La Couronne de Cuivre

Voyant que le conducteur n'avait rien d'un monstre inquiétant et qu'il était sur le point de se dégage étant donné l'état de son véhicule, Benny décida que, tout compte fait, le plan proposé avec force par Piotr n'était pas si mauvais. Qui pourrait leur reprocher en effet d'avoir cherché à récupérer leurs affaires dans cette situation où des vêtements chauds et du matériel de randonnée allait sans doute être plus que nécessaires. Benoît posa la main sur l'épaule de Bellatrix pour attirer discrètement son attention.

- On devrait aller récupérer ce qu'il y a dans la soute comme le suggère Piotr. On ne sait jamais ce qui pourra nous être utile mais mieux vaut prévoir des gourdes et nos vêtements chauds aussi.

Le gamin n'avait pas remarqué l'accident dont avait été victime Christophe mais ce conseil s'appliquerait d'autant plus à lui.

Dans les films qu'elle aimait, ceux qui disparaissaient le plus vite étaient les imbéciles qui ne s'étaient pas ménagé une issue de sortir. Or, s'ils restaient dans le bus, ils ne pourraient pas sortir si le jeune homme se révélait hostile. Aussi Bellatrix approuva-t-elle Pierre et Benny. D'autant plus qu'il lui tardait de récupérer son poster de sa famille rêvée ainsi qu'un pull over plus chaud que les autres. Ils pourraient se cacher et observer.

Par contre, ils avaient besoin de se protéger. C'était une question si nez (ou ciné ?) quoi nonne (comme le disait souvent son père) à la survie.

"Peut-être qu'il nous faudrait des armes. Enfin, des bouts de bois. Comme ça, personne osera nous attaquer."

Pierre poussa un soupir de soulagement : ce qu'avaient vu ses deux camarades, sans être terrifiant (à en juger par leur réaction) les avait malgré tout convaincus d'abonder en son sens. Il aimait autant ça car, décidément, il n'avait pas envie de faire la connaissance de ce chauffard colérique.
-Allons y, alors ! souffla-t-il en prenant déjà la direction de l'avant du car. J'ai amené mon épée dans mon sac, mais trouver des bâtons, c'est une super idée !
Les films d'horreurs étant très proches des cauchemars, connaître quelqu'un qui les adorait et savait donc comment réagir face à des monstres ou à des situations angoissantes leur serait très précieux !

Le groupe put sortir du car sans problème. La porte empruntée n’avait pas souffert de l’accident. Au dehors, le vent et le crachin se firent plus présents, intensifiant la sensation de froid. Christophe, en particulier, risquait de vite grelotter. La soute se trouvait du même côté que les portes. Hélas, elle était verrouillée. Il fallait trouver les clés ou un autre moyen pour ouvrir.

De l’autre côté du véhicule, tous pouvaient entendre les violentes tentatives du conducteur pour s’extraire de son épave. Difficile de savoir combien de temps ça allait lui prendre. La situation, en tout cas, lui déplaisait au plus haut point. Sa fureur semblait avoir montée d’un cran. C’était un vrai forcené.

A quelques mètres à peine de l’accident, un large chemin s’écartait de la départementale. Il allait se perdre dans un bois assez sinistre. A son commencement, un panneau se dressait. On pouvait y lire en grosses lettres capitales : Domaine des Divorcés.

Si les enfants cherchaient un endroit à proximité où se cacher, ils n’avaient que l’embarra du choix. Buissons, bosquets isolés et arbustes s’offraient à eux. Ils n’auraient non plus pas beaucoup de mal à se procurer des morceaux de bois.

Christophe aperçu ce qui, peut-être, pouvait correspondre à ce qu’il cherchait. Un siège défoncé laissait voir une tige de fer, mais il fallait prendre le temps de l’arracher. Or du temps, ils en manquaient.

Pas de clé sur le contact. Pierre ouvrit donc en toute hâte la boîte à gants. Un trousseau s’y trouvait, en compagnie d’un briquet, d’un paquet de cigarettes à moitié vide et de quelques autres menus objets. L’instant d’après, Piotr était de retour auprès de ses camarades et il testait une à une les clés dans la serrure de la soute. Le troisième essai fut le bon. Les enfants durent s’y mettre à plusieurs pour faire pivoter la lourde porte. A l’intérieur, leurs sacs de voyage attendaient. Ceux des autres avaient disparus.

Les élèves étaient tous capable de porter ou trainer leur sac. Toutefois, s’ils envisageaient une longue marche, ils ne pourraient l’entreprendre aussi chargé.

Un grincement plus fort, plus strident que les précédents, surprit la petite troupe. Les craintes d’Engoulevent étaient en train de se réaliser. La portière allait céder et le conducteur, ivre de rage, allait être libre. Il vociférait des obscénités, traitant sa prison de tôle de tous les noms. Il maudissait aussi le car qui, selon lui, avait pris un malin plaisir à lui saccager sa journée.

Benoît récupéra son sac en silence comme les autres avant de suggérer aux autres de se cacher avec leur bien précieux pour se donner le temps d'appréhender la situation et son évolution et aussi pour choisir judicieusement les objets qu'ils emporteraient s'ils étaient obligés de marcher longuement. Bien évidemment, il n'employa pas ces mots que des enfants de huit ans n'auraient pas tous saisis et que lui-même ne connaissait pas non plus :

- Vite derrière les buissons avec nos sacs. Comme ça on pourra voir ce qui se passe et se préparer !

Evidemment, il fallait essayer d'éviter de laisser des traces aussi chercha-t-il un endroit suffisamment éloigné pour ne pas faciliter les recherches que mèneraient l'homme accidenté et suffisamment proche pour pouvoir observer et l'atteindre avant qu'il ne se soit dégagé. Il fallait aussi éviter de laisser des traces dans la boue et aussi refermer la soute pour ne pas signaler leur présence. Tout cela, il le glissa à ses camarades avec un sentiment d'urgence dans la voix ce qui la rendait encore plus aigue qu'à l'accoutumée.

Bellatrix était au bord de la panique. La carcasse de voiture allait bientôt laisser sortir le mécontent prisonnier. Elle attrapa son sac et avisa un buisson en bordure de la route assez grand pour les cacher tous les quatre. Elle le désigna du doigt à ses camarades. Par contre, dans les films, les personnages se cachaient le mieux possible, mais ils oubliaient un détail.

"Et faudra cacher nos traces, parce que sinon, il va savoir où on est allés."

Elle attrapa une branche de bois qu'elle jugea assez épaisse pour faire un bon gourdin et se dissimula derrière le fourré.

Réfléchissant à un moyen de concevoir une petite catapulte à l'aide d'un élastique de caleçon et une branche d'arbre suffisamment solide, Christophe suivit ses camarades sans protester. Il n'osait plus envisager d'aller voir l'homme qui semblait vraiment fâché, et même s'il y allait, peut-être que les autres s'en iraient sans lui, le laissant seul avec le monsieur, et son pantalon toujours humide (et froid, désormais ; très froid).

"Il faut que je me change !", finit-il par lâcher, se frictionnant la taille pour tenter de la réchauffer quelque peu.

Il y eut un craquement sec puis la chute d’un objet sur le bitume.
« Ben voilà ! Tu fais plus c***** comme ça, p’tite p*** ! »
Nul doute possible, la portière était au sol. C’en suivit de longues secondes de silence. De là où ils s’étaient cachés, les enfants ne pouvaient rien voir de ce que faisait l’adulte. La voix de celui-ci se fit de nouveau entendre. Il semblait avoir pris la mesure de ce qui s’était passé... de ce qu’il avait fait. Il en était catastrophé. On devinait les larmes dans ces mots. Il était au bord de la crise de nerfs.
« C’est pas vrai ! Je rêve, c’est ça, je rêve ! C’est un p***** de rêve de m**** ! »
Nouveau silence. Puis des bruits de pas, une course, l’homme qui fuyait horrifié par son acte, incapable de l’assumer. Il marmonna des choses inaudibles. Il s’en allait par là où était venu son bolide. Dans un instant, les élèves seraient seuls.

Bellatrix regarda le monsieur s'éloigner sans esquisser un geste. Elle n'osa respirer que lorsqu'elle le vit s'éloigner avec la conviction qu'il ne reviendrait pas. Puis elle se releva : elle avait sali sa robe à cause de la terre, là où elle s'était assise. Il allait falloir qu'elle se change si elle ne voulait pas avoir froid. Un autre détail l'interpella. Il faisait froid, comme dans Frozen, alors, il pouvait très bien y avoir des loups. Une bande de loups qui pourrait venir les manger sans autre forme de procès.

"Je crois qu'il faudrait pas trop qu'on s'éloigner, dit-elle, du moins pour le moment, et qu'on mette des habits chauds. Parce qu'autrement, nos mains vont se transformer en glaçons."

Christophe fut soulagé que la voie soit libre pour retourner au car. Ils auraient toujours plus chaud qu'en plein vent dans la montagne, non ?

"Si on retournait dans le car ? On aurait plus chaud, et je pourrais me changer... faut que je me change, j'ai froid !"

Il grelottait, maintenant, et ses mains devenaient bleues à mesure que les secondes passaient. Ses doigts étaient engourdis, et il avait déposé sa boîte à outils à ses pieds pour tenter de réchauffer ses mains entre ses cuisses engourdies. Frénétiquement et brusquement, il se mit à fouiller sa valise à la recherche de vêtements de rechange, chauds si possible. Un autre pantalon, un slip propre, et un pull épais en laine, voilà ce qu'il trouva au bout de quelques instants. Heureusement que Maman l'avait aidé à faire sa valise, elle était bien ordonnée. Il ne trouva rien d'autre qui pourraient les aider dans un premier temps, mais avoir d'autres vêtements se révélerait sûrement utile par la suite. En revanche, ses livres... il se promit d'y réfléchir plus tard et, après s'être redressé, armé de ses habits propres, se dirigea sans prévenir vers le car pour se dévêtir.

Benoît avait crispé sa mâchoire et croisé les doigts en comprenant lui aussi que le conducteur fautif allait se libérer. Il savait bien que ce geste superstitieux ne le protégeait pas vraiment mais ça le rassurait dans une certaine mesure et c’est ce dont il avait le plus besoin. Lorsque le conducteur donna des signes qu’il allait s’éloigner et non les traquer pour les éventrer ou pire encore, Benny poussa un soupir de soulagement. Alors que les autres enfants semblaient désireux de retourner vers le bus et enfiler d’autres vêtements, leur cadet s’inquiéta des conséquences de l’accident : il avait déjà vu les carambolages se solder par des explosions à la télévision, du moins quand on ne remarquait pas qu’il regardait ce genre de films. Du coup, il avait peur que la voiture provoque un incendie qui leur serait fatal s’ils restaient à proximité. Lui aussi voulait prendre le temps d’enfiler ses vêtements chauds mais il alerta ses camarades :

- On devrait vérifier que la voiture risque pas d’exploser et prendre ce qui nous sera utile à l’intérieur. Et puis faut pas s’attarder ici : cet endroit ne me dit rien qui vaille et le conducteur pourrait revenir.

Pierre opina vigoureusement du chef en entendant Benoît.

-Je suis d'accord avec lui. Qu'est-ce qu'on ferait, si ça explosait ? Ou si le monsieur faisait demi-tour ? Il a peut-être oublié quelque chose, avec sa colère... Alors, je crois qu'on devrait même pas s'approcher.

Plus que l'explosion, c'était le retour de l'homme qu'il redoutait. S'ils montaient tous les quatre dans le bus, ils risquaient de s'y retrouver bloqués avec lui, S'ils se séparaient, comme Christophe en avait apparemment l'intention, la venue de l'individu les empêcher de se regrouper. Dans les deux cas, Dieu seul savait ce qui pourrait leur arriver.

Mais il y avait autre chose : le gamin ne tenait absolument pas à voir la carcasse de son véhicule. Déjà que celle du car l'angoissait, il n'osait même pas imaginer sa réaction face à celle d'une automobile. Il en avait trop vu dans ses cauchemars précédents...

Pierre se tourna vers Bellatrix. Peut-être avait-elle vu des scènes similaires à la télé ?

Bellatrix était plutôt embêtée. Parce que dans les films d'horreur, il y avait deux tendances : ceux qui stationnaient et ceux qui bougeaient. Dans les deux cas, elle était sûre que ceux qui stationnaient pendant que les autres bougeaient et ceux qui bougeaient seuls pendant que les autres stationnaient étaient ceux que l'on retrouvait avec un poignard dans le cœur ou d'autres variantes plus drolatiques. Aussi, finit-elle par observer.

"Je crois qu'on ferait mieux de rester tous ensembles."

Elle réfléchit encore. Il lui semblait que Benny avait raison pour la voiture. Et Pierre aussi.

"Peut-être qu'on pourrait attendre un petit peu dans le car pour voir si le monsieur revient. Ensuite, on pourrait aller voir la voiture comme l'a dit Benny. Après, je sais pas. Faut juste pas bouger dans le noir. C'est là qu'il se passe des choses."

Cristophe n’avait pas attendu qu’ils tergiversent sur les tours à respecter pour se changer. Il était évident pour tous qu’il était le plus frigorifié bien que la raison n’en soit pas apparu clairement aussi personne ne contesta son initiative. Pour tout dire, Benoît considérait qu’il n’y avait pas un instant à perdre alors cela ne le dérangeait pas. Il s’appliqua à lui-même ce principe et se mit à fouiller dans son sac à la recherche de ses chaussettes hautes en laine, de ses bottines de randonnée, d’un pull à col roulé et de son manteau. Par acquis de conscience, il sortit aussi son pantalon de ski. Le tout pouvait être enfilé par-dessus ses vêtements au besoin, en dehors de ses chaussures bien sûr. Aussi il demanda aux autres et notamment à Bellatrix ce qu’ils préféraient :

- Vous voulez qu’on se change tous ensemble, qu’on se sépare entre fille et garçons ou qu’on passe à tour de rôle dans le car ? Moi je peux me changer ici si tu veux profiter du bus, Bellatrix.

Bellatrix rougit jusqu'aux oreilles. Là, Benny ressemblait à Gomez Adams avec Morticia. Elle ferma la bouche pour ne pas sourire bêtement et hocha la tête avant de se rendre compte qu'elle ne répondait pas vraiment. Pour tout ce qui relevait plus du social, elle ne s'y connaissait pas vraiment. Dans ses films préférés, les interactions entre personnages existaient peu et se terminaient souvent de manière abrupte. Aussi, ne savait-elle pas trop quoi dire.

"On peut peut être se changer les uns après les autres. Par contre, faudrait que les autres restent tout près au cas où. Comme ça, on se défend tous."

Elle hocha la tête d'un air entendu. Morticia aurait sûrement eu ce genre de réponses.

Un aspect de ce plan le dérangeait : ils allaient perdre beaucoup de temps. Beaucoup trop, à son goût. Mais au moins préservait-il l'essentiel : ils ne s'éloigneraient que très peu les uns des autres.
-D'accord, faisons comme ça. Mais faudra se dépêcher. Et puis l'un de ceux qui monteront la garde devra aller au coin du car, pour surveiller l'endroit où est parti le monsieur. Sinon, on le verra pas revenir à temps pour s'enfuir...
Il espérait que ce rôle précis de guetteur ne lui incomberait pas : cela l'obligerait à voir la carcasse de la voiture. Toutefois, si on le désignait, il ne se défilerait pas : il n'allait pas faire faux bond à ses copains alors qu'ils avaient besoin de lui.
-On y va ? proposa-t-il en faisant un pas en avant.

Pendant tout ce temps, Christophe avait tout de même fini par réussir à se déshabiller puis revêtir des vêtements propres et chauds. Il hésita, ne sachant que faire de son pantalon souillé, puis l'emporta quand même au cas où. Il ferait un tri plus minutieux quand il aurait retrouvé ses esprits et de la dextérité dans ses doigts encore gourds et maladroits.

Sortant du car, il trouva les autres en pleine discussion.

"Alors, on attend ou on marche ?", demanda-t-il, n'ayant rien suivi des débats.

Christophe s’était donc changé et, à son grand soulagement, le froid se fit moins mordant. Mais le froid demeurait, frissons omniprésents. Sans doute lui faudrait-il un peu de temps pour se réchauffer maintenant qu’il était plus chaudement habillé. Néanmoins, de retour vers ses camarades de classe, il ne put s’empêcher de constater que leur pâleur ne s’était en rien dissipée. Il en allait de même pour lui.

L’adulte avait disparu depuis plusieurs minutes et, pour l’instant, rien n’indiquait son retour. Vent et pluie persistaient, le genre de météo déprimante qui poussait à rester chez soi. Un croassement, un battement d’ailes et voilà un corbeau qui passait. Le sombre volatil alla se percher dans les branches dénudées d’un arbre isolé. Il offrait un peu de compagnie aux enfants livrés à eux-mêmes. Peut-être que ceux-ci auraient préféré un autre animal...

-D'abord, on va aussi enfiler des trucs chauds, parce que ça caille quand même vachement, avait-il répondu lorsque Christophe les avait rejoints. Après... Ben on a pas encore décidé.
Quand le volatile fit son apparition, Pierre lui jeta un regard incertain. Dans Mathilde et les corbeaux, ses semblables étaient embêtants mais assez amusants. Dans Nils Holgersson, Bataki était gentil. Mais dans les autres histoires, cette espèce d'oiseaux était présentés sous des dehors plutôt sinistres. Il croyait se souvenir qu'ils affluaient après les batailles, pour...
Non, mieux valait ne pas trop penser à ça.
Les corbeaux étaient donc ambivalents. Toutefois, puisqu'ils étaient en plein cauchemar, le gamin pensait qu'ils y revêtiraient leur aspect mauvais, ce qui ne fit que renforcer son sentiment qu'ils devaient se hâter.
-Bellatrix, tu peux aller dans le car, si tu veux. Nous on ira après.
Au pire, comme l'avait proposé Benny, eux pourraient se changer où ils étaient, même si la perspective de le faire sous la pluie et en plein vent ne lui plaisait guère. Cependant, quoi qu'ils décident, ils devaient agir vite. Et en attendant... Oui, il avait quelque chose qu'il pouvait faire dès à présent pour se rassurer. Se baissant, il tira de son sac son épée de bois et la glissa à la ceinture.
Sa main frôla la poignée. Rien à dire : ça allait déjà un peu mieux.

Comme pour répondre à Piotr, Bellatrix dit avec conviction :
« La mort viendra du ciel. »
Et la voilà surprise d’avoir prononcé pareilles paroles.

Benoît avait méticuleusement préparé les affaires qu’il avait décidé de porter pour perdre le moins de temps possible quand son tour de se changer viendrait. Il avait donné son assentiment au plan de Piotr qui permettait de perdre le moins de temps possible tout en laissant un semblant d’intimité à chacun et notamment à Bellatrix. L’annonce faite par cette dernière surprit néanmoins tout le monde et interrompit temporairement l’exécution de leur plan :

- Qu’est-ce que tu as dit ? Ça a un rapport avec le corbeau ? Il m’inquiète, moi aussi.

Alors qu'il commençait à faire le tri dans sa grosse valise pour n'en sortir que le strict minimum, soit quelques vêtements chauds et l'entièreté de ses gadgets en sus de sa boîte à outils, bien sûr, et qu'il tentait tant bien que mal de tout faire tenir dans son sac à dos, il décida que sa maman avait bien eu raison d'emballer son repas dans un sac plastique tout simple : il pourrait le tenir en main et gagner de la place précieuse pour fourrer tout le restant dans son sac à dos.

Il s'arrêta net lorsque Bellatrix parla, puis, une fois que Benny lui eut répondu, il décréta :

"J'aime pas quand tu dis des trucs comme ça. C'est pas drôle."

Des révélations de ce genre, il lui arrivait parfois. Toujours, elles trouvaient un sens dans une proche réalité. Or, ce qu'elle venait de dire n'était pas pour la rassurer, loin s'en fallait. Elle fronça les sourcils et regarda en l'air. Elle ne distingua rien. Benny alors parla du corbeau. Elle le fixa d'un regard inquisiteur, comme s'il avait été le responsable de leurs maux.

"Moi non plus, j'aime pas quand je dis ça, admit-elle, mais il faudra faire attention. A ce qu'il y a en haut."

Elle pensa fugitivement à l'alien que les personnages cherchaient derrière eux alors qu'elle se tapissait au dessus. Elle frissonna.

"Je vais me changer, et vite."

Elle enfila en vitesse son pantalon en velours et deux pulls. Elle resta un petit moment à regarder sa valise en se disant que quand elle l'avait préparée, elle ne s'attendait pas à cela. Elle s'habilla en vitesse. Ainsi, elle n'aurait pas froid.

"Au suivant."

HRP : Kasu, j'envoie ton perso se changer comme tu me l'as demandé.

Piotr aurait bien suggéré à Benoît qu'ils aillent se changer en même temps. Mais puisqu'il n'avait pas encore préparé ses affaires, l'opération leur ferait perdre de précieuses minutes plutôt qu'en gagner.
-Vas-y, Benny. J'irai après toi, proposa-t-il.
Dès que le garçon s'éloigna, il se mit à fouiller dans son sac. Il en tira d'abord son écharpe, ses gants et son bonnet qu'il fourra dans les poches de son manteau. Ensuite, imitant Christophe, il transféra d'autres vêtements - sa tenue de ski, surtout - dans son sac à dos, après en avoir préalablement retiré son casse-croûte. Enfin, il prit son pantalon le plus chaud, destiné à remplacer celui dont il était habillé, et son pull le plus épais, qu'il enfilerait par-dessus celui qu'il portait déjà. Son sac de voyage était désormais plus léger, ce qui ne serait pas du luxe s'ils devaient s'enfuir rapidement. Et dans le pire des cas, il pourrait l'abandonner sans trop de regrets.
Lorsque Benny reparut, Pierre gagna à son tour le car. Se changer lui prit très peu de temps. Assez, cependant, pour qu'il sente plus que jamais la morsure du froid. Enfin, paré pour affronter les frimas, il rejoignit ses compagnons.
-Qu'est-ce qu'on fait, maintenant ? s'enquit-il.