La Couronne de Cuivre

Quête : Equité

Astrée avançait sans rien voir de la ville, l'esprit complètement obnubilé par un tournoiement de pensées et d'angoisses.
Puis soudain... Un tournesol. Prince. Son coeur bondit, un instant. Prince était là, tout proche...
Puis la vision se dissipa. L'avait-elle imaginée ? Non, elle sentait encore la salive dans sa bouche. Prince cherchait à la contacter... ou plus probablement, il était en peut-être train de rêver, encore embrumé par les herbes ingurgitées. Mais si elle était capable de percevoir ses rêves, elle devait pouvoir percevoir sa présence.
- Tybert... Je m'arrête une seconde, j'ai cru sentir Prince.
De toutes ses forces, un immense espoir gonflant son coeur et lui donnant l'énergie qu'elle croyait ne plus avoir, elle se concentra. Cherchant, parmi toutes les petites étincelles de vie autour, celle qui correspondrait à sa monture.

Quête : Equité

Tybert s'était arrêté quelques mètres plus loin, l'air à nouveau absent, mais Astrée n'y prêtait aucune attention. Elle se concentra de toutes ses forces, triant les fragments de conscience qui s'ébattaient autour d'elle. Deux rats, une araignée pressée, un poulain né la nuit, la jument épuisée, un cheval, un autre cheval, encore un cheval, une mule revêche, un autre cheval, un étalon belliqueux, encore un cheval, encore, encore, encore, il y en avait partout, il y en avait mille, plus sans doute, et chaque esprit frôlait le sien jusqu'à ce qu'elle perde un instant le contrôle de cette ronde animale, ses envies d'avoine, d'eau, de grands espaces, de la pouliche dans la stalle voisine, et cette crainte de l'homme, ou du fouet, et cette fatigue viscérale, dans les jarrets, la bouche ou les reins. Mais de Prince, nulle trace. Le bref contact s'était estompé.

Quête : Equité

Avec un serrement au coeur douloureux, à la mesure de l'espoir vibrant qu'elle avait un instant ressenti, Astrée revint vers Tybert.
- Je l'ai à nouveau perdu. Il doit être à moitié inconscient, en train de rêver... Mais tôt ou tard il va se réveiller. On va les retrouver. je vous le jure...
Le clerc paraissait tellement perdu... Elle tendit la main, tenta maladroitement de lui serrer l'épaule.
- Mangez quelque chose, ou buvez, ça vous fera du bien. Ou... priez, peut-être, si ça peut vous rendre un peu de forces. On va avoir besoin de toute notre énergie pour les sortir de là. On n'a pas le droit de flancher, pas maintenant. Ils ont besoin de nous. Reynald est vivant, mettez-vous bien cette pensée en tête, il est vivant et il a besoin de vous de toute urgence. Interdisez-vous de penser autre chose. Il a besoin de vous...
Elle ne savait que dire d'autre. Il fallait absolument que Tybert se reprenne, au moins un petit peu...

Quête : Equité

Tybert acquiesça lentement mais ne dit rien. Il fit volter son cheval et le remit au galop, filant dans la poussière, sans réellement se soucier des autres passants qui s'écartaient, habitués à ce genre de comportements. Ils gagnèrent rapidement la sortie de la ville, franchirent les portes sans être inquiétés, puis durent ralentir comme ils débouchaient dans le campement nomade qui encerclait la cité. Des enfants vêtus de peaux couraient en tout sens, aveugles aux sabots qui claquaient autour d'eux, et des moutons semblaient avoir envahi la route, en rangs serrés. Dans doute partiellement revenu à lui-même, Tybert demeura très calme, guidant sa monture placide au travers de cet océan de dos crottés. Des tentes parsemaient les abords de Bortheias, en anneaux lâches, bourg en dehors du bourg. L'ensemble donnait une impression de désordre total, mais les nomades eux-mêmes paraissaient s'y retrouver parfaitement et circulaient paisiblement au coeur du capharnaüm. Astrée et Tybert finirent par s'en extirper et reprirent le galop, poursuivis un instant par un chien malingre qui finit par renoncer. Sur une colline, non loin, se dressait la petite forteresse du Fier Coursier de Bortheias...

Quête : Equité

D'ici...

L'heure était tardive et la ville beaucoup plus encombrée, aussi les deux cavaliers mirent-ils plus de temps pour regagner l'Auberge des Champs que lors de leur périple matinal. Heureusement, Tybert connaissait bien la ville, et il put proposer des itinéraires alternatifs lorsqu'ils se retrouvèrent englués dans une petite foule à l'abord d'un marché ou derrière une troupe de cavaliers trop lente. Ils arrivèrent enfin à destination, confièrent leurs braves montures aux palefreniers et regagnèrent la grande salle, qui bruissait d'activité. C'était l'heure du repas de la mi-journée et Astrée, malgré son manque d'appétit, réalisa qu'elle allait devoir ingurgiter quelque chose si elle voulait conserver un peu d'énergie. Maedron était affairé parmi son personnel, mais il les vit et leur désigna une petite table libre, manifestement réservée pour eux.

Quête : Equité

Astrée s'affala plus qu'elle ne s'assit. Elle avait presque mal à la tête à force d'échafauder des hypothèses et des plans plus absurdes les uns que les autres. Elle devait absolument cesser de penser à tout et à rien, et se concentrer sur leur problème immédiat. Elle avala d'un trait, coup sur coup, deux verres d'eau quémandés au serveur, et lorgna la nourriture d'un air morne. Elle n'avait pas faim. Vraiment pas. Mais il y avait près de deux jours qu'elle n'avait fait que grignoter du bout des dents, ne dormant quasiment pas, et elle savait qu'il lui faudrait absolument toute son énergie et le maximum de lucidité pour les heures à venir. Elle se força donc à avaler, bouchée après bouchée, mastiquant longuement, presque l'intégralité de la portion qu'on lui servit. C'était certainement délicieux mais elle était bien incapable de l'apprécier.
Elle n'avait pas l'énergie de discuter avec Tybert. Rabâcher encore une fois leurs questions et angoisses ne les mènerait à rien, aussi resta-t-elle silencieuse. Elle guettait Maebron du coin de l'oeil. Ils n'avaient vraiment pas de chance d'arriver juste au moment du coup de feu : il leur faudrait attendre d'avoir moins d'oreilles indiscrètes à proximité.

Quête : Equité

Mais l'aubergiste fit en sorte de se rendre disponible et, mine de rien, le brouhaha ambiant s'avéra constituer une excellente couverture sonore à leurs conciliabules. Il vint s'asseoir avec eux et écouta attentivement ce qu'ils avaient à lui apprendre. Il ne parut pas surpris de ce que Goran leur avait raconté, même si son expression se durcit.
" Je vais aller voir Finkus, je pense que c'est mieux..."
Il se tourna vers Tybert.
" Et toi, tu devrais aller à la Fontaine pour te ressourcer. Tu as en toi de reprendre contact avec Reynald, même s'il est à cent lieues d'ici.
— C'est vrai... souffla l'Eldathien, comme s'il y songeait seulement maintenant.
— Cela nous permettra de savoir ce qu'il en est réellement."
Astrée eut brusquement une vision de coquelicots. Un champ complet. Un soleil franc. Une brise agréable. Elle courut un moment dans les blés quadrillés de corolles rouges, puis à nouveau, les images s'estompèrent, la laissant dans le noir.
" Vous allez bien ?" demanda Maedron.

Quête : Equité

Ainsi, Tybert pouvait contacter Reynald, et il y pensait seulement maintenant ? Elle se souvenait bien que Reynald en avait parlé, mais elle avait chassé l'idée de son esprit, sachant qu'il n'était certainement pas en capacité de le faire en ce moment. Elle n'avait pas osé songer que Tybert avait le même pouvoir.
Puis il y eut ces délicieuses fleurs. Puis plus rien, et l'aubergiste qui s'inquiétait.
Astrée soupira.
- Ca va, ce n'est rien... j'ai senti la présence de Prince, mais ça c'est estompé déjà. Comme tout à l'heure. Il a dû sombrer à nouveau... je vais tout de même essayer de me concentrer, de le contacter, on ne sait jamais. Ensuite je pense que j'irai enquêter avec vous, sauf si vous pensez que je peux être plus utile ailleurs.
Elle sourit à Tybert, un rayon d'espoir dans les yeux.
- Et vous, vous irez à la fontaine... Vous allez nous retrouver Reynald !
Le sorlyn serait-il en état de répondre ? Et s'il ne répondait pas, Tybert pourrait-il le localiser, ou au moins d'avoir la certitude qu'il était vivant ? Elle préféra ne pas poser ces questions à voix haute.
- Mais laissez-moi juste quelques minutes pour tenter de rétablir le contact avec Prince, au cas où...
Elle n'y croyait pas vraiment, mais elle ne pouvait pas laisser passer la moindre chance.

Quête : Equité

Cette fois-ci, contre toute attente, elle eut la sensation d'effleurer quelque chose. C'était ténu, fuyant, frustrant même, comme lorsqu'on a soif et qu'il ne reste qu'une petite goutte d'eau dans le fond de l'outre. Car il y eut une vibration, un souffle, puis cela lui glissa entre les mailles de l'esprit, et elle se retrouva baladée de souris en corneille, de hongre en mule, de boeuf en lézard. Le carrousel de ces âmes infimes lui donna cette fois une franche nausée. Maedron parut lire le résultat de son investigation silencieuse sur son visage.
" Ne vous épuisez pas... Le lien que vous avez avec votre cheval redeviendra prépondérant quand nous les aurons localisés."
Il pinça les lèvres.
" De mon côté, je pense que je peux affirmer avec certitude qu'aucun de mes employés n'est responsable. Peut-être avez-vous été vu dans la rue ?"

Quête : Equité

Astrée secoua la tête, dubitative.
- Je ne pense pas... Mais je n'ai pas vraiment fait attention. On avait mis une couverture sur Prince, il faisait sombre, on n'est pas restés longtemps dehors. Si quelqu'un nous a vus, il faut qu'il ait immédiatement suspecté quelque chose... Peut-être après tout, mais ça ferait vraiment beaucoup de hasards contraires.
Cela lui semblait peu plausible, mais pas complètement impossible. Mais alors... qui ? Elle soupira.
Ressentir même brièvement son lien avec Prince lui avait toutefois redonné de l'espoir. Il allait se réveiller, petit à petit. Et Tybert allait contacter Reynald... Ils allaient réussir à les retrouver très vite.
- Puisque vous êtes sûrs de vos employés... est-ce qu'un client aurait pu apercevoir Prince dans sa stalle ?

Quête : Equité

Maedron eut une grimace.
" Bien sûr, c'est tout à fait possible. Il suffit que quelqu'un ait voulu aller vérifier que son cheval était bien installé et il aura pu voir Prince... J'ai manqué de prudence, j'aurais dû fermer la bâche de séparation..."
Il soupira.
" Personne n'est parti pendant la nuit et il n'y a pas eu de départs précipités ce matin, mais au moins deux groupes de voyageurs ont repris leur route... Ce qui ne veut pas forcément dire qu'il s'agit d'eux... Notre homme pourrait très bien avoir été chercher ses complices au dehors, puis être resté comme si de rien n'était..."
L'elfe noir se leva.
" Je vais chercher mon registre."

Quête : Equité

Astrée regarda l'aubergiste s'éloigner avec un soupir. Elle n'y croyait pas vraiment. Mais après tout, peut-être qu'une liste de noms de clients, recoupées avec les informations du dénommé Finkus, leur donnerait un début de piste. Il fallait essayer, de toute façon. Il fallait tout essayer.
Elle se tourna vers Tybert, posa doucement une main amicale sur son bras, hésitant à rompre le silence.
- Tybert... Ca va aller ?

Quête : Equité

Il parut sortir d'un songe.
" Oui. Bien sûr. Je suis... désolé de ne pas avoir réfléchi plus tôt à ce qui était en mon pouvoir... dit-il. Je devrais pouvoir localiser Reynald assez facilement... Au moins le voir... son environnement... Peut-être lui parler, s'il est en état. En même temps..."
Il eut une grimace.
" Je pense que je n'ai pas tellement envie de savoir."
Il haussa les épaules et son regard balaya la salle autour d'eux, sans réellement la voir.
" Ce n'est pas la première fois que nous sommes dans des situations compliquées, pourtant. Mais curieusement, jusqu'ici, nous les avions toujours affrontées ensemble. Tymora devait veiller."
Un soupir s'arracha à sa poitrine.
" Ça va vous paraître ridicule, mais... cela devait faire quinze ans, cette année, que nous avons quitté Erhedun pour la première fois. Reynald est pratiquement tout ce que j'ai, au monde. S'il devait lui être arrivé quelque chose... Je ne sais pas bien ce que je ferais."
Il la dévisagea, baissa les yeux.
" En fait, je ne sais pas bien qui je serais."
Son teint s'empourpra comme il réalisait qu'il en avait sans doute un peu trop dit, et trop vite, à quelqu'un qu'il ne connaissait même pas quelques jours plus tôt.

Quête : Equité

Astrée songea, avec un inexplicable pincement au coeur, que Tybert et Reynald étaient tout l'un pour l'autre. Sans le savoir pourtant, l'autre matin, elle avait donné exactement cette raison pour refuser de partir seule avec Reynald. Refus tellement absurde et insignifiant aujourd'hui...
Elle regarda Tybert, qu'elle n'avait jamais entendu parler autant qu'aujourd'hui, et encore moins se confier ainsi. Ces deux-là ne pouvaient vivre l'un sans l'autre. Du moins, Tybert ne le pouvait pas. Reynald... lui non plus sans doute.
- Je... je crois que je comprends, murmura-t-elle avec douceur. Et... je suis sûre que Tymora ne permettra pas que vous soyez séparés trop longtemps. Certaine. Et...Reynald vit peut-être des choses terribles à l'heure qu'il est, c'est vrai, et... et moi aussi j'ai très peur pour lui. Mais je suis sûre qu'il garde confiance, qu'il sait que vous viendrez à son secours, qu'il vous attend. Si vous parvenez à entrer en contact avec lui, non seulement nous pourrons le localiser, mais lui saura que nous sommes là. Cela lui donnera l'énergie pour résister, pour tenir jusqu'à ce qu'on arrive. C'est vraiment important qu'il garde cet espoir, qu'il ne s'écroule pas... Dites-lui qu'on est là, qu'on arrive...
Elle soupira, baissa la tête.
- C'est notre seule chance. Tant que Prince ne se réveille pas, vous êtes le seul à pouvoir les localiser. Et il faut faire vite...

Quête : Equité

" Vous avez raison, dit-il en se levant. J'ai besoin d'une bonne heure. Je pense que j'ai plus ou moins en tête ce que je dois demander à Eldath... Ensuite... Ensuite, nous serons fixés..."
Il sourit difficilement.
" Merci Astrée. Je sais que la situation est difficile pour vous aussi... Mais nous allons les retrouver."
Maedron arriva juste au moment où l'Eldathien quittait la salle. Il le regarda partir, l'air songeur, puis sourit à Astrée, encourageant.
" J'ai réfléchi. Nous n'arriverons à rien avec ce fichu registre. Mais vous pouvez interroger les chevaux, si j'ai bien compris. Ils auront fatalement vu un premier visiteur passer... Si vous me le décrivez, je saurai le reconnaître, et nous le cueillerons plus aisément."

Quête : Equité

- Je vais essayer...
Elle aurait dû le faire le matin même. Mais elle n'avait pas voulu croire que les chevaux puissent lui apprendre quoi que ce soit de vraiment utile. Et encore maintenant, elle avait du mal à s'en persuader.
Elle se leva. Il fallait qu'elle se ressaisisse. Elle devait tenter toutes les pistes possibles. Et garder l'espoir, ne surtout pas se laisser aller au pessimisme.
- Ils risquent de me décrire tous les visiteurs qu'ils ont vu dans la soirée, à moins que celui-ci les ait marqués... Donc ce n'est pas sûr qu'on arrive à grand-chose. Mais de toute façon il faut tout tenter. J'y vais tout de suite, ajouta-t-elle en se dirigeant vers la porte de service qui menait aux écuries.

Elle se dirigea droit vers la stalle de Prince, s'interdisant de baisser les yeux vers la tâche de sang, évitant de lorgner l'espace vide où aurait dû se trouver sa monture. Elle avisa la monture la plus proche, devant laquelle les ravisseurs étaient forcément passés, et lui caressa le chanfrein, lui parlant d'une voix douce, apaisante. Puis elle se concentra et tenta d'entrer en contact avec lui. Espérant qu'il se souvienne, et qu'il soit disposé à l'aider....

Quête : Equité

Astrée entra ainsi en contact avec l'esprit curieux d'une pouliche baie encore jeune, parfois facétieuse et aimant le blé mûr, monture d'un jeune homme propre sur lui originaire d'un village minuscule. Tout cela, elle l'apprit par visions successives, tandis que la jument se prêtait avec bonne nature à l'expérience. Il fallut cependant que la rôdeuse partage quelques uns de ses propres souvenirs avec l'animal, pour en gagner petit à petit la confiance. Ensuite, elle fut admise plus avant dans son être et un instant, elle eut la sensation de voir... non, de percevoir... car ce n'étaient pas réellement des images... à la place de la pouliche.
Contrairement à ce qu'Astrée avait imaginé, et vu l'heure tardive à laquelle ils étaient arrivés, il y avait eu très peu de visiteurs dans l'écurie pendant la soirée. Un jeune gars en vêtements bruns était passé plusieurs fois, Astrée devina l'odeur de la sueur et de la poussière de paille, un sifflotement tranquille, une caresse sur le chanfrein, délicate, et elle reconnut le palefrenier qu'elle avait déjà croisé plusieurs fois. Il y avait aussi eu un homme lourd, odeur d'alcool piquante, ondes de mauvaise humeur, qui était passé en ronchonnant, sans regard, sans geste, pour aller jusqu'à une des stalles plus proches de la sortie avant de repasser dans l'autre sens, l'aura toujours trouble et vilaine. Puis il y avait eu une femme gracile, curieuse et généreuse, toute en carottes et en feuilles de laitue, couleur de foin, odeur de fleur trop forte, beaucoup trop forte. Et puis plus personne : la jument s'était couchée et endormie.

Quête : Equité

Une femme... Elle excluait le palefrenier, mais aussi l'ivrogne, même s'il avait pu éventuellement voir quelque chose et vendre la mèche. Non, c'était la femme, trop généreuse en carottes à une heure si tardive, cherchant certainement à amadouer les bêtes, et puis il y avait l'odeur de fleurs.... Et le sommeil de la pouliche, juste à ce moment-là, juste après cette odeur.
Elle revint vers la salle principale, à la recherche de Maedron, pour lui résumer ce qu'elle avait vu et lui décrire le mieux possible la femme. Ce qui était loin d'être évident, vu les différences de perception entre les chevaux et les humains, les premiers axés sur leurs sens olfactifs et les seconds sur leur vision...

Quête : Equité

Maedron l'écouta attentivement et son regard se rétrécit.
" Elle est partie en milieu de matinée avec son garde du corps. Une dame de Lunaros en route pour Luménis. Ou du moins était-ce son histoire..."
Il baissa les yeux sur son registre.
" Dame Ysance de Mélieux, voilà. Et Messire Eflamm Beren. Elle montait une jument blanche et lui un destrier de guerre. Un gars basé, épée à deux mains."
Il regarda Astrée et la jaugea une seconde.
" Bon, nous avons du travail. J'en ai pour peu de temps. Allez nous seller les gris. J'espère que votre arc ne sert pas juste à effrayer les soupirants indélicats."

Quête : Equité

Son arc lui servait quasiment exclusivement à chasser. Et son bâton avant tout à marcher. Mais elle s'abstint d'en faire part à Maedron. Il fallait les retrouver, à tout prix. Elle songea à Reynald, à Prince, à ce qu'ils comptaient leur faire... Elle devait se montrer aussi impitoyable qu'eux.
En temps ordinaire, elle aurait été horrifiée d'une telle pensée. Mais aujourd'hui tout était différent. Elle n'avait pas d'autre choix.
- Je vous suis, répondit-elle sombrement en lui emboîtant le pas.

Quête : Equité

Mais Maedron l'abandonna aux soins des chevaux tandis qu'il s'esquivait dans les profondeurs de l'auberge. Elle avait eu le temps de préparer leurs deux montures lorsqu'il reparut. Il portait un long manteau gris qui dissimulait imparfaitement une armure noire. Astrée n'eut cependant pas le loisir de l'examiner : le drow alla jusqu'à la porte qu'il poussa. Une grimace tordit ses traits acérés.
" Maudit soleil, je vais être presque aveugle... grommela-t-il. Par les dieux, que je déteste toute cette lumière."
Il revint en arrière.
" Vous allez devoir être mes yeux tant que nous ne sommes pas au contact. Ne lésinez pas sur les détails. Maintenant, en selle. Prenez la tête, nous allons vers l'ouest."

Quête : Equité

Alors... ainsi c'était vrai que les drows ne supportent pas la lumière du jour ? Elle l'avait entendu dire, ou plutôt chanter, autrefois...
Chassant cette pensée parasite de son esprit, la rôdeuse obtempéra, prenant la tête. Elle décrivit les rues qu'ils longeaient, écoutant ses instructions lorsqu'ils s'approchaient d'une intersection. Elle tentait de faire taire ses doutes : il semblait sûr de lui, bien plus habitué qu'elle à ce genre de choses. Mais qu'est-ce qui lui prouvait que ceux qu'ils cherchaient étaient partis vers l'ouest comme ils l'avaient dit ? Sans doute parce qu'ils n'avaient aucune raison de mentir au moment où ils avaient annoncé leur destination. Mais s'ils avaient changé d'avis ?
Elle finit par oser le questionner :
- Pourquoi l'ouest ? Comment pouvez-vous en être aussi sûr ?

Quête : Equité

Maedron laissa son cheval remonter le long du flanc de celui d'Astrée, l'encourageant de discrets claquements de langue.
" Je n'ai aucune certitude, dit le drow, mais il faut bien commencer par quelque part... La porte Ouest est malheureusement la plus fréquentée, les gardes n'ont probablement pas arrêté un équipage aussi léger, mais beaucoup de gens les auront vus passer, si c'est le cas... C'est également l'endroit où se trouve la caserne de la garde de Bortheias. Je pense que nous devons... que vous devez, si vous êtes d'accord, déclarer le vol de l'animal. L'affaire est choquante en elle-même et si nous promettons une récompense, nous disposerons bientôt d'yeux plus nombreux pour chercher..."

Quête : Equité

Astrée hocha la tête.
- Vous avez raison... On aurait d'ailleurs dû commencer par là, d'ailleurs, maintenant que vous le dites... Mis à part que je n'ai pas les moyens d'offrir une récompense digne de ce nom. Mais dans tous les cas, il faut prévenir la garde de la disparition de ma monture et de Reynald.
Il était surprenant que le premier réflexe du drow et de Tybert ait été de prévenir Goran, et non la garde. Mais après réflexion... dans cette région, le Fier Coursier semblait réellement être considéré comme l'homme le plus puissant des environs. Une sorte de pouvoir parallèle. Et puis peu importait, plus ils auraient de gens à leurs côtés et plus ils auraient de chance de retrouver les disparus à temps.
- J'espère juste que tant d'yeux sur leurs traces n'amèneront pas les ravisseurs à... des choses inconsidérées.

Quête : Equité

" Ne vous en faites pas pour la récompense : votre cheval a été volé sous mon toit et je suis donc responsable de sa disparition. Vous le pensiez en sécurité entre mes murs et je vous ai trahi. J'offrirai la récompense. La disparition de Reynald soulèvera moins d'indignation, d'autant qu'on le soupçonnera probablement d'être de mèche avec les voleurs. C'est une personnalité controversée, à Bortheias, à cause de ses accrochages célèbres avec son beau-frère, et peu de gens croiront qu'il ait pu être enlevé par des brigands de passage. Cela risque même d'amener les gens à accuser Goran d'être derrière son kidnapping."
Ils étaient parvenus dans une zone plus fréquentée de la ville et durent ralentir le train. Maedron mit sa main en visière, pestant contre le soleil.
" Bon... Je vais aller déclarer le vol. Je préfère rester à l'intérieur d'un bâtiment, dehors, par ce temps, je ne vaux rien. Interrogez les gens, de votre côté."

Quête : Equité

Astrée ne partageait pas du tout la vision du drow sur sa part de responsabilité, mais elle ne chercha pas à débattre. Tous les moyens étaient bons pour retrouver les disparus, et elle se doutait que Maedron offrait cette récompense avant tout pour retrouver son ami Reynald et non pour réparer une quelconque négligence, encore moins une trahison. En revanche, elle se sentait parfaitement outrée qu'on puisse envisager d'accuser Reynald de complicité.
Elle grimaça, et laissa Maedron se réfugier à l'intérieur. Il connaissait les lieux et les personnes, il était logique qu'il s'en charge. Elle regarda autour d'elle, un peu désemparée. Interroger les gens oui, mais... qui ?
Le plus simple était de s'approcher des portes et de se renseigner auprès des gardes, pour commencer. Elle trouverait peut-être également des personnes susceptibles d'avoir passé tout leur temps près de la porte, parce qu'ils y résidaient ou y travaillaient par exemple.
Elle s'approcha donc, d'un pas légèrement hésitant, des gardes en faction, espérant qu'ils aient quelques minutes à lui consacrer malgré l'affluence.

Quête : Equité

Les gardes accueillirent sa requête avec mauvaise humeur : il y avait effectivement beaucoup de monde et ils avaient franchement autre chose à faire que de bavarder avec le premier promeneur venu. Mais lorsqu'elle mentionne le vol du cheval, leur attitude changea du tout au tout. Ils informèrent cependant Astrée qu'ils venaient de prendre leur tour de garde et que l'équipe précédente devait se trouver dans les baraquements installés contre la palissade. L'un d'entre eux quitta brièvement son poste pour l'y mener et la jeune femme entra dans une bâtisse toute en bois, fleurant bon la sueur et la poussière, et abritant, autour de quelques tables, une quinzaine de cavaliers à la mine revêche. Ils dévisagèrent la nouvelle venue sans aménité.
" On a volé le cheval de la demoiselle à l'Auberge des Champs. Elle a des questions à vous poser.
— On a quoi ?
— Tu plaisantes ?!"
Deux d'entre eux étaient déjà debout.
" C'est chez ce fichu drow !
— On vole des chevaux à Bortheias, maintenant ? Nous allons être la honte de la Trouée !
— Qui a volé ce canasson ?!
— On va le trouver, on va le pendre par les c...
— Laisse parler la dame."

Quête : Equité

La façon dont les gardes accueillaient la nouvelle ne lassait pas de surprendre Astrée : nulle part ailleurs on n'aurait vu des hommes indignés à ce point par un vol de monture. Cela confirmait tout ce que lui avaient dit Goran et Maedron, lui assurant d'être prise au sérieux.
Lorsqu'enfin ils daignèrent la laisser parler, elle expliqua en quelques mots.
- On a volé mon cheval, effectivement. On l'a drogué pour l'emmener, au milieu de la nuit. Tout ce que j'ai pu réussir à savoir, c'est que la drogue a très certainement été déposée par une femme, qui se fait nommer Dame Ysance de Mélieux d'après le registre de l'auberge. Elle est accompagnée par Messire Eflamm Beren, montant un destrier de guerre. Je cherche à savoir s'ils ont quitté la ville, si vous avez pu les apercevoir. Ils avaient dit se rendre à Luménis... Je ne sais même pas avec certitude s'ils ont mon cheval avec eux ou s'ils l'ont confié à des complices.
Elle soupira.
- Tout information, même incomplète, m'aiderait grandement...
Elle décrivit brièvement le duo qu'elle recherchait. Elle hésitait à mentionner la récompense, mais Maedron semblait trouver cela nécessaire, aussi ajouta-t-elle :
- Maedron a dit qu'il était prêt à offrir une récompense...

Quête : Equité

Ils écoutèrent attentivement le récit de la rôdeuse mais ne parurent pas particulièrement impressionnés par la mention de la récompense.
" Je les ai vus. Une dame en amazone sur une jument blanche, elle portait une cape de voyage. Elle est effectivement passée par la porte ouest, dit un jeune garde aux yeux noirs. Mais je ne me souviens pas d'avoir vu un homme sur un destrier de guerre.
— Je me souviens d'elle. Elle dégageait une odeur terrible... comme si elle était tombée dans une bassine d'essence de rose, ajouta un second homme, déclenchant l'hilarité parmi ses pairs.
— Un peu de sérieux, les reprit un officier grisonnant.
— C'est peut-être ridicule, mais c'est vrai. L'odeur détonait... même dans le passage fétide sous les portes !
— Mais elle avait l'air seule. En tout cas, je n'ai vu personne l'accompagner.
— Moi non plus."

Quête : Equité

Astrée sentit une onde d'espoir la parcourir à la mention de la cavalière. C'était bien elle.... Mais seule, donc.
- Bon... Donc soit il est encore en ville, sans doute avec mon cheval... Soit il est parti dans une autre direction, réfléchit Astrée à voix haute. Et cette dame, pouvez-vous me dire s'il y a longtemps qu'elle est passée ?
Si c'était récent, ils pouvaient sans doute la rattraper, l'interroger...

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Bortheias