[Bâtiment] La Maison du Peintre Fou

[Manfred]

« Charmant », murmura le chat-justicier en remettant d’un geste négligeant le dernier drap en place.
L’artiste de ces lieux faisait aussi dans la sculpture ? À moins qu’il n’ait acquis ces objets juste à cause de sa fascination pour la mort. La dernière des poteries étant visiblement tombé en poussière, il ne s’attarda pas d’avantage et partit en quête du moyen de descendre de ce grenier. Il continuait de tout observer de son regard curieux, avide d’insolite.
L’ambiance était particulière, il devait le reconnaitre, et cela le poussait en avant. Le sorcier féérique n’était vraiment pas du genre impressionnable.

[Louve]

Rien ne retint le sorcier féérique au grenier même s'il eut l'impression que plusieurs yeux le scrutaient. Des yeux qui ne semblaient pas très heureux de sa présence en ce lieu. Mais baste pour le moment ! L'escalier du grenier descendait sur un couloir obscur. Il repéra quatre portes s'ouvrant sur une obscurité plus dense encore. Et au bout du couloir s'ouvrait un autre escalier.

L'ensemble commençait à subir les affres du temps, se couvrant de poussière et de tâches de moisi. D'ailleurs, une odeur de pourriture de tombeau complétait sans mal l'impression visuelle. Silmandel sentit des souffles sur sa nuque. Il entendit même quelques murmures étouffés. Mais s'agissait-il bien de courants d'air ?

[Manfred]

Un souffle sur sa nuque, alors qu’il portait rabattu le capuchon de sa sombre robe ? Il devait se l’imaginer. L’imagination, dès fois, jouait de drôle de tour. Il n’en était pourtant pas coutumier. Il tourna brièvement la tête, comme pour s’assurer qu’un monstre ne se tenait pas juste derrière lui, et il se sentit aussitôt ridicule d’une pareille précaution. Ses babines félines esquissèrent un sourire. Cette maison allait, semble-t-il, tenir pas mal de promesses. Il aurait été très déçu de ne pas ressentir un rien de frisson. Il était un peu venu pour ça, au final.

Des portes, donc, quatre. Il ne se demanda pas s’il devait les ouvrir, il se demanda par laquelle commencer. La première à gauche, tiens ! Ce choix en valait bien un autre. Il enchaînerait avec les autres sitôt qu’il le jugerait nécessaire.

[Louve]

Une nouvelle fois, le barde lunaire eut l'impression que quelqu'un l'observait alors qu'il poussait la porte entrouverte. La première pièce s'avéra être une grande chambre meublée avec goût dont la pièce maîtresse était un grand lit à baldaquin dont les rideaux avaient été tirés. Par transparence, Silmandel entrevit quelqu'un - impossible de discerner d'avantage qu'une silhouette - assise sur le lit.

L'inconnu se tenait totalement immobile, comme en attente. Une fraîcheur étrange émanait de la chambre et toujours cette odeur doucette de pourriture qui l'accompagnait.

[Manfred]

Mais... par hasard, ne serait-ce point un cadavre assis sur ce lit ? Cela expliquerait l’odeur. L’odeur, mais pas le froid. Ni la présence. Avant d’entrer, le chat-justicier regarda de nouveau derrière lui, puis devant, vers l’escalier descendant. Personne ? Bon. Il entra et alla, tout en retenant sa respiration afin d’épargner son odorat affuté, écarter les rideaux du lit à baldaquin.
Il anticipait une vision horrible.

[Louve]

Horrible ? Peut⁻être mais elle ne fut pas exactement la vision qu'attendait le barde lunaire. A première vue, ce qui était sur le lit ressemblait à une poupée. Mais le barde se rendit très vite compte qu'au lieu de la toile rembourrée et cousue, on avait utilisé de la peau. Les cheveux, ainsi que le nez, la bouche, les yeux et les cheveux tressés avaient été rajoutés à posteriori et avaient l'air de provenir d'un humain voire même de plusieurs. La victime ou même l'assemblage de victimes n'était pas identifiable.

L'aspect était odieux et étrangement en la regardant bien, on pouvait s'attendre à ce qu'elle bouge.

[Manfred]

Silmandel remit en place le rideau. Il avait déjà vu des choses horribles durant sa carrière d’aventurier, mais celle-là était tout de même d’un macabre saisissant. Cette maison semblait être non pas celle d’un peintre dérangé, mais celle d’un authentique psychopathe !

Un rien refroidi dans son élan d’explorateur, il entreprit de regagner le couloir. Il se refusait à partir tout de suite, mais il allait éviter de tout fouiller en détail. Un coup d’œil dans chaque pièce suivante suffirait pour qu’il puisse se dire qu’il avait investigué, puis il aviserait.

[Louve]

Au moment où il se retournait, il perçut un mouvement du coin de l’œil. Était-ce l'imagination du poète lunaire ou la poupée macabre avait-elle bougé ? Elle avait l'air de se tenir parfaitement immobile. Ou peut-être ... Les yeux ne le suivaient-ils pas dans ses déplacements ?

Difficile à dire. Dans tous les cas, la puanteur avait l'air bien vivante et tenace.

[Manfred]

HRP : navré du retard. Le rythme ayant baissé, j’ai perdu le fil puis oublié de répondre.

Le sorcier féérique ne put que s’étonner de ce phénomène. Était-il déjà victime de son imagination ? Ou, plus inquiétant, était-ce vraiment cette poupée qui le regardait ? Maison sinistre, objet de cauchemar... il y avait déjà là de quoi créer bien des rumeurs. Et si en plus il y avait un fantôme...
Il resta toutefois sur son idée. Quitter la chambre, en prenant bien soin d’en fermer la porte, puis visiter brièvement le reste de la maison, ne serait-ce que pour se dire qu’il avait osé le faire.

[Louve]

Hrp : C'est moi qui suis navrée. Je sais que je suis un peu plus régulière que Fossy mais ce n'est pas une excuse.

Rien n'empêcha Silmandel de gagner le couloir. Mais le ton était donné. Il planait sur le lieu endormi une impression de menace imminente. Il restait dans le couloir des portes entrouvertes donnant sur des chambres macabres.

Le sorcier féérique avait-il l'intention de les visiter ? Derrière lui, il lui sembla entendre un rire ... ou un râle ?

[Manfred]

Entendant cela, le chat-fée prit bien soin de refermer la porte de cette maudite chambre. L’image de la macabre poupée flotta un instant devant ses yeux. Il secoua la tête pour la chasser. Son regard se dirigea vers les autres portes du couloir enténébré. Était-ce bien sage de persister ? N’avait-il pas déjà la preuve que cette demeure était malsaine ?
Il hésita, partagé entre curiosité et prudence. Il avait beau être un aventurier, il devait bien reconnaître que cet endroit lui fichait la trouille. Et puis, n’y avait-il pas autre chose ? Son côté animal lui hurlait de partir.
Il se remémora les mises en garde d’Alfred et cette fois, c’en fut assez. Il pivota et, de son pas félin, entreprit de regagner le trou dans le grenier afin de sortir d’ici.

[Louve]

Il gagna rapidement le grenier mais ... était-il sur qu'il s'agissait bien de cette pièce ? Il y avait bien le bric à brac sur lequel la poussière dansait encore. Mais la lucarne entrouverte par laquelle il était entré avait disparu. Il n'y avait plus d'issues. Pourtant, quelque chose disait au poète lunaire qu'il n'avait fait aucune erreur.

L'escalier qu'il avait gravi en pensant pouvoir s'échapper du lieu maudit était toujours là.

**

De son coté, Louve se redressa dans sa cachette. Son coté animal hurlait de terreur mais l'humaine savait qu'elle était particulièrement vulnérable si elle restait-là. Elle posa une main sur la garde de son épée pour se rassurer et se pencha, prête à bondir. Mais d'abord, elle allait jeter un coup d’œil. Autant ne pas se laisser surprendre.

[Manfred]

Pourtant, Louve fut surprise. Alors qu’elle s’apprêtait à jeter un coup d’œil dans le couloir, elle vit une tête émerger de ce dernier. Pas une tête coupée, non, quelqu’un s’était simplement penché et l’observait maintenant de biais, un étrange sourire flottant sur ses lèvres fines.
« Salut toi », dit-il, avant d’avoir un petit rire malsain.
Il s’agissait d’un jeune homme, blond de cheveux, bleu de regard. Ses traits fins auraient presque pu le faire passer pour un aristocrate, mais ses yeux semblaient avoir la profondeur d’un abyme.
« C’est gentil de me rendre visite. »
Il n’avait pas changé de position. Louve avait l’intime conviction que cet inconnu était malveillant jusqu’à l’os. Mais elle pouvait aussi noter que dans sa position actuelle, un bon coup d’épée devrait réglé le problème.

[Louve]

Louve fut bien tentée de donner un coup d'épée mais quelque chose lui hurler que l'homme - ou plutôt la chose - risquait de ne pas apprécier ce genre de réponse. Sans pour autant baisser complètement sa garde, elle répondit.

"Belle baraque. Désolée, je ne savais pas qu'il y avait encore quelqu'un dedans donc je n'ai pas pensé à emmener de fleurs."

Elle avait appris tout récemment qu'une certaine couche de la population offrait des fleurs lorsqu'elle rendait une visite. Elle avait eu le cas d'un jeune nobliau qui voulait faire assassiner son vieux père qui mettait trop de temps - selon lui - à passer l'arme à gauche. Il était venu avec des roses. Un peu embarrassée par le don inattendu, elle en avait croqué une pour faire bonne mesure avant de décréter qu'elle garderait les autres pour plus tard. Ce n'est que bien plus tard qu'elle avait compris pourquoi il lui avait semblé si déconcerté. Aujourd'hui, elle et ses hommes en riaient encore.

Aujourd'hui, elle ne riait pas du tout, surtout sa part lupine qui avait envie de fuir. Mais quelque chose lui disait qu'il ne fallait pas laisser penser qu'elle ferait une excellente proie.

[Manfred]

« Ho, des fleures, vous êtes bien urbaine, Madame ! » répondit l’aimable inconnu.
Il souriait. Il semblait gentil. Et pourtant, tout dans son aura hurlait le contraire. Il décida enfin de se montrer tout entier et Louve constata alors avoir affaire à un autre probable nobliau car l’homme à côté d’elle était vêtu avec un certain luxe. Et pourtant, un rien de négligence s’affichait sur sa mise aux chaudes couleurs. Peut-être voulait-il se donner un style ?
« Je vous en prie, profitez de mon hospitalité. Si peu de monde passe par ici. Un peu de compagnie me fera le plus grand bien. Et je gage que je serai vous distraire. »
Comme frappé par une idée, il claqua des doigts.
« Tenez, il y a quelqu’un que je veux vous présenter. Venez, c’est par ici. »
Il l’invita à la suivre dans le couloir, un couloir qui curieusement semblait nettement moins décrépit qu’un instant plus tôt.

[Louve]

Louve ne connaissait pas les codes de la noblesse et encore moins ceux du spectre d'un noble dont la monstruosité transparaissait de chaque port de sa peau. Mieux valait obéir du moins pour le moment, jusqu'à ce qu'elle trouve le moyen de prendre la tangente. Même si elle avait l'impression qu'elle n'apprécierait pas forcément la personne à laquelle il voulait la présenter. Elle le suivit cependant dans le couloir qui semblait retrouver de son luxe d'antan, quelque pas derrière le spectre. Avec beaucoup de chance - elle ne croyait pas du tout à cette version - il l'emmènerait peut-être à la sœur de l'adolescent qu'elle avait retrouvé pendu.

On pouvait toujours rêver. Si c'était le cas, elle dirait quelques mots à cette gentille petite imbécile qui était sûrement déjà morte à l'heure qu'il était.

[Manfred]

L’inconnu marchait, le bruit de ses pas raisonnant dans le pesant silence. Devant lui, le couloir s’étendait, maintenant bordé de torches à la timide lueur. Il ouvrit une porte et invita d’un nouveau geste Louve à entrer.
Au-delà du seuil, un salon avec une cheminée crépitante. Aucun autre meuble, le sol et les murs étaient nus. Cependant, une petite fille se trouvait là. Elle était bien trop jeune pour être la sœur du pendu. De surcroît, elle ne lui ressemblait pas du tout. Elle avait de longs et fins cheveux blancs. Sa peau, également, était d’une pâleur stupéfiante. Elle portait une robe modeste de grosse toile et se tenait, agenouillée, au centre de la pièce. Devant elle, tracés sur le sol avec de la cendre, trois cercles concentriques. Il y avait aussi d’étranges petits morceaux de bois. La main blafarde de la petite fille flottait au-dessus des morceaux de bois. Elle était concentrée, les yeux fermés.
« Une de mes amis, dit l’homme, tout bas. Mais il faut faire silence, elle lit les runes. Vous verrez, c’est stupéfiant. »

[Louve]

Une petite fille, presque lunaire, évanescente. Une beauté morbide ... Louve resta sans voix. Oubliant sa main sur la garde de son épée, elle croisa les bras sans rien dire. Elle craignait ce qui touchait de près ou de loin à l'occulte mais elle était fascinée.

Même si un pressentiment lui hurlait qu'elle n'allait pas aimer les prédictions de l'enfant.

[Manfred]

La main blafarde de la petite fille retourna un des morceaux de bois, révélant un symbole, une rune. Alors, sa voix, presque absente, déclara :
« Le visage de loup. Quelqu’un, ici, sous ses oripeaux humains, est une bête sauvage. »
Sa main lâcha la rune, la laissant bien visible, passa à la suivante, la révéla.
« Les chemins qui se lient, une rencontre prochaine, des destins mêlés. »
Elle laissa cette deuxième rune à côté de la première, révéla la dernière.
« La patte de chat. Le loup rencontrera le chat. »
L’aristocrate sembla surpris.
« Comment ? Mais je n’avais pas prévu cela », déclara-t-il, oubliant d’être silencieux.
Son ton un rien boudeur le rendait presque infantile. La fille rouvrit les yeux. Elle les avaient d’un bleu couleur d’acier. Elle les plongea dans ceux, si sombres, du probable spectre.
« Les runes n’ont que faire de vos projets. Elles révèlent ce qui doit l’être, voilà tout.
- Mais... Narigorm, si le loup doit rencontré le chat, ça veut dire que je ne dois pas tuer le loup tout de suite. Or, j’ai une idée géniale de tableau ! Je n’ai jamais peint de garous ! »
Il disait cela en toute franchise, comme s’il avait juste prévu d’inviter Louve à prendre le thé.
« De quoi vous plaigniez-vous, Blasius, vous en aurez deux, d’ici peu. »

[Louve]

L'échange entre la petite fille et le spectre la glaça. Le fait que le spectre veuille la tuer ne la surprit pas outre mesure, plutôt le fait qu'il l'énonce comme un simple caprice. Elle répliqua.

"Un proverbe dit qu'il vaut mieux ne pas vendre la peau du garou avant de l'avoir tué. C'est comme tes fleurs, tu peux te torcher avec."

Tout en parlant, elle recula vers la porte de la salle. Il y avait un autre vivant dans la maison, un autre garou, un allié potentiel. Il fallait qu'il le trouve. Peut-être saurait-il comment sortir de ce tombeau peuplé de fous. La main de nouveau sur la garde de son épée, elle courut aussi vite qu'elle le put.

[Manfred]

Blazius gloussa. L’écho de sa voix accompagna Louve dans sa fuite. À vrai dire, la voix semblait même la poursuivre, peut-être même la devancer, car elle pouvait continuer de l’entendre clairement en dépit de la distance qu’elle parcourait au pas de course.
« Mais qui parle de vendre quoi que ce soit ? répondit enfin le peintre, après s’être calmé. Une peau de garou, cela peut servir à bien des choses ! Pas que la peau d’ailleurs. Saviez-vous que la liseuse de runes sait aussi confectionner de charmantes poupées ? Elles sont splendides avec leurs yeux morts qui vous fixes tout le temps ! Mais pour en revenir à nos moutons, ho pardon, à nos garous, les runes m’ont également averti que je ne pouvais, cette nuit, ne peindre qu’un seul de vous deux. L’autre s’en sortira. Foutu destin qui vient mettre son grain de sel dans mes projets ! MES PROJETS !!! »
Le peintre fou avait hurlé ces derniers mots. Et la maison avait tremblé. Il pouvait passer de la joie à la colère en une fraction de seconde. D’ailleurs, le revoilà joyeux.
« Si je ne peux avoir que l’un d’entre vous, je prendrais assurément le plus intéressant. Je n’ai jamais peint de garous, et j’ignore même à quoi diable peut ressembler un chat-garou. Je n’en avais jamais entendu parlé, avant cette nuit. Alors, on va jouer à un petit jeu, si vous le voulez bien ! Faites en sorte que je puisse voir ce chat-garou. Je veux le voir sous sa forme hybride, la seule que je ne puisse encore imaginer. Et je veux le voir nu ! Pour tout voir ! TOUT ! Alors, probablement, il me plaira plus que vous. Et vous sauverez ainsi votre chère peau de loup. À prendre ou à... mourir... »
Le peintre éclata d’un rire glaçant et, enfin, sa voix se perdit dans le lointain. Le silence revint. Louve se trouvait dans un couloir qu’elle ne connaissait pas. Elle ne savait plus vraiment comment elle y était parvenu, mais ce dont elle était certaine, c’était que la maison était bien plus grande qu’elle ne l’aurait dû.

[Louve]

Louve s'arrêta d'un coup. Voilà que le psychopathe lui proposait une alliance. Pourquoi pas après tout ? Elle tenait beaucoup plus à sa peau qu'à celle des autres. Mais en même temps, rien ne garantissait qu'il la laisserait partir. Mieux valait retrouver le garou et voir ce qu'il avait à proposer. Si une alliance s'avérait profitable, elle ferait la nique à l'artiste fou et à sa lanceuse de rune. L'important était de s'en sortir. L'adolescente pouvait bien mourir trois fois si elle le voulait, elle n'irait pas la chercher.

Elle arpenta donc le couloir inconnu de cette maison à coulisses, les sens aux aguets au cas où le spectre aurait changé d'avis et ne la poursuive. Elle connaissait assez de fous pour savoir que l'on devait s'attendre à tout avec eux.

[Manfred]

Louve finit par arriver, au hasard de ses pas, dans une salle assez vaste.
Elle constata qu’il s’agissait d’un théâtre. Il y régnait un silence glaçant. Illuminé par des chandeliers et des lustres, la pénombre s’y invitait néanmoins aisément. Aucun public, les chaises étaient toutes vides. Sur la scène, le rideau, d’un noir d’encre, empêchait de voir au-delà. Il donnait l’impression d’une gueule béante ouvrant sur les abysses.
Derrière la funeste étoffe, le silence presque absolu permettait de distinguer de léger grincement. N’y avait-il pas également de léger sanglots ?

[Louve]

"Qui que vous soyez sortez de là. Parce que je vous préviens : je ne suis pas du tout d'humeur à jouer à cache-cache."

Louve ne plaisantait pas. Entre les gens qui n'en étaient pas vraiment et les maisons à rallonge, elle se sentait les nerfs à vif. Elle pensa à ajouter.

"Je ne vous ferai pas de mal, je vous le promets. Mais si vous le voulez bien, montrez vous."

Le lieu la rendait de plus en plus nerveuse avec son enfilade de pièces interminables. Surtout si la maison contenait un théâtre, elle devait être sacrément grande. Elle n'osa pas imaginer le genre de pièces que l'on proposait.

[Manfred]

Comme en réponse, le rideau fut tiré, la scène apparut. Alors Louve vit cette jeune femme qu’elle était venue chercher. Nul doute possible, c’était elle. Elle se tenait debout, le visage emprunt de souffrance. Des files étaient cruellement noués à ses membres, la faisant passer pour une marionnette de chair. Et voilà que ces fils s’animaient, contraignant la jeune femme à une grotesque chorégraphie. Un piano mal accordé l’accompagnait, faisant raisonner de dissonances le théâtre.

Malgré tout, cette pièce démente témoignait d’une certaine recherche esthétique. La tenue de la femme faisait échos au décor, le thème étant ombre et lumière. Les sanglots se changèrent en gémissement de terreur à mesure que la danse gagnait en rythme, à mesure que la pression sur ses membres allait croissante.

[Louve]

"M'enfin, c'est quoi cette maison de barjots !"

S'exclama Louve sans réfléchir quelque peu contrariée de voir sa poule aux œufs d'or en danger et surtout subjuguée par la mise en scène. Se saisissant de son épée, elle tenta de trancher les fils au dessus de la jeune fille.

"Maintenant, on arrête les conneries."

[Manfred]

Mais Louve ne put arriver jusqu’à la scène.
Alors qu’elle était sur le point d’y monter, elle eut l’impression de prendre un mur dans la figure. Son épée lui échappa des mains et elle recula, à moitié sonnée. Elle n’était pourtant pas blessée et devant elle, aucun obstacle ne se dressait.

La pièce se poursuivait, indifférente autant à la lycanthrope qu’à la pauvre jeune fille. Cette dernière virevoltait, contrainte et forcée, les fils tendues, nerveux, exacerbant chaque geste.
Les cris de la malheureuse, de terreur, devinrent de douleur. Voilà qu’elle hurlait et que sa voix emplissait tout le théâtre. Voilà que d’infâmes craquements retentissaient. Les fils tiraient trop fort, les membres se désarticulaient, les tendons cédaient, les muscles se déchiraient, les os se déboitaient... La jeune femme perdit un bras et une jambe. Son sang se mit à gicler à gros bouillons. Ses hurlements se tarirent. Son visage, devenu blême, se mit à pendre de côté. Elle ne bougeait plus, les fils non plus, le jouet était cassé, la pièce était terminée.

Le silence revenu, Louve entendit un pinceau sur une toile. Le peintre fou était là, dans un coin de la salle. Il fixait la morte et était en train de réaliser un nouveau de ses macabres chef-d’œuvre.

[Louve]

"Bravo, vraiment ..."

Louve applaudit, clairement peu enthousiaste. Voilà que sa perspective de rentrée d'argent n'avait plus ni tronc ni tête ou en tout cas plus rien capable de tenir debout. Elle n'allait pas recoller les morceaux pour les apporter aux parents de la victime. Mais c'était tout de même du théâtre avec une certaine mise en scène.

"Ce tableau-là avec tout ce rouge et ces fils, vous allez l'appeler "Boucherie" ? Parce que moi, c'est un peu ce que ça m'évoque. C'est franchement crade mais plutôt beau. En tout cas, c'est plutôt bien pensé."

Et elle était plutôt sincère.

hrp : faut pas que j'oublie que je joue une psychopathe.

[Manfred]

« Ho, merci, répondit le peintre, d’une voix distraite. Je constate, non sans déplaisir, que vous savez apprécier l’art. Ma prime passion était uniquement de peindre la mort sous toute ses formes, voyez-vous. Mais certaines nouvelles connaissances m’ont montré que l’art de tuer était... un art justement. »
Il finit par relever la tête et un fin sourire éclaircit ses traits délicats.
« Trouvez le chat. Montrez-le-moi. Faites cela avec art et vous sortirez de cette maison. Peut-être même vous ferez-vous de nouveaux amis. J’ai beaucoup à offrir, miss loup. »

* * *

Le chat-fée devait se rendre à l’évidence. Sortir serait plus difficile qu’il ne l’avait escompté. Mais il allait y arriver. Il faudrait plus qu’une macabre poupée et que quelques bruits pour le dissuader de trouver une sortie. Aussi se remit-il en quête d’une échappatoire, avançant pour cela dans le couloir qu’il avait un instant plus tôt quitté.

[Louve]

Le couloir étrangement lui sembla plus ... neuf. Les tentures défranchies et puantes qui couvraient les murs lors de son premier passage s'étaient reconstituées et avaient l'air flambant neuves. Les bougeoirs de chaque cotés du couloir étaient garnis de cire neuve. Mais l’atmosphère n'en était pas moins lugubre.

Plus loin en bas, Silmandel entendit les cris d'une jeune fille qui montèrent rapidement jusqu'à devenir hurlements puis s'arrêtèrent d'un coup.