La Couronne de Cuivre

" Vous semblez savoir aboyer facilement pour quelqu'un qui émet beaucoup d'hypothèses sur des choses dont il ne sait rien " fit Maaïsie sur un ton amusé qui masquait l'agacement profond qu'inspirait ce jeune homme. Son implication involontaire dans cette sordide histoire semblait lui conférer une importance peut-être mal placée.

" Je n'étais pas ici à propos des tristes circonstances qui affligent le Baron. En revanche, quand j'émets des hypothèses, j'essaie de les étayer par autre chose que de vagues histoires de camarades qui auraient du mal à se faufiler ici et là ". Elle toisa le jeune et le garde qui l'accompagnait, un sourire inquisiteur sur le visage.

L'orgueil du jeune mage fut piqué à vif. Et il ne put s'empêcher de répondre.

- Pensez ce que vous voulez, vous aurez au moins le mérite d'avoir essayé de vous servir de ce qu'il y a dans votre boîte crânienne. Mes hypothèses sont peut-être un peu faible, comme vous le faites remarquer, mais elles ont au moins le mérite d'exister. Je suis impliqué dans tout ceci, peut-être que c'était voulu, peut-être pas, mais dans tous les cas, je n'ai pas l'intention de rester assis à ne rien faire.

Sa réplique donnée, il se détourna légèrement de la femme pour avoir le Baron dans son champs de vision.

- L'inaction c'est laisser d'autres décider de son destin, c'est facile. Et je n'ai ni l'intention de prendre la facilité, ni de laisser d'autre décider pour moi. Ce serait laisser une trop grande part à l'incertitude.
De plus, je ne fais clairement pas confiance aux gardes pour mener cette enquête, ou tout autre affaire importante d'ailleurs. Je crois en ce vieil adage qui dit que, si l'on veut que les choses soient bien faites, il faut les faire soit même.
Et je crois Baron que pour votre plus grand bien, vous devriez faire de même. Je veux dire par là, que vous devriez agir, même depuis votre lit, plutôt que laisser d'autre le faire à votre place, dans votre position, je crois que vous ne devriez plus faire confiance à personne jusqu'à ce que toute cette histoire soit finie.

Il se tut, attendant une quelconque réaction.

Quête : Une si belle nuit

Le baron fronça les sourcil, et répliqua d'une voix un peu sèche.
- Vous m'accusez de ne pas agir ? Savez-vous que cela ne fait guère que depuis ce matin que je peux à nouveau parler ou même simplement penser sans être épuisé en quelques minutes ? Et je n'en suis pas encore à pouvoir me lever de mon lit !
Il fut secoué d'une quinte de toux, déclenchée sans doute par la colère contenue qui perçait dans son discours.
- Si cela peut vous rassurer, je n'ai guère confiance, moi non plus, dans les capacités de la garde à résoudre cette affaire. Je n'ai aucun doute sur leur bonne volonté, mais je pense qu'ils négligeront certaines pistes. Mais je ne vois pas comment je pourrai agir...

Il inspira profondément, et repris d'une voix plus calme.
- Mais je crois qu'à nous emporter ainsi, nous oublions tous les règles élémentaires de la bienséance. Je suis le baron Alfred De Percival, et voici Dame Luune, marchande d'art, ajouta-t-il en désignant Maaïsie.
Il posa un regard quelque peu interrogateur sur le jeune mage.

Yaël le remarqua, et il aurait été impoli de ne pas répondre à la question sous-entendue par ce regard.

- Yaël, de parents inconnus, et mage de l'Université de magie.

Il était conscient d'avoir mit les deux pieds dans le plat, mais ne s'en préoccupa pas.

- J'ai dit ce que j'avais à dire. Si vous n'avez rien à ne me demander ou une raison de me retenir, je vais me retirer. Je souhaiterais juste être tenu au courant de l'affaire si ce n'est trop vous demander.

Il s'inclina, lança un regard à Emeric et commença à se retourner pour partir.

Quête : Une si belle nuit.

Emeric hésitait à suivre le jeune mage, devinant que celui ne cherchait peut-être qu'à provoquer une réaction chez ses interlocuteurs.

- Attendez !
Le ton du baron était impérieux. Malgré la maladie qui le minait, il semblait désireux de conserver toute son autorité.
- Vous débarquez ici, dans ma demeure et dans ma chambre, pour lancer de vagues accusations contre le patissier, en faisant allusion également à d'autres personnes, des camarades à vous... Et vous voulez repartir, comme ça ? Pour faire quoi exactement ? A quoi vous attendez-vous, en venant me faire part de ces "informations" que vous avez déjà donné aux gardes ? A ce que je témoigne en votre faveur ? A ce que je mène une enquête moi-même ? Comme si je le pouvais, dans ma position...

Il regarda le jeune mage droit dans les yeux, conscient que le jeune homme ignorait probablement tout de la haute société de la ville, et repris, d'un ton qu'il voulait pédagogue.
- Tout ce que je peux dire ou faire est généralement répété, déformé et amplifié chez toutes les grandes familles Luméniennes. C'est déjà assez dur de penser qu'ils sont tous au courant de mon empoisonnement, qu'ils doivent jaser sur le pourquoi du comment et hésiter à me faire à nouveau confiance pour des alliances commerciales ou politiques. S'ils apprennent en plus que je contourne les autorités pour mener ma propre enquête... C'en est fini de ma réputation, cette fois-ci ! J'aurais l'air de ne pas faire confiance à ma ville, et, pour certains, ce serait vu comme une trahison.

Il se tut un instant, tourna un instant un regard interrogateur vers Maaïsie, se souvenant que la marchande d'art avait presque proposé de l'aider. Mais il ne pourrait la blâmer si elle donnait la priorité à la recherche de cette mystérieuse arme.
Puis il reprit, à l'adresse du jeune mage :
- Et vous, que comptez-vous faire exactement ?

" Si je puis me permettre ", intervint Maaïsie," j'aimerais savoir en qualité de quoi ce garde est ici présent ? Mène-t-il une enquête parallèle, ou supervise-t-il notre jeune mage fougueux et irréfléchi ? "

Elle avait souri et hoché la tête au regard du Baron, espérant le rassurer quant à son implication dans cette affaire : même si cette histoire d'empoisonnement n'avait rien à voir avec cette recherche, elle avait le désir de l'aider du mieux qu'elle pouvait...

- Il se porte garant de moi. Il surveille que je n'essaye pas de m'enfuir de la ville en gros... Euh, c'est bien ça?

Il se retourna vers le garde, en quête d'approbation.

" J'espère qu'il saura également faire attention à ce que notre jeune mage ne fasse pas n'importe quoi de sa liberté apparemment sous tutelle. Il serait dommage que le Baron ait à souffrir de son enthousiasme peu au fait des intérêts des autres, son gardien y compris ".

Maaïsie s'était levée après avoir rapidement rangé son matériel d'écriture.

" Puis-je prendre congé de vous Baron ? Je souhaiterais rapidement parcourir ces copies avant de décider comment mener ma recherche, et mon enquête ".

Quête : Une si belle nuit

Le baron hocha la tête, l'air épuisé par sa dernière intervention.
- Oui, bien sûr, vous pouvez sortir, et Gunther se chargera de vous donner les copies du manuscrit. Elle sont dans le premier tiroir de mon bureau, ajouta-t-il à l'adresse de son fils, c'est une liasse dont le premier feuillet comporte une carte, tu devrais les reconnaitre sans problème.

Puis il se tourna vers Yaël et le soldat qui l'accompagnait, interrogateur.
- Mon nom est Emeric, intervint celui-ci, et je suis chargé de veiller à ce que Yaël ne quitte pas la ville, et de faire un compte-rendu de ses activités qui pourraient avoir un lien avec le crime dont vous avez été victime. Et, accessoirement, je veillerai à ce qu'il ne prenne pas de risques inconsidérés...

Le baron hocha la tête et se tourna à nouveau vers le jeune mage.
- Vous n'avez pas répondu à mes questions, jeune homme... Que comptez-vous faire maintenant ?

Maaïsie fit une petite révérence au Baron, et attendit que Gunther ne lui donne les parchemins.

J'espère que le Baron saura quoi faire de cet imbécile...

Yaël observa de biais Maaïsie, la bonne impression qu'il avait pu avoir au début l'avait complètement quitté. Au contraire son air suffisant et son ton hautain lui donnait des envies de meurtre.
Il en détourna le regard et reposa son attention sur le baron. Il était rassuré, mais aussi inquiété, sa faiblesse le rendait manipulable par lui comme les autres. Il avait parfaitement pu le faire réagir comme il le voulait en tentant de s'esquiver. Il essaya de pousser le bouchon un peu plus loin.

- Qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire? Oui c'est une bonne question. Je croyais qu'un homme puissant et influent aurait les moyens de mener sa propre enquête, mais il semble que je me soit trompé. Dans ce cas, je ne vois pas d'autre solution que de continuer moi-même. Mais pour cela, je dois avouer que j'ai besoin de votre accord.

Gunther prit congé de son père sur un sourire embarrassé. Il avait eu l'air un peu dépassé pendant la conversation entre les différents protagonistes de l'affaire, et la tension l'avait apparemment mis mal à l'aise. Il fut donc plutôt soulagé de pouvoir s'éclipser, Maaïsie sur les talons.

Le bureau du baron était dans une petite pièce attenante, que l'on atteignait par une porte latérale. Le jeune homme s'effaça pour laisser passer Maaïsie, puis referma derrière eux.
" Il me fait froid dans le dos, celui-là. Comme s'il allait exploser..." lâcha-t-il en se dirigeant vers le meuble.

Maaïsie aurait aimé discuter plus avant avec le Baron, mais ce jeune freluquet avait tout mis par terre. Elle craignait qu'il ne pousse le Baron à bout, dans quel sens que ce soit... peut-être n'auraient-ils dû pas se retirer ? Elle soupira.

" Dites-moi Messire... Que pensez-vous de cet empoisonnement ? De ses circonstances, et du lien éventuel avec ces parchemins, ou des idées de ce jeune mage ? "

Quête : une si belle nuit.

Emeric jeta un regard inquiet et désapprobateur à Yaël. Il appréhendait visiblement la réaction du baron à une telle provocation. Le visage de celui-ci s'empourpra, masquant un instant sa pâleur maladive.

- Sachez, jeune homme, que je ne permet à personne de me dicter ce que je dois faire ou ne pas faire ! Et que je n'apprécie guère ces insinuations au sujet de mon influence... Que je mène ou non ma propre enquête ne vous regarde pas le moins du monde, et si vous voulez mener la vôtre, vous êtes libres de le faire. J'escompte toutefois être prévenu de vos résultats au fur et à mesure, est-ce clair ? Parce que dans cette affaire, si vous vous considérez comme un "dommage collatéral", il me semble pouvoir revendiquer le rôle de principal intéressé...

Yaël sourit, il aimait bien jouer avec les limites des gens, et particulièrement les mettre en colère. Il devait avouer jouer un jeu dangereux, mais c'était un moyen comme un autre de mettre du piment dans la vie.

- Je dois comprendre ceci comme un accord?
Dans tout les cas, je suis heureux de voir que cette tentative d'empoisonnement n'a que peu d'effet sur vous. Vous avez l'air de bien vous en remettre.

Il assombrit soudain sa mine, soudain sérieux, et laissant disparaître son air insolent et sa mine hautaine.

- Vous savez que vous prenez des risques en restant ainsi avec un étranger. J'aurais très bien pu vouloir votre fin. Pour quelqu'un qui a bien failli mourir, je trouve ça plutôt imprudent...

Il repris une contenance normale.

- Baron, je n'ai rien contre vous. Au contraire je ne veux que votre bien. Ne me voyez pas comme un jeune mage insolent et arrogant, quoique ce n'est surement pas faux, mais plutôt comme une extension de votre bras pour une durée indéterminée? qu'en dites vous? Nous avons des intérêts communs et votre position vous empêche d'agir comme bon vous semble, alors même que la mienne ne m'offre une liberté d'action non négligeable.

Il s'arrêta, puis rajouta.

- Vous n'êtes peut-être pas très convaincu. Ce que je vais vous dire ne vas pas vous plaire, mais le fait est que mis à part au début où j'ai manqué de savoir vivre, je vous ai fait réagir presque comme je le voulais. Je voulais vous mettre en colère, je l'ai fait, je voulais que vous me reteniez tout à l'heure, vous m'avez retenu. Sans irradier une aura particulière, je suis à même d'amener les gens là où je le souhaite, à partir du moment où j'ai réussi à les cerner. Je suis un mage, certes débutant, mais certainement pas démuni. J'ai des qualités, et des défauts j'en convient, mais je pense pouvoir vous aider.

Dans le bureau...

Gunther se gratta la nuque avec une moue indécise, puis secoua la tête.
" Je dois avouer que tout ça me dépasse. C'était mon mariage, vous voyez... J'étais... enfin... je n'aurais jamais imaginé qu'une chose aussi horrible puisse se produire le plus beau jour de ma vie... C'était... Vous avez vu Elvire. C'était inespéré pour moi qu'une fille aussi belle, aussi drôle, intelligente, puisse s'intéresser à... Enfin, vous comprenez."
Il rougit et lorgna ses chaussures.
" Ça devait être la soirée parfaite. C'était la soirée parfaite. Jusqu'à ce... cette horreur... Une partie de moi espère toujours que ce n'était qu'un... qu'une sorte d'accident. Vous savez, il arrive qu'on développe des réactions mortelles à certains aliments... sans qu'on le comprenne très bien. Soudain, la moindre noisette se métamorphose en belladone... Mais le clerc a été formel : il y a eu empoisonnement volontaire. Et personne d'autre que mon père n'est tombé malade. Donc c'est qu'on l'a ciblé... Je ne comprends pas. Père collectionne les objets depuis longtemps... Jamais rien de ce genre n'était arrivé. Il est riche et influent, c'est certain, mais à ce point-là... Je n'en sais rien, vraiment. Et il ne me parle pas souvent de ce qu'il recherche. C'est un peu... Ça m'échappe un peu, je dois dire. Donc je ne sais pas si cet objet en particulier a une valeur particulière..."

Quête : une si belle nuit.

Le baron avait recouvré son sang-froid. Il était même... trop calme. Son regard était devenu dur.
- Vous vous croyez si fort que ça ? Vous vous imaginez que je n'ai pas remarqué votre petit jeu ? J'y ai répondu, certes, comme vous le souhaitiez, mais cela ne signifie pas que je n'en étais pas conscient. Vous avez pensé me manipuler... mais je savais parfaitement que vous me provoquiez. Simplement cela m'arrangeait d'entrer dans votre jeu, et puis cela demande moins d'effort... Mais si cela peut vous rassurer, quelqu'un de moins expérimenté se serait laissé prendre sans s'en apercevoir.

Son ton se radoucit, légèrement condescendant.
- Vous êtes jeune encore. Toute discussion entre deux alliés potentiels est un mélange de comédie, de manipulation et de sincérité, d'esbrouffe et de politesse. J'ai quelques années de pratique de plus que vous...
Il sourit.
- Mais vous semblez déjà conscient de ce genre de chose, ce qui est en soi une preuve de votre intelligence. Je suis donc certain que vous êtes parfaitement à même de percer cette histoire à jour. Sans doute plus que les gardes. Vous avez donc mon accord pour mener l'enquête... Mais je ne m'associe pas à quelqu'un sans savoir ce qu'il en attend. Qu'espérez-vous donc tirer de tout cela, jeune Yaël ? Et... de quelles informations avez-vous besoin pour tirer cette histoire au clair ?

Dans le bureau

Maaïsie eut pitié du jeune Baron. Il semblait si frêle... Peut-être avait-il senti un poids lui menacer les épaules avec la disparition de son père : était-il à la hauteur pour tenir le nom de Percival ? Ce mariage avec Dame Elvire devait en effet être une bénédiction.

" Je comprends, et ne vous accablez pas ainsi... " Maaïsie sourit au jeune homme. " Retrouvez-moi donc ces documents, et je vous promets de faire tout ce que je peux pour savoir si mon expérience passée n'a pas altérée mon jugement en ce qui concerne cette affaire... "

Le Baron n'a sans doute pas l'influence des plus riches Notables de cette cité, mais c'est un homme vif et alerte, et je serais curieuse de voir sa collection de plus près... Il a peut-être eu la chance de ne rien obtenir qui n'exacerbe la convoitise d'autrui. J'aurais aimé connaître son épouse. Ils devaient être passionnant, tout autant que passionnés.

" Racontez-moi comment vous avez rencontré Dame Elvire ? " finit-elle par glisser sur un ton doux, espérant ainsi ramener le jeune homme vers des pensées plus rassérénantes.

La question sembla prendre le jeune noble au dépourvu et il rougit comme une pivoine.
" Et bien... A vrai dire... Mon père a organisé plusieurs soirées pour me permettre de rencontrer les jeunes filles de bonne famille de Luménis. Vous savez, bals et réjouissances, ce genre de choses... Mais je ne rencontrais jamais personne... Enfin si, je rencontrais beaucoup de gens, mais personne... personne avec qui aller plus avant, si vous voyez ce que je veux dire... J'étais un peu désespéré."
Il soupira, un peu troublé par ses réminiscences apparemment peu riantes.
" Elvire était l'une des dames de compagnie de la duchesse Adelaïde de Lunaros. Sa maîtresse était des plus désagréables, mais Elvire s'est tout de suite montrée gentille envers moi. On ne prête pas toujours attention du premier coup aux personnes qui nous sont... inférieures en statut, sans doute. Mais j'ai fini par repérer ses attentions. Et c'est comme ça que ça a commencé... Une danse, une deuxième, quelques mots échangés... Voilà tout."
Il se retourna vers le bureau, histoire d'y dégoter les parchemins.

" Il y a si peu de gens qui savent voir derrière les apparences. Chérissez cette jolie fleur, et sachez l'élever à vos côtés avec la dignité de votre rang. " Elle observa le jeune homme chercher les parchemins dans le bureau. " Quels sont vos projets avec votre épouse ? "

Gunther sortit une première liasse de documents qu'il posa sur la tablette, puis une seconde, mais ne semblait pas satisfait de ses découvertes.
" Et bien... On avait prévu de descendre à Antelucas pour notre lune de miel. Ils ont des plages incroyables là en bas, et j'y ai une tante maternelle qui a un château remarquable... Maintenant, avec ce qui vient d'arriver, je pense que ce n'est pas pour tout de suite. Je ne vais pas laisser mon père seul à Luménis alors que quelqu'un en veut à sa vie. Même si je ne suis pas forcément le plus à même de résoudre la situation, j'en conviens..."
Il haussa les épaules.
" Et j'ai toute confiance en nos serviteurs. Simplement... Ça se fait, n'est-ce pas ? Et s'il arrivait quelque chose..."
Il frissonna des orteils aux oreilles.
" Je ne préfère pas y penser."
Il sortit une nouvelle pile de documents.
" Sinon, Elvire veut rester à Luménis. Elle dit que c'est un endroit qui contient tout ce dont on peut rêver, et c'est vrai qu'elle n'a pas complètement tort. Elle n'a pas encore eu l'occasion de profiter des meilleurs aspects de la ville, d'autant qu'elle n'en est pas originaire, donc je comprends son désir d'y demeurer dans les années à venir. Nous verrons plus tard."

" Il est vrai que cette cité a l'air très agréable. Lorsque le navire approchait de la côté, je me disais que cette île pourrait être un endroit où j'aimerais m'installer un temps... L'impression d'être un peu isolée en plein océan, malgré sa taille. "

Maaïsie observa avec curiosité les divers documents que le jeune homme déposait sur la table au fur et à mesure. Elle ne distinguait rien qui puisse éventuellement l'intéresser ; au lieu de cela, des actes notariés, des avis divers, une invitation à une réception et même quelques factures d'artisans...

" Cette demeure est réellement fascinante. Votre père doit être fier d'avoir pu l'aménager ainsi, avec autant de goût et de distinction. Est-ce en partie l'œuvre de votre mère ? " ajouta-t-elle d'un ton encourageant, sans curiosité déplacée. A dire vrai, elle n'avait aucune idée de quand sa mère était décédée, mais elle avait l'impression que cela devait faire plusieurs années...

Quête : une si belle nuit.

Dans la chambre.

Yaël était heureux de voir qu'il avait établi un certain lien avec le baron. Il reprit le dialogue, en répondant à ses questions.

- Ce que je veux? eh bien, c'est simple et à la fois plutôt compliqué. Ce que je désire, c'est le pouvoir. Ne croyez pas que je l'envisage sur le court terme, c'est un objectif final, en quelque sorte. Je désire être plus qu'une simple marionnettes aux mains des gens supérieurs. Je ne crois pas que vous puissiez m'offrir cela, sinon un appui. Et à vrai dire, j'ai des préoccupations plus terre-à-terre, je pense qu'un peu d'or et de babioles magiques me suffiront.
Ensuite, je dois vous dire que je n'ai aucune idée de comment mener cette enquête, je suis mage et absolument pas habilité à résoudre ce genre de chose. Mais j'ai bien quelque débuts de commencements de réflexions ici ou là. Ah oui, j'aurais besoin d'aide aussi, de quelqu'un de confiance, mais d'extérieur à la famille, sans pour tout ignorer des évènement. On ne sera pas trop de trois pour résoudre cette affaire.

Il se retourna vers Emeric, lui lançant un sourire plein d'espoir.

- N'est-ce pas Emeric?

Il fit une pause, marcha quelques pas dans la pièce, visiblement en peaine réflexion.

- Mmmh, je pense aussi que le pâtissier devrait être interrogé, mais pas par moi. Et aussi limiter vos contacts avec l'extérieur le temps de notre enquête, mais sous de faux prétextes bien sûr. J'avais envisager de vous faire passer pour mort, mais ça causerait trop de problème, pour vous notamment. Il faudrait aussi avoir la liste des invités au mariage, pour voir si dans ceux-là il y aurait quelqu'un de suspect, et se renseigner un peu sur eux... Nous devrons rester discret, bien entendu, peut-être même espionner ou soudoyer si nécessaire.

Il continua de s'enfoncer dans ses pensées, ne prêtant plus vraiment attention aux autres.

- Oh ! Oui bien sûr... Je me souviens que c'est possible... mais est-ce qu'il reste un échantillon du poison? j'en doutes... Quand bien même, si c'est un poison courant, l'analyser ne nous sera pas de grande utilité...

Yaël se prit encore plus dans sa réflexion, se frottant le menton avec sa main.

- Baron, avez vous toute confiance en votre entourage?

Quête : Une si belle nuit.

Emeric cacha de son mieux sa grimace en entendant Yaël avouer si crument son attirance pour le pouvoir. Il acquiesça d'un signe de tête à la suggestion du jeune mage de l'aider, mais le laissa poursuivre sa tirade.

Le baron l'écouta lui aussi sans l'interrompre. A la dernière question, il haussa un sourcil.
- C'est étrange que vous me posiez cette question... Je me la suis posée, moi aussi, figurez-vous. On soupçonne toujours l'entourage, et le capitaine Dulac a dû harceler mon fils de questions sur tous les employés de la maison.

Il soupira.
- En y réfléchissant bien, les personnes qui bénéficieraient directement de ma mort sont mon fils et ma bru, qui hériteraient d'une immense fortune. Mais... Soupçonner ainsi sa famille... Non, j'ai pleinement confiance en mon fils. Et sa femme, Elvire... Je ne sais pas, ça a été si soudain... Elle se montre douce et attentionnée avec Gunther, et je sais qu'il est très amoureux d'elle. Mais elle n'est pas de notre monde, et je pense qu'elle lorgne sur l'héritage. Vous imaginez une si belle fille tomber sincèrement amoureuse de mon fils ? Cela me semble peut probable. Mais de là à vouloir m'assassiner, alors qu'ils avaient tout ce qu'ils désiraient, qu'ils pouvaient même aller s'installer dans une autre de nos propriétés s'ils le désiraient, avec le même train de vie... Cela me dépasse. Il me semble qu'elle pouvait très bien attendre que je finisse tranquillement mes vieux jours. Enfin... Je sais qu'il ne faut négliger aucune piste... Mais tout de même... Et après tout, il peut très bien s'agir de quelqu'un d'extérieur à la famille.

Il se tut, songeur.

Yaël prit l'information en compte.

- Bien, ce qui veut dire que nous avons du travail. Je pense que discuter avec Elvire ne sera pas de trop. Je propose de lui parler dans une salle à part. Pendant ce temps, peut-être que Emeric pourrait interroger le pâtisser?

Yaël regarda le baron en quête d'approbation.

Quête : Une si belle nuit

Le baron regarda Yaël, quelque peu interloqué.
- Vous voulez dire que vous voulez interroger Elvire ? Je ne sais pas comment vous comptez lui présenter la chose mais... Je ne pense pas qu'elle accepte de se prêter facilement à un interrogatoire, d'autant que vous n'avez pas de mandat officiel. Et je ne voudrais pas qu'elle pense que je vous ai envoyé l'interroger : si elle est innocente de tout cela, elle m'en voudra certainement d'avoir osé la soupçonner. Elle a du caractère, et je ne voudrais pas gâcher notre bonne entente familiale.

Il soupira, et durant quelques instants la fatigue due à son empoisonnement fut nettement visible sur ses traits. Mais il parvint à reprendre assez rapidement le contrôle de ses émotions.
- Parlez-lui, si vous le souhaitez, mais faites en sorte qu'elle ne sache pas que cela vient de moi. Vous pouvez très bien vouloir mener l'enquête pour votre propre compte, pour vous disculper... Je peux aussi vous donner la liste des invités au mariage, mais il n'y a parmi eux que des personnes que je connais très bien, en qui j'ai toute confiance, et qui de surcroît n'auraient aucun intérêt à m'assassiner, à ma connaissance. Je peux aussi vous donner l'identité du barde qui animait la soirée, et bien sûr du pâtissier : ce sont les deux seules personnes étrangères à la maisonnée présentes ce soir-là.

- Je pense moi aussi qu'il faut enquêter discrètement, intervint Emeric. Quant à interroger le pâtissier... Bien sûr, je pourrais m'en charger, mais cela serait contraire à mes ordres qui sont de rester avec toi. Je peux t'y accompagner, si tu le souhaites, mais pas y aller sans toi... Ou alors, si vraiment tu ne veux pas t'en charger, il faut y envoyer quelqu'un d'autre, mais je ne vois pas qui... D'ailleurs pourquoi ne pas l'interroger toi-même ?

- Parce que ma présence va le braquer, au vue de notre 'altercation', enfin... on va faire avec. Baron, nous aurions besoin de son adresse. Ainsi que celle du barde. Nous irons leur parler dans la journée. Autant en finir avec les gens extérieurs en premier.

Il réfléchit à Elvire.

- Je ne discuterais pas avec Elvire en priorité. Elle n'a pas grand chose à gagner de votre mort, visiblement en tout cas. Quand à la liste des invités, si vous faites confiance à ces gens, alors nous attendrons aussi d'avoir exploré d'autres pistes.

Il se creusa la tête, mais ne vit rien à rajouter.

- Vous auriez des informations qui puissent m'être utiles?

" Oui, en effet." fit-il. " Elle avait le goût des choses... et un oeil avisé. Père aussi, cela dit. Ils s'entendaient bien, en ça, comme en tout."
Il finit par exhiber une liasse de parchemins, apparemment satisfait, cette fois.
" Bon, je crois que c'est le bon paquet. Il y a une carte comme il l'a dit, et des feuillets... qui ont l'air en commun."
Il les feuilleta.
" Elfes et nains, c'est bien ça. Voulez-vous les compulser ici ou dans votre chambre, je ne sais pas ? "

" Je vais les prendre avec moi, s'il vous plait. " acquiesça Maaïsie. " Je les lirai tout à l'heure à tête reposée, et discuterai un peu avec votre père à nouveau. J'espère que ce mage n'en aura pas pour trop longtemps encore... "
Elle soupira. "Je le vois déjà partir en croisade contre toute la ville pour retrouver un empoisonneur déguisé en commis de pâtissier. Je ne crois pas que cette tentative soit l'œuvre de quiconque dans l'entourage du Baron. On évite les actes aussi bruyants, prêtant à tous les quolibets possibles, et surtout dans un gâteau qui pourrait toucher plus de monde... "

Maaïsie sourit au jeune baron qui tenait encore les liasses de parchemins.

" Je suis navrée de retourner ainsi ces choses Messire. Chacun voit les choses différemment selon ses expériences. Je crois avoir parcouru par trop de régions hostiles pour en retirer autre chose que de grandes idées ! "
Elle rit et repoussa des mèches de son front. " Je vais vous laisser rejoindre votre épouse. Elle doit se morfondre de vous... quoique sa nouvelle vie lui offre tant à découvrir. Je me demande comment la duchesse Adelaïde a réagi lorsque sa dame de compagnie... s'est retrouvée en plus charmante compagnie ? ", glissa-t-elle sur un doux ton inquisiteur, comme si la réaction d'une grande Dame prise au dépourvu avait la saveur du miel sur du pain chaud.

Quête : une si belle nuit

Le baron hocha la tête négativement.
- Non, je ne vois pas....
Emeric intervint à son tour.
- Il y a deux façons d'appréhender un crime. La première est de chercher qui a pu, matériellement, le commettre, la seconde est de se focaliser sur le mobile... Vous connaissez-vous des ennemis ?

- Je ne sais pas... Jusque là, je ne pensais pas, mais depuis l'autre nuit, je me pose des questions. Mais je n'ai aucune certitude... Simplement il y a effectivement quelques personnes qui bénéficieraient certainement de ma mort. Mes héritiers, certes, mais aussi quelques personnes haut placées à qui je fais de l'ombre. Et Dame Luune, que vous avez croisée tout à l'heure, m'a apporté encore un autre éclairage, que je trouve quelque peu farfelu, mais après tout... je ne sais plus que penser.

Il haussa les épaules.
- Votre idée de commencer par interroger les personnes susceptibles d'avoir versé le poison est certainement un bon début. Le barde était un elfe, nommé Elvendil. Je sais qu'il officie régulièrement à la taverne de la bienveillance, je pense qu'il y a ses quartiers. C'est là-bas que Régis, mon régisseur, l'a recruté. Un très bon musicien. Quant au pâtissier, j'ai cru comprendre qu'il tenait une boutique sur l'esplanade, pas très loin d'ici, mais je pense qu'il vaut mieux que vous demandiez à Régis où elle se trouve exactement. C'est lui qui s'est occupé de tout, vous comprenez... Vous le trouverez en bas, on va vous y conduire.

Il saisit la cordelette près de son lit, s'apprêtant à tirer la sonnette.
- Si vous n'avez pas d'autres question, je peux vous faire raccompagner en bas...


Edit : HRP : Seymour, tu peux décider de poursuivre le dialogue, ou de partir... dans ce cas je te laisse résumer qu'on te raccompagne et que tu trouves le régisseur, puis sortir... Mais comme Maaïsie s'apprête à remonter dans sa chambre (son prochain post sans doute), vous pouvez très bien vous croiser par hasard dans les couloirs... A vous de voir