La Couronne de Cuivre

HRP : moi je compte 30 déjà, désolée

" Quoi ? Mais c'est... ", lui répondit une voix surexcitée à qui le sortilège ne laissa malheureusement pas le temps de finir sa phrase. Toute à sa joie, Galawen n'avait pas compté les mots.
La communication fut coupée et Kasumi se retrouva seul dans la clairière, revenant un peu abruptement à la réalité. L'écureuil de la veille le regardait d'un air interloqué, les oiseaux piaillaient. Tout était calme autour de lui, et c'était presque étrange de se retrouver seul à nouveau...

HRP : Tant pis !

Kasumi n'était pas peu fier de son petit effet mais se retrouver brusquement seul ensuite fut encore plus déstabilisant par contraste. Il adressa un sourire ironique à l'écureuil qui semblait le prendre pour un fou et lança dans sa direction avec conviction :

- Je crois qu'elle va rappeler !

Peut-être Galawen ne disposait plus de sort de ce type pour la journée mais il ne doutait pas qu'elle reviendrait rapidement demander des détails. Sans doute après avoir transmis la nouvelle à son père.

L'écureuil poussa un petit cri -peut-être apeuré- et s'en fut brusquement, escaladant en un clin d'oeil le tronc du saule pleureur dans les branchages duquel il disparut.
Il lui restait à déterminer ce qu'il allait faire de sa journée et des suivantes.
L'inventaire de ses provisions lui apprit qu'il n'avais plus de viande fraîche. Un bon quart de jambon lui permettrait de tenir quelques jours encore, et la clairière lui offrirait quelques fraises des bois, quelques mûres cachées dans les buis, des champignons, salades sauvages et même des tubercules. Il lui restait des haricots secs, du pain, et divers ingrédients de bases, mais la viande allait rapidement manquer.
Il constata aussi que les rats avaient progressé pendant la nuit : ils ne visaient pas particulièrement le jeune chêne mais ils pouvaient l'atteindre par inadvertance, et l'endommager. Il y avait aussi, pas très loin dans les buis, un terrier de lapins dont il avait aperçu les occupants au crépuscule : ils pouvaient être tenté de venir grignoter la jeune pousse vert tendre.

Kasumi parvint à la conclusion qu'il ne pourrait pas lutter contre toutes les menaces - y compris de nuit - s'il n'adoptait pas un semblant de stratégie. Il choisit donc, pour commencer, de mettre en œuvre son plan pour éloigner les rats : il lui fallait donc repérer les sorties les plus éloignées de leurs terriers et y déposer régulièrement de la nourriture.

Concernant les lapins et les autres créatures herbivores, il entendait les dissuader d'approcher en s'installant au plus près de la jeune pousse pour la nuit : sa simple présence humaine ferait certainement fuir la grande majorité des animaux le temps que la pousse prenne de la vigueur et qu'ils ne soient plus vraiment une menace pour elle.

Enfin, il occuperait sa soirée à chasser un peu pour renouveler ses stocks : ce serait une agréable distraction en plus d'être nécessaire.

La journée fila rapidement, tandis qu'il mettait en œuvre ses plans visant à éviter les rongeurs de tout poils de s'approcher du Chêne. vers la fin d'après-midi, alors qu'il s'apprêtait partir en chasse, l'orage qui couvait depuis le matin éclata. En un rien de temps, tout fut trempé. Il eût la sensation que la terre sèche s'ouvrait pour engloutir l'eau tant attendue, que les herbes et les fleurs frémissaient de plaisir, que le chêne lui-même se tendait pour accueillir la pluie, avant qu'un violent coup de vent couche tous les végétaux contre le sol.
La partie de chasse, ce ne serait pas pour ce soir...

Le rôdeur ressentit intimement combien cette pluie était une bénédiction pour toute la nature environnante. Une source de profusion de vie qui garantirait croissance et pitance à tout l'écosystème. Et comme il n'était pas encore nécessaire de chasser pour se nourrir, il décida de rester sur place pour assister au spectacle de la nature et protéger la jeune pousse des plus fortes rafales en tendant une toile pour bloquer le vent qui aurait pu menacer le monticule.

L'orage dura jusqu'au milieu de la nuit, noyant tout sur son passage et laissant le rôdeur trempé comme une soupe. Heureusement qu'on était au début de l'été, avec la certitude que le beau temps reviendrait et qu'il pourrait alors faire sécher ses vêtements.
Il s'endormit plus difficilement, sur un sol mouillé dont il se protégea tant bien que mal par un amoncellement de branchages. Et il se réveilla sous une pluie fine et glacée et un ciel chargé : la pluie durerait jusqu'au soir. La clairière, sans les rayons du soleil qui l'illuminaient, apparaissait moins gaie. Mais elle dégageait cependant un sentiment de quiétude infinie.
Un rat musqué, ou peut-être un mulot, s'enfuit comme une flèche en le voyant bouger.

La nuit avait été très passable, bien moins réparatrice que les précédentes en tous cas, mais le demi-elfe se secoua rapidement pour vérifier aussitôt dans quel état se trouvait la jeune pousse. La présence du rat à son réveil justifiait sa décision de s'installer juste à côté mais il entendait se rassurer avant d'entreprendre de se défaire de ses vêtements trempés.

La jeune pousse n'avait pas bougé, minuscule petit brin de branche d'à peine un pouce, portant une feuille encore repliée sur elle-même. Planté désormais dans une terre détrempée, il ne risquait guère de manquer d'eau. Comme toute la végétation autour de lui, feuilles en bernes, corolles de fleurs fermées, il semblait attendre paisiblement le retour du soleil.
L'air avait fraîchi pendant la nuit, et Kasumi sut qu'il avait tout intérêt à s'activer en attendant lui aussi le retour du soleil, sous peine d'attraper un refroidissement.

Rassuré sur la santé de la jeune pousse, il se dévêtit entièrement avant d'aller chercher des vêtements secs dans le sac qu'il avait laissé à l'abri dans son petit campement. Vêtu de sec il pourrait entreprendre d'autres actions plus sereinement : étendre ses vêtements mouillés à l'abri de la pluie et au vent pour commencer puis entamer cette nouvelle journée par des prières à sa déesse. Bien que répétitive, cette activité ne le lassait pas, étonné et exalté qu'il était d'y parvenir avec tant d'aisance en ce lieu béni.

Etendre ses vêtements à l'abri de la pluie et du vent... ne serait pas toujours simple. Son petit campement était étanche, pour le moment, mais ne le resterait pas si la pluie durait plusieurs jours. Il lui fallait se raccrocher à l'idée qu'en été, le soleil dominerait.
La prière, en revanche, même sous la pluie, lui était plus facile chaque jour. Il entrait dans une sorte de transe où ses sens étaient coupé du monde qui l'entourait, insensible à la pluie, au froid, tout son esprit tourné vers cette entité immense qu'il sentait si proche, pleine de bienveillance et pourtant infiniment puissante.
Il en sortit réchauffé, tant physiquement que spirituellement. Il pleuvait toujours, et il y avait fort à parier que cela durerait toute la journée. Les rats aimaient cette météo, il le savait. Les lapins beaucoup moins. Et il avait ses provisions à renflouer... Et tout intérêt à cueillir fraises et salades avant que les limaces ne les croquent. Il apercevait les premières, s'enhardissant hors de l'abri des buis, encouragées par l'humidité ambiante.

Kasumi préféra se concentrer sur la cueillette des fruits et de la salade fraîche pour remettre une sortie destinée à regarnir ses stocks de viande au lendemain. Il sourit en se disant que le menu du jour, étrange mélange de sucré-salé plairait beaucoup à Sylvia mais cette évocation ne fit que raviver le sentiment qu'elle lui manquait terriblement. Il redoubla d'efforts pour chasser ce sentiment. couvrir ses besoins alimentaires et chasser à nouveau les rats des galeries les plus proches du chêne en devenir devaient lui occupaient toute la journée...

La pluie n'avait toujours pas cessé lorsque le ciel s'obscurcit. Le sol était détrempé, mais il savait que la nature faisait des réserves pour les jours secs qui ne manqueraient pas de suivre. Le plus compliqué allait être de dormir dans le froid et l'humidité...

Il se réveilla le lendemain sous un soleil timide, dans un ciel encore partiellement nuageux. Les limaces étaient déjà à pied d'oeuvre, et les rats sans doute occupés à écoper l'eau de leurs galeries. Le jeune chêne tendait sa première feuille enfin ouverte vers les rayons bienfaisant, et une autre feuille commençait à se dérouler. Il sembla à Kasumi qu'il avait doublé de taille depuis la veille.

Cette pluie avait décidément été une bénédiction et si cette nouvelle journée était placée sous le signe du soleil et de sa lumière bienfaitrice, le demi-elfe était persuadé que la jeune pousse croîtrait encore de manière notable.

Mais pour l'heure, il devait déjà se réjouir de ce que sa déesse semblait favoriser son projet. Il se confondit donc en prière pendant un long moment avant de songer à chasser pour se nourrir lui-même le reste de la journée.

Armé de son arc, il prit donc la direction du sud-est, puisque le sentier par lequel il avait abouti à la clairière était le seul accès visible. Il franchit à nouveau l'épaisse muraille de buis, se retrouva dans une zone de bois moins dense mais où le buis et les chênes verts demeurait omniprésents. Une muraille de buis, à nouveau, et il débouchait à côté de la résurgence souillée... Et son instinct le fit s'arrêter net. Il avait cru percevoir un mouvement quelque part sur sa gauche, quelque chose d'infime. La présence d'une créature assez grande, peut-être de sa taille, peut-être humaine. Devant lui, de nouvelles carcasses avaient été entassées par-dessus les précédentes. Et plus rien ne semblait bouger nulle part.

Kasumi s'était aussitôt accroupi lentement pour s'embusquer mais sans pour autant effectuer un mouvement trop vif qui aurait été bien trop facilement détectable. A nouveau et malgré le danger, il éprouva de la colère en constatant qu'on avait abattu des animaux à seule fin de souiller la résurgence. Mais il devait bien évidemment porter toute son attention sur la présence qu'il sentait encore toute proche : il s'agissait sans doute de l'un de ses ennemis et il n'était peut-être pas seul. il décida donc de rester à l'affût après avoir vérifié qu'il ne risquait pas d'être surpris dans son dos et que rien n'était embusqué au-dessus de sa tête. Car de chasseur, il n'entendait pas devenir proie...

Rien n'était embusqué au-dessus de lui. Tout était parfaitement calme, et trop silencieux. Les oiseaux s'étaient tus, et c'était en soi une preuve que quelque chose clochait.
Puis il y eut un mouvement, à nouveau, dans les fourrés. une mouvement de fuite, silencieuse et rapide.

Cette fois, le rôdeur ne fit ni une ni deux : la présence lui paraissait incontestablement hostile aussi tira-t-il la flèche qu'il avait gardée encochée à l'instinct, dans la direction de la course supposée du fuyard. Il doutait de pouvoir toucher la forme bien trop mobile avec un si mauvais angle de tir - et n'essaya pas vraiment d'ailleurs - mais s'il pouvait faire peur à cette menace, ce serait toujours ça de pris.

Il n'entendit rien de plus. Pas de cri de douleur prouvant que la créature, homme ou bête, avait été touchée. La course se poursuivit simplement dans les fourrés.
Et le silence revint, le silence ordinaire de la forêt, meublé de mille et un petits bruits, chants d'oiseaux, souffle du vent dans les branches, bêlement d'un faon au loin.
Il n'y avait guère de trace de passage dans la clairière, excepté quelques branches tordues là où il avait discerné la fuite. L'amoncellement de carcasse lui semblait cependant avoir grandi encore.

Le rôdeur sortit prudemment de son couvert après avoir soigneusement vérifié qu'on ne lui tendait pas quelque embuscade. Il n'avait plus l'intention de s'attarder dans les environs - la recherche de viande pouvant attendre un moment plus propice - mais tenter d'identifier les empreintes qu'avaient laissé le fuyard lui apporterait au moins quelques réponses. Du moins l'espérait-il !

Il découvrit quelques empreintes, discrètes, plus discrètes en tout cas que celles laissées le jour où il s'était fait piéger. Il lui semblait que c'était les mêmes, mais sans certitude. Elles ne lui apprirent pas grand-chose : l'homme portait probablement des bottes, il était plutôt léger, et très souple à en juger par les passages qu'il choisissait ; il put en effet les suivre sur quelques dizaines de toises, avant qu'elles ne disparaissent dans un ruisseau que l'inconnu avait dû suivre quelques temps au lieu de le traverser. Il ne put pas repérer l'endroit où il en était ressorti.
Un bruit, en revanche, attira son attention alors qu'il revenait sur ses pas, un bruit pas discret du tout, et probablement pas humain. Cela lui évoquait le grognement de goules.

Le rôdeur n’avait pas eu l’intention de se lancer dans une longue traque de son ennemi fuyant alors qu’il devait éviter au maximum de s’absenter de la clairière. Du reste la piste qu’il avait tout de même suivi durant quelques minutes ne lui avait pas appris grand-chose qu’il ne sache déjà…

En revanche, en entendant les grognements, signe d’une nouvelle menace, il chercha immédiatement à se dissimuler pour tenter de repérer la goule sans être perçu et surtout déterminer si elle était seule ou non : laisser le charnier dans la résurgence était une chose difficile mais nécessaire mais il ne pouvait en aucun cas laisser cette engeance proliférer et souiller le bois qu’il défendait.

Il localisa les goules sans difficulté, à l'odeur -répugnante- et au bruit. Elles étaient deux, et n'avaient pas conscience de sa présence. Elles se dirigeaient manifestement vers le charnier qu'il venait de laisser derrière lui. La malfaisance qui en émanait, qu'il percevait instinctivement, comme une effluve désagréable, devait certainement avoir un pouvoir attractif sur ce genre de créatures.

Peut-être était-ce précisément le but de ce charnier : attirer ce genre d'engeance pour profaner la région. En tout état de cause, le rôdeur était armé pour faire face à un si petit groupe. Il prit donc le temps - une nouvelle fois - de vérifier qu'il ne s'agisse pas d'un traquenard.

Il tenta alors une approche discrète dans le dos des goules et face au vent : il ne pouvait pas se permettre de gaspiller ses trop rares flèches pour de telles créatures. Restait donc à les surprendre, à les frapper rapidement à la tête et à éviter leurs griffes et leurs crocs s'il ne se montrait pas assez rapide pour les éliminer toutes les deux dans son premier assaut.

Il n'eut aucune difficulté à les surprendre, et il ne lui fallut que quelques coups d'épée pour en venir à bout : elles manquaient de rapidité et de dextérité et ne faisaient clairement pas le poids face à un rôdeur entraîné. Il écopa simplement d'une légère griffure sur le bras gauche, sans gravité, qui se soignerait d'elle-même en quelques jours à condition de la désinfecter. Rien qui puisse l'inquiéter sérieusement.

C'était tout de même une blessure qu'il aurait du savoir éviter et qui en était donc grandement agaçante. Il se promit de reprendre sérieusement ses exercices d'entraînement lors des prochains jours et voyaient cette griffure comme un rappel à la vigilance : un avertissement sans frais face à deux goules isolées. Mais il devait y prendre garde : il n'avait que trop conscience des adversaires bien plus coriaces embusqués dans ces bois et qu'il devrait affronter tôt ou tard.

Son retour dans la clairière cachée lui montra une pousse de chêne éclatante de santé -deux nouvelles feuilles s'ouvraient, brillant gaiement dans la lumière du soleil de fin de matinée. Des fraises des bois, toute proche, attiraient les les limaces, bien trop nombreuses après la pluie de la veille. Mais pour le moment, le chêne n'était pas menacé.
Un coup d'oeil à ses provisions lui rappela qu'il n'avait plus de viande fraîche, même s'il pouvait tenir encore un peu avec un quart de jambon sec.

Kasumi oublia bien vite les horreurs auxquelles il venait de se confronter en admirant la progression de la croissance de la jeune pousse. Les limaces étaient quelque peu inquiétantes mais elles ne constituaient pas un danger immédiat : il se contenterait donc de surveiller leur progression et construirait une petite barrière comme chez Hortense si elles étaient toujours aussi nombreuses le lendemain matin.

Quant à ses provisions, il pouvait tenir un ou deux jours sans viande fraîche au besoin : il valait mieux laisser passer cet intervalle avant de se risquer à nouveau hors du bosquet où il risquait d'être attendu par ses ennemis.

Il resta donc deux jours à proximité du jeune chêne, priant parfois, se reposant, surveillant limaces et rongeurs. Il dut bricoler une barrière pour les premières, chasser les seconds -sa présence était un bon moyen de dissuasion. Le faucon de Sylvia lui apporta des nouvelles banales, et surtout toute l'affection de la jeune rôdeuse, avant de s'en aller à nouveau, le laissant seul. sa louve était hors de portée, toujours avec la meute probablement. Le temps était orageux et la pluie tombait en fin d'après-midi, régulière, arrosant la jeune pousse qui, aux premières lueurs de l'aube, tendait chaque matin vers les rayons bienfaisant une ou deux nouvelles feuilles. Kasumi avait la sensation de la voir grandir à vue d'oeil. Elle faisait désormais un empan de haut, comptait six feuilles, et développait ses premières "branches".
Mais lui n'avait plus grand-chose à manger...

Le rôdeur était bien conscient de la nécessité de mettre sa garde en pause pour aller se ravitailler : la jeune pousse pouvait déjà se défendre contre la plupart des menaces pesant sur son existence tandis que lui ne garderait plus guère longtemps la forme à force de se nourrir exclusivement de biscuits et de fruits frais.

A l'aube du troisième jour, il se risqua donc à nouveau hors de la clairière, remontant silencieusement et prudemment l'étroit passage à travers les haies de buis pour gagner la zone de la résurgence. Il n'avait guère l'intention de s'y attarder que le temps de vérifier que nul menace ne l'y attendait avait de gagner d'autres zones de la forêt probablement bien plus giboyeuses et moins risquées.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Aubépine