La Couronne de Cuivre

Amélie rouvrit les yeux avant de sourire. Un sourire doux que peu de personnes n'avaient eu l'occasion d'entrevoir.

"Je crois que j'ai un peu faim maintenant. Peut-être qu'on pourrait prendre des forces avant de continuer. Ensuite, on pourrait aller se promener un peu ... en amoureux. Et ensuite aller à la fête. Je compte sur toi pour me faire danser."

Amélie s'assit en tailleurs et attrapa l'assiette que Marvin lui tendait. Elle commença à manger en silence, souriant de temps en temps au jeune homme qui la regardait. Puis, au bout de quelques bouchées se décida à lui parler.

"Désolée, je suis un estomac sur pattes. Par contre, toi, tu as l'air d'avoir très chaud. Tu es sûr de ne pas vouloir enlever ton manteau ? Je ne m'en offusquerai pas, au contraire. L'important, c'est que tu sois bien."

Le jeune homme avait bien de la peine à se concentrer sur son repas et Amélie pouvait constater qu'il ne faisait que picorer d'un air rêveur alors qu'il la regardait manger. Cependant, son intervention le fit réagir par un sourire avenant et il accepta de se délester de son manteau de fête, révélant une chemise finement coupée.

- Tu as raison ! Et je suis content que tu apprécies le repas, au contraire ! Et je me sens bien puisque je suis avec toi. Et... Non, c'est le plus important...

Amélie eut un petit sourire mutin mais ne fit aucune remarque et ne sembla pas relever qu'il s'était arrêté au beau milieu de sa phrase. Elle prit le temps de finir la part de tourte qu'elle avait dans la main avant de lui demander.

"Et ... Tu voulais me dire que tu sais danser sur les mains ou quelque chose de ce genre là ? Et je vais te dire : moi aussi. Mais je ne m'exerce que quand personne ne regarde."

Elle sourit de nouveau.

"Moi aussi je me sens bien."

L'humeur légère de la jeune barde avait malgré tout contribué à détendre l'atmosphère et finalement le jeune homme aussi. Il finit donc son assiette et se resservit même avant de répondre à Amélie d'un ton amusé :

- Danser sur les mains ? C'est un truc de fille ? Parce que moi je n'arrive même pas à faire le poirier. Enfin, je laisse ce genre de choses à Chandara : c'est elle l'acrobate de la fratrie !

Amélie croisa les bras avec une petite moue amusée.

"Alors, je vais éviter de peur que tu complexes. Par contre, j'ai vraiment envie de danser et ça, tu n'y couperas pas. D'ailleurs, si tu veux, je t'apprendrai les pas à l'avance. C'est un peu de la triche mais comme ça, on sera rodés."

Elle profita d'un moment d'inattention de Marvin pour lui voler un baiser au passage.

Et celui-ci ne manqua pas de s'empourprer, complètement surpris à nouveau par cette initiative heureuse. Il allait très certainement falloir y aller pas à pas pour que le cœur du jeune-homme survive à cette nouvelle dimension dans leur relation.

- Oh... Je sais danser. Enfin, à peu près... Pas aussi bien que je devrais peut-être alors on pourra s'entraîner quand même si tu veux.

Marvin sembla se remettre bien vite : sa résilience n'était donc pas épuisée et Amélie le surprit plusieurs fois à la regarder en douce tour en mangeant avec appétit lui aussi.

- Je n'en reviens pas de ma chance tout de même. Si j'avais su que mes sentiments pour toi étaient partagés...

Et prenant son courage à deux mains au-delà de cette déclaration, il sourit et se pencha pour l'embrasser doucement à son tour.

Amélie lui rendit doucement son baiser avant de l'embrasser à nouveau. Touchée par ses paroles, elle le serra un petit moment contre elle avant de le relâcher, craignant de lui occasionner trop d'émotions. Puis elle lui répondit.

"C'est plutôt moi qui ai de la chance. Tu sais, j'étais persuadée que tu avais quelqu'un d'autre dans ta vie et je n'osais rien te demander de peur d'être déçue. Et puis, je ne voulais pas gâcher notre amitié si elle était la seule manière de rester à tes cotés."

Marvin ne chercha pas à se dérober à son étreinte, y répondant même avec tendresse et il l'écouta avec attention avant de répondre d'un ton timide et circonspect :

- Et moi je ne pouvais pas croire que tu n'aies pas quelqu'un dans ta vie : une aussi jolie fille que toi ! J'ai même cru que tu fréquentais Léonard, à un moment...

Amélie eut un petit rire avant de lever les yeux au ciel.

"Léonard ... Il est comme mon frère. Jamais je n'aurais pu avoir une relation avec lui. Et puis, il y avait toi ... J'avoue que j'ai eu quelques propositions durant mon apprentissage. Mais chaque fois, j'ai refusé ... Parce que je n'avais pas le coeur disponible. Je pensais à toi, tu sais. Chaque fois, j'attendais tes lettres et ce que tu allais me dire. Dans les moments de découragement et même les moments les plus doux, tu as toujours été là. Même si tu ne le savais pas."

Cette grande déclaration fit à nouveau rougir Marvin et il ne sut plus où poser les yeux avant qu'il n'ose répondre d'une petite voix étonnée et incertaine :

- Je ne savais pas... De mon côté, mon frère n'arrêtait pas d'insister pour que je surmonte ma timidité et que je rencontre quelqu'un mais je ne pouvais pas leur avouer la vraie raison, que je rêvais à toi, que notre relation épistolaire m'épanouissait déjà.

Cette fois, ce fut à Amélie de rougir. Elle eut même un léger hoquet qu'elle maîtrisa avec quelques difficultés. Mais elle finit par sourire.

"Alors, c'est très bien comme ça. Parce qu'on se sent bien. Tu sais ... J'avais peur aussi pour notre différence d'âge. Mais j'ai l'impression qu'elle ne se voit pas. Tu as grandi à une vitesse stupéfiante. A moins que ce soit moi qui n'ai pas grandi. Mais quelque part, je m'en fiche. Tout ce que je sais, c'est que je me sens bien avec toi."

La différence d'âge était effectivement importante et notable mais Marvin ne semblait pas s'en soucier lui non plus. Il répondit d'un ton doux et affectueux :

- Tu n'as pas besoin de grandir : j'ai toujours apprécié ton côté joyeux, ton enthousiasme presqu'enfantin parfois. Alors que moi je suis bien trop sérieux. Enfin, c'est ce que me disent toujours Duncan et Chandara. Tu me trouves trop sage et sérieux, toi ?

Amélie ouvrit des grands yeux presque paniqués.

"Mon ... enthousiasme ... presque ... enfantin ? Je ne savais pas que c'était à ce point là."

Elle baissa les yeux sur son assiette vide comme si elle avait été responsable de quoi que ce soit. Une ombre infime de déception passa quelques instants sur ses traits vite remplacée par un sourire bonhomme.

"Enfin, ça ne fait rien. Mais ne t'en fais pas, tu n'es pas du tout trop sage ou sérieux, Marvin."

Marvin s'était bien vite rendu compte de sa bévue et qu'Amélie en avait été affectée et il répondit aussitôt d'un ton désolé :

- Tu me rassures. Et ce n'était pas du tout une critique : j'admire ta capacité d'émerveillement et ta spontanéité. Et c'est une qualité indispensable pour l'artiste que tu es devenue.

Amélie sourit de nouveau. Visiblement, ce que lui avait dit Marvin lui avait fait plaisir.

"Oh ... Cela me fait plaisir que tu me dises ça. Tu sais, je doutes toujours un peu quand je compose une chanson ou quand je dois trouver un motif pour un vitrail. J'ai l'air totalement folle comme ça mais je me pose beaucoup de questions. Enfin ... J'imagine que c'est pareil pour toi en tant que mage. Mais maintenant, si tu es là, avec moi, j'aurai beaucoup moins peur."

Le jeune-homme, pris d'une inspiration, s'approcha et lui saisit les mains avant de lever son regard vers Amélie et répondre d'un ton doux mais sincère :

- Oui, je serai là. Au moins à chaque fois que tu seras à Cojum. Je ne pourrais peut-être pas t'accompagner lors de tous tes déplacements mais je t'attendrai toujours à ton retour.