont cassé une fenêtre,
Et ont botté les fesses
D'un mage en plein mal être

Il reconnaît les bottes,
Lance une boule de feu,
Qui brûle la paillote
De notre malheureux.

Oh vilaines godasses,
Vous vous êtes amusées,
A me faire des crasses,
maintenant ça va cesser

Puisqu'il se veut vraiment,
Être loin de ses godillots,
Dans un jardin d'agrément
Il les jette dans l'eau

Mais ces foutues semelles,
Sont bientôt emportées,
Jusqu'à une citerne,
Qu'elles finissent par boucher

L'eau se répand en ville,
On trouve le coupable,
Qui par ses espadrilles,
Gêne le contribuable

L'amende est énorme,
notre pingre est ruiné,
Plus de maison en forme,
Plus d'argent pour l'aider,

Mais notre homme rit,
Libéré de ses maux,
Il aime mieux la vie ...
Et ses foutus godillots ..."

[Galathée]

" Haha ! s'exclama Soren. Voilà qui est mieux ! Mais je ne voulais pas te vexer, Amélie. Simplement..."
Le capitaine se leva et s'excusa auprès de ses invités, après quoi il sortit.
" Les histoires de mer vengeresse et lugubre ne sont pas toujours d'un bon ton à bord d'un navire... La Reine Garce ne jouit pas d'une très grande popularité... sur tous les bateaux, mais en particulier sur celui-ci."

[Althéa]

Amélie nullement vexée secoua la tête avant de répondre à Soren.

"Ne t'en fais pas. Je ne sais pas vraiment ce qui m'a pris de chanter cette chanson. J'espère que le capitaine ne m'en voudra pas trop. C'est juste que ..."

Un instant, elle faillit lui parler de cette crise de foi, peut-être passagère et aussi de son cauchemar. Elle savait que c'était idiot, que cela n'arriverait pas, mais elle se sentait quelque peu effrayée. Devant Angèle, elle se comportait comme si tout allait bien. Mais parfois, les chansons parlaient d'elle-même.

"Et pourquoi surtout sur ce bateau ?"demanda-t-elle curieuse, histoire de changer de sujet.

[Galathée]

" Le capitaine Valtameri et Umberlie ont un certain passif, dirons-nous. C'est un genasi, il sera toujours proche de la mer, il pourrait y vivre s'il le décidait, mais il sait aussi combien elle peut être dangereuse..."
Il jeta un oeil vers Angèle.
" Tu veux vraiment que je parle de ça devant notre Reine des Inquiétudes ? C'est plus risqué encore que la tempête..."

[Althéa]

Comme pour répondre à sa question, Angèle qui avait sans doute entendu quelques bribes de la conversation se redressa et tendit une oreille ... inquiète. Amélie répondit à Soren avec un petit sourire amusé.

"Non, pas du tout. Changeons vite de sujet. Parlons de ... de ... Ah oui, les pièces d'échec que tu as façonnées pour Angèle. Je les ai trouvées magnifiques. Tu as vraiment un don. J'adorerais être aussi précise que toi dans les petits détails."

[Galathée]

" Merci. Et j'ai un don, oui. Sunie me bénit chaque jour et je lui donne la beauté en retour."
Son regard se fit plus incisif.
" A côté de ces considérations mystiques, la différence entre toi et moi, outre que j'ai sans doute quinze ans de pratique supplémentaire dans mon art, c'est que j'y suis voué tout entier. Chaque seconde de mon existence y est consacrée. Même quand je parle avec toi, une partie de mon esprit réfléchit aux gestes qui seraient nécessaires pour te sculpter. Toi... Tu es maître verrier et aussi barde et aussi en quête de ton père et aussi amoureuse d'un jeune homme à domicile que tu comptes épouser... Tu n'es pas complètement dans ton art, c'est juste... une chose en plus. Or, l'art, le vrai, le formidable... Ce n'est pas une activité qu'on pratique sur le côté. C'est l'essence de la vie. Tu es sûrement très douée. Et ça suffit. Ce n'est même pas vraiment un choix... C'est une évidence. Moi, jamais, je ne me suis détourné de la sculpture, depuis que j'ai... douze ans, je dirais. Oui, je dois manger, dormir, faire l'amour... mais ce sont des fonctions vitales, qui sont nécessaires pour nourrir ma carcasse avant de retourner à la pierre ou à l'argile."

[Althéa]

Amélie répondit au bout d'un léger silence.

"C'est drôle ... Je pense que je fonctionne à l'inverse de toi. Ce que je vis, ce que je vois, ce que je ressens, j'en ai besoin pour créer. J'ai besoin de m'émerveiller des vraies couleurs de la nature pour doser mes pigments et d'être émue dans un sens ou dans l'autre pour écrire mes chansons. J'ai besoin d'être interpellée, effrayée, attristée ou amusée pour raconter des histoires. Alors je marche, le nez en l'air à l'affût du Beau en espérant en saisir une infime particule pour la faire vivre dans mes vitraux ou mes chansons. Et j'ai besoin de ressentir aussi. Sans Marvin, sans mes parents, sans la lumière ou la musique, je ne pourrais plus créer. Et je sais que quelque part, c'est une faiblesse. Après, je sais que je suis encore jeune et que tout me tourne la tête. Je m'assagirai sûrement avec le temps même si je ne suis pas sûre d'avoir la capacité de me consacrer à mon Art. Et je pense que j'ai encore beaucoup de choses à apprendre."

Elle sourit.

"Et j'ai énormément de chance parce que je suis là, sur le même bateau qu'un Maître en la matière."

Et ses yeux qui brillaient indiquaient clairement qu'elle était sincère.

[Galathée]

" Ce n'est pas une voie pour tout le monde, dit Soren. Elle exige des sacrifices... un sacrifice... total."
Il eut un haussement d'épaules.
" Cela ne veut pas dire que ce que tu fais est dénué de qualités. Il y a de la place aussi pour les esprits polyvalents et les gens qui aiment papillonner plutôt que de creuser..."
Sans doute le fond de sa pensée était-il un peu moins diplomate, mais il faisait sans nul doute des efforts.