La Couronne de Cuivre

Des rouleaux venant se briser à quelques mètres éclaboussaient ses chevilles et Dotha n’avait pas hésité à retrousser ses chausses pour éviter qu’elles ne soient trempées. Elle leur fit ensuite contourner une digue naturelle qui semblait délimiter la petite plage. Ils durent un moment passer sur des rochers glissants pour continuer à avoir pied mais ils négocièrent ce nouveau passage sans encombre pour se retrouver sur une plage beaucoup plus petite au fond une anse large de quelques dizaines de mètres.

- Personne ou presque ne vient jamais ici : sans doute parce que ce n’est accessible qu’à marée basse ou en barque.

Elle ne s’arrêta pas quand elle eut à nouveau atteint la petite bande de sable sec et lui désigna ce qui devait être son objectif depuis le départ : l’entrée d’une petite grotte à même la falaise.

« Ho, j’ai toujours aimé les coins un peu secrets. Et si en prime il y a une grotte, ce coin ci ne peut que me combler ! »
Un coin secret était généralement un coin sûr et tranquille, tout ce qui convenait à un svirfnebelin. Alchem suivait Dotha. Depuis qu’il était passé dans le petit bois, il était parvenu à contenir sa méfiance au strict nécessaire, de quoi ne pas se gâcher le moment. En apparence, il demeurait très calme. Ses émotions n’apparaissaient que modérément sur son visage. Dalius, quant à lui, gambadait déjà sur la plage. Regardant tout, reniflant tout.

La plage proprement dite ne présentait pas d’intérêt particulier et un bon pisteur aurait déterminé que personne ne l’avait foulé depuis des mois, confirmant les affirmations de Dotha. Celle-ci se dirigea vers la grotte à l’entrée de laquelle elle dut légèrement baisser la tête. Deux mètres plus loin, le plafond était à nouveau largement assez haut pour des gnomes voire des humains et le sol était constitué de sable fin agréable sous le pied. En tous cas dans la toute première salle car deux boyaux en partaient ensuite, cavités naturelles creusées à même la roche.

- Le complexe se poursuit sur plusieurs centaines de mètres au moins ! Certaines salles valent vraiment le détour je trouve. Enfin, je vous réserve la surprise ! Alors vous choisissez la gauche ou la droite ?

« Hé bien, j’étais loin de me douter que j’allais si vite retourner dans les profondeurs. Il va être plus difficile de me surprendre, j’en ai bien peur. Vous aimez le chalenge », commenta joyeusement Alchem.
Bien sûr, il était conscient que qualifier ce réseau de profondeur était hautement exagéré. C’était un souterrain de surface et par conséquent, celui-ci pouvait effectivement le surprendre. Il considéra chaque tunnel. Dalius faisait de même.
« A gauche ! A gauche ! »
« Bon, je prends à gauche. »
« Chouette ! »

Dotha manifesta le même enthousiasme que Dalius sans bien sûr avoir conscience de la réaction de ce dernier. A moins que ce ne soit qu'un peu de comédie :

- Excellent choix ! Le passage de gauche est aussi mon préféré !

Avant de s'y engouffrer, elle murmura tout de même une incantation après avoir ramassé un galet. Ce dernier se mit instantanément à luire d'une lumière douce : la gnome n'y voyait en effet pas aussi bien que son cousin dans les profondeurs, aussi proches de la surface soient-elles.

La largeur du boyau les forçaient à marcher en file indienne et la clerc prit aussitôt les devants. Ils marchèrent deux ou trois minutes avant de déboucher sur une nouvelle salle vaguement circulaire : elle était envahie de quelques végétaux mais surtout de minéraux qui renvoyèrent aussitôt la lumière en une myriade de reflets irisés, dessinant arc-en-ciel mouvants et erratiques. Outre le phénomène sans doute naturel, Alchem ressentit aussitôt un picotement caractéristique indiquant la présence d'une source de magie toute proche.

La splendeur minérale n’était forcément pas pour lui une découverte. Ni les jeux de lumières occasionnés par les cristaux et autres belles pierres. En cela, les svirfnebelins d’Ornegemme étaient sans doute des exceptions. Les gnomes des profondeurs vivaient normalement dans le noir. Pas de lumière pour eux, pas de couleur, sauf le gris. Mais à Ornegemme, la Grande Mystificatrice avait donné un bon coup de pied dans ces habitudes qu’elle qualifiait de ridicule. Elle avait apporté avec elle la lumière et les couleurs. Dans sa tour, demeure des Murmure, se trouvait un lieu qui pouvait, de loin, faire penser à cette salle. La ressemblance n’échappa pas à Dalius.
« Hé, c’est comme chez toi ! »
Le gnome n’en dit rien à Dotha, se contentant de déclarer :
« Hé ben... sacré spectacle. Je ne m’attendais pas à trouver ce genre de chose si proche du soleil. Je ressens de la magie. Où est sa source ? »

Dotha s'était bien évidemment attendu à ce qu'Alchem ait détecté la présence arcanique et s'était donc préparé à ses questions à ce sujet. Elle répliqua donc joyeusement :

- La magie provient directement de ces cristaux en réalité. Ils ont été l'objet de ma première mission lorsque je suis entrée au temple et j'aime revenir ici de loin en loin. D'après mes études, ils tirent leur énergie d'un plan mystique et sont en quelque sorte conducteurs de magie. C'est assez technique bien sûr mais il faut un peu les voir comme la manifestation concrète d'une passerelle entre notre plan et une source de magie très importante.

« Hum... je vois. Intéressant... »
Alchem s’approcha de l’un des cristaux en question et l’examina avec d’avantage d’attention. Cette fois, ce n’était plus le regard du touriste, ni celui du méfiant. Non, c’était celui du mage.
« Ma connaissance des plans est limitées. Je connais les grands principes du multivers et quelques-uns de ses aspects les plus courants. Le plan astral par exemple dans lequel chaque téléportation nous conduit brièvement. Le plan éthéré aussi. Etes-vous parvenu à déterminer le plan avec lequel est en relation ses cristaux ? Et la magie qui les infuse est de quelle nature ? »
« Halala ! Blablabla ! Les voilà repartis dans leur espèce de charabia ! On s’en fou de tout ça. Les cailloux sont jolis, c’est tout ce qui compte, non ? »

La gnome se tourna vers l'un des cristaux les plus imposants et poussa un bref soupir :

- En réalité et au risque de vous décevoir, je n'ai jamais pu le déterminer avec précision et cela reste un mystère pour moi. Les cristaux sont effet plutôt récalcitrant et il est impossible de les isoler : ils perdent aussitôt toutes leurs propriétés surnaturelles. J'ai tout de même pu éliminer de nombreuses possibilités : ils ne proviennent pas de l'un des plans élémentaux. Et la magie qui s'en échappe n'est pas non plus lié à une divinité autre que Mystra.

Peut-être revenait-elle ici en partie par frustration, tout compte fait. Peut-être avait-elle d'autres motivations que la simple promenade pour amener Alchem en ce lieu...

Hélas, percer un tel mystère était certainement au-delà des capacités d’Alchem. Il était certes un magicien déjà expérimenté, mais il était loin d’avoir l’expertise de sa mère. Et même sa mère ne devait pas avoir étudié en détails les plans. Le sujet le captivait cependant. Il demanda :
« Que donne une détection de la magie ? Est-il possible de déterminer l’école à laquelle appartiennent les auras ? Si oui, ses écoles changent-elles ? »
Il décrocha son regard pour le tourner vers Dotha.
« Peut-être qu’il se trouve en ce lieu un quasi portail, je veux dire par là une frontière plus mince entre notre plan et celui d’où provient cette magie. Les cristaux ne joueraient alors que le rôle de réceptacle. Détachée de la structure, ils perdraient leur sensibilité. Bon, ce n’est là qu’une hypothèse hasardeuse. »
« Blablabla et blablabla, blabla, bla, blabla. Je comprends strictement rien à ce que vous dites. On retourne sur la plage ? Ok, ok, je vais bien trouver un truc drôle à faire ici. »
Dalius se mit à fouiner un peu de partout.

La gnome semblait ravie de pouvoir discuter du sujet et partager ses menues découvertes et un avis avec un confrère et quasi compatriote :

- Ce qui est le plus étonnant est que les cristaux semblent absorber une partie de l'intensité magique des sorts que l'on dirige contre eux. Comme s'ils s'en nourrissaient ou si le conduit dont vous parlez alimentait le plan qui se trouve de l'autre côté. Pour ce qui est des écoles de magie, toutes celles que j'ai essayée donnaient le même résultat. Mais il va de soi que je n'ai pas accès à certaines écoles interdites envers lesquelles je me garderais bien de faire d'expériences de toutes façons.

Inutile de citer la nécromancie : les paroles de la gnome étaient suffisamment éloquentes pour un praticien des arcanes.

« S’il y a bien un lien vers un plan, que la magie va de ce plan vers ici, alors il est probable que la circulation puisse se faire dans le sens inverse. D’où l’absorption que vous avez constaté. J’imagine que cette énergie n’est pas curative, ce qui exclue l’l’énergie positive. Et s’il avait s’agit d’énergie négative, cette grotte serait sans doute devenu le repaire d’un mort-vivant. »
Alchem sentit une légère pression sur ses chausses. Dalius avait mordu l’habit et essayait par cette prise de tirer son maître hors de la grotte. Sa tentative était purement comique car bien sûr ses efforts ne pouvaient qu’être infructueux.
« Que pense l’université de la magie à propos de ces cristaux ? Il faudrait sans doute qu’un archimage se penche sur le problème pour qu’on ait le fin mot de l’histoire. »

Dotha esquissa une grimace à la mention de l'Université de la Magie :

- En réalité, ils ne se sont pas vraiment penché sur la question : ils ont juste envoyé une petite délégation menée par un spécialiste en géomancie s'assurer que ces cristaux ne représentaient guère de danger mais aucun professeur n'a encore trouvé le temps de se pencher sérieusement sur le phénomène. Il faut dire que la charge magique n'atteint pas l'intensité nécessaire à celle d'un portail ni même des sorts intermédiaires. En fait, il pourrait bien s'agir du simple résidu d'une faille ou d'une expérience ratée. Les mages de l'université ont bien d'autres chats à fouetter !

Il y avait un peu d'amertume dans sa voix, comme si elle était bien loin de partager cet avis.

« De la magie résiduelle... Ce serait étonnant. Ce genre de phénomènes ne se prolonge guère dans le temps. Quelques heures, quelques jours à la limite... Mais des années, je n’y crois pas, à moins bien sûr que la chose a son origine ait été d’une intensité suprême. Et une telle chose laisse des traces, ne serait-ce que dans les récits. »
« Allez, Alchem, on s’en va ! La balade a à peine débutée ! Vous pouvez bavarder en route ! »
« Bon, que faisons-nous. On continue la visite ou on se plonge sur ce mystère ? Je me demande un peu si on en a le temps et les moyens, surtout si demain je vous accompagne en mission. »

Dotha lui sourit, frôlant à nouveau l’un des cristaux pour s’en imprégner avant de répondre d’un ton détaché :

- C’est comme vous préférez, Alchem : j’ai d’autres choses à vous montrer ici ou à Luménis mais que nous partions en mission demain ne signifie pas que je ne pourrais plus vous les faire découvrir après. Donc si ce mystère vous intéresse, prenons le temps : rien ne presse !

« Ho, mais les mystères magiques m’intéressent toujours. Cela dit, celui-ci n’est certainement pas le plus simple à percer. Si je débute quelque chose, j’aime aller jusqu’au bout et je devine qu’on a ça en commun. Or, si on se lance là-dedans, c’est peut-être des veilles et des veilles qu’il nous faudra. Vous avez déjà travaillé sur ces cristaux et le mystère demeure. J’ai certes certaines connaissances qui pourraient éventuellement aider, mais ce n’est pas certain. Les plans, ce n’est pas mon domaine. »
Alchem, tout en parlant, chercha s’il n’y avait pas des runes ou des inscriptions dans la grotte. Dalius, qui se sentait oublié, essayait maintenant de faire le pitre pour attirer l’attention.
« En d’autres termes, je veux bien me pencher avec vous là-dessus, d’autant plus que la chose à l’air de vous tenir à cœur, mais est-ce bien le bon moment ? »

Dotha se rangea à son avis en secouant la tête en signe de dénégation avant d'esquisser un pauvre sourire :

- Non, nous n'aurons guère le temps de faire des découvertes majeures même si nous avons de la chance. Mais je retiens que vous vous proposez de m'aider sur cette affaire une autre fois ! Non mais regardez-moi : je vous promets une balade à la plage et voilà que j'en profite pour vous embaucher impunément !

« Ne vous en voulez pas, il n’y a pas de quoi. Les passions nous dépassent. C’est ce qui fait d’elles des passions. Et je suis bien placé pour savoir à quel point la magie peut être fascinante. D’ailleurs, cela me fait penser à que j’ai encore beaucoup à vous dire au sujet de l’Outreterre. Poursuivons donc la visite de cette grotte et je vous parlerai de la faerzress, un phénomène qui illustre à merveille la puissance magique qui sommeille sous terre. »

Le changement de sujet tout comme la perspective d'en apprendre plus sur la culture svirfnebline sembla beaucoup plaire à la jeune gnome. Elle l'entraîna quelques mètres plus loin là où commençait un nouveau boyau avant de répondre non sans humour :

- Je n'en ai jamais entendu parler mais laissez-moi deviner : il s'agit d'une spécialité à base de champignons très très épicée, c'est bien ça ?

« Absolument rien à voir ! répondit Alchem, amusé. La faerzress n’est même pas propre aux svirfnebelins. Le terme est d’origine Drow. Il désigne de puissantes radiations magiques qui émanent de certaines régions de l’Outreterre. Et ces radiations sont telle qu’elles perturbent significativement certain sortilèges. La divination est troublée et les téléportations ne conduisent généralement plus là où elles le devaient. On ressent facilement la faerzress alors si jamais vous vous rendez un jour sous terre, il faut en tenir compte pour ne pas commettre une bêtise. »
Tout heureux que la visite reprenne, Dalius suivait gaiment. Le gnome finit par se rechaussen.

Dotha progressait toujours en tête et répondit par dessus son épaule :

- Savez-vous à quoi c'est dû ? En tous cas, le phénomène mériterait d'être étudié même s'il m'apparait un peu dangereux si on ne prend pas les précautions appropriées. En avez-vous déjà approché ?

La gnome atteignit une seconde salle aux mille concrétions calcaires s'étendant en stalactites et stalagmites s'étendant du sol au plafond et vice-versa.

- J'aime bien cette salle surtout quand on pense qu'il faut bien plus longtemps qu'une vie de gnome pour que la nature réalise l'une de ces œuvres.

« La faerzress semble être là depuis la nuit des temps. Des textes très anciens en font référence. J’ignore si une origine a été trouvée, ça m’étonnerait. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas un phénomène très rare. Les Drow aiment construire leurs cités là où la faerzress est particulièrement intense. C’est un avantage notable contre l’espionnage ou les assauts éclairs. J’ai donc souvent été conduit à la ressentir. »
Alchem s’immobilisa dans cette nouvelle salle. Il examina avec intérêt les stalactites et les stalagmites. Pareil décor n’était vraiment pas pour lui une nouveauté. Cela n’enlevait rien à son charme.
« Beaucoup disent que les choses de la surface sont éphémères et que celles des profondeurs sont éternelles. Je pense l’affirmation exagérée mais il y a une part de vérité. Cet endroit l’illustre. C’est le fruit de centaine d’années. Je suppose que les végétaux, eux, en l’espace de cinq cents ans, ont eu le temps de mourir et de renaitre. »

Dotha se tourna vers lui et répondit d'un ton tranquille :

- C'est à la fois poétique mais vrai aussi. Quoique c'est peut-être un peu exagéré : les montagnes, les continents de la surface sont tout aussi immuables en apparence. Mais certains disent qu'il y a de la beauté dans le changement et dans l'éphémère.

Elle continuait de progresser lentement, balayant le halo de sa torche sur les concrétions minérales qui déployaient toute leur splendeur.

« Personnellement, je pense que la beauté et la durabilité sont des concepts indépendant. Il y a des choses belles, qu’elles durent ou non, et il en va de même pour les laides. Toutefois, il y a différentes formes de beauté. Celles des profondeurs ne ressemblent pas à celle de la surface. Ça peut sembler évidant, mais elles se différenties aussi par l’impression, les sentiments qu’elle suscite. »
« C’est pas plus simple de dire c’est beau ou pas et puis c’est tout ? »

Ils parvinrent à la fin de la deuxième salle et Dotha les entraîna dans un petit couloir lisse et un peu glissant qui descendait légèrement. Deux minutes plus tard, ils débouchaient sur une grande salle circulaire au centre de laquelle un bassin d'eau sombre occupait presque tout l'espace.

- Je serai toujours étonnée de la faculté de la vie à se développer même dans des milieux d'apparence si défavorable : il n'y a jamais de lumière et très peu de végétaux ici et pourtant des poissons ont réussi à se développer et à prospérer. C'est un peu comme chez vous, n'est-ce pas ? Quoique ce bassin soit bien plus paisible, tout compte fait.

« Oui, un peu comme chez moi. La vie s’adapte, les animaux comme nous-mêmes. »
Les deux gnomes, désormais côte à côte, illustraient ce fait à merveille. Leur apparence était le fruit de l’adaptation à leur milieu respectif. Dalius lança un regard curieux aux poissons. Puis se fut son propre reflet qui l’attira. L’espace d’un très bref instant, il crut qu’un autre rat le fixait, puis sa raison reprit le dessus.
« Ha, ha, je suis bête. Salut moi ! »
Il se salua de la patte.
« Le lac souterrain dont je vous ai parlé est cent fois, mille fois plus grand que ce plan d’eau. La grotte qui l’abrite a des pierres gris-clair, presque blanches. On croirait le sol fait de galets. Le plafond culmine a facilement quinze mètres sur les bord, le triple vers le milieu, c’est comme un dôme. De temps en temps, une goutte tombe dans l’eau, y créant quelques rides. Sinon, elle est immobile. Quelques poissons argentées, touts petits, y résident. Hors de question de les pécher, la fée y tient. Celle-ci a l’habitude de jouer de sa harpe sur un rocher, au milieu du lac. Sa musique emplie tout l’espace. »

Dotha s'était assise sur un gros rocher pour écouter le récit d'Alchem tout en se disant que cette petite grotte devait lui paraître bien banale en comparaison de sa contrée natale. Elle l'avait cependant amené là pour qu'il se sente moins dépaysé mais il semblait que cela ne l'ait amené qu'à éprouver de la nostalgie à l'égard des beautés souterraines qu'il avait quittées. Elle resta silencieuse un long moment après qu'il se soit interrompu mais dut finalement briser le silence pour relancer son sort de lumière, signe que cela faisait plusieurs dizaines de minutes qu'ils avaient entamé leur exploration.

- Vous avez du voir beaucoup de choses extraordinaires au cours de vos voyages et je vous envie un peu, moi qui n'est jamais quitté la surface d'Helonna...

« Vous n’avez pas à m’envier. Nous avons vu des choses différentes, vécu des choses différentes. Et s’il y a du grandiose dans les profondeurs, il y a aussi et surtout l’horreur. Vous m’avez parlé de la guerre civile à Lumenis, moi, j’ai participé à une guerre contre les Drow qui a duré plus d’une décennie. Dix ans à se piéger, à se tuer, dans le noir des tunnels, dix ans à verser le sang et à pleurer les siens... Même encore maintenant, j’en rêve la nuit. Les elfes noirs sont d’une cruauté... saisissantes. »
Alchem perdit son regard dans le petit lac. La mélancolie l’avait rattrapé. Il ne voulait bien sûr pas émettre de jugement de valeur, mais il ne pouvait s’empécher de penser que Dotha vivait au paradis. Bon nombre de voyageurs en témoignaient, l’Outreterre, c’était l’enfer sur Toril. Tout d’un coup, le gnome refit face à sa collègue de la journée et déclara avec entrain :
« Retournons au soleil. Profitons de la plage. Laissons-là les noirs pensées. »

Et c'est donc là que la gnome le conduisit sans hésiter. Elle remonta le tunnel qu'il n'avaient pas encore exploré, un boyau en pente douce qui débouchait directement sur la première salle de la caverne et la sortie. Dehors, ils retrouvèrent le soleil éblouissant et leur petite plage isolée.

- Souhaitez-vous faire trempette, vous asseoir un moment à l'ombre ou profiter du soleil ? Oh, ou alors vous avez peut-être faim : il ne doit pas être loin de midi.

« Pour être honnête, j’ai envie d’un peu tout faire. Offrons-nous une ou deux heures de tranquillité ici, l’endroit est superbe. Reposé, rassasié, nous aurons ensuite tout le loisir de poursuivre votre visite. »
Alchem, sitôt dehors, s’était remis à scruter la mer. Sous terre, sans prétendre tout connaitre, il fallait avouer que le surprendre était devenu difficile. Sur terre, c’était l’exact contraire. Rien que ce panorama le troublait. Dalius, déjà, jouait avec les vagues. Il avançait et reculaient, poursuivant puis fuyant l’écume.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Un petit bois tout près de Luménis