La Couronne de Cuivre

Quête : Rendes-vous manqué

L'homme lui lança un regard for peu amène, et cracha à ses pieds. Mais il ne fit pas mine d'insister.

La tente était n'était pas fermée, il suffisait d'écarter le pan de toile qui en masquait l'entrée pour y pénétrer. Du reste, il était entrouvert.
Le coeur battant, Kasumi souleva la toile, fit un pas en avant. La tente se composait de deux parties, séparées par un rideau de toile qui cachait au rôdeur l'autre moitié de la tente. Il aperçut deux personnes, en train d'installer une table sommaire et des bancs : un homme et une femme - mais ce n'était pas Astrée.

L'homme l'avait probablement entendu entrer car il se tourna aussitôt vers lui, la main sur la poignée de son katana.
- Qui êtes-vous ? Et qui vous a permis d'entrer chez moi ?
Il était d'une carrure et d'une taille impressionnantes, pas loin de deux mètres sans doute. Ses yeux étaient aussi noirs que ses cheveux, attachés en queue de cheval. Tout en lui dénotait le guerrier, depuis son gilet de cuir clouté jusqu'à son geste instinctif en direction de son arme. Et pour l'heure, il avait l'air franchement furieux de voir un intrus pénétrer sous sa tente. Une odeur prégnante de bière, tout comme le ton légèrement traînant de sa voix, indiquaient en outre qu'il n'était pas sobre.

Quête : Rendez-vous manqué

Avant d’entrer dans la tente, le rôdeur demanda à première Neige de venir s’installer à côté d’Ombrage tout en rassurant ce dernier sur la présence de la louve. Du reste, les deux animaux commençaient à se connaître et supporter mutuellement leur présence. La louve dissuaderait peut être les voyageurs de s’intéressait de trop près aux affaires qu’il laissa sur son cheval.

Kasumi pénétra ensuite avec circonspection dans la tente, restant sous l’ouverture du rabats. Rétrospectivement, il aurait peut être mieux fait de s’annoncer à en juger par la réaction du colosse qui lui faisait face. Ce n’était pas le moment de faire dégénérer la situation et pourtant le demi-elfe commençait sa colère commencé à monter devant l’accumulation de frustration et d’accueils peu amènes.

- Je m’appelle Kasumi, je suis un ami d’Astrée. On m’a dit qu’elle serait ici. Seul vous pouvez me donner l’autorisation de pénétrer chez vous aussi je suis venu vous le demander.

Le rôdeur ne fit pas mine d’esquisser un geste vers sa ceinture où pendait son épée courte toujours au fourreau. Inutile de créer un incident. Il serait toujours temps d’agir si l’autre faisait mine de vouloir se servir de son arme. Pendant qu'il parlait, il ne perdit pas le maître des lieux du regard, comptant sur sa louve pour l'avertir de tout danger à l'extérieur.

Le teint de l'homme qui lui faisait face blêmit, puis s'empourpra soudain.
- Alors c'est vous... Comment osez-vous... ?
Il avait le souffle court, un peu comme s'il venait de prendre un coup inattendu en plein coeur. Puis il poussa un cri de rage.
- Fichez-moi le camp d'ici !

A ces mots, la femme qui était auprès de lui sursauta et se retourna.
- Barrack, fit-elle d'un ton de reproche.
Kasumi eut vaguement conscience qu'il l'avait peut-être déjà vue, ou plutôt quelqu'un qui lui ressemblait étrangement, grande et élancée, les cheveux auburn... Lyanna. Non, ce n'était pas elle. La femme qui lui faisait face était un peu plus âgée.

- Sortez d'ici ou je vous tue !
Joignant le geste à la parole, le guerrier tira son katana de son fourreau.

Quête : Rendez-vous manqué

Kasumi fut totalement pris au dépourvu par la violence de la réaction de Barrack à son nom. Sa première impulsion fut de battre en retraite et de quitter la tente à reculons. Le colosse semblait décidé à mettre sa menace à exécution et le demi-elfe n’était pas venu pour verser le sang. Dans son état, il serait obligé de le blesser pour se défendre, mieux valait obtempérer pour tenter de comprendre ce qui l’avait mis dans cet état.

Une fois dehors, il ne put cependant retenir les mille questions qui assaillirent son esprit. Pourquoi Astrée n’était pas sous la tente alors que les enfants du camp ne l’avait pas vu ? Pourquoi son nom lui avait attiré une telle inimitié de la part de Barrack ? Etait-ce simplement la réaction d’un prétendant éconduit ? Qui était cette femme dont les traits lui rappelaient étrangement la conseillère du Peuple Libre ? Menacé d’être submergé par le poids de ses incertitudes, il posa la question la plus pressante :

- Où est Astrée ? Que lui avez-vous fait ?

Sa main se porta elle aussi à la poignée de son épée sans toutefois la dégainer et sa louve se redressa grondant sourdement en écho à sa colère.

Quête : Rendez-vous manqué

Autour de Kasumi, les voyageurs avaient levé la tête de leurs activités, et observaient la scène avec une curiosité teintée de méfiance. Ils étaient une bonne quinzaine. S’ils n’étaient pas franchement hostiles, nul doute n’était permis quant au camp qu’ils choisiraient si la situation venait à dégénérer.

La question du rôdeur augmenta encore, si c’était possible, la colère du guerrier.
- Ne prononcez plus jamais le nom de cette traînée devant moi !
- Papa !
Le ton était outré. Le guerrier n’accorda pas la moindre attention à l’interruption.
- Comment osez-vous insinuer que j’aie pu lui faire quoi que ce soit ?

Il fit un pas, puis un autre.
- Tout ça, c’est votre faute ! Vous allez le payer !
- Arrête, Barrack ! Tu te rends compte les ennuis qu’on va avoir si tu le tues ?
- J’en ai rien à foutre, rugit-il. Il a qu’à se barrer !
- Vas-y, Barrack ! Je m’occupe de la louve ! Une belle peau comme ça… C’était un grand échalas armé d’un arc, qui encochait une flèche.
- Mais arrêtez !

Sans un regard pour la femme qui tentait de le raisonner, Barrack se précipita en avant, lame brandie.

Quête : Rendez-vous manqué

Kasumi sentit la colère lui monter à la tête en entendant comment le colosse épris de boisson osait appeler Astrée. Sur un ordre mental du rôdeur, la louve bondit entre deux tentes, n’offrant plus de ligne de mire dégagée au tireur puis disparut à la vue de tous. Le rôdeur recula au même rythme que Barrack avançait jusqu’à s’adosser à une autre tente, à côté de son cheval. Il parla d’une voix assurée pour éviter que le silence ou un éclat ne précipite la colère des villageois :

- Prends garde aux termes que tu emploies si tu ne veux pas qu’ils te restent dans la gorge. Rengainez vos armes si vous ne voulez pas que certains soient blessés. Je m’en vais mais je veux d'abord savoir où elle est.

Barrack était maintenant tout près, avançant vers lui les yeux fous et embrumés d’alcool. S’il devait charger, le combat serait inévitable et le Luménien n’était pas certain de pouvoir s’en sortir.

Les mots du rôdeurs semblèrent mettre le feu aux poudres dans les rangs des spectateurs. Loin de rengainer leurs armes, ils les dégainèrent avec un bel ensemble et certains firent mine de s'approcher.
- Tu crois vraiment qu'on va avoir peur d'un gadjo ?
- Mais arrêtez ! Vous voulez tous finir en prison ou quoi ? Arrêtez !

Barrack eut un rictus mauvais, puis répondit au rôdeur.
- Où elle est ? J'en ai pas la moindre idée. Et je m'en fiche complètement. Elle n'est plus là, en tout cas. Et c'est ta faute !
La fin de la phrase avait été hurlée.
- Barrack, ça suffit maintenant. Viens, il faut qu'on parle.
La femme de la tente, celle qui ressemblait à Lyanna, s'était approchée d'eux et parlait d'un ton assuré.
- Moi aussi, je veux savoir. Je suis ta soeur...
- Pas avant que je lui ai fait ravaler sa morgue !
Sur ces dernier mots, il lança d'un geste vif quelque chose qui vint se planter dans la toile, à deux doigts de la tempe du rôdeur. Une dague. Puis il chargea.
- Mais filez ! Vous voyez pas qu'il va vous tuer ! Partez d'ici, vite ! Je vous expliquerai...

Quête : Rendez-vous manqué

Le rôdeur adressa un regard meurtrier à Barrack avant de sauter lestement sur le dos d’Ombrage. Le cheval recula vivement puis volta sur son ordre. Lorsqu’il fut à bonne distance de Barrack, il lui adressa une dernière fois la parole d’un ton lourd de menace :

- Je reviendrai s’il lui est arrivé malheur par ta faute.

Puis, pour détourner l’attention pendant sa retraite et dissuader les voyageurs de le suivre, il lança un sort au milieu de leurs rangs.

Kasumi --->Enchevêtrement--->Voyageurs armés

En talonnant sa monture qui se mit immédiatement au galop, il se coucha sur son encolure pour ne pas offrir une cible trop facile.

Barrack poussa un cri de rage en voyant le rôdeur lui échapper, mais ne fit pas mine de le poursuivre.
Sa lame, abattue avec force, frôla la croupe d'Ombrage qui faisait volte-face.

Le sort lancé par le rôdeur sema un vent de colère parmi les nomades, mais sa fuite fut tout de même saluée par des cris de victoire.
Deux ou trois flèches le frolèrent , sans le toucher. Elle n'avaient pas été vraiment ajustées, c'était sans doute davantage une tentative d'intimidation qu'une réelle attaque. Une sorte d'avertissement... S'il revenait, il ne serait pas le bienvenu...

Un bois de conifères, tout proche, offrait un abri relativement sûr. Restait à espérer que les Voyageurs ne se mettent pas en tête de venir lui chercher querelle.

Quête : Rendez-vous manqué

Le rôdeur ne fit ralentir sa monture que lorsqu’il fut à plusieurs portées de flèches du campement. Alors qu’Ombrage se mettait au trop puis finalement au pas, première Neige déboula des fourrés, le poil encore retroussé par la frayeur et sa course folle dans les buissons épineux du sous bois. Heureusement, elle non plus ne semblait pas avoir été blessée sinon dans son amour propre et dans sa confiance des humains. Elle se fit rétive lorsque Kasumi approcha et il lui jeta une tranche de viande de brebis prélevée dans ses fontes avant de la remercier mentalement pour sa bravoure.

La rencontre avec les nomades ne s’était pas du tout déroulée comme prévu et malgré sa tolérance, le demi-elfe ne pouvait que donner raison aux villageois qui leur faisaient mauvais accueil. La plupart d’entre eux l’aurait dépouillé de ses biens sinon pire s’il leur en avait laissé l’occasion. Mais il n’était pas temps de songer à leur faire ravaler leur morgue, Kasumi n’en avait guère appris sur ce qu’était devenue la rôdeuse sinon qu’elle avait quitté les nomades au grand désespoir de Barrack. Qu’est-ce qui avait pu la pousser à partir ainsi sana s’annoncer ou chercher à récupérer ses affaires ? Il était persuadé que le colosse en savait bien plus qu’il n’avait bien voulu le révéler. Kasumi n’avait pourtant pas l’intention de retourner l’interroger sauf en dernier recours. S’il retournait dans le campement, il devrait utiliser ses armes pour repartir vivant, il en était convaincu. Malgré tout le mal qu’il pensait de ces nomades, il n’avait nulle envie de faire couler le sang inutilement surtout qu’il y avait bon nombre de femmes et d’enfants parmi eux.

Il opta donc pour la solution la plus logique en cherchant un abri dans le petit bois de conifères. Dans cet environnement, il saurait dissimuler les traces de sa présence et pourrait mieux se défendre en cas d’attaque. A la faveur de la nuit, il pourrait se remettre en quête de la piste empruntée par la rôdeuse. Deux précautions valant mieux qu’une, il fit en sorte de toujours avoir son arc et des flèches prêtes à être encochée au moindre signe d’agression. Il pouvait aisément l'utiliser pour blesser sans tuer et n'hésiterait pas à le faier en cas de nécessité.

Kasumi n'eut pas à faire usage de son arc. Les Voyageurs ne s'approchèrent pas du petit bois de conifères, se satisfaisant apparemment d'avoir mis l'intrus en fuite.

Le soleil déclinait à l'horizon, et la température fraichissait de minute en minute. Le bois semblait désert à en juger par le silence qui y régnait.
Pourtant, alors que Kasumi fouillait dans ses fontes pour trouver de quoi se rassasier, il sursauta en entendant le sifflement caractéristique d'une flèche. Le projectile passa à un mètre de lui et alla se planter dans un arbre tout proche.
Accroché à l'empennage de la flèche se trouvait un morceau de papier plié, solidement fixé par du fil.

Lorsque le rôdeur déplia le billet, il put lire ces quelques mots, tracés d'une main malhabile visiblement peu habituée à écrire :

► Afficher le texte

Quête : Rendez-vous manqué

Le rôdeur se retourna, furieux de n’avoir pas entendu l’archer s’approcher. La flèche qui se perdit dans le tronc d’un conifère aurait pu lui être destinée et il n’aurait pas eu le temps de réagir. Il se maudit pour ses réflexes atténués par la fatigue, l’angoisse et le froid. Il regarda dans la direction d’où était provenu le trait mais le messager semblait s’être déjà escamoté ou alors savait se dissimuler au regard perçant du rôdeur et de sa louve.

La lecture du billet lui redonna de l’espoir cependant. Il s’agissait peut être d’un piège fomenté par les voyageurs mais il décida de prendre le risque, se souvenant des paroles de la sœur de Barrack avant qu’il ne quitte les lieux. Il décida de courir le risque. Peut être obtiendrait-il des informations lui permettant de rejoindre Astrée. Si elle était partie précipitamment, peut être errait-elle sans vivre et sans aucune arme dans le froid. Il n’y avait pas de temps à perdre, quitte à prendre quelques risques.

Il se mit donc en route le plus discrètement possible bien décidé à se rendre au rendez-vous en avance afin d’éviter d’être surpris. Il dissimula au mieux Ombrage tout en s’assurant qu’il ne s’éloigne pas trop de lui au cas où il soit obligé de l’enfourcher rapidement. Peu avant l’heure convenue, Première Neige se manifesta : elle avait senti quelqu’un approcher… Kasumi se mit à l’affut et encocha une flèche sans toutefois bander son arc, bien décidé à ne pas se laisser tirer dessus sans réagir cette fois-ci.

Une voix s'éleva, provenant des fourrés. La voix de la jeune femme qui était sous la tente. La soeur de Barrack.

- Baissez votre arme ! Je ne suis pas venue pour me faire tirer dessus. Et je ne suis pas armée.

Comme le rôdeur semblait hésiter à obéir, la voix ajouta :

- Ce n'est pas pour vous aider que je suis là. C'est pour Astrée. Alors cessez de jouer au grand chevalier qui croit avoir tous les droits. Ravalez votre fierté, et posez vos armes à terre, qu'on puisse discuter.

Quête : Rendez-vous manqué

Le rôdeur décida d’obtempérer et posa son arc au sol mais toujours à portée de main. Il passa sur le ton de reproche de la femme. Manifestement, elle avait des nouvelles d’Astrée aussi ravala-t-il une réplique peu amène pour l’encourager à les donner :

- Si vous agissez pour son bien, nous avons un but commun. Approchez-vous, je ne vous ferai aucun mal. Savez-vous où elle est, ce qu’il lui arrivé ?

Le ton était pressant et inquiet. Il redoutait autant qu’il espérait les paroles que prononcerait Eleina.

Quête : Rendez-vous manqué

Eleina attendit qu'il ait posé son arc à terre pour s'approcher du rôdeur.

- Je suis Eleina, fit-elle d'un ton calme. La soeur de Barrack, vous l'avez sans doute compris. Il ne sait pas que je suis venu vous voir, normalement... mais il doit s'en douter vu la discussion que je viens d'avoir avec lui.

Elle fit signe à Kasumi de s'asseoir, et elle-même s'accroupit, le dos à un arbre.
- Quant aux réponses à vos questions.... Elles risquent de ne pas être ce que vous espérez. Je n'ai pas vu Astrée depuis hier au soir. La dernière fois que je l'ai croisée, c'était à notre dernier bivouac, juste avant le coucher du soleil. Elle était partie marcher un peu avec mon frère, qui voulait lui parler en privé. Mais quand Barrack est rentré au campement, il était seul.
Elle soupira.
Je me doutais bien de ce qu'il voulait lui dire, et il me l'a confirmé tout à l'heure... Si j'ai bien compris... Il lui a plus ou moins déclaré sa flamme. Oh, tout le monde au campement savait qu'il avait un petit faible pour elle, et même un gros faible ! Nous, les femmes, on voit ça au premier coup d'oeil. Sauf elle. Je crois qu'elle n'avait rien deviné.
Elle baissa la tête, puis planta ses yeux dans ceux de Kasumi.
- Enfin, toujours est-il qu'il s'est fait éconduire. Et... je connais mon frère, il peut facilement exploser quand il se sent trahi. Je n'ai pas pu lui faire dire ce qui s'était vraiment passé, je n'ai que des suppositions. Ce qui est certain, c'est qu'il l'a chassée du campement.

Quête : Rendez-vous manqué

Kasumi dut faire un effort pour rester calme. Il se doutait depuis le début que l’homme s’était épris d’Astrée. S’il pouvait comprendre les sentiments que Barrack éprouvait pour la belle rôdeuse drôle et aimable, l’évocation de sa réaction alors qu’il avait été éconduit le révulsait. Lui avait-il fait du mal en plus de la jeter seule et sans vivre sur les routes ? Il serra les poings avant de se reprendre et de répondre d’une voix affectée, pressant la sœur de son rival de poursuivre son récit.

- Je vous remercie d’être venu me porter ces nouvelles et de braver la colère de votre frère. J’aurais du me montrer plus diplomate lorsque je me suis présenté dans votre campement. Je sais où vous avez bivouaqué hier mais avez-vous appris autre chose qui pourrait me permettre de la trouver ? Que pensez-vous qui lui est arrivé hier soir ?

Le rôdeur redoutait plus que tout la réponse d'Eleina et une boule s'était formée dans sa gorge lorsqu'il posa la dernière question.

Un léger sourire était apparu sur les lèvres d'Eleina aux premiers mots du rôdeur.
- Braver la colère de mon frère ? Ne vous inquiétez donc pas ! Les hommes de mon peuple son fiers et orgueilleux, mais les femmes savent s'en faire entendre, et même obéir lorsqu'il le faut. Et je pense qu'au fond de lui il sait parfaitement que j'ai raison de venir vous trouver. Mais il préférera ignorer ma démarche plutôt que l'approuver. Et oui, ajouta-t-elle d'un ton plus léger, vous auriez pu être plus diplomate et ne pas arriver ainsi, fier et sûr de votre bon droit, au milieu de nous. Mais passons...

Son ton se fit plus grave.
- Je ne sais pas ce qui est arrivé à Astrée. Je pense que Barrack lui a interdit de remettre les pieds au campement, et il a sans doute été suffisamment clair et convainquant pour qu'elle obéisse. Mais la connaissant, je ne pense pas qu'elle se serait laissée impressionner par mon frère au point de ne pas finir par revenir, ne serait-ce qu'en cachette, pour récupérer ses affaires. Je pense qu'il lui est arrivé quelque chose. C'est pour cela que je suis venue vous trouver.

Elle frissonna, et sembla avoir du mal à poursuivre son récit.
- Je sais ce que vous imaginez, vous croyez que mon frère lui a fait du mal... Mais je ne pense pas. Je sais qu'il peut être violent lorsqu'il s'emporte, mais... pas à ce point.
Elle secoua la tête.
- Non, ce qui m'inquiète, c'est autre chose... Non loin de notre campement, il y en avait un autre. On l'a vu, avec Barrack, lorsqu'on a exploré les environs. Un convoi d'esclavagistes... Et pas n'importe quel type d'esclaves... Ceux-ci vendent des jeunes filles, vierges de préférences, pour les bordels de luxe de Mélandis.

Elle grimaça, puis les mots se précipitèrent dans sa bouche.
- Barrack savait très bien qu'elle se dirigeait droit sur leur campement lorsqu'elle l'a quitté. Il me l'a avoué. Oh, je ne pense pas qu'il ait été jusqu'à leur signaler une proie facile, jamais il n'aurait fait ça.
Elle poursuivit sans laisser le temps au rôdeur de réagir, comme si le récit pouvait être moins douloureux en l'accélérant.
- Vous savez, on raconte les pires choses sur ces marchands d'esclave. On dit qu'ils ne se gênent pas pour se servir un peu avant de les vendre, qu'il les obligent à rester nues toutes la journée pour pouvoir en profiter... En s'arrangeant pour qu'elles restent quand même vierges.... Un jour, ils ont eu une des nôtres. On a réussi à les localiser, à la faire évader. Mais elle n'a plus jamais été la même. On n'a jamais su ce qu'ils lui avaient fait. Elle a juste dit qu'elle avait été "initiée". Et puis... elle s'est pendue au bout de quelques semaines. Elle avait 13 ans...

Elle avait pâli.
- Mais je ne pense pas qu'Astrée risque ça, ajouta-t-elle précipitamment en voyant Kasumi devenu blanc comme un linge. Elle ne peut pas les intéresser pour ça... Elle n'a plus l'âge. S'ils l'ont capturée, ils chercheront plutôt à la vendre comme servante...
Elle se prit la tête dans les mains.
- Je suis désolée... Peut-être que je me trompe, qu'elle n'a simplement pas osé revenir vers nous. Mais j'ai peur...

Quête : Rendez-vous manqué

Kasumi fut abasourdi par la révélation choquante que lui faisait la voyageuse. Comme si ses cauchemars prenaient soudain vie pour le tourmenter, un destin encore pire que ce qu’il avait pu imaginer attendait peut être la rôdeuse. Il n’y avait pas une seconde à perdre, il lui fallait rattraper son amie pour lui éviter de tomber sur les immondes esclavagistes. Le demi-elfe se refusait à imaginer qu’ils avaient peut être déjà mis la main sur elle. Penser à Astrée entre leurs mains menacerait de le briser. Il devait avant tout la retrouver, et la sortir de cette situation intolérable au plus vite songea-t-il amèrement. Il se leva sans avoir pu prononcer un mot. La voix blanche, il adressa une dernière question à la messagère de si pénibles nouvelles :

- Vous pouvez faire une dernière chose pour elle : vous les avez approchés, pouvez-vous me dire combien ils sont ? Je ne vous demanderai rien de plus.

Le ton n’était pas dénué d’une certaine pointe de reproche. Barrack n’avait pas hésité à laisser celle qu’il prétendait aimer courir le risque de se faire capturer et d’encourir un sort pire que la mort… Le rôdeur se dirigea vers sa monture, pas certain que l’autre réponde ni même désireux de perdre encore du temps à discuter.

La jeune femme soupira.
- Je ne saurais vous répondre. Je ne sais pas combien ils sont, on les a vus de loin.
Elle hésita, plongeant dans ses souvenirs.
- Je dirais qu'il y avait deux ou trois grandes tentes, et deux plus petites. Mais je ne suis pas sûre. La dernière fois, quand ils avaient capturé notre Sandra - sa voix se brisa en prononçant le prénom - ils étaient sept ou huit, pour autant de filles... Là, je ne sais pas.

Kasumi s'était approché d'Ombrage et se préparait à monter en selle.
- Attendez !
La jeune femme se précipita vers lui.
- Prenez ceci, c'est à elle.
Elle lui tendit un petit paquet ficelé.
- Sa tunique n'était pas récupérable après sa chute, mais il y a son pantalon, son couteau, son briquet, de la ficelle.... Contrairement à ce que vous devez penser de nous, on n'est pas des voleurs. On ne prend qu'un peu de nourriture, parfois, si on en manque, et toujours à des gens qui en ont de trop. Mais vous vous en fichez, je suppose.
Son ton était amer.

- Je sais que vous devez haïr Barrack. Il était sous le coup de la frustration, de la colère. Cela n'excuse rien, je sais... Mais je suis certaine que s'il arrive quelque chose à Astrée, il regrettera d'avoir réagi ainsi... J'espère que vous la retrouverez à temps, ajouta-t-elle dans un murmure. C'est quelqu'un de bien. Ah, j'oubliais... Le camp des esclavagistes se trouvait au nord-est du nôtre. Il y avait un petit sentier qui partait de notre bivouac, vers l'est, et longeait la rivière en passant sous une arche naturelle entre deux chênes. C'est par là que mon frère et elle étaient partis.

Quête : Rendez-vous manqué

Le rôdeur ressentit un brusque élan de nostalgie en récupérant les affaires qui avaient appartenu à Astrée. Ce n’était que des bricoles mais elles étaient à elle. Le demi-elfe ne se sentit pas le courage d’ouvrir le paquet. Pas sans avoir revu Astrée vivante. D’une main tremblante, il le rangea avec déférence dans ses fontes de selle. Il se retourna une dernière fois vers Eleina et lui adressa un sourire sans joie.

- Je dois y aller maintenant. Sauver ce qui peut encore l’être. Mais je tiens à vous remercier pour ce que vous avez fait pour Astrée. Les regrets sont inutiles mais je tiens à vous faire part de mes condoléances pour votre Sandra. Ne croyez pas que ce qu’elle a subi ne m’émeut pas. Les actions de votre frère sont impardonnables de mon point de vue et j’espère que nos chemins ne se croiseront plus. Mais je pense que vous aussi les réprouvez. Il est étrange que j’y pense maintenant mais par bien des aspects, vous me rappelez une femme qui vivait dans la Forêt Maudite. Elle se trouvait à la tête d’une bande de brigands mais je garde d’elle le souvenir d’une femme honorable et forte. Mais il n’est pas temps d’évoquer les souvenirs. Le temps file et si nous ne le rattrapons pas, nous courons toujours après le passé.

Le rôdeur fit volter sa monture dans la direction qui le mènerait vers le lieu supposé du dernier bivouac des esclavagistes. Il espérait ensuite remonter leur piste même s’il se désolait à l’idée de prendre un jour de retard sur le convoi d’esclavagistes. Même s’ils forçaient leurs prisonnières à marcher, le rôdeur mettrait sans doute plusieurs jours à les rattraper, plusieurs jours pendant lesquels Astrée serait à la merci de leurs ignobles attentions. Kasumi talonna sa monture, se réfugiant dans sa tâche présente de retrouver une piste et de la suivre. Il aviserait d’un plan pour libérer son aimée lorsqu’il serait temps. Même seul contre sept à huit esclavagistes, il s’efforcerait de la tirer de leurs griffes dut-il y laisser la vie.

A peine avait-il fait faire quelques pas à sa monture qu'il entendit Eleina courir derrière lui et s'exclamer :

- Vous connaissez ma soeur ? Vous connaissez Lyanna ?
Le ton de la jeune femme était empreint d'une immense stupéfaction.

- Oh, si vous la revoyez, donnez-lui le bonjour de ma part ! On la croise si rarement depuis qu'elle a choisi de quitter notre clan....

Quête : Rendez-vous manqué

Le rôdeur se retourna une dernière fois sur sa selle pour s’adresser à la voyageuse :

- Je m’en doutais lorsque je vous ai vu. Je ne manquerai pas de saluer Lyanna s’il m’est donné de la revoir. Je crois savoir qu’elle se rend souvent dans le village de Respelm si vous cherchez à obtenir de ses nouvelles.

Il talonna ensuite sa monture pour lui faire adopter un trot rapide. Sa première impulsion aurait été de mettre Ombrage au galop mais il savait d’expérience qu’un train régulier mais rapide valait mieux qu’une course trop soutenue. Le cheval mettrait plus de temps à récupérer entre deux accélérations s’il ne crevait pas tout simplement. Se forcer à ralentir lorsque le terrain se faisait plus escarpé le frustrait énormément mais il savait qu’il gagnerait du temps dans la durée à procéder ainsi. Tuer Ombrage ne serait pas que la perte d’un fidèle compagnon de voyage, cela condamnerait aussi Astrée…

Bien que la nuit fut noire, il reconnut certains point de repères qu’il avait remarqué à l’aller et s’autorisa même de prendre quelques raccourcis par rapport à la piste qu’il avait suivie initialement. Il passa à l’écart du village où il s’était arrêté plus tôt dans la journée et poursuivit sa course au travers du plateau herbu. Il repéra les signes que lui avait indiqués la sœur de Lyanna au milieu de la nuit et ne tarda pas à découvrir le lieu qui avait servi de bivouac aux esclavagistes quelques minutes à peine après. Il démonta pour laisser Ombrage souffler et se désaltérer dans un petit bassin naturel tandis que lui-même se mettait en quête d’un signe de la présence d’Astrée. Lorsqu’il serait assuré d’avoir retrouvé sa piste, il accorderait trois heures de repos au cheval et à la louve et repartirait ainsi avant l’aube, lorsque les traces seraient plus faciles à suivre.

Il ne fallut que peu de temps au rôdeur pour trouver les traces qu'il cherchait. Première Neige tomba en arrêt, à une cinquantaine de mètres seulement du campement.
Là, on voyait clairement les signes d'une lutte. Quelqu'un s'était débattu, puis avait été traîné par terre. Il y avait quelques petites traces de sang à l'endroit de l'attaque. La louve reconnut sans doute possible l'odeur d'Astrée.

A en juger par les traces de pas, le trajet de la rôdeuse suivait un sentier passant à quelques dizaines de mètres seulement du campement, qu'elle n'avait sans doute pas remarqué dans l'obscurité. Peut-être s'était-elle installée là pour se reposer un moment et avait-elle été surprise au petit matin ? Ou peut-être, ne cherchant pas spécialement la discrétion, avait-elle fait un peu de bruit qui avait alerté les esclavagistes ? Quoiqu'il en soit, elle était entre leurs mains.
D'après les traces, elle avait été trainée jusqu'au campement, où l'odeur restait présente. La louve détecta même l'odeur un peu plus loin, en direction du sud : ils étaient partis par là, des traces de sabots et de roues le confirmaient. Et le fait que l'odeur soit perceptible semblait indiquer que la rôdeuse était à pied...

Quête : Rendez-vous manqué

Kasumi dut prendre sur lui pour ne pas se remettre immédiatement en route malgré sa résolution à se reposer le temps nécessaire. Il savait maintenant sans doute possible que ses craintes étaient fondées. Une fois de plus il maudit Barrack qui avait provoqué le sort de la rôdeuse. Malgré l’égard qu’il portait à ses sœurs et sa compassion pour ses enfants orphelins, il n’hésiterait pas à lui faire chèrement payer sa félonie. Il s’installa contre un tronc d’arbre qu’il adoucit avec une couverture tirée de ses fontes mais ne se donna pas la peine de faire un feu. Il ferma les yeux et s’endormit mais son repos fut troublé par des cauchemars d’Astrée soumise aux pires traitements. Dans ces conditions fermer les yeux était une torture et lorsqu’il se réveilla, il lui sembla ne pas avoir dormi du tout. Il se mit néanmoins en route avant que l’aube ne pointe, tirant Ombrage par la bride le temps qu’il se réveille tout à fait à son tour. La louve, chasseresse infatigable avait déjà pris les devants s’acquittant de son rôle d’éclaireuse à la perfection. Kasumi se fit la réflexion que sans elle, il aurait très bien pu ne pas retrouver la trace de son amie et elle serait irrémédiablement livrée à son sort. Il ne remercierait jamais assez l’animal pour cela et pour s’être lié à lui. Une idée amusante lui traversa l’esprit comme il songeait à l’épisode du berger et à leur première chasse alors que la louve les suivait Astrée et lui pour s’emparer discrètement de leurs vivres. Son humeur devint redevint immédiatement maussade alors qu’il pensait à la rôdeuse si joyeuse capturée et détenue par la lie de l’humanité.

Quête : Rendez-vous manqué

Les traces du convoi ne remontaient qu’à 24 heures à peine, et Kasumi n’avait aucune difficulté à les suivre, même sans l’aide du flair de la louve. Elles rejoignaient, un peu plus loin, la route par laquelle il était arrivé , celle qu’il avait également suivie la veille en début d’après-midi, à mille lieues d’imaginer qu’il n'était plus sur la bonne piste. Dans moins de deux heures, il atteindrait le hameau où il avait acheté quelques provisions la veille.

A sa grande surprise, alors qu’il s’apprêtait à tout instant à voir surgir à l’horizon le petit groupe de maison, Première Neige s’arrêta net. Elle ne percevait plus l'odeur d'Astrée. Il fit encore quelques dizaines de mètres, sans que la piste réapparaisse. Pourtant, les traces de roues et de sabots continuaient tout droit, à moins que ce ne soient celles d’un autre convoi ? La route était trop fréquentée pour avoir la moindre certitude à ce sujet. Et il ne pouvait plus compter sur le flair de sa louve pour le guider.
Le hameau se trouvait à un carrefour. Tout droit se trouvait la route qu'il avait suivie la veille, en direction d'Evendum et du campement des voyageurs, au sud. Mais deux autres routes partaient de ce carrefour, l'une en direction de l'est, l'autre en direction de l'ouest. Comment savoir laquelle des trois routes était la bonne ? En espérant que les esclavagistes aient bien suivi l'une d'elle...

Quête : Rendez-vous manqué

Kasumi stoppa immédiatement Ombrage pour ne pas risquer que les traces de sa monture ne recouvrent de précieux indices. Ce brusque coup d’arrêt à sa progression marquât le retour de son angoisse et le poids de la fatigue accumulée. Durant les deux premières heures de la journée, il n’avait pas passé une minute sans se maudire pour ne pas avoir croisé cette piste évidente. S’il avait seulement dévié de quelques centaines de mètre en revenant vers le bivouac des esclavagistes, Première Neige aurait pu lui signaler l’odeur d’Astrée. Depuis lors, il avait l’impression d’avoir perdu un temps précieux. Il souffrait de chaque minute que son amie passait entre les mains de ses ravisseurs. Son imagination le tourmentait de mille images de tortures que ces monstres pouvaient faire subir à la rôdeuse alors qu’il perdait son temps à remonter une piste qu’il avait parcouru la veille. L’énormité des conséquences de son choix quant à la route à suivre le paralysait de terreur. Il ne s’agissait pas de traquer un gibier pour satisfaire son estomac ou de trouver le plus court chemin vers un bon feu et un lit confortable, il s’agissait de la vie d’Astrée, de la possibilité ou non de la revoir, du temps qu’il mettrait à la retrouver alors que chaque heure précipitait sa perte et la promesse de tourments qui détruirait celle qu’il aimait. Il s’efforça de reprendre lentement son souffle pour ralentir les battements désordonnés de son cœur et apaiser son envie de vomir le petit déjeuner qu’il s’était permis d’avaler à dos de cheval. Il avait avant tout besoin de concentrer son esprit pour faire le meilleur choix, le seul possible. Une fois une route empruntée, il savait devoir renoncer à toutes les autres ou sombrer dans la folie de l’incertitude et ne jamais revoir la femme qu’il avait connue.

Le rôdeur demanda à sa louve de tenter de repérer une odeur qu’elle avait reconnue sur la piste jusqu’ici en décrivant de larges cercles de plus en plus éloignés du point d’où disparaissait la signature odorante d’Astrée. Pendant ce temps, il examina avec attention les traces sur plusieurs dizaines de mètres en amont et en aval. Il était probable qu’à l’approche du hameau et pour emprunter une voie plus fréquentée, les esclavagistes avaient fait monter leurs « prises » dans les roulottes pour les dissimuler aux foules autant que pour les dissuader de tenter une évasion. Cependant, il ne pouvait se permettre de suivre une simple hypothèse et passa un moment à analyser le sillon à peine visible des roues, les traces laissées par les attelages qui se mêlaient tant d’autres sur cette route fréquentée et durcie par l’hiver. Il trouva un peu plus loin un sillon plus profond dans un espace dégagée de toute herbe. Cela pouvait confirmer son hypothèse comme n’avoir aucun rapport. Le temps filait et il lui faudrait bientôt prendre une décision quant à la voie à suivre. Il laissa donc Première Neige poursuivre ses investigations et il talonna Ombrage pour rejoindre au plus vite le village, espérant y trouver quelqu’un qui pourrait avoir aperçu le convoi qu’il suspectait. Si ce n’était pas le cas et que la louve ne lui fournissait pas d’indices tangibles, il devrait s’en remettre à la voie la plus logique. Il aurait fait de son mieux. Ce serait une bine maigre consolation s’il se trompait, il le savait.

Quête : Rendez-vous manqué

Tandis que Kasumi examinait de près les traces, puis se précipitait au village, la louve, conformément à ses directives, explorait les environs de la route. Sans résultats, pour l'instant, d'après les brefs contacts que le rôdeur entretenait régulièrement avec elle.
A l'approche du petit groupe de maison, la route devenait moins boueuse. Elle avait été renforcée de pierres, ce qui rendait les traces difficiles à suivre. Tant de charriots passaient par ici... Comment savoir si celui des esclavagistes était parti à droite, à gauche, ou tout droit ?

Il était encore tôt, mais déjà le hameau s'animait, davantage même que lorsqu'il était passé la veille. Une femme puisait de l'eau, quelques bergers s'éloignaient avec leur troupeau. Et la vieille femme qu'il avait vue la veille était déjà derrière son étal, fidèle au poste, en train de grignoter une tartine.
Elle ouvrit de grands yeux stupéfaits en apercevant le rôdeur.
- Vous voilà de nouveau par ici ? J'avais cru vous voir vous diriger vers Evendum hier après-midi... Ma mémoire me jouerait-elle des tours ?
On devinait que c'était une question de pure forme. Elle était bien certaine d'avoir vu le rôdeur partir en direction d'Evendum.

Quête : Rendez-vous manqué

Kasumi éprouva un étrange soulagement en revoyant un visage connu. Il se surprit à espérer follement que la vieille dame pourrait l’aider à retrouver la piste d’Astrée. Là où le flair de la louve et ses talents de pisteur avaient échoué, se pouvait-il que les dieux l’aient placée sur son chemin ? Le rôdeur n’avait jamais été très superstitieux mais il était prêt à se raccrocher à n’importe quel espoir de revoir un jour Astrée. Dut-il y passer le reste de son existence, il la tirerait des griffes de ses tourmenteurs… La tâche qui s’annonçait n’aurait rien de facile si personne ne pouvait le renseigner sur la destination du convoi. A partir du hameau, il aurait pu prendre n’importe quelle direction et fouiller toute la région lui prendrait des jours voire des semaines, le temps pour les esclavagistes d’embarquer leur sinistre cargaison. Mais il remonterait leur piste jusqu’à Mélandis s’il le fallait, il en était convaincu. Même s’il devait se perdre et vouer son âme à sa perte, il retrouverait ceux qui avaient enlevé Astrée ne serait-ce que pour assouvir sa quête de vérité et son besoin de vengeance si c’est tout ce qu’il lui restait. C’est dans cette tournure d’esprit qu’il aborda la vieille dame si accueillante avec laquelle il avait partagé le thé la veille. S’efforçant d’adoucir son expression, il lui adressa un sourire sans joie.

- Vous avez bonne mémoire mais je vous ai dit chercher la route d’Evendum, pas que je m’y rendais.

Il lui adressa un pauvre sourire avant de s’expliquer :

- Je suis à la recherche d’une amie. Hier je la croyais encore avec le groupe de nomades dont vous m’avez parlé mais je sais maintenant qu’elle a trouvé bien pire compagnie. Hier matin, un convoi d’esclavagistes est passé tout près d’ici, peut être même dans ce village. Les indices que j’ai récoltés me font craindre qu’ils aient enlevés mon amie. Je sais qu’ils ont deux roulottes ou chariots bâchés escorté par trois ou cinq chevaux. Les esclavagistes sont probablement entre trois et dix hommes. Cela vous dit quelque chose ? Le moindre indice m’aiderait à sauver mon amie…

Sa voix défaillit sur ces derniers mots. Il ne savait pas à quel point la vieille dame serait disposée à aider un parfait étranger. C’était une chose de deviser avec un client devant une tasse de thé, une tout autre d’accepter de l’aider en une affaire qui ne la concernait en rien.

Le visage de la vieille femme prit aussitôt une expression peinée.
- Oh, je suis vraiment désolée pour votre amie. Quelle horreur, ce qui lui est arrivé....
Elle secoua la tête. Sa compassion était sincère.
- Ecoutez, je ne sais pas vraiment si je vais pouvoir vous renseigner. Il y a beaucoup de convois qui passent, je ne suis pas sûre de me rappeler de tous, et encore moins de leur composition.

Elle fronça les sourcil, puis appela :
- Clément ! Viens un peu par ici !
Le jeune garçon apparut quelques instants plus tard, une tartine à la main. Apparemment, il finissait juste son petit déjeuner.
- Toi qui passe ton temps à regarder les chevaux qui passent... Ce jeune homme cherche un convoi qui serait passé hier, composé de deux roulottes, et de quelques chevaux, entre trois et cinq. Ça te dit quelque chose ?

Sans attendre la réponse, elle poursuivit, comptant sur ses doigts.
- Si je me souviens bien, il y a un convoi de trois ou quatre chariots qui est passé très tôt le matin, ils ont pris la route de droite. Un peu plus tard, il y a eu les voyageurs, mais vous le savez déjà. Ils sont passés vers 10 h du matin et sont partis tout droit. Et juste après il y a eu un autre convoi direction Evendum, à croire qu'ils se suivaient... Ils avaient l'air pressés. Mais je ne sais plus combien ils étaient.
- Deux roulottes et 4 hommes à cheval, coupa le jeune garçon. De très grandes roulottes. C'est peut-être eux.... Mais il y en a eu un autre, encore après, avec deux roulottes et 5 chevaux je crois. Ca pourrait eussi être eux.
- Oui, tu as raison. Il devait être près de 11h. Ils m'ont acheté de la viande. Ceux-ci ont pris à gauche, vers l'est. Ensuite, plus rien jusqu'à deux heures de l'après-midi. Il y a eu un convoi qui a pris la route de droite, juste avant votre arrivée.
- Ils étaient 3 roulottes, ce n'est pas eux.
- Et ensuite.... encore deux convois, vers le milieu d'après-midi, tous les deux en direction d'Evendum. Mais ils étaient moins important il me semble.

Quête : Rendez-vous manqué

Kasumi n’était malheureusement guère plus avancé après avoir écouté le compte rendu des deux marchands. Il décida cependant de faire confiance à la mémoire de ces seuls témoins. Il avait le sentiment qu’interroger les villageois ne lui apporterait que des éléments contradictoires qu’il perdrait autant de temps à démêler qu’à explorer les pistes qui s’offraient à lui. Il s’efforça donc de réfléchir le plus posément possible, évitant de trop songer aux conséquences qu’un seul mauvais choix pouvait avoir sur la rôdeuse. Il en était forcé aux hypothèses, de bien maigres constructions dépendant de ce que l’on savait ou croyait savoir et de comment l’esprit l’interprétait. Si les esclavagistes avaient disposé d’un chariot suffisamment imposant pour faire voyager leurs prisonnières, il aurait été plus logique pour eux qu’ils s’en servent durant tout leur voyage et non seulement pour les cacher durant les traversées de zones peuplées. Il était donc probable qu’ils aient fait descendre Astrée et les autres aussitôt le danger passé. S’ils avaient agi ainsi, il pouvait écarter la route menant à Evendum qu’il avait suivi des heures la veille, lorsque la piste était fraiche. Bien évidemment, si son hypothèse que les esclavagistes avaient fait marcher leurs proies se révélait fausse, cela pouvait tout aussi bien expliquer que Première Neige n’avait pas repéré l’odeur d’Astrée la veille… Finalement, plus par instinct et par un besoin pressant d’agir, il se décida à explorer la voie qu’il n’avait pas encore empruntée et qui semblait mener directement à la mer. L’activité des esclavagistes nécessitait plus de discrétion qu’un grand port comme celui d’Evendum. Si sa louve ne trouvait pas rapidement trace d’Astrée par là, il devrait réviser ses hypothèses.

Il remercia chaleureusement les deux villageois avant de talonner sa monture lorsque ceux-ci lui souhaitèrent bonne chance. La louve le rejoignit rapidement en avançant devant Ombrage sur le chemin menant vers l’est.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Au cÂœur des montagnes

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