[Quête : Tel est pris qui croyait prendre] Groupe 2 - Astrée

[Taliesin]

-Je suis pas ridicule, et les faits parlent contre vous ! répéta-t-il, buté. Et non, les femmes ne sont pas les égales des hommes. Là encore, les faits parlent contre vous : jalouses, incapables de rester à votre place, vous vous livrez au mal - et ici aux mages - pour essayer de nous supplanter ! C'est ce qu'on fait ces tarées que vous êtes trop heureuse de rejoindre, à votre tour ! Et vous vous êtes trahie en parlant, en disant que sans vous, Kasumi était incapable de survivre. Alors jetez aux orties l'honneur que vous n'avez de toute façon pas, révélez au grand jour la félonne qui se cache en vous, prenez place aux côtés des servantes du mal, mais ne comptez pas sur moi pour me soumettre. Jamais. Ni pour ces choses que vous me demandez de dire, ni pour celles qui suivront malgré vos dénégations !

[Voyageuse]

Cette fois-ci, la claque fusa, brutale, au moment même où il prononçait la dernière syllabe.
- Ca, c'est pour la dernière insulte, de trop ! Mets-toi dans la tête que je ne suis pas du côté du mal, que je ne l'ai jamais été et ne le serai jamais ! Mais bien sûr, tu es trop buté pour admettre qu'on puisse être de ton côté même quand on ne partage pas tes idées stupides. Quelle gamin ! Il faudra que j'ai une discussion avec ta mère et ton grand-père, je crois. Quant à Kasumi, je n'ai nullement prétendu qu'il était incapable de survivre sans moi, il se passe de moi depuis 32 ans et a survécu à des dangers bien plus grands que toi ou moi. J'ai juste dit que je ne me pardonnerais pas s'il lui arrivait quelque chose sans que je puisse tenter quoi que ce soit pour lui venir en aide.
Elle soupira, et recula.
- Je me demande vraiment pourquoi je me décarcasse pour t'aider... Tu préfèrerais sans doute que je te laisse entre les mains de l'elfe ? Oh, elle parviendrait certainement à te faire admettre que tu as tort. mais je ne suis pas certaine que tu en sortes indemme... Et j'ai promis de te protéger...

[Taliesin]

Il se frotta la joue un instant puis, s'apercevant de ce qu'il faisait, il baissa la main.
-Dans votre langage de vendue et de traîtresse, protéger, ça ressemble vachement à humilier, frapper, déshonorer... siffla-t-il. Ou ça vous donne un bon prétexte pour apaiser votre absence de conscience... Vous pouvez ainsi vous livrer à tout ce que vous avez en tête en faisant semblant d'agir pour le bien, alors que le bien vous est aussi étranger que la loyauté. Mieux : ça vous permet de ne pas laisser à d'autres le plaisir de me faire subir ce que vous rêvez de me faire subir depuis le début... Ce qui vous a poussé à promettre à mon père de vous occuper de moi. Alors que vous saviez très bien ce que vous feriez, en réalité. Vous l'avez trompé et trahi. Quant à la sorcière avec laquelle vous vous êtes alliée... Elle peut venir, je l'attends aussi. Je ne cèderai pas, quoi que vous fassiez. Un homme ne cède pas face aux femelles. Un marin de Luménis ne cède pas face à la racaille mercenaire et aux suppôts du mal. Un Longuehune ne cède pas face à ses ennemis.

[Voyageuse]

- Je ne suis pas ton ennemie, soupira-t-elle. Je suis de ton côté, même si tu ne veux pas l'admettre. Et quand tu l'auras compris, j'ai peur qu'il ne soit trop tard... Mais je ne vois pas ce que je peux dire de plus pour te convaincre, alors... je vais me taire. Et me contenter d'essayer de te protéger malgré toi.
Elle croisa les bras. Elle ne pouvait rien ajouter, Léo ne serait sensible à aucun argument. Mais elle ne laisserait pas l'elfe lui faire du mal.

[Taliesin]

-Vous ne voulez plus rien tenter ? demanda celle-ci. Vous ne souhaitez pas user d'autres moyens que la parole pour essayer de le ramener à des dispositions d'esprit plus acceptables ? Réfléchissez bien. Car si c'est le cas, je vais vous conduire dans la pièce au-dessus et vous préparer une décoction qui vous accordera un repos bien mérité. Pendant ce temps, je m'occuperai de ce garçon. Avec mes propres méthodes.

[Voyageuse]

Astrée fronça les sourcils.
- Il est hors de question que je vous laisse seule avec ce garçon, il est sous ma responsabilité : son père m'a chargée de veiller sur lui. Et je ne vois pas de quel moyen, autre que la parole, je pourrais user pour le faire changer d'attitude. Mais si vous avez des idées de ce que je pourrais tenter, je suis prête à vous écouter.
Elle jeta un coup d'oeil à Léo, espérant que le gosse changerait d'attitude, qu'il comprendrait combien il était de son intérêt de se montrer plus conciliant...
- A moins que tu n'aies une idée, toi, Léo ? Que puis-je faire pour te prouver que les hommes ne sont pas supérieurs aux femmes, que nous sommes tous égaux ?

[Taliesin]

Le gamin cracha à nouveau par terre.
-Autant essayer de prouver que les orques sont le peuple le plus civilisé au monde ou que Baine est un dieu bienveillant ! lâcha-t-il avec un dédain ostentatoire.
L'elfe ne lui prêta pas la moindre attention. Elle resta les yeux rivés sur Astrée.
-Je ne puis vous donner aucune idée. D'abord, si vous les appliquiez, le garçon vous verrait encore davantage comme ma complice, mon exécutante. Et il aurait une base supplémentaire pour appuyer ses convictions. Ensuite, vous avez tous les éléments nécessaires pour passer à l'action : vous connaissez le but, à savoir le priver des fondements de sa prétention démesurée, le dépouiller de son orgueil illégitime, afin de le mettre en état d'entendre les paroles qui, pour l'heure, restent lettre morte. Vous connaissez aussi ces fondements, ces choses auxquelles il se raccroche à toute force : elles sont apparues de manière limpides dans son discours. Discours que vous avez écouté. Bref : vous êtes en mesure d'agir. Si vous renoncez après avoir seulement usé de mots, c'est que vous avez peur de franchir le pas. Peur de faire ce qu'il faut pour le sauver du trépas. Vous vous mettez donc dans l'impossibilité de tenir votre serment...
Elle soupira.
-Mais je n'ai pas peur, moi. J'ai pour mission de voir si ce garçon peut être sauvé : je m'y appliquerai donc. Et j'ai envie de vous aider. Même malgré vous. Vous ne pourrez rester ici si je suis amenée à intervenir : votre peur vous pousserait à vous interposer, à réduire mes efforts à néant. A le condamner, au final. C'est pourquoi, si vous abandonnez, et que cela vous plaise ou non, vous monterez, et me laisserez seule avec lui.

[Voyageuse]

Astrée poussa un soupir. Elle ne pouvait pas laisser la femme seule avec Léo. Lathandre seul savait ce qu'elle allait lui faire.
Elle se tourna vers le jeune mousse, et tenta de lui expliquer calmement les choses.
- Si je te laisse seul avec elle... Je n'ose pas imaginer ce qu'elle risque de te faire. Donc je n'ai pas le choix, il faut que je tente quelque chose. Même si ça ne te plaît pas. Il faut que je te convainque que tu as tort.
Oh, bien sûr, il allait interpréter cela d'une toute autre manière, c'était certain. Et la haïr sans doute, l'accuser de vouloir le torturer et pire encore. Mais elle n'avait pas le choix...

Elle inspira profondément, et regarda le mousse droit ans les yeux.
- Léo... Tu n'es qu'un gosse, ne t'en déplaise. Mais voilà, depuis que ton père t'a nommé mousse, cédant sans doute à tes demandes incessantes, tu t'imagines que tu es un homme. Alors que ton attitude prouve que tu es à des lieues d'en avoir la sagesse. Tu en as peut-être le courage, certes, mais que tu utilises pour t'accrocher à des idées stupides et maintenir une attitude butée. Le véritable courage serait d'accepter de remettre en cause tes idées. Tu n'en as pas l'intelligence, sinon tu comprendrais tout seul que ta stratégie ne te mènera à rien. Je suppose que tu n'en as pas la force, puisque tu as refusé mon défi. Donc, non, Léo, tu n'es pas un homme. Juste un gamin. Et puisque ton habit de mousse te fait croire le contraire, et bien tu vas me donner sur-le-champ cette veste et son écusson. Je te les rendrai, je te l'ai dit, je jour où tu m'auras prouvé que tu es digne de les porter.
Elle s'avança, froidement, vers le mousse. Cette fois-ci, quoiqu'il dise ou fasse pour se défendre, elle lui prendrait sa veste. Elle savait qu'il ne faisait pas le poids face à elle. Elle en serait quitte pour quelques bleus...

[Taliesin]

Le gamin avait reculé d'un pas et, à nouveau, levé les poings.
-Vous ne me prendrez ni l'écusson, ni la veste, ni rien d'autre... gronda-t-il. Vous êtes indigne de les toucher. Mais de votre indignité crasse, vous n'avez cure, comme vous n'avez cure de l'honneur ou de la loyauté ! Qu'importe : je vous résisterai. Oh oui...
Il s'était exprimé sur un ton et avec un vocabulaire des plus solennels. Et dans son regard brûlait une flamme vive qui indiquait assez qu'il comptait se montrer à la hauteur de sa déclaration.

[Voyageuse]

Astrée haussa les épaules, excédée.
- Ecoute, ça suffit. je t'ai expliqué que je n'avais pas d'autre choix. Et donc tu vas me les donner, que ça te plaise ou non.
D'un geste vif, elle tenta d'attraper un poignet du jeune mousse, tandis que l'autre main saisissait la vareuse, décidée à la lui arracher, coûte que coûte. Il faudrait sans doute l'immobiliser par les deux poignets, peut-être même lui tordre légèrement le bras dans le dos... mais elle parviendrait à son but.

[Taliesin]

Comme l'avait annoncé le mousse, il ne se laissa pas dépouiller sans réaction. Alors qu'Astrée saisissait un pan de la veste, il la gratifia de violents coups de son poing libre qui martelèrent le bras ennemi ; il l'harcela de rudes coups de pieds dans les jambes, visant avec soin les endroits sensibles : tibias, genoux... Malheureusement pour lui, ses sandales artisanales ne valaient pas des bottes. Et, outre le fait qu'elles ne survécurent pas à cet usage inadéquat, elles ne causèrent guère de douleur à la rôdeuse.
La lutte promettait cependant d'être rude, car Léo se démenait de plus en plus au fur et à mesure que la traction sur sa vareuse s'accentuait. Pourtant, l'affrontement connut un terme prématuré. Il y eut un craquement de tissu déchiré : l'instant suivant, le vêtement quittait les épaules du garçon et, plus en lambeaux que jamais, presque séparée en deux, à dire vrai, se retrouva dans la seule main de la Luménienne.
Léo en profita pour dégager son poignet, pour reculer de quelques pas. La fureur qui l'habitait paraissait avoir encore cru d'un cran.
-Vous me le paierez... cracha-t-il, haineux.
Ses poings étaient toujours levés. Toujours serrés. Toujours prêts à frapper.

[Voyageuse]

Astrée grimaça et étouffa quelques gémissements sous les assauts de Léo. Mais elle ne fit que hausser les épaules en réponse à sa remarque agressive.
- Sans doute, répondit-elle, fataliste. Mais moi, je ne voulais pas la déchirer, si tu me l'avais donnée elle serait encore en un seul morceau. Mais remarque, vu son état, elle n'était plus utilisable de toute façon. Et de toute façon, tu voulais quitter le navire, abandonner la mission, ce qui n'est pas digne d'un marin, donc tu ne méritais plus cet écusson. Et rassure-toi, la marine de Luménis te donnera sûrement un autre uniforme à ton retour... si on parvient à rentrer sain et sauf. Peut-être même un uniforme avec un grade supérieur si on réussit la mission. Et je te fabriquerai d'autres sandales.

Elle hésita, se demandant si... si pousser le bouchon un peu plus loin pouvait le faire craquer... ou au contraire empirerait les choses.
- Bon... Selon toi, une femme ne peut pas être marin ni porter cet insigne, c'est ça ? questionna-t-elle en détachant l'insigne de la vareuse.
Elle fouilla dans sa trousse de secours, en tira une petite épingle, et fit mine d'accrocher l'écusson à sa tunique. Elle se tenait prête à maîtriser le gosse si celui-ci l'attaquait. Il fallait qu'il se rende compte qu'il n'avait pas le dessus. L'idéal serait qu'il finisse par craquer, comme l'autre soir après la gifle...

[Taliesin]

L'expression d'indignation qui se peignit sur les traits du gamin fut aussi impressionnante que brève. Car s'il avait été indéniablement atteint, il parvenait encore à garder la maîtrise de lui-même. Et, déjà, il reculait d'un nouveau pas, remettait de l'ordre dans sa mise, redressant son col déchiré, rajustant ses manches.
-Il faut plus qu'un écusson volé pour faire d'une immonde femelle un marin digne de ce nom... gronda-t-il. Vous profanez cet insigne rien qu'en le touchant. Vous profanez aussi toutes les valeurs qu'il représente. Mais qu'attendre de mieux d'une traîtresse ?
Il fallait reconnaître que, malgré ses onze printemps, malgré les haillons qu'il portait, le jeune Léobald Longuehune en imposait. Il avait du cran, indéniablement. Dommage qu'il en use à mauvais escient...

[Voyageuse]

Astrée soupira.
- Je ne suis pas une traitresse. Toi, en revanche, ton attitude me paraît plutôt déshonorante pour l'honneur Luménien.Les autorités nous font confiance pour une mission, et, au lieu de faire tout ton possible pour la mener à bout, tu joues le grand mélodrame en préférant mourir. De plus, ton attitude arrogante et irrespectueuse envers les femmes en général est une injure aux valeurs luméniennes. C'est dommage, pour un p'tit gars courageux comme toi, de ne pas avoir le discernement pour comprendre ça. Mais bon, on en a déjà parlé.

Elle termina de fixer l'insigne à sa veste, se creusant la tête pour trouver un moyen de faire plier le mousse.
- Maintenant, voyons un peu qui est le plus fort de nous deux au combat.
Elle ne lui laisserait pas le choix cette fois-ci, elle l'attaquerait et il serait obligé de se défendre. Elle se tourna vers l'elfe.
- Vous me permettez d'aller tailler une épée de bois pour ce garçon ? Moi je prendrai un simple bâton...

[Taliesin]

-Nous n'avons pas le temps de tailler une épée, répondit l'elfe. Il y a bien deux manches à balai qui trainent dans ce coin-ci, mais...
-Mais je me battrai pas avec cette traînée, fit Léo, comme s'il verbalisait la réserve de la vieille femme. Je l'ai dit : ce serait lui faire trop d'honneur. Elle pourra me cogner tant qu'elle voudra avec son balai, je répondrai pas. Elle n'en vaut pas la peine, et je saurai résister à la torture. Parce que je suis un homme, et pas une pleureuse de gonzesse !

[Voyageuse]

Astrée serra les poings, et empoigna Léo par le col - du moins ce qui restait du col de sa chemise, le secouant vigoureusement.
- Non, tu n'es pas un homme. Tu es un gosse, et tu dois respect et obéissance aux adultes. Un point c'est tout. Tu n'as même pas encore mué, je te fais remarquer, sans parler que tu n'as aucun signe de virilité. Et même si tu en avais... ça ne suffirait pas à faire de toi un homme. Et en plus tu es un lâche, tu as tellement la frousse de te faire battre par une femme que tu te retranches derrière n'importe quel argument stupide pour éviter de te mesurer à moi.
Elle le poussa brusquement en arrière, lâchant son col.
- Je me demande vraiment pourquoi je perds mon temps avec toi. Même une mule a plus de sagesse. Tu ferais mieux de rester jouer avec des jouets de ton âge, au lieu de vouloir te faire passer pour un homme que tu n'es pas. Je comprends pourquoi ta mère voulait te garder à la maison.

Elle soupira, secoua la tête.
- Et pourtant... Tu as du potentiel, tu sais. Tu serais devenu un homme fort, courageux et volontaire. Si seulement tu le voulais...
Cela ne servait à rien de parler, elle le savait. Il fallait agir. Elle saisit l'un des manches à balai et le lui lança, attrapant le second de l'autre main.
- Tiens. Montre-moi un peu ce que tu as dans le ventre... Si tu es aussi agile et souple que tu en as l'air...
Et sans attendre la réponse, sans lui laisser le temps de réfléchir, elle lança son propre "bâton" à hauteur de hanche, du côté où il tenait le sien. Un coup facile à parer, d'un simple geste réflexe, sans réfléchir.

[Taliesin]

Les paroles d'Astrée quant à sa mue non encore advenue et à l'absence, chez lui, de signes de virilité touchèrent manifestement juste. C'était peut-être le premier coup ayant vraiment porté. Le gamin jeta un regard haineux à la rôdeuse mais finit par se reprendre.
Et lorsqu'elle l'attaqua, il ouvrit la main, lâcha le bâton qu'il avait attrapé sans vraiment y prendre garde.
-Allez vous faire foutre, immonde traîtresse : je ne vous ferai pas l'honneur de vous combattre ! cracha-t-il juste avant que l'arme de son adversaire ne l'atteigne et ne lui arrache un léger grognement.
Une fois encore, cependant, il se contint, se redressa.
-Allez y, continuez, faites-vous plaisir... Mais je vous prouverai, moi, que je suis un homme et que vos mensonges ne m'atteignent pas.

[Voyageuse]

Astrée frappa une deuxième fois, une troisième. Juste pour lui montrer qu'elle était aussi têtue que lui... Mais elle contenait ses coups, évitant de le blesser : il s'en tirerait avec quelques bleus.
Le quatrième coup visa, comme par hasard, le haut de la cuisse... tout près de la zone de l'entre-jambe qui semblait tant le préoccuper.
- Oh, excuse-moi, j'ai bien failli te transformer en fille pour le restant de tes jours, fit Astrée d'un ton mi-innocent, mi-ironique. Quelle déchéance ça aurait été. Ton honneur et ton courage auraient subitement disparu pour laisser place à... comment tu dis, déjà ? Ah oui, une pleureuse de gonzesse.... Tout ça par un simple accident...

[Taliesin]

Si le gamin avait jusqu'ici supporté les coups avec un aplomb étonnant - et inquiétant -, le dernier l'avait fait se tendre, indéniablement.
La flamme dans son regard s'éteignit brièvement avant de revenir, plus vive encore... Puis il se fendit d'un sourire mauvais.
-Il faut plus qu'un malheureux coup de bâton pour transformer un homme en femme, sorcière. Mais c'est bien, vous venez de vous trahir vous-même, de réduire à néant vos mensonges : si vous visiez justement là, c'est que j'en ai bien, des signes de virilité. Ce que vous savez parfaitement... Je vous sais donc gré, pour une fois, de reconnaître la vérité en face.
Sa bravade déclamée sur un ton narquois qui ne suffisait pas tout à fait à masquer son inquiétude, il se prépara de son mieux a accuser le coup de bâton suivant.

[Voyageuse]

Elle avait touché juste. Elle répondit d'un ton ironique.
- Ben non, pour l'instant tu as juste un petit zizi qui grandira un jour... s'il ne lui arrive rien d'ici là! On ne peut pas appeler ça un signe de virilité, sauf à admettre que le moindre bébé de sexe masculin est viril.
Elle frappa un nouveau coup, au même endroit. Pas trop fort.
- Et donc... Tu considères que même si on te démolit ce morceau de ton anatomie, tu resteras un homme... Parfait ! Au moins as-tu compris que ta personnalité ne se résume pas à ta zigounette, ce dont je commençais à douter. Et donc... Tu dis que même sans ça, tu restes un homme... Qu'est-ce qui te différencie d'une femme, alors ? Je ne comprends pas ton raisonnement.

[Taliesin]

Léo s'était brutalement empourpré, vexé sinon humilié par les premiers mots de la rôdeuse. Il battit des paupières, grimaça, parut sur le point de protester avec véhémence, puis jeta un regard au bâton gisant au sol, comme s'il comptait s'en emparer et rouer de coups son assaillante.
Pourtant, il n'en fit rien. Retrouvant à grand peine une contenance, remettant à nouveau de l'ordre dans sa mise loqueteuse et dans ses cheveux hirsutes, il darda sur elle un regard où la flamme avait encore cru d'intensité, au point, presque, d'en paraître démente.
-Ce qui me différencie de vous autres créatures diaboliques, je vous l'ai déjà dit mille et mille fois : l'honneur, la loyauté, la droiture, le refus du mensonge. ou de l'imposition à autrui de souffrances inutiles. Moi, contrairement à vous, je ne prendrai jamais plaisir à torturer quelqu'un, à le frapper, à l'humilier par des insinuations aussi ridicules que mensongères. Et oui, cette partie de notre anatomie nous différencie complètement de vous, pour la simple et bonne raison que nous l'avons, que nous ne sommes pas jaloux de ce que vous avez, vous, que nous n'éprouvons pas le besoin d'y revenir sans cesse. Alors que de votre côté... Vous nous jalousez. Vous voudrez avoir ça. Vous ne pensez qu'à ça. Vous en avez une nouvelle fois montré la preuve, comme vous en avez montré la preuve en déjà bien des occasions. Et comme vous ne pouvez pas avoir cette chose, vous faites semblant de la mépriser, de la trouver ridicule, de la minimiser... On fait toujours ça quand on ne peut pas avoir l'objet de ses désirs. Vous le faites à l'instant. Vous voyez dans cette chose que vous tentez de moquer sans réel motif et contre toute réalité ce qui symbolise pour vous notre pouvoir, alors qu'il est basé sur les qualités que j'évoquais... Mais soit, vous êtes trop stupide pour comprendre. Alors... Frappez là si vous voulez : je saurai tenir bon. Mentez sur ça si vous voulez : je sais ce qu'il en est, moi, oh oui. Continuez à puiser votre satisfaction dans ce que vous m'infligez. Je vous montrerai ce qu'est un homme. Ce que vous ne serez jamais, vous. Un homme de Luménis ne cède pas face aux servantes des ténèbres. Et un homme de Luménis croit en la justice : je sais qu'un jour vous paierez vos crimes. Les nôtres vous captureront, vous jugeront... Et vous enverront peut-être comme esclave dans un bordel mélandien, quoi que ce serait encore un châtiment trop doux et que vous seriez capable d'y trouver votre compte, tellement vous êtes vile, tordue, perverse...
Son ton s'était peu à peu enflammé, et c'était à moitié en criant, les poings campés sur les hanches et le visage rubicond, qu'il avait terminé sa tirade. Difficile de savoir s'il tentait de noyer le poisson sous une avalanche de vociférations ou s'il croyait réellement à ses propos.

[Voyageuse]

Aux derniers mots, Astrée avait lâché son bâton et giflé le garçon. Avec un mélange étrange de colère rentrée et de calme froid.
- Tu dépasses les bornes, Léo. Et je me demande si tu ne deviens pas complètement fou. Ressaisis-toi, bon sang, tu te rends compte du spectacle que tu offres en débitant toutes ces âneries ? Tu es sûr que tu es dans ton état normal ? Je me fais du souci, vraiment, à te voir sortir des discours stupides comme ça. On dirait que tu répètes des choses que tu as entendues, comme un discours appris par coeur.... Ca ne ressemble pas au jeune homme qui voulait rendre service et soigner ma blessure. Ca ne te ressemble pas, léo.
Pourtant, si, ça lui ressemblait, en un sens - du moins ça ressemblait à une partie de lui-même, celle qui avait déjà eu des propos sexistes l'autre soir. Comme s'il se raccrochait à cette partie de lui-même....
- Je vais finir par croire que nos hôtes ont raison lorsqu'elles disent que les mages tentent d'influencer toutes les personnes de sexe masculin des environs... Es-tu sûr d'être le jeune mousse que j'ai connu ? Je me demande si tu n'as pas de la fièvre quand je t'entends délirer come ça....

[Taliesin]

Le gamin, qui réprimait à grand peine l'envie de se masser la joue, jeta à la rôdeuse un regard empli d'une colère presque tangible.
-J'ai commis l'erreur de ne pas m'arrêter à votre sexe, de penser que vous pouviez être quelqu'un de bien même si vous étiez une femme. Et j'ai donc été gentil avec vous. Alors que vous m'aviez déjà frappé, déjà humilié de bien des manières. Je n'ai pas voulu m'arrêter à ça non plus. Mais voilà, vous m'avez trompé, comme vous avez trompé tous les autres. Vous aviez sans doute l'intention de nous trahir depuis le début... Et l'intention de me torturer, aussi. C'est sans doute juste pour ça que vous avez demandé à mon père de me confier à vous. Vous ne méritez donc que mon mépris, que ma haine. Quoi que vous disiez, quoi que vous fassiez, je ne crierai pas grâce, je n'obéirai pas, je ne cèderai pas. Et c'est d'ailleurs la dernière fois que je vous répond : vous parler, c'est faire trop d'honneur à la créature dévoyée que vous êtes.

[Voyageuse]

Astrée le regardait, incrédule - et à la limite du désespoir. Le faire changer d'avis relevait de la mission impossible.
- Ma parole, tu délires. Tu délires complètement et tu inventes n'importe quoi... Et pourtant, je ne peux pas t'abandonner seul ici, je n'en ai pas le droit...
Elle poussa un soupir.
- Bon, puisque tu es têtu comme une mule... ca ne sert àà rien que je te pousse à te battre. Allez, fais-moi voir tes bleus, que je te soigne ça, au moins je servirai à quelque chose... J'ai un onguent dans ma trousse de secours, dans ma poche.

[Taliesin]

Le gamin secoua la tête, déterminé.
-Pas question ! Mes bleus, je les porterai avec fierté, comme autant de marques de mon courage et de votre barbarie. Ensuite, ça sert à rien de faire semblant d'être gentille : je suis pas assez stupide pour vous croire, surtout après ce que vous avez montré. Et... Je sais très bien ce que vous avez en tête, en me proposant ça ! Je suis pas naïf...

[Voyageuse]

A nouveau, Astrée soupira, secoua la tête.
- Bon, laissons de côté le différent qui nous oppose, toi et moi, et revenons au problème du jour. Comment comptes-tu convaincre notre hôte de ne pas en arriver à des procédés excessifs te concernant ? Parce que je tiens à te ramener chez toi en vie et en un seul morceau, je te l'ai déjà dit, tu es sous ma responsabilité. Et malheureusement.... cela ne dépend que de toi. De ta capacité à admettre que les femmes et les hommes sont égaux. Je ne nie pas qu'on a quelques différences, les hommes ont en moyenne plus de muscles et les femmes ont en moyenne plus de douceur, mais c'est davantage une question d'éducation que de biologie : un homme s'entraîne plus à se battre et une femme plus à s'occuper des gosses. Au fond de toi, tu sais très bien qu'on est tous égaux :ton père aimerait-il ta mère s'il la jugeait inférieure à lui ? D'ailleurs... si je te disais que je suis un homme déguisé en femme, et Kasumi une femme travestie en homme... Verrais-tu une différence ?

[Taliesin]

Léo poussa un soupir aussi hargneux qu'agacé.
-J'ai dit que je ne vous répondrai plus, mais apparemment, avec vos capacités limités, vous avez du mal à comprendre un langage pourtant simple et clair... Mais bon, pour la dernière fois : je ne vais pas chercher à convaincre cette sorcière de quoi que ce soit. Je n'implorerai pas, je ne me soumettrai pas, je ne reconnaîtrai rien du tout. Je subirai ce que je dois subir avec le courage, la dignité et la droiture des hommes de Luménis. C'est assez clair, comme ça ? Ah, et quand à être un homme déguisé... Soyez pas ridicule, voulez-vous ? Autant demander à un troll de se déguiser en danseuse !
Il croisa les bras et retomba dans son mutisme butée. C'est l'instant que choisit la vieille elfe pour reprendre la parole.
-Vous semblez à cours de moyens, madame. Puis-je suggérer que vous vous retiriez, afin que je prenne les choses en main ? Nous ne pouvons plus nous permettre de perdre du temps. L'heure est... à l'efficacité.

[Voyageuse]

Astrée soupira. Et secoua la tête. Elle ne pouvait pas prendre le risque d'abandonner léo, aussi odieux soit-il, avec quelqu'un qui allait sans doute lui faire du mal.
- Je suis responsable de ce gosse, son père me l'a confié. Je ne peux pas le laisser entre vos mains sans savoir ce que vous comptez lui faire exactement. Il faut que vous m'expliquiez....

[Taliesin]

La vieille femme soupira.
-La seule chose que je peux vous dire, c'est que je vais le pousser à bout, le faire craquer. C'est l'unique solution : s'il reste dans cet état d'esprit, il sera exécuta. Ce que ni vous ni moi ne voulons. Quant au comment... Vous n'en saurez rien et, pour parler franc, si j'ai bien quelques pistes en tête, je ne peux présumer de la tournure que prendront les choses. J'ai néanmoins bon espoir de réussite : son discours était éloquent en bien des points. Je vais donc m'en inspirer pour l'atteindre.

[Voyageuse]

Astrée n'avait aucune envie de laisser Léo affronter seul ce qui l'attendait. Même si c'était tentant de le laisser assumer ses responsabilités. Elle savait bien qu'il fallait le faire craquer, et elle aurait voulu tenter encore quelque chose... mais quoi ?
Elle tenta de le raisonner, encore une fois.
-Léo... Si je te laisse seul avec cette femme, je ne sais pas ce qu'elle va te faire... Mais il faut t'attendre au pire... Et ce n'est pas la peine de me sortir que tu vas être courageux et souffrir sans broncher, tu te mets le doigts dans l'oeil ! Face à la souffrance, tout le monde craque. Et seul ceux qui n'ont jamais vraiment souffert osent prétendre le contraire. Ce qui semble être ton cas....
Elle secoua la tête.
- Tout ça parce que tu refuses d'admettre que tu es un gosse qui ne connaît absolument rien aux femmes, malgré tout ce que tu prétends. Tu te vantes d'avoir vu des putes, je sais parfaitement que tu les as juste aperçues de loin, aucun marin n'aurait osé emmener le fils du capitaine dans un lieu trop mal famé. Parce que c'est ça que tu étais, sur le bateau, juste le fils du capitaine. Un futur marin, sans doute. Mais pour l'heure, juste un gosse qui veut imiter les grands et qui croit tout ce qu'on lui raconte. Y compris les pires absurdités concernant les femmes que tu rêves tant de connaître. Et que tu ne connaîtras jamais, vu ton attitude. pas plus que tu ne connaîtras l'honneur de devenir un vrai marin.
Elle poursuivit.
- Léo, tu me fais de la peine... Et je voudrais t'aider, ne pas la laisser te faire du mal. Mais là, tu te conduis de façon tellement stupide que je ne peux rien pour toi. Je te laisse une dernière chance : veux-tu accepter qu'on en discute tous les deux, écouter mes arguments, ou préfères-tu en parler...avec elle ?