La Couronne de Cuivre

Avant que Surya ait pu répondre à son tour, le sergent haussa les épaules avec nervosité et répondit avec gravité :

- Le problème est bien là. Il n’y a rien de grande valeur à Chêne-des-clercs et c’est un hameau isolé, sans grande importance stratégique. Si les mélandiens y ont fait une percée, ce n’est pas pour y porter la guerre, pas directement du moins. Ils auront cherché à faire souffrir les villageois et se seront débrouillé pour que nous le sachions. Il se peut aussi qu’ils en aient capturé certain pour faire pression sur nous. Mais ce ne sont encore une fois que des conjectures.

Surya grimaça. Et ne trouva rien à répondre.
Elle n'avait pas vraiment l'expérience du combat, encore moins de la guerre, elle n'avait jamais tué personne même s'il lui était arrivé, au détour des hasard de la vie, de croiser la mort, voire, une fois ou deux, de voir de ses yeux un cadavre. Bref, elle n'avait aucune expérience digne de ce nom, bien loin de l'assurance affichée par sa coéquipière.
Néanmoins, il était hors de question qu'elle laisse paraître la moindre fragilité. Elle devait faire bonne impression et s'afficher sûre d'elle. Et après tout, que pouvait bien lui faire qu'un hameau inconnu d'elle ait été massacré ? Elle n'y avait aucune attache, cela n'avait aucun rapport avec elle; inutile d'y attacher davantage d'importance que ça n'en avait, non ?
- Merci de nous avoir prévenues. Nous saurons maintenant à quoi nous attendre pour mieux nous y préparer, répondit-elle d'un ton grave. C'étaient sans doute les mots qu'il souhaitait entendre.

Le sergent garda le silence comme si la réponse l’avait convaincu ou qu’il cherchât à l’analyser. Quelques minutes plus tard, alors que la troupe avait accéléré sensiblement le rythme, il reprit néanmoins la parole :

- Si nous avançons comme prévu, nous ferons une halte dans deux heures pour faire souffler les chevaux et en profiter pour nous restaurer également. Vous vous débrouillez bien jusqu’ici pour des débutantes en équitation mais n’hésitez pas à me signaler si vous êtes en difficulté. Il n’y a pas à proprement parler d’urgence mais ce n’est pas une raison suffisante pour lambiner en chemin alors je nous ferai chevaucher aussi vite que les chevaux peuvent le supporter sans se fatiguer.

Surya n'en était pas à sa première chevauchée, et même si elle n'avait pas l'aisance d'un cavalier expérimenté, elle avait suffisamment de souplesse et d'endurance pour ne pas craindre quelques heures sur selle, y compris s'ils devaient prendre le trot ou le galop.
Elle répondit d'un hochement de tête aux parole du sergent, avant de se contorsionner pour fouiller dans son sac. Puisque la mission semblait sombre et inquiétante, peut-être désespérée, un peu d'entrain de ferait de mal à personne.

Elle en sortit le petit instrument de percussion qu'elle avait emmené, une simple peau de chèvre tendue sur une petite calebasse, et se mit à jouer un rythme régulier, léger et enjoué, avant d'entonner le premier chant qui lui vint à l'esprit, un chant entendu de longues années plus tôt de la bouche de son mentor, sur Féérune. Un chant qu'elle s'était toujours promis de transformer pour le féminiser, sans jamais prendre le temps de le faire. Mais c'était trop tard pour cette fois, et puis son auditoire était constitué essentiellement d'hommes après tout.

Nous voici ensemble sur la route,
Allant là où nos pas nous portent,
Et si la bise souffle si forte,
C'est pour mieux nous guider sans doute

Nous partons pour une longue quête
Peut-être risquerons-nous nos vies
Peut-être y trouverais-je ma mie
La gloire… n'en serait-ce que des miettes.

Oh bien sûr nous aurons faim et froid,
Et l'envie de nous arrêter parfois,
Mais Tymora nous guidera toujours.
Envie de concrétiser un beau rêve,
De marcher encore et toujours sans trêve,
En chantant, comme les troubadours.

Un jour là-bas frappera la mort,
Mais je saurai lui échapper,
Toujours plus vif que toutes les épées,
J'en reviendrai bien sûr couvert d'or.

Au retour je te verrai, ma mie
Et déposerai à ses pieds
Mille trésors, un cœur à choyer
Nous serons enfin réunis!

Oh bien sûr nous aurons faim et froid,
Et l'envie de nous arrêter parfois,
Mais Tymora nous guidera toujours.
Envie de concrétiser un beau rêve,
De marcher encore et toujours sans trêve,
En chantant, comme les troubadours.

Elle se dit, mais un peu tard, qu'une mission de reconnaissance nécessitait peut-être... du silence ?

Galariel avait fermé les yeux pour mieux s'imprégner de la chanson, la voix de Surya était apaisante à ses oreilles et faisait remonter dans son esprit les souvenirs de cérémonies ou de simples réunions informelles où de nombreux chants s'élevaient dans l'air. Étonnamment la barde avait une puissance dans la voix qui ne se laissait pas deviner au vu du gabarit de la petite humaine, quand la chanson fut finie elle se plaça aux côtés de sa compagne d'aventure:

- Belle chanson, j'espère que tu auras encore l'occasion de nous faire profiter de ton talent. Mais entre nous, je pense que nos compagnons le savoureront mieux au coin du feu.

Elle ponctua sa phrase d'un clin d'oeil.

Pendant que les deux jeunes femmes devisaient et que Surya égayait la chevauchée par ses chants d’ambiance, les cavaliers scrutaient la campagne environnante, à l’affut du moindre signe d’une embuscade. S’ils se trouvaient encore derrière leurs lignes et censément à l’abri, les luméniens ne connaissaient pas la région et chaque colline, chaque bosquet, pouvaient donc masquer un danger imprévu. La colonne maintenait cependant un bon train, tant par soucis d’accomplir au plus vite la mission que par la volonté de son sergent de ne pas constituer une cible trop immobile.

Ce dernier finit cependant par marquer une halte, après des heures de chevauchées qui parurent bien longues aux cavalières inexpérimentées.

- Nous allons manger ici. Vous pouvez poser pied à terre mais ne vous éloignez pas. N’enlevez pas non plus vos chaussures. Je veux être reparti dans moins d’une heure. Brusco, Targan, vous restez en alerte pour le moment.

Le sous-officier avait choisi un petit vallon herbeux où s’égayait un petit ruisseau placide à l’eau claire et où des rochers plats fourniraient des bancs acceptables. Les cavaliers qui n’avaient pas été désignés entreprirent de mener leurs chevaux par la bride jusqu’à ce dernier pour leur permettre de se désaltérer. Les autres étaient restés à cheval pour guetter les environs du haut de leur selle.

Surya ne se fit pas prier pour sauter à bas de sa monture. Elle avait le dos en compote, les cuisses et les mollets raides à force de tenter de suivre le rythme du trot de son poney.
Peu rancunière, elle lui caressa doucement le chanfrein, fredonnant pour lui tout seule une mélodie sans parole. Après tout, à ce moment précis de l'aventure, les montures avaient besoin de largement autant de courage que leurs cavaliers !

Puis elle s'accroupit près de la rivière, ôta sa veste et se baigna avec délices les bras et le visage. Elle avait la sensation, depuis leur débarquement trop récent, d'exhaler en permanence une odeur d'embruns salés, et n'avait pas eu le temps de faire une toilette digne de ce nom dans de l'eau claire depuis une éternité, lui semblait-il.
Elle aurait bien enlevé ses chaussures, tiens... Le sergent serait furieux. Bah, elle n'avait pas eu à marcher, donc n'avait pas réellement besoin de baigner ses pieds, non ? Juste envie de fraicheur. Heureusement qu'il n'avait pas interdit d'ôter sa veste !
Elle soupira. Elle s'était promis d'éviter de se faire remarquer trop vite pour insubordination... donc pour cette fois encore, elle allait réprimer son envie.
Pour tromper sa légère frustration, elle se mit à chanter, paisiblement.

Dans l'eau de la claire fontaine,
Elle se baignait toute nue,
Une saute de vent soudaine,
Jeta ses habits dans les nues
....

Puis, s'avisant que son estomac commençait à gronder, elle se rapprocha du reste du groupe, se demandant ce qui était prévu à manger. Et surtout, si quelqu'un avait eu la bonne idée de prévoir à manger pour elle ou si elle était sensée y avoir pensé seule. Ce qu'évidemment elle n'avait pas fait.

Galariel se rapprocha de Surya et s'assit à côté d'elle, c'était la seule membre de l'expédition qu'elle connaissait et comptait profiter de la petite halte pour continuer leur conversation:

-Jusqu'à présent je t'ai parlé un peu de moi mais je ne sais rien de toi, comment arrive t'on de Chult jusque dans ce coin perdu?

Surya mâchait sans enthousiasme un morceau de viande séchée, songeant avec un vague regret aux bons petits plats qu'on lui mitonnait généralement dans les auberges, et commençant à se dire que décidément, barde dans l'armée, ce n'était peut-être pas une place idéale... Certes, elle trouverait de quoi alimenter des ballades épiques, mais les conditions de vie spartiates et le danger permanent étaient un prix à payer.
Elle accueillit avec un sourire l'intervention de Galariel, mais resta un brin évasive.
- Tu sais, nous autres bardes, nous allons là où le vent nous porte... D'un coin perdu des jungles de Chult à un coin perdu d'un continent inconnu, le second me semble à moi bien plus intéressant que le premier.
Elle avala le dernier morceau de pain avant d'ajouter.
- Depuis toute petite, je veux voyager et explorer le monde, découvrir les continents, les hommes qui y vivent, leurs coutumes... J'ai saisi un jour, lorsque j'avais dix ans, la première occasion venue, et je n'ai plus jamais posé mes bagages... Et toi, qu'est-ce qui t'amène à voyager ainsi loin de chez toi ?

La guerrière fixa une guêpe noire avec un abdomen orange près d'une petite flaque d'eau boueuse, l'insecte récupérait de la boue avec ses mandibules et la faisait tourner pour en faire une boulette solide. Une fois que cette dernière eut une taille qui sembla convenir à l'animal, la guêpe s'envola avec pour aller continuer la construction de son nid.
Pendant tout ce temps elle avait eu le temps de peaufiner sa réponse, toujours ce souci de ne pas en dire trop, mais là elle ne risquait pas de révéler un secret susceptible de nuire aux Soeurs, alors...

[color=#c9001]-J'acomplis mon chelak, c'est un rite initiatique où les jeunes femmes de ma communauté partent pendant trois années sur les routes et chemins de Féerune dans le but de découvrir le monde extérieur, ses habitants, ses coutumes, de s'endurcir le corps et l'esprit et d'enrichir notre communauté avec l'expérience acquise. Le point qui nous est propre est l'obligation de revenir avec une vie en plus avec nous.[/color]

La guêpe revint à ce moment là et recommença son manège avec sa boue.

Surya haussa un sourcil intrigué. Un rite initiatique consistant à parcourir le monde pendant une certaine durée, c'était sans doute quelque chose d'assez répandu dans les communautés autochtones des confins du continent. Mais l'obligation de revenir avec une vie ? Qu'entendait-elle par là ? Le seul moyen de le savoir était de poser la question, aussi demanda-t-elle aussitôt.
- Que veux-tu dire par une vie en plus ? Vous êtes sensés ramener une nouvelle recrue ? Un fiancé ? Ou je ne sais pas moi, quelque chose de glauque comme tuer quelqu'un par un rituel qui vous permettrait d'avoir sa vie en plus de la vôtre ? Je ne saisis pas, j'avoue...
Et pourquoi semblait-elle hésiter à parler de ses origines ?

Galariel sourit de la naïveté de Surya, encore qu'elle devait bien reconnaître que la formulation choisie entretenait la confusion:

-Non, rien d'aussi glauque je te rassure, on a à peine mis un pied dans l'âge adulte quand on part et nous sommes pleinement femme en revenant, tu comprend?

Cette fois c'était plus clair pensait-elle.

Surya réfléchit un instant, puis commenta à voix haute.
- Pleinement femme... Voyons... moi, personnellement, je me sens toujours pleinement femme ! Mais j'ai ouï dire que certaines -ou plutôt certains si tu veux mon avis- considèrent qu'on ne devient pleinement femme que dans les bras d'un amant exceptionnel, suffisamment bon pour nous emmener au septième ciel. Pourquoi septième, d'ailleurs, j'avoue que je me le suis toujours demandé, moi j'irai bien jusqu'au dixième !
Elle rit.
- D'autres, peut-être, ne se sentent complètement femme que lorsqu'elles portent la vie en elle... Est-ce que c'est cela que tu entends par une vie à ramener avec toi ?

La première remarque provoqua chez Galariel un éclat de rires qui fit se retourner la plupart des soldats présents qui se demandaient ce qui se passait, se reprenant elle dit:

-Une quête de trois ans pour trouver l'amant incomparable capable de prodiguer l'orgasme ultime, mmh voilà assurément un sujet digne d'une belle ballade épique pour une barde de ton talent, et un peu coquine sur les bords. puis devenant plus sérieuse Mais tu as raison sur la fin, on doit revenir en étant mère ou en passe de le devenir.

Surya sourit à la première phrase de Galariel. La fin la laissa plus songeuse.
- C'est un peu étrange, comme coutume... J'ai du mal à imaginer qu'on ait envie de s'encombrer d'un enfant quand on est une aventurière, une guerrière. Mais peut-être, je ne sais pas... que c'est comme cela que vous peuplez vos villes ? Peut-être que les hommes n'y sont que des esclaves servant à procréer ? Ou qu'ils sont tous stériles ? Ou alors vous sacrifiez ces foetus à une divinité quelconque ? Brrr, quelle horreur. Mieux vaut peut-être ne pas le savoir finalement...
Elle rit. On lui avait dit mille fois qu'elle avait trop d'imagination. Mais parfois la réalité était pire que la fiction...

Les remarques de Surya ne firent pas beaucoup rire Galariel, elle s'arrangeait toujours pour laisser d'elle une image dure mais la représentation que la bardesse se faisait de sa société allait bien au-delà de l'horreur.

-Crois tu vraiment que je serais ici si je m'adonnais à de telles pratiques? En ce cas je serais de l'autre côté et notre première rencontre se serait soldée par mon épée te transperçant de part en part. Nous sommes une communauté de femmes, et pour nous chaque naissance est une bénédiction qui doit être chérie. Quand aux mâles qui ont pour compagne une des nôtres, leur place est à la maison

- Ah, j'aime mieux ça, lança Surya, d'un ton soulagé. Je me disais aussi que j'avais trop d'imagination....
Elle sourit.
- Mais donc, certaines de tes camarades ne se contentent pas de ramener une bébé en devenir... elles ramènent aussi le père, qui chez vous reste au foyer ? Ai-je bien compris ? Ou alors elles épousent l'un des mâles de votre communauté qui élèvera l'enfant ?
Les deux solutions étaient possibles. Et vraiment, elle était curieuse de le savoir, sans que cela dénote la moindre envie de les juger pour autant.
- Et... toi, dis-moi, l'as-tu déjà rencontré, ce géniteur ? Et songes-tu à le ramener avec toi ou bien ne ramèneras-tu que l'enfant que tu porteras ? Je sais, je suis curieuse... mais c'est mon métier, de découvrir des us et coutumes variés, et parfois de les mettre en vers !

La jeune femme sourit à son tour, il n'y avait pas que sa petite taille qui pouvait faire penser à tort que Surya était une halfeline, sa curiosité était plus forte que celle des petites gens ne trouvant d'égale que chez les kenders de Krynn.
Elle aurait beaucoup de mal de satisfaire e besoin maladif:

-Pas tout à fait, pour répondre à ta première question en général le géniteur n'est pas au courant du rôle qu'il a joué mais il arrive qu'une de nos Soeurs ramène un compagnon avec elle. Ensuite, au départ il n'y avait pas d'homme dans notre communauté, mais comme nous nous développions la sécurité autour de notre citadelle augmenta permettant l'installation de quelques villages dans les environs qui profitaient de la protection que nous leur fournissions. Avec le temps, certaines d'entre nous s'unirent avec des hommes de ces villages et s'y installèrent. Notre citadelle est interdite aux hommes et nous ne donnons naissance qu'à des filles, qui sont élevées par leur mère dans la citadelle, mais nous pouvons choisir d'engendrer un garçon mais il restera avec son père. C'est une grande preuve d'amour chez nous.
Quand à moi, le géniteur je l'ai trouvé et être enceinte ne va pas me gêner durant mon Chelak grâce à une potion qui nous permet de bloquer la gestation au premier mois le temps que nous voulons.

Elle s'interrompit attendant la prochaine valse de questions qui ne tarderaient pas à venir.

Surya ouvrit de grands yeux.
- Une potion de retardement de la grossesse ? C'est drôlement pratique dis-moi ! Parce que, effectivement participer à ce genre de mission, là, avec un gros ventre, ce ne serait pas simple... Mais donc, j'en déduis que tu n'emmène pas le géniteur avec toi. Je parie que tu as choisi le plus beau guerrier que tu as croisé... poursuivit-elle avec un clin d'oeil.
Elle réfléchit un instant. Elle commençait à bien cerner les choses, la communauté totalement féminine, les garçons élevés par leurs pères et les filles par leurs mères... Ah, une chose clochait, encore.
- Mais comment vous est-il possible de choisir si vous allez engendrer un garçon ou une fille ? Je croyais que ce genre de "choix" était le pur fruit du hasard...

Cette question si elle avait été posée il y a six mois aurait étonnée Galariel, comme elle était arrivée à la Citadelle de la Lune étant enfant pour elle ce qui s'y passait constituait une norme établie. Alors quand, à l'extérieur, elle s'était rendue compte que certaines choses fonctionnaient différemment comme la nature aléatoire d'une naissance, elle en avait été fortement troublée.

- Je ne saurais te répondre, chez nous nous ne donnons naissance qu'à des filles sauf si nous décidons le contraire. Peut-être faut il y voir la bénédiction de la Déesse, c'est tellement naturel pour nous que peu se pose seulement la question. Et non, je n'ai pas de compagnon pour l'instant...ni de compagne, je suis encore trop jeune pour nouer une relation durable et franchement ce serait certainement un poids supplémentaire pour le moment, du moins tant que je ne suis pas rentrée chez moi. Quand au père, un barde séduit dans une auberge qui trouvé une couche vide à son réveil et dont j'ignore même le nom. Pour te dire, il ne pensait pas à parler sur le moment.

Elle sourit, satisfaite de son petit trait d'humour.

Mais si la petite barde avait de nouvelles questions en tête, elle fut interrompue par le sergent et n’eut pas l’occasion de les poser, du moins pas immédiatement.

- Allez, tout le monde en selle. Je veux deux cavaliers en avant de la colonne pour repérer la piste. On nous a signalé des ennuis potentiels dans les environs alors restez tous vigilants. Surya, Galariel, restez bien derrière moi à présent.

Une fois en selle et une demi-lieue parcourue, les jeunes femmes purent découvrir que le terrain très plat jusqu’ici laissait place à davantage de reliefs, principalement des collines basses. La nature du sol changea elle aussi imperceptiblement : l’herbe uniforme qu’ils foulaient depuis la côte laissait la place, de loin en loin à des zones pierreuses. De gros rochers épars pouvaient dissimuler tout et n’importe quoi mais le sergent tenait soigneusement le convoi à l’écart de ces zones ou du sommet des collines qui les feraient trop facilement repérer par d’éventuels adversaires embusqués.

La vigilance constante de Galariel fut enfin récompensée quand elle détecta une anomalie inquiétante avant même les membres de l’escorte. Depuis quelques minutes qu’ils étaient en route, plus aucun son coutumier à la lande ne se faisait entendre. Soudain, un des chevaux luméniens fit un brusque écart et cabra violemment, mettant en difficulté son cavalier pourtant expérimenté. L’animal avait réagi d’instinct et sa panique ne tarda pas à se communiquer à ses comparses quelques secondes plus tard. Galariel avait pu se préparer ce qui lui permit de maintenir son assise quand sa propre monture fut saisie par la nervosité. Surya, en revanche, ne put maîtriser son poney qui s’écarta du groupe avec une célérité étonnante pour un si petit animal. Deux cavaliers lui emboîtèrent le pas pour tenter de l’aider après avoir repris un semblant de contrôle.

Le sergent appela immédiatement ses éclaireurs mais la réponse à sa question intervint par le biais d’un grondement puissant et guttural qui fit se dresser les cheveux sur la nuque de tous les militaires. Un rocher faisant la taille d’une tête de cheval s’abattit au sol, sans faire de victime heureusement, et le sous-officier à la tête du détachement réagit instantanément :

- Des géants ! Ne restez pas groupés !

Une silhouette massive ne tarda pas à apparaître sur une crête toute proche pour donner raison au sergent, en partie du moins. Tout en s’emparant d’un autre rocher, un monstre mesurant une bonne dizaine de pieds de haut malgré sa position voûtée les invectiva :

- Pas Géant ! Ath-Atch ! Vous mourir stupides humains !

Après un premier instant de panique, le sergent avait réussi à organiser ses troupes : il avait envoyé prudemment trois de ses hommes pour tenter de contourner le monstre à revers, trois autres s’étaient mis à chevaucher en cercle à bonne allure pour éviter de former une cible trop facile avec leurs montures. Ils avaient dégainé des arcs courts et entreprirent d’arroser le monstre d’un tir de barrage constant pour couvrir la progression de leur sergent qui accompagnait Galariel à pied et la tentative de contournement de leurs camarades. De Surya et de ses deux gardes du corps, nulle trace pour le moment.

Le luménien entraîna la guerrière sous le couvert d’une concrétion rocheuse à mi chemin de la créature pour faire le point et reprendre son souffle :

- Vous avez de quoi le distraire ? Ce ne sont pas les flèches de mes hommes qui abattront un tel monstre mais elles l’affaibliront. Mais il va falloir agit avant que cette abomination n’apprenne à viser.

Comme pour ponctuer ses propos, un énorme rocher se brisa à seulement quelques mètres de leur position.

Relevant la tête pour vérifier si le géant comptait encore les viser, Galariel répondit par l'affirmative:

-J'ai effectivement quelques carreaux spéciaux qui pourrait nous aider, dont certains qui dégagent un éclat aveuglant. Je comptais les garder pour des situations plus dangereuses mais je peux en sacrifier un, le problème c'est que nous sommes encore trop loin. Pour bien faire je devrais m'approcher à moins de 10 mètres pour pouvoir lui tirer en pleine face.

Le sergent embrassa la situation : pour le moment, aucun homme ou animal n’avait été touché quoique deux hommes en sus de Surya aient été mis hors combat. Les flèches tirées par les cavaliers ne faisaient qu’agacer le monstre sans lui porter de blessures préjuciables. Il faudrait encore au moins une minute avant que le dernier groupe n’ait contourné le monstre. Il fallait donc faire diversion comme le suggérait la guerrière.

- Si nous ne restons pas immobile plus d’une seconde, il n’aura pas le temps de viser mais attention, cette engeance peut très bien décider de charger. Nous lui réservons encore une petite surprise alors pas d’imprudence et tenez-vous prête à agir. Essayez d’atteindre cet autre rocher sur la droite pendant que j’attirerai son attention dans l’autre direction.