La Couronne de Cuivre

HRP : c’est un détail mais Flèche Sombre est 100% pur elfe des bois de souche (d’arbre).

Flèche-Sombre hocha la tête.
« La prochaine fois, tâchez de nous avertir de vos intentions avant de vous lancer dans ce genre de haute voltige. Les services secrets sont en alerte et je sens que je vais avoir toutes les peines du monde à les convaincre de vous laisser aller. Vous avez de la chance que quelqu’un m’ait averti, d’ailleurs. Par mesure de précaution, ordre a été donné de garder au frais toute personne suspecte jusqu’au lendemain de la fête de la Lune. Nous ne voulons pas d’ennuis ce soir. »
Il se redressa.
« Je vais aller leur parler. Dois-je faire sortir le clerc aussi ? Si vous voulez en être débarrassé pour quelques jours, je peux ne pas le mentionner dans mes tractations et il sera coincé jusqu'à demain. »

Quête : un désir de crépuscule

Le rôdeur regarda son employeur d’un air incrédule avant de remarquer son petit sourire ironique.

- Il est vrai que nous aurions du vous avertir avant d’entreprendre cette action, cela nous aurait évité les ennuis d’hier soir. J’espère sincèrement que vous saurez convaincre les autorités que nous ne constituons pas un danger pour le gouvernement, bien au contraire. Je ne voudrais pas laisser Arya et Taliesin affronter seuls les évènements de la nuit à venir. Pensez-vous que les choses sont bien engagées pour nous faire sortir rapidement et discrètement d’ici ?

Après un instant de réflexion, il ajouta d’un air songeur :

- Si cela vous est possible de l’apprendre, je serais intéressé de savoir si la personne avec laquelle nous avons échangé à la maison close est un agent ou un vrai brigand. Si c’est le cas, il faudra songer à l’arrêter plutôt que nous.

Flèche-Sombre fronça les sourcils.
« Je devrais parvenir à vous faire sortir sans trop de soucis. Beaucoup de palabres, probablement, mais ils obtempèreront. Ça pourrait prendre un peu de temps si je dois passer par Nora Felden. Et vous avez discuté avec Kerun Tervan, un agent tout ce qu’il y a de plus sérieux. Il va être extrêmement vexé d’apprendre que vous vous êtes joué de lui. Mais c’est un elfe raisonnable, il saura faire taire son amour propre. »
L’officier frappa deux fois à la porte.
« Cela dit, j’étais sérieux pour le Lathandrite. Ils ne sont pas toujours très manoeuvrables et je ne veux pas que vous vous sentiez épiés par le Temple. Qu’en dites-vous ? »

Quête : un désir de crépuscule

Le rôdeur haussa un sourcil :

- J’aurais du m’en douter. Prendre contact avec les supposés malfaiteurs a été beaucoup trop facile. S’il se sent vexé, vous pourrez lui rétorquer que lui aussi a réussi à me duper même si cela ne le rassurera peut être pas.

Le demi-elfe fit une pause avant de répondre à la question de Darren. Il embla peser le pour et le contre un instant histoire de mûrir sa décision et la présenter comme irrévocable :

- Non, nous avons besoin de toutes les bonnes volontés et Belenn est un allié précieux. Si nous voulons avoir une chance de combler nos lacunes et de renverser la situation en notre faveur, nous devons apprendre à nous faire confiance. Agir autrement serait donner des armes à nos ennemis, armes dont ils savent faire bon usage. Si cela vous est possible, libérez-nous tous les deux, s’il vous plait.

Quelqu’un vint ouvrir à Flèche-Sombre et il disparut à nouveau. Il fallut encore plus d’une heure avant qu’il ne reparaisse.
« Vous êtes libre. Kerun a accepté de réviser ce qu’il vous a entendu dire. » commença l’elfe en indiquant la porte au rôdeur.

Ensemble, ils repartirent dans les couloirs et finirent par déboucher à l’air libre. Belenn était déjà debout dans la cour, lorgnant le soleil. Il était près de midi. Avant de laisser Kasumi le rejoindre, Flèche-Sombre l’arrêta une seconde.
« Si vous avez l’intention de tenter quelque chose d’illégal ou de spectaculaire ce soir, tâchez d’en avertir quelqu’un, n’importe qui. Cela évitera que nous ne vous mettions des gardes aux trousses. Je ne voudrais pas que l’un d’entre vous prenne un carreau d’arbalète dans l’épaule parce qu’il a été mal identifié. Je vous souhaite bonne chance. N'oubliez pas de venir me trouver si vous avez besoin de renforts. »
Puis, d'un signe de tête, il salua le rôdeur et regagna l'intérieur de la prison.

Quête : un désir de crépuscule

Kasumi adressa un signe d’assentiment à Darren et l’assura qu’il ferait plus attention à l’avenir. Une fois que l’elfe des bois eut disparu, le rôdeur s’approcha du clerc et le salua chaleureusement :

- Tu avais raison : l’aube a fini par revenir même si elle a été plus lente que prévu. Nous ferions mieux de ne plus nous attarder dans le quartier et de rentrer au repère. Les autres pourraient avoir appris plus que nous et il est plus que temps de préparer notre soirée. D’autant que les rations sont un peu chiches.

L’estomac du rôdeur gargouilla pour appuyer ses dires alors qu’il rajustait son ceinturon et ses fourreaux.

« Je dois dire que la couchette était presque plus confortable que celle que j’occupe habituellement au temple. » fit Belenn avec entrain, tout en se dirigeant vers la sortie, les mains dans les poches de sa tunique blanche, passablement tachée et défraîchie. « Mais vous avez raison. Ils auraient pu au moins mettre des amandes et des noisettes dans le gruau. Je suis certain qu’à Melandis, les choses se passent autrement. »
Puis, avec un sourire, il se glissa dans la rue, le rôdeur sur les talons, et ils rentrèrent à l’Impasse des Dauphins.

Quête : Les Squelettes du Placard
Epilogue : Exorcisme

De la campagne à la ville... De la ferme à la prison...
La porte du chariot fut déverrouillée et Taliesin accueillit par une haie d'honneur d'allure un peu sinistre. Six gardes attendaient à l'extérieur, tous vêtus d'uniforme gris bleuté. Parmi eux se trouvaient deux elfes noirs. Si la plupart étaient armés de lames courtes, l'un d'entre eux portait un bâton de mage. Autour de l'elfe s'étendait une petite cour fermée, aux hauts murs, et un homme se détacha du groupe pour venir à sa rencontre. Il portait les mêmes couleurs que les gardes, mais sur un pourpoint de fine facture. Petit et sec, âgé d'une cinquantaine d'années, il regarda le barde sans aménité.
" Bienvenue chez nous, si je puis dire. Je suis Frobert Fengond, le directeur de cet établissement. Si vous vous comportez bien, les choses se passeront sans heurts. Si vous décidez de faire du grabuge, nous ne nous entendrons sans doute pas, et vous ne pourrez vous en prendre qu'à vous-même."
Sans attendre de réponse, il lui fit signe de le suivre vers la porte qui se trouvait au fond de la cour et semblait mener aux profondeurs de la prison.

Il eut alors une réminiscence qui le saisit si brusquement et avec tant de force qu'il chancela légèrement.
Il se revit à son arrivée - ou plutôt à son réveil - dans les mines pénitentiaires de Gargouilles et l'horreur l'envahit.
A nouveau, cependant, il lutta pour reprendre le dessus.
Il y avait des similitudes, oui. Mais elles ne devaient pas masquer les différences.
Et tout cela ne durerait que quelques veilles. Un mois. Deux peut-être. Et ensuite, plus d'ombres. juste la lumière.
D'ici là, il avait bien l'intention d'être docile et obéissant. Cela rendrait les choses moins difficiles.
Et puis, quand on a été un monstre, on n'a pas vraiment le droit d'avoir d'amour-propre.

Ils pénétrèrent donc dans le bâtiment. Taliesin constata que, comme son chariot, celui-ci était plutôt bien éclairé, grâce à de larges fenêtres et à de nouveaux miroirs. Un escalier s'élevait vers les étages, un autre s'enfonçait dans la terre, mais ils n'empruntèrent ni l'un, ni l'autre, et poursuivirent dans un couloir latéral. Le groupe de six gardes les flanquait.
" Le rez de chaussée est réservé aux personnes en attente de jugement, dit le directeur. Vous aurez droit à trois repas par jour, un change de draps par veille, des couvertures supplémentaires au besoin, mais il ne fait généralement pas si frais. Les bénévoles de la Bibliothèque passent également une fois par veille, et si vous avez besoin de soutien spirituel, nous avons des clercs à demeure. Votre santé sera contrôlée à l'entrée, cet après-midi, et en cours d'incarcération au besoin."
Il s'immobilisa devant une grille qu'il déverrouilla. De l'autre côté, un garde le salua et ils arrivèrent dans une antichambre. Derrière le bureau, une jeune femme leva les yeux puis se redressa.
" C'est ici que vous allez laisser vos bagages. Ce qui peut vous être restitué le sera endéans l'heure. Le reste sera stocké dans une armoire, en ce compris vos vêtements excédentaires."

S'il avait veillé à paraître attentif, s'il avait vraiment écouté, quelque part, il n'était pas certain d'avoir réellement entendu. La manière dont les choses se dérouleraient, il la constaterait bien en temps utile. Pour l'heure, il essayait à toute force de se distancier de l'instant présent, démarche incontournable s'il voulait un tant soit peu tenir bon.
Il tendit son sac quand on le lui demanda. A l'intérieur, on ne trouverait que des vêtements. Son avocat lui avait conseillé d'emporter des livres mais il n'en avait rien fait. Il savait pertinemment qu'il serait incapable de lire au cours des veilles à venir. Et même s'il avait été en mesure de le faire, il refusait d'associer ce loisir qui lui était cher entre tous à cet épisode dont, sitôt qu'il serait terminé, il s'efforcerait d'effacer de sa mémoire jusqu'à la moindre trace.

La jeune femme prit ses affaires et leur fit signe de continuer. Ils franchirent une nouvelle porte qui donnait dans un couloir sur lequel débouchaient plusieurs portes. Tout au fond, une grille, puis une porte de bois, puis une nouvelle grille, enfin une étrange brume bleutée.
" Vous serez accueilli dans la zone d'antimagie." annonça le directeur en traversant la brume.
Quand le barde la franchit à son tour, il perçut comme un picotement à la surface de sa peau. Il pénétra ensuite dans une vaste salle découpée en quatre cellules : deux à droite, deux à gauche. Si trois de leurs murs étaient de pierre, le dernier était constitué de barreaux donnant directement sur l'allée centrale. Les deux cellules de droite étaient vides et la première à gauche était ouverte.
" Vous voici rendu."
Il désigna l'embrasure de la porte de fer. Derrière s'étendait le nouveau domicile, d'environ trois mètres sur quatre, comprenant un lit d'apparence confortable, une table et une chaise, un broc d'eau, et beaucoup d'espace à arpenter...

Mais il ne comptait pas l'arpenter. Faire les cent pas dans un espace aussi restreint, alors qu'on avait passé sa vie durant au grand air, alors que même en résidence surveillée, on avait pu se promener à loisir dans un agréable domaine, il y avait de quoi devenir fou, littéralement. Alors il s'assoirait simplement sur sa chaise et tenterait d'entrer en transe, pour s'évader vers un passé réconfortant, vers un futur encouragent, pour nier ces murs, ces grilles, tout ce que cela pouvait lui rappeler d'horrible...
Dans l'immédiat, toutefois, il salua poliment le directeur de l'établissement pénitentiaire et franchit docilement le seuil de sa geôle, anticipant déjà l'effet désastreux que produirait sur son moral déjà plus que chancelant le bruit de la serrure qu'on verrouille. Il avait intérêt à s'habituer rapidement à ce son, car il l'entendrait maintes et maintes fois avant que ce cauchemar ne soit terminé.

Le directeur lui souhaita un bon séjour, apparemment sans ironie, puis, comme l'avait anticipé le barde, l'enferma. Il l'informa que son avocat ne tarderait pas à passer le voir, puis le salua et sortit, ainsi que tous les gardes. Taliesin demeura seul dans sa cellule... ou pas tout à fait, car il y avait manifestement quelqu'un dans la seconde cellule, mais un mur placé entre eux l'empêchait de le voir. Mais l'autre prisonnier ne dit rien, se limitant à un peu de mouvement comme pour avertir le barde de sa présence.

Cependant, le barde n'était pas d'humeur sociable et même s'il se serait bien gardé de juger les autres prisonniers - il aurait été bien mal placé pour le faire - il n'avait aucune envie de lier connaissance avec eux, qui qu'ils soient. Il agit donc comme il l'avait prévu, s'assayant et tentant d'entrer en transe pour se réfugier au milieu de souvenirs réconfortants. Son incarcération aurait peut-être un effet positif, au final, car qui sait s'il n'apprendrait pas enfin à maîtriser comme il faut cette technique elfique ?

Epuisé comme il l'était, entrer en transe s'avéra beaucoup plus complexe qu'il ne l'avait imaginé. En effet, il avait du mal à trouver la concentration nécessaire pour entrer en méditation... Il se retrouva finalement à errer entre veille et sommeil, dans un état plus proche du malaise que de la sérénité. Mais cela le coupa du lieu où il se trouvait et le temps s'écoula autrement... Jusqu'au moment où il entendit des pas et qu'il aperçut, de l'autre côté de la grille, la silhouette sèche de son avocat. Un garde en livrée gris bleuté ouvrit la grille, Henri resta en retrait, et Taliesin fut invité à sortir. On le conduisit jusqu'à une petite salle qui s'ouvrait au fond de la pièce, où se trouvaient une table et deux chaises. L'avocat et l'elfe y entrèrent puis le garde se retira en refermant la porte.
" Asseyez-vous, dit Henri. J'espère que vous avez fait bon voyage. Les audiences ne commenceront pas avant demain, mais nous pouvons revoir une dernière fois notre stratégie avant l'heure. Et vous pouvez me prévenir s'il y a quoi que ce soit de neuf que vous voudriez me communiquer."

Bigre, que se concentrer était ardu, que réfléchir était difficile...
-Il n'y a pas d'éléments nouveaux : je vous ai absolument tout dit lors de nos précédentes rencontres, finit-il par répondre après un long silence. Quant à la stratégie, je m'en remets entièrement à vous : je n'ai pas l'esprit assez clair pour avoir des idées pertinentes et je me vois mal prendre des initiatives. En revanche, je crois que je serai en mesure d'exécuter vos consignes.

" Tant mieux. Nous en saurons plus demain, après la première audience... Elle donnera le ton pour la suite des opérations. Le juge devrait nous être favorable, vu son parcours, mais l'avocat de l'accusation... Bah. C'est un avocat de l'accusation. Rien de bien spectaculaire. N'oubliez pas que votre attitude lors de cette toute première audience sera critique. Les premières impressions sont tenaces. Ils se feront une idée de vous d'emblée et il sera très difficile pour eux de s'en défaire ensuite, même si elle ne cadre pas avec ce que vous leur donnez à voir."
Il se carra dans son siège.
" Voulez-vous commencer par donner votre version des faits d'emblée, ou bien préférez-vous ne prendre la parole que sous examen ?"

-Sous examen ? fit-il, pas certain de savoir ce que l'avocat entendait par là.
Mais au fond, cela n'avait guère d'importance.
-Écoutez, je crois que le mieux, et de loin, c'est que vous preniez vous-même ce genre de décisions : vous êtes beaucoup mieux placé que moi pour savoir ce qui jouera en ma faveur. Alors dites-moi simplement ce que je dois faire, ce que je dois dire, dictez-moi jusqu'à mon attitude. Et je me conformerai à vos directives.

" Sous-examen, cela signifie sous interrogatoire... sous les questions de l'avocat de l'accusation ou de moi-même, voire du juge si l'envie l'en prend. Cela signifie que vous ne pourrez pas faire de déclaration générale avant la fin du procès. Si vous voulez, justement, donner une impression dès le début du procès, planter le décor, que votre version soit la toute première à être énoncée, avec le pouvoir que cela lui confère, ça pourrait être une bonne idée... si c'est bien fait. Comme je vous le disais, cette première intervention est cruciale... et si elle passe mal, alors il y a déjà du boulot à faire pour la rattraper. C'est donc... à vous de voir comment vous le sentez. Si vous pensez avoir la force de vous exprimer, je vous conseille de le faire. Si par contre, vous pensez que vous craquerez, ou que la rancune perlera, alors... C'est mieux pas."
Il haussa les épaules.
" Cela dit, vous n'êtes pas forcé de raconter la nuit en question, surtout si le souvenir que vous en avez est incertain... Mais simplement faire une déclaration, quelle qu'elle soit. Vous pouvez, idéalement, la rédiger et me laisser la lire... que je vous dise ce que j'en pense. Mais si vous préférez ne rien dire... Et bien, c'est votre choix, là encore. Et comme je vous l'ai dit, parfois c'est préférable."

-Ce que je préfère n'a aucune espèce d'importance. La seule chose qui compte, c'est de tout mettre en œuvre pour que le procès se conclue de la manière la moins néfaste qui soit, et je m'y efforcerai, aussi rude cela soit-il. Pour le reste, si je m'exprime en premier, vous n'avez pas à craindre que je paraisse rancunier ou haineux. Vous avez pu en juger, je crois : lorsque j'expose mes méfaits, s'il y a rancune, s'il y a haine, elles sont dirigées vers moi-même, et vers moi seul.
Il soupira.
-Le problème c'est que je ne sais pas quoi raconter. Mes crimes ? Il faudra que je les dépeigne tôt ou tard et comme j'en ai un souvenir très précis, comme je les ai déjà avoués en toute honnêteté, il n'y a pas à redouter de divergence. Mais à quoi cela servirait-il, puisqu'ils seront abordés plus que largement tout au long des séances ? Je pourrais, à la place, mentionner les remords qui me rongent, la culpabilité qui me hante. Néanmoins, ce faisant, j'aurais et je donnerais l'impression de m'ériger en victime, ce qui serait malvenu.

" Vous savez, le fait que vous ne niiez pas va transformer le procès. Personne ne va essayer de prouver que vous étiez présent. Cela va éliminer toute une partie de ce qu'on raconte habituellement dans une cour. Bien sûr, nous en passerons par vos crimes, mais pourquoi s'y arrêter ? Quant à vous ériger en victime... C'est pour cela que je voulais relire votre déclaration... parce que j'ai fois en votre capacité à séduire la cour. Bien sûr, ils pourraient se méfier, mais cela ne signifie pas qu'ils vous résisteront... Vous êtes barde... Ménager vos effets, c'est votre métier, non ?"

-C'est malheureusement un peu plus compliqué que ça. D'une part, mon ambivalence face à ce procès n'empêche pas que j'aie envie de m'y montrer sincère, de ne pas user d'artifices. D'autre part, si je n'avais pas de famille, je refuserais de me défendre : je serais tout entier à mon besoin d'expiation ou.. à cette vieille tentation d'en finir pour échapper à tous ces remords, à toute cette culpabilité. Ajoutez à cela le fait que je doute d'avoir les idées assez claires pour trouver les mots justes, et vous comprendrez qu'il ne s'agira pas simplement de faire mon métier...
Il secoua la tête.
-Je verrai ce que je peux faire, pourtant. Mais soyez prévenu : il y a toutes les chances que je m'avère incapable d'écrire le moindre mot. Cependant, peut-être cela changera-t-il quand je me serai habituer à... ces changements.

" Je vous l'ai dit : soit c'est parfait, soit c'est trop risqué. Vous avez la journée. Nous aviserons demain matin, ce sera très bien. N'oubliez pas non plus que vous pouvez exiger de me voir à tout moment. Donc n'hésitez pas à me faire prévenir si vous en ressentez le besoin."
Il jeta un coup d'oeil vers la porte.
" Est-ce que les lieux vous conviennent ? Malheureusement, vu votre statut, vous devez être accueilli dans une zone d'antimagie, nous n'avons pas pu obtenir le contraire. Il parait que ça peut donner un léger mal de tête, mais vu que vous n'êtes pas un ensorceleur, ça ne devrait pas aller plus loin. Il y a un autre prisonnier, mais apparemment, il est très calme, donc il ne devrait pas vous déranger."

"Est-ce que les lieux vous conviennent ?"
La question était aussi incongrue que les mots de bienvenue du directeur de l'établissement.
Il s'agissait d'une prison, bon sang ! Comment pouvait-on imaginer qu'une prison convienne à qui que ce soit et qu'on y passe un agréable séjour ?
Mais il se braquait pour rien : ce n'étaient là que des formules de courtoisie...
-Me plaindre serait faire injure à mes victimes, répondit-il donc. Et comparé aux geôles de Nwalk ou au pénitencier de Gargouilles, cet endroit est une confortable auberge.
Une confortable auberge qui ne lui en rappelait pas moins douloureusement les précédents endroits, ce qui n'améliorait en rien son état d'esprit.
-Mais pour en revenir à notre affaire, il faudra que vous me procuriez de quoi écrire. Enfin, si c'est autorisé.

" Bien sûr. Nous arrangerons ça en sortant d'ici."
Il eut un léger sourire.
" Bon. Restons en là pour aujourd'hui. Je repasserai demain matin, pour vous emmener au Palais de Justice. Vous connaissez Luménis, c'est à l'autre bout de la ville, et de bon matin, vu le trafic, ça peut prendre un certain temps d'arriver jusque là. Essayez de vous reposer un maximum. Si le sommeil ne vient pas, vous devriez songer à prendre quelque chose. Je peux facilement vous faire porter quelque chose. La fatigue ne sera pas votre alliée dans les jours à venir."

L'elfe faillit refuser tout net : il préférait ne recourir aux plantes qu'en cas d'extrême nécessité et être épuisé avait un avantage, dans la mesure où il était plus aisé de sombrer dans une sorte de demi-sommeil où la réalité avait moins de prise. Néanmoins, comme il l'avait dit un peu plus tôt, ce qu'il préférait n'avait pas la moindre espèce d'importance : il devait tout mettre en œuvre pour s'en tirer le moins mal possible.
-Je verrai comment je m'en sors cette nuit et vous dirai en fonction, répondit-il finalement, coupant la poire en deux;

" Très bien. Je sais que les circonstances sont difficiles, mais j'ai vraiment besoin que vous soyez complètement maître de vous-même, Taliesin. Or nous savons les ravages que l'épuisement peuvent causer... Mais soit. Vous êtes assez grand pour savoir ce qui vous convient le mieux."
Henri se leva.
" Serrez les dents, Taliesin. Ce n'est qu'un mauvais moment à passer, ensuite les lendemains seront apaisés pour tout le monde. Vous, les vôtres, la ville."

Il faillit répondre qu'il n'avait pas à s'inquiéter, que l'épuisement, loin de le pousser à la combativité à outrance, avait plutôt tendance à le rendre abattu, amorphe.
Il faillit lui avouer, aussi, que même s'il avait essayé de se préparer, il avait mésestimé le choc que constituerait l'incarcération. Quand on a passé des mois entiers dans une geôle, remettre les pieds dans un lieu similaire, fut-il mille fois moins sordide, s'accompagnait forcément de pénibles réminiscences.
Mais il ne dit rien de tel, se contentant d'acquiescer, de se lever, de remercier l'avocat et de le saluer.

Henri paraissait un peu circonspect quant à la fin de leur entrevue, mais il ne dit rien, se contentant d'arborer une mine légèrement préoccupée. Il alla frapper à l'huis et le garde qui les avait accompagnés plus tôt vint leur rouvrir. Henri prit congé sans lui souhaiter une bonne fin de journée — peut-être conscient que cela n'aurait servi à rien — mais en promettant de revenir le lendemain à la première heure. Le geôlier accompagna l'avocat vers la sortie et le barde demeura seul avec son compagnon de misère invisible.

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