[Everaska] Quête: Racines

[Voyageuse]

La druidesse sourit, amusée. Elle rectifia cependant.
- Vous faites erreur sur un point : je n'entretiens pas de liens étroit avec la cité, et je ne le souhaite pas. Mais ils connaissent mon existence, savent où me trouver, et font parfois appel à mes services, rien de plus. Comme ils le faisaient autrefois avec ma mère. Et il leur arrive alors, parfois, de me dévoiler des parts de leur vie, ou même de leurs sentiments, qu'ils n'auraient peut-être pas avoué à un proche... Je ne suis que le réceptacle de leurs confidences.

Le lion s'était approché, curieux. Son regard allait de Kasumi à la druidesse, mais c'est sur le rôdeur qu'il s'appesantissait le plus. Avec probablement un reste de méfiance. Eärundra le caressa, puis prit, sans prévenir, le poignet de kasumi.
- Ouvrez votre main, là. Laisser-le vous flairer encore une fois. Puis grattez-lui le crâne, juste là, derrière la crinière.
Elle guidait ses gestes.
- Bien... Cette fois-ci, je crois qu'il vous fait confiance. Enfin, presque. Il ne vous trouve pas assez félin à son goût. Il vous ressent comme... comme un loup.
Tilmandil, non loin, s'était redressé et observait la scène d'un air anxieux. Il n'osait pas les interpeler en présence de lion, mais il était clair qu'il avait hâte de se remettre en marche.

[Kasumi]

Le rôdeur se laissa guider, partageant étrangement la confiance de la druidesse envers les réactions du lion. Le contact avec ce dernier n’était pas désagréable : sa crinière était douce, ses muscles puissants. Il se dégageait une certaine noblesse de cet animal. La mention de son lien avec les loups le fit sourire et il ne put s’empêcher si cette réflexion venait du lion ou directement d’Eärundra :

- C’est donc un félin avisé : il a dû détecter mon lien profond avec Première Neige, la louve qui a choisi de m’accompagner. Elle est pourtant à des milliers de lieues de là.

[Voyageuse]

La druidesse lui jeta un regard empreint de curiosité, mais ne posa pas de question. Comme si elle savait exactement ce qu'il voulait dire en parlant de ce lien.
- J'aurais plutôt tendance à penser qu'ayant une affinité naturelle avec les loups, et un lien privilégié avec l'un d'eux, vous en prenez certaines caractéristiques, et que les bêtes le ressentent. Pour elles vous n'êtes plus tout à fait un homme, vous êtes aussi un petit peu loup.
Elle secoua la tête.
- Tout comme ils me perçoivent un peu féline... D'ailleurs, il arrive même que les souris m'évitent !
Elle rit. c'était probablement une simple boutade.

- Allez mon beau, file donc avant de te transformer en simple chat de gouttière à notre contact... On va reprendre notre route, si vous n'y voyez pas d'inconvénient. Mais je dois vous prévenir, ajouta-t-elle à l'adresse de Tilmandil, que la route est un peu escarpée jusqu'au prochain col. Marchez à votre rythme, sans vous préoccuper de moi. Je vous attendrai plus loin...
Et elle se mit en route de sa démarche souple et bondissante. Une démarche effectivement un peu féline... et extrêmement efficace dans un relief comme celui-ci.

[Kasumi]

Le moins que l’on pouvait reconnaître à la druidesse était qu’elle savait lire en lui comme en un livre ouvert. Soit son lien avec les loups était plus visible qu’il ne le pensait lui-même, soit l’elfe en savait plus qu’il ne s’y attendait sur lui. La première était la plus probable mais restait un mystère pour lui qui avait bien moins d’affinités avec la nature. Malgré son immersion précoce dans la connaissance de la faune et la flore, Eärundra pourrait beaucoup lui en apprendre à supposer qu’il pousse un bout de chemin ensembles.

En voyant s’éloigner la druidesse, Kasumi s’adressa avec une certaine connivence à son demi-frère :

- M’est avis qu’elle va nous donner une bonne leçon dans ces montagnes. Elle semble presqu’aussi douée qu’Astrée et crois-moi, elle m’a souvent fait douter de mes capacités d'alpiniste.

[Voyageuse]

Tilmandil ne put s'empêcher de répliquer, avec un sourire taquin.
- Et moi, m'est avis que tu lui as tapé dans l'oeil ! Allez, me dit pas que tu n'as pas remarqué... Bon, c'est vrai que vous avez des points communs... mais elle ne voit que toi, c'est presque comme si je n'était pas là. Crois-moi, je m'y connais en filles !
Venant d'un elfe qui venait à peine d'entrer dans l'âge adulte, l'affirmation paraissait bien présomptueuse. Peut-être aussi qu'il était tout simplement jaloux de ne pas être au centre de l'attention féminine.
Tilmandil partit d'un rire joyeux et se mit en route d'un pas alerte, bien requinqué par leur petite pause, sans se priver de jeter un dernier coup d'oeil amusé à son demi-frère pour voir l'effet qu'avait sur lui son affirmation.
.
Devant, l'elfe avait déjà disparu, sans même un regard en arrière. Elle grimpait la pente aussi aisément que l'aurait fait un chat, mais Kasumi put constater que sa démarche était très différente de celle d'Astrée. Plus souple, plus gracieuse. Et extrêmement rapide.
Eux-mêmes n'avaient plus qu'à suivre la piste, puisqu'elle avait promis de les attendre plus loin.

[Kasumi]

Le rôdeur s’était contenté de lever les épaules en un geste qui pouvait autant signifier indifférence que dérision et sa réplique fit pencher la balance pour cette seconde option :

– Tu crois ? Moi elle m’a semblé sage et avisée pourtant ! Mais même si tu ne te trompes pas, jamais je ne prendrai le risque de décevoir une gente dame qui dispose d’un si imposant garde du corps. Je pense que je vais donc sagement garder mes distances.

Le demi-elfe se mit en marche d’un pas léger, bien moins félin que la druidesse mais qui avait fait ses preuves dans des terrains bien plus difficiles qu’une route marchande.

[Voyageuse]

Ils rejoignirent l'elfe plus loin, comme promis. Presque deux heures plus tard. Seul, Kasumi aurait été plus rapide, mais son demi-frère manquait d'endurance et ralentit le rythme au bout d'une petite heure. Même s'il était trop fier pour l'admettre, il était fatigué, sans doute également par les séquelles de sa blessure.
Le lion n'était pas visible.
- Je commençais à me faire du souci et à me demander si je n'allais pas partir à votre recherche, fit-elle, taquine, en les apercevant.
Ce que bien sûr ils ne crurent pas un seul instant : la druidesse était en effet occupée à cueillir des baies sur un épineux tout proche, et sa besace pleine indiquait que son activité de cueillette durait depuis un certain temps.
Elle se redressa et descendit en quelques bonds les rejoindre, le sourire aux lèvres. Elle paraissait rayonner d'un plaisir intérieur secret.
- J'ai présenté à Léo son nouveau chez-lui, confia-t-elle fièrement au rôdeur en lui désignant un point quelque part loin au-dessus, qui pouvait effectivement être l'entrée d'une caverne.

[Kasumi]

Le rôdeur haussa un sourcil et lança sur un ton taquin :

- Léo, hein ? Un nom tout ce qu’il y a de plus avisé ! Mais plus sérieusement, j’espère qu’il se plaira ici.

Regardant les baies avec envie, le demi-elfe ajouta d’un ton plus interrogatif voire un brin envieux :

- J’imagine que vous ne continuez pas vers la ville maintenant que Léo est à l’abri ? Et aussi que vous ne comptiez pas partager quelques-unes de ces sucreries ?

[Voyageuse]

L'elfe sourit.
- Parce que vous croyez que je vais avaler tout ça seule ? Ça ne se conserve pas bien, ces choses-là, c'est délicieux frais, mais j'espère bien que vous ne me laisserez pas tout manger seule sinon je risque une indigestion... Allez, venez vous installer par ici, je dois aussi avoir quelques galettes elfiques.
Les provisions qu'elle sortait parurent bien maigres aux deux voyageurs : outre les baies, il n'y avait que des galettes, du fromage, des fruits secs, et de l'eau de source. Pas de viande séchée ou de pâté, par exemple. Heureusement que Nilrem avait été prévoyant : leur besace contenait non seulement de la nourriture consistante, mais aussi une toute petite bouteille de vin doré.
- En revanche, je ne vous accompagnerai pas jusqu'à la ville. Simplement deux petites heures encore, pour vous indiquer où rejoindre un abri pour la nuit.

[Kasumi]

Le repas paraissait frugal mais le rôdeur avait déjà vu bien pire. En outre, les produits frais avaient une saveur délectable après plusieurs heures de marche, en un lieu aussi enchanteur que celui-ci et en bonne compagnie qui plus était. En partageant leurs ressources, ils firent même bombance et retardèrent ainsi le moment de reprendre la route. Après tout, ils n’étaient pas vraiment pressés. Cela n’avait rien à voir avec le fait que la compagnie d’Eärundra était agréable au demi-elfe…

- C’est vraiment très aimable à vous de nous accompagner jusque-là. Vous nous avez déjà aidés au-delà de nos capacités à vous retourner la pareille. Toutefois, s’il m’est possible de vous rendre un service avant mon départ, je serai fier de vous apporter mon aide à mon tour.

[Voyageuse]

L'elfe rit.
- Cessez donc de me remercier à tout bout de champ ! Vous m'avez déjà bien aidé avec Léo. Et vous accompagner jusqu'à l'embranchement suivant ne me pèse pas : j'ai quelques simples à cueillir par là-bas.
Elle sourit à Tilmandil.
- Je vous en donnerai quelques-unes, souveraines contre les courbatures...
Ce qui arracha au barde un sourire. le premier qu'il lui adressait depuis le début, si Kasumi ne se trompait pas. Il restait cependant étonnamment silencieux.
On entendit un rugissement venu de la caverne, qui fit immédiatement disparaître le sourire. Mais Eärundra ne s'en inquiéta pas :
- Il marque son territoire... sourit-elle, avant de se redresser, étirant ses membres. Comme un félin, décidément....
- Si vous êtes prêts, peut-être pourrions-nous nous mettre en route ? Je promets de faire un effort pour rester à votre rythme. J'ai du temps devant moi après tout. Et... ah, si... je sais comment vous pourriez m'aider, vous qui tenez tant à rendre service : en me racontant, en chemin, comment vous avez petit à petit créé votre lien avec votre louve. Peut-être en tirerai-je des enseignements utiles...

[Kasumi]

Le rire de l’elfe était communicatif et Kasumi choisit de répondre sur le ton de la plaisanterie :

- D’accord, si je dois vous révéler mes secrets de séduction pour m’acquitter de ma dette. Pour amadouer Première Neige, je l’ai longuement complimentée sur son regard de braise et aussi sur le lustre de son poil blanc. Ça été long et ça n’a pas été sans poser quelques difficultés dues aux incompréhensions culturelles mais elle a fini par bien vouloir me suivre…

Après un instant passé à tenter de déterminer comment était accueillie sa tentative d’humour, il reprit d’un ton plus sérieux :

- En fait, pour dire la vérité, elle était affamée. Au point de venir dérober dans nos bagages pendant la nuit. Quand je l’ai découverte après plusieurs nuits, je l’ai d’abord laissé faire. Puis j’ai placé de la nourriture ailleurs pour la guetter. Un jour, elle s’est sentie suffisamment en confiance pour la dérober sous mon nez. Plus tard, je suis parvenue à l’approcher, à la toucher. A partir de là, elle a commencé à me suivre. Et depuis nous avons développé une complicité, un lien spirituel. Nous nous comprenons la plupart du temps, je crois.

[Voyageuse]

Sa plaisanterie avait été accueillie avec un haussement de sourcil, avant qu'un large sourire et des yeux pétillants de gaieté éclairent le visage de l'elfe. Puis son expression se fit plus sérieuse, plus intense, tandis que Kasumi exposait son histoire avec Première Neige. Elle hocha la tête, gravement.
- J'espère qu'il en sera de même avec Léo, un jour... Cela fait un moment que j'essaie de me rapprocher de lui. Il ne semblait pas me fuir mais c'était lui qui décidait si oui ou non, ce jour-là, il acceptait ma présence. Il me laissait alors approcher volontiers mais restait sur ses gardes. Mais aujourd'hui... depuis que je l'ai soigné, je sens qu'il a confiance en moi, un peu grâce à vous finalement. Et je crois qu'il commence à prendre conscience qu'il a besoin de mon aide. Cela va prendre du temps, encore, de l'apprivoiser comme vous avez su le faire avec votre louve. Mais je finirai par y arriver.
Elle souriait, heureuse de ce un bonheur anticipé.

Tilmandil, qu'elle avait encouragé à marcher devant pour qu'il fixe le rythme du groupe, écoutait d'une oreille la conversation, et finit par intervenir.
- Et cela ne vous fait jamais peur, de devenir si proche d'un lion ? Et toi, Kasumi, d'une louve ? Vous n,'avez pas peur, je ne sais pas... de devenir de plus en plus animal et de moins en moins elfique ? Enfin, semi-elfique pour toi ? L'art, l'architecture, la magie, la musique... Le raffinement de notre peuple, de nos villes? Je sais bien que la nature est belle, mais ce que nous en faisons, nous autres elfes, l'est encore plus... Tu n'as pas la sensation, depuis que tu es avec ta louve, de ne plus percevoir tout cela de la même façon ? Je pose la question sans chercher à mal, tu sais... c'est juste qu'il m'est souvent arrivé de conter des choses sur le lien entre un rôdeur, ou un druide, et son familier, et je n'arrive pas à me rendre compte vraiment de ce qu'un lien si profond peut entraîner, à terme, comme transformation. Je ne sais pas... ça ne t'arrive pas d'avoir envie de hurler à la lune ou de chasser en pleine nuit ?
Son regard neutre ne permettait pas de savoir s'il était sérieux ou plaisantait...

[Kasumi]

Kasumi écouta avec attention les interventions des deux elfes, quelque peu étonnée par celle de son demi-frère. Ses réflexions donnaient pourtant à réfléchir et il prit le temps de peser sa réponse avant de reprendre la parole :

- Je n’avais jamais envisagé les choses ainsi. Il est vrai que nous partageons beaucoup, y compris le goût de chasser ensemble. Mais j’ignore si cela vient de moi ou d’elle. Avoir un point de vue différent sur ce que l’on connait ne signifie pas toujours de moins l’apprécier. C’est même souvent le contraire. C’est vrai que Première Neige n’apprécie pas trop nos passages en ville. Mais c’est aussi le cas de ma compagne. Je crois que dans un cas comme dans l’autre, il faut savoir faire des compromis. Et notre vision du monde qui nous entoure ne s’en trouve qu’enrichie. Le plus important est que la relation demeure équilibrée à mon avis. Je me réjouis que vous puissiez vous rapprocher de Léo, Eärundra. Je crois que vous avez des affinités évidentes avec les félins, tout comme j’en ai toujours eues avec les loups…

[Voyageuse]

Eärundra acquiesça gravement.
- Les lions m'ont toujours passionnée. Et je ne pense pas que je pourrais m'entendre avec un loup, effectivement. Tout le monde sait bien que les chiens et les chats...
Elle sourit. Puis laissa planer le silence, un moment, tandis qu'ils progressaient en file indienne sur un passage un peu plus étroit.

Elle finit par reprendre, plus sérieusement.
- Cela fait de nombreuses années que vous n'êtes pas revenu à Everaska, à ce que j'ai cru comprendre... Cela ne doit pas être évident, pour vous, de revenir dans des circonstances aussi particulières...

[Kasumi]

La remarque concernant les lions et loups fit sourire Kasumi qui eut envie de se tourner puérilement vers Tilmandil et lui signifier qu’il s’était trompé. Mais il se maudit mentalement de sa bêtise subite et se garda bien d’appliquer son impulsion étrange. Fort heureusement, Eärundra lui donna de nouveau à penser pour étouffer ses pensées parasites :

- Je n’y ai jamais vécu longuement. Everaska a toujours été un peu étrangère pour moi. Je me dis que c’est une occasion pour la redécouvrir, la voir avec mes yeux d’adulte. Depuis mon enfance, j’ai pu vivre dans d’autres cités, humaines pour la plupart. Je gage que je saurai donc apprécier les merveilles des elfes à leur juste valeur cette fois. C’est simplement dommage que l’inquiétude quant à l’état de mon père ne jette un voile sur cette expérience…

[Voyageuse]

La druidesse hocha la tête, et son sourire disparut un instant. Elle réfléchissait visiblement, cherchant ses mots, peut-être pour ne pas inquiéter le rôdeur.
- La dernière fois que je l'ai vu, il n'allait pas aussi mal que je m'y attendais... Il souffre d'un mal étrange qui l'affaiblit beaucoup. D'après ce qu'il m'a dit, de jour en jour il avait la sensation de perdre davantage de forces, d'énergie, et ses gestes devenaient malhabiles. Apparemment, les prêtres et guérisseurs d'Everaska sont parvenus tant bien que mal à stabiliser son état. Mais pas à le remettre sur pied. Même si ses jours ne semblent plus en danger immédiat, du moins tant qu'il a des soins quotidiens, rester aussi faible qu'un nouveau-né le mine...
- Ces nouvelles sont nettement meilleurs que ce que je craignais, s'exclama Tilmandil avec soulagement. Lorsque je suis parti, son était empirait chaque jour...
Elle secoua la tête.
- Certes... Mais vous qui ne l'avez pas vu depuis des années, attendez-vous tout de même à le trouver très affaibli. Et avec un moral très bas...

[Kasumi]

L’humeur du rôdeur s’était assombrie à la mention de l’état de son père et ce à quoi il devrait se préparer avant leur rencontre. Il n’y avait pas vraiment pensé jusqu’ici tant les événements s’étaient précipités depuis qu’il avait appris la nouvelle. Mais maintenant qu’il se tenait à quelques heures de la cité de son enfance, il sentait un étrange malaise l’envahir. Les symptômes décrits ne lui étaient pas familiers mais cela n’avait rien d’étonnant. En tant que rôdeur, il savait dispenser les soins d’urgence si nécessaire voire prendre en charge une victime de fièvre ou d’empoisonnement mais ses connaissances curatives n’allaient guère plus loin.

- Merci pour ces nouvelles. Avez-vous pensé que son état ne soit pas lié à une maladie ? Une malédiction pourrait avoir les mêmes effets…

[Voyageuse]

L'elfe hocha la tête, sombre.
- Les prêtres y ont pensé, bien sûr. Mais d'après ce qu'ils m'en a dit, ils n'en ont pas trouvé de trace et leurs sorts n'ont pas agi. Il n'a pas ménagé ses efforts pour trouver une solution, pourtant. Il est bien entouré, par sa mère, sa soeur, sa compagne également, et ils ont remué ciel et terre. Qu'il s'agisse d'une malédiction ou d'une maladie, elle est inconnue de tout prêtre humain ou elfe, inconnue des druides également, et résiste aux sorts les plus courants...
Elle grimaça.
- Et il est prêt à explorer les pistes les plus improbables tant il ne supporte plus son état....

[Kasumi]

Kasumi échangea un regard avec son demi-frère comme s’il cherchait ainsi à obtenir une information dont la druidesse voulait le ménager. Mais Tilmandil était probablement dans la même situation que lui. En tous cas, le rôdeur se sentait démuni et impuissant, doutant de plus en plus de l’efficacité du remède qu’il avait soutiré au génie. Si tous les prêtres et sans doute quelques mages aussi s’étaient cassé les dents sur son cas, que pourrait un rôdeur sinon tenter de lui remonter le moral. Et même pour cela, il ne se sentait pas vraiment légitime. Pas après être parti plus de trois ans sans donner la moindre nouvelle ou le moindre signe de vie.

- De quelles pistes improbables parlez-vous ? Si nous pouvons l’aider…

[Voyageuse]

L'elfe secoua la tête, pinçant les lèvres.
- Je suis désolée, je ne peux pas vous en dire plus... Je n'aurais même pas dû faire allusion. Il vous en parlera, lui s'il le souhaite...
Elle laissa le silence s'installer, regrettant visiblement de s'être laissée aller à trop en dire, et accéléra insensiblement le pas, dépassant Tilmandil, puis le distançant un peu. Le barde manquait d'endurance et se ressentait de sa blessure.
- Je n'en sais pas davantage que toi, souffla Tilmandil en réponse à la question muette qu'il devinait. Il y a près d'un an que je suis parti, déjà. Peut-être que ma mère, ou ma tante... ou Grand-mère... Ou bien Galawen... C'est sa compagne, précisa-t-il. Depuis peu à vrai dire.

[Kasumi]

Cela en faisait une palanquée d’inconnues… Mais en trois ans, il s’était forcément passé des choses dans la vie de son père. Comme dans la sienne. Il ne pouvait pas lui reprocher d’avoir refait sa vie à Everaska après la mort de sa mère. Ou alors Tilmandil avait bien plus de raisons de lui en vouloir de l’avoir abandonné, ainsi que sa propre mère. Décidément, démêler tout cet écheveau allait lui prendre des semaines. Mais était-ce si important ? Il était un étranger là où il se rendait. Il ferait la connaissance de ceux qui voudraient aider son père à recouvrer sa santé. C’était la seule chose qui lui importait.

- Je serai honoré de les rencontrer. Je suis certain qu’elles nous aideront. Il faut rester confiants !

[Voyageuse]

- C'est vrai que tu ne les connais pas encore... Enfin, grand-mère, tu l'as déjà rencontrée paraît-il, quand tu était tout petit. Mais elle était partie un temps vivre près d'Eauprofonde, avec sa fille -notre tante-, elles ne sont revenues qu'en apprenant la maladie de père... C'est à ce moment que je les ai rencontrées, jusque-là j'ignorais même leur existence. Mais grand-mère, c'est... un personnage. Enfin, tu verras bien.
Il avait un sourire mi-impressionné, mi-attendri.
- Et sa fille, notre tante, est à l'opposé. Toute douce, rêveuse, une artiste... Elle s'appelle Riniel. Et puis il y a Galawen, une mage, dont père s'est entiché il y a quelques temps. Je la connais moins, on peut même dire que nos relations sont un peu... tendues. Il faut dire que je venais à peine de faire enfin la connaissance de mon père, j'espérais le voir souvent, peut-être même qu'il allait nous rejoindre. Je sais, c'est naïf... Mais donc, je lui en ai un peu voulu de nous délaisser si vite.
Il soupira, parut réfléchir.
- Je crois que je t'ai dit l'essentiel. Bon, il y a aussi Romir, le soupirant de Riniel comme je l'appelle, mais on ne peut pas dire qu'il fasse partie de la famille même si ça fait 10 ans, paraît-il, qu'il lui fait les yeux doux. Sinon, rien d'important. Des voisins et amis, parmi lesquels ma mère... Je n'ai jamais compris pourquoi, mais elle a de bonnes relations avec père, après toutes ses années. Heureusement pour moi, je n'aurais pas voulu avoir à jouer les intermédiaires...
Il s'interrompit.
- Excuse-moi, je te saoûle avec tout cela. Tu ne connais personne et je t'assomme de noms. Mais tu verras, ils t'accueilleront bien... N'hésite pas à me demander s'il y a d'autres choses que tu veux savoir, que tu as besoin d'éclaircir...

[Kasumi]

Kasumi s’empressa de démentir son demi-frère tout en tentant de presser un tout petit peu le pas histoire de ne pas trop se laisser distancer par Eärundra :

- Au contraire : tout cette histoire est très déstabilisante pour moi. Je me fais l’effet de ne pas y être à ma place. D’être un peu étranger, illégitime aussi. Que vont penser toutes ces personnes que je ne connais pas ? Et père que j’ai abandonné il y a des années ? Alors tout ce que tu pourras m’apprendre sur notre famille est bon à prendre. Je vais m’efforcer d’en retenir le maximum mais je ne garantis rien : tout ça est nouveau pour moi… Je n’ai jamais été très proche de ma famille, même étant enfant. Je me souviens très peu de notre grand-mère je dois bien l’avouer et encore moins de notre tante. Je ne me souvenais même pas de son existence, c’est dire ! Finalement c’est toi qui avais raison sur les rôdeurs : ils attrape une cervelle d’oiseau à force de fréquenter de près le monde animal !

[Voyageuse]

Le barde secoua la tête en signe de dénégation.
- Non, ce n'est pas ta mémoire qui flanche. Je suis prêt à parier que père ne t'a jamais parlé de sa soeur. Ils n'ont pas grand-chose en commun et ils ne se voyaient plus puisqu'elle était au loin. Et tu ne devais pas avoir plus de 4 ou 5 ans quand tu as vu grand-mère pour la dernière fois. Peut-être moins...

Devant, Eärundra s'était arrêté pour les attendre. Entendant la fin de la discussion, elle précisa :
- Guère plus de 3 ans, d'après ce que je sais...
C'était à se demander comment elle savait autant de choses d'ailleurs. Tilmandil ouvrit la bouche, peut-être pour l'interroger à ce sujet, mais elle anticipa sa question :
- Votre grand-mère connaissait très bien ma mère. Elles s'appréciaient malgré leur différence d'âge... Elle est donc venue me rendre visite une fois ou deux depuis son retour ici, en souvenir de leur vieille amitié...

Ils étaient parvenu à un petit col, et elle leur désigna le long sentier qui en partait, redescendant un peu avant de monter de plus belle vers les hauteurs suivantes.
- Je vous accompagne par là, jusqu'au prochain col, pour vous montrer l'endroit où il faut bifurquer... Vous risquez de louper la piste sinon. Enfin, peut-être pas après tout..., se corrigea-t-elle avec un regard vers Kasumi.
Après un moment de silence, elle ajouta.
- Votre grand-mère est quelqu'un de bien. Vous pouvez vous fier pleinement à elle. Ne vous laissez pas rebuter par son accueil... Enfin, peut-être que je me trompe et qu'elle sera immédiatement chaleureuse et prévenante...
Elle rit, et Tilmandil ne put s'empêcher de rire également.

[Kasumi]

Kasumi commençait à nourrir de sombres doutes sur la qualité de l’accueil qui serait réservé à un fils prodigue d’un mariage révolu avec une humaine. Les elfes avaient leur fierté, il l’avait mainte fois constaté : les demi-elfes n’étaient pas souvent appréciés au sein même des quelques villes qui leur étaient exclusivement consacrées. Everaska ne dérogeait pas à cette règle, il se souvenait au moins de cela. Il y avait toujours été considéré avec soupçon et pas seulement parce qu’il était alors un jeune rôdeur en devenir qui avait choisi de vivre au loin. Absorbé par ses réminiscences et ses doutes, il mit quelques secondes à réagir aux indications de la druidesse.

- Encore une fois, c’est très aimable à vous de nous guider spontanément. Mais si vous préférez nous indiquer la route plutôt que nous accompagner, je pense que je pourrai être assez attentif pour trouver le bon chemin.

[Voyageuse]

La druidesse se tourna vers lui et le toisa d'un air rieur.
- Comment, vous voudriez que je me prive du plaisir de votre compagnie ? Il n'en est pas question ! Je vous accompagne jusqu'au col. Sauf bien sûr si vous ne me supportez déjà plus ?... questionna-t-elle avec un clin d'oeil taquin.
Puis, plus sérieusement, elle ajouta d'une voix douce.
- Vous paraissez bien songeur. Je pense qu'il vaut mieux que je vous laisse à vos pensées... Je vais marcher devant, si vous préférez... Sauf si vous voulez partager ce qui vous inquiète ?

[Kasumi]

Kasumi se sentit soudain coupable de ses songeries. Pour quel invité taciturne il devait paraître devant la druidesse ! En plus il n’avait écouté que la moitié de ce qu’elle venait de dire. Se morigénant intérieurement, il se força à lui rendre un sourire tout en éludant quelque peu son offre : il n’allait pas lui faire subir ses états d’âme en plus du reste :

- Oh, vous êtes toujours la bienvenue. Mais je ne vais pas vous ennuyer avec mes rêveries : je ne faisais que me demander si je serai vraiment le bienvenu à Everaska. Après tout, la plupart des proches de mon père sont de parfaits inconnus pour moi. Et je n’ai pas été tout à fait correct avec lui non plus en quittant le pays il y a trois ans.

Et voilà qu'il s'était confié alors qu'il s'était justement mis en tête de l'éviter : bravo !

[Voyageuse]

L'elfe lui sourit doucement.
- Votre père ravi de vous voir, je le sais. Même si la maladie l'a un peu aigri, elle lui a également redonné un sens des priorités qu'il avait peut-être un peu perdu de vue, autrefois...
Elle grimaça.
- Je ne peux en revanche préjuger de la réaction des autres, je ne les connais pas assez... J'aimerais pouvoir vous assurer qu'ils seront tous attentionnés et aimables, mais je connais les préjugés de certains de ceux de ma race, le chauvinisme de certains autres...
Elle lui sourit à nouveau, un brin songeuse.
-Mais si d'aventure tout cela vous pèse et que vous avez besoin de vous ressourcer un peu hors de la ville, n'hésitez surtout pas à me rendre visite. Vous savez où me trouver...
Un léger clin d'oeil ponctua la phrase, et elle reprit la tête de leur colonne comme le sentier devenait plus étroit.
Tilmandil, lui, ne put réprimer un sourire narquois à l'attention de son demi-frère.

[Kasumi]

Horreur ! Se pouvait-il que Tilmandil ait en partie raison ? Non, c’était complètement et parfaitement ridicule ! Eärundra cherchait juste à se montrer amicale et c’était là une attention pure et louable. Bon, elle semblait aussi le taquiner un peu avec ses incessants clins d’œil et sourires mais c’était là la preuve d’une nature espiègle et de rien d’autre. Il réfléchirait donc sereinement à sa proposition : se ressourcer hors de la ville si l’omniprésence de la civilisation lui pesait ne pourrait que lui être bénéfique et la druidesse l’avait bien compris. S’il savait apprécier le confort de la ville, il était un rôdeur après tout, que diantre ! Rester trop longtemps éloigné de son milieu naturel lui avait toujours assez rapidement pesé. Perdu dans ses réflexions, il remarqua à peine l’air narquois affiché par Tilmandil et poussa un soupir un brin excédé en s’en rendant compte.