La Couronne de Cuivre

" Oh, vous allez être père... Alors, effectivement, je ne sais pas si vous parviendrez à vous consacrer à cette tâche. Il faut que vous preniez le temps d'y réfléchir. Mais si ça peut vous aider dans votre réflexion, sachez que la croissance de ce genre de chêne ne prend pas forcément autant de temps que vous pourriez l'imaginer. Certes, je n'y ai jamais assisté moi-même, mais j'ai entendu dire que l'énergie divine qu'ils ont en réserve leur permet de se développer beaucoup plus vite qu'un chêne ordinaire. Après... je ne sais pas vraiment à quel point c'est rapide. Si ça se compte en veilles, en mois... au maximum quelques années peut-être. Ou alors bien moins. A vrai dire, je n'en sais rien. Seule une dryade saurait répondre. Et celle qui vivait autrefois dans ce bosquet est morte en même temps que son arbre...

L'évocation de la mort de la dryade lui fendit le cœur : même s'il n'avait eu aucun doute à ce sujet, la disparition d'une telle entité était indubitablement une perte cruelle pour les forces naturelles du bien en particulier et la beauté des forêts en général. Cet élément entre tous motiva sa réponse, décidée et enthousiaste :

- Cela dit, la naissance est prévue pour bien après l'automne et ma compagne partagera certainement mon point de vue puisqu'elle est rôdeuse, tout comme moi : nos enfants méritent de grandir dans un monde plus beau et plus vert et où ils n'auront rien à craindre de la forêt. Je crois que je ne peux pas rejeter cet appel de la Dame des Forêts sous prétexte que j'ai aussi d'autres responsabilités : les deux vont de pair, je crois.

La vieille femme acquiesça.
" Je suis heureuse de vous l'entendre dire. Mais il est vrai que vous autre rôdeurs n'êtes pas liés autant qu'un clerc à votre devoir de servir la Dame des Bois. Pour un prêtre, l'ordre des priorités ne fait jamais aucun doute..."
Elle poussa un profond soupir, le regard triste, plongée dans des souvenirs, et mit un peu de temps avant de revenir à l'instant présent, en profitant pour changer de sujet.
" Au fait... Vous ne m'avez pas dit ce qui vous fait songer qu'il y a des serviteurs du Seigneur Bestial à l'oeuvre dans les parages..."

Ça n'était pas un sujet facile ni très agréable à aborder mais le rôdeur avait besoin de se confier et d'obtenir l'avis d'une pair sur des éléments qu'il n'était pas du tout certain d'avoir assemblé correctement. Il répondit donc d'une voix empreinte de gravité :

- Sylvia et moi avons d'abord trouvé un cercle de pierres dressées près duquel j'ai ressenti un profond malaise. Ensuite ma louve a été blessé par une meute anormalement agressive. Elle m'a aussi rapporté avoir trouvé la carcasse d'un sanglier ayant reçu plusieurs flèches mais laissé à mourir sans que quiconque ait cherché à récupérer sa viande. Puis j'ai trouvé un ours qui s'en était pris aux bûcherons - heureusement sans qu'il y ait eu de blessés. On lui avait tiré une flèche dans la patte et on la laissé là aussi se vider de son sang avant que son cadavre n'ait été profané. Je l'ai retrouvé dans une mare de son propre sang et décapité. Je ne veux pas penser que de gens normaux se soient livrés à de telles atrocités. C'est la raison pour laquelle je soupçonne la présence d'adeptes obscurs.

" Il est vrai que c'est un faisceaux d'indices troublant... Séparément, ils peuvent cependant être interprétés différemment. Le cercle de pierre peut être la trace d'un autre culte maléfique, les bêtes mortellement blessées peuvent s'expliquer par des chasseurs maladroits et non respectueux des bêtes sans pour autant être des adeptes de Malar. Mais la tête prélevée comme trophée... Bien sûr, ce peut être un chasseur cruel, agissant en solitaire, qui veut juste afficher son tableau de chasse. Mais ça serait tout à fait le genre des malarites..."
L'ex-prêtresse soupira.
" L'histoire se répète... J'avais soupçonné des malarites, il y a trente ans. Ou des druides maléfiques d'une autre obédience peut-être, ou bien des lycanthropes. Je n'ai jamais vraiment su le fin mot de l'histoire, ils ont cessé de faire parler d'eux une fois le bosquet détruit. "

Trente ans que la pauvre femme devait nourrir des regrets pour n’avoir pas su l’empêcher et de la douleur pour ses pertes… Kasumi ne pouvait que compatir à sa douleur mais son esprit était tout de même tourné vers l’avenir, une caractéristique typiquement luménienne qu’il avait adoptée sans état d’âme.

- Si vous avez raison – et il y a toutes les chances que ce soit le cas – je deviendrai une cible pour eux, ainsi que ma famille, et la jeune pousse si je parviens à la faire prendre. Je sais que c’est douloureux mais auriez-vous des détails à me confier ou des conseils pour contrer ces Malarites ?

" Je n'ai rien su empêcher il y a trente ans, je ne suis pas certaine d'être de bon conseil. Mais j'ai quelques connaissances sur les malarites... et vous aussi sans doute. Par exemple, je sais que lorsqu'ils dressent un cercle de pierre, elles figurent une mâchoire, et leur autel se trouve au centre, même si on ne l'identifie pas comme tel. J'ai entendu dire qu'il s'y trouve parfois l'entrée d'un réseau de galeries souterraines, si le lieu de culte est élevé sur un sol calcaire, dans lesquelles ils aiment traquer des proies humaines au cours de certains rites. Je me souviens qu'il y avait eu des disparitions de villageois à l'époque, c'est pour cela que j'avais songé à eux et à leurs rites. Mais ils peuvent aussi chercher des proies ailleurs que dans le village."
Elle soupira.
" Je ne sais pas comment vous pourriez en venir à bout... Il peut d'ailleurs s'agir d'une seule personne, c'est une église sans grande hiérarchie. Mais effectivement, si vous parvenez à faire renaître le bosquet, il sera une cible pour eux. Vous, simple rôdeur, ne le serez peut-être pas plus que les autres villageois, du moins tant qu'ils ignorent votre rôle dans la renaissance du bosquet. Mais peu importe. Il faut absolument détruire cette cellule malarite. Si ç'en est une."

Ces détails allaient sans doute lui être utiles malgré tout et la simple évocation des ennemis ataviques de sa déesse éveilla une lueur belliqueuse et déterminée dans son regard.

- Si c’est bien de cela qu’il s’agit, je les combattrai de toutes mes forces : la Forêt Maudite compte déjà bien assez de dangers sans laisser ces vermines contaminer ses abords par-dessus le marché. Mais je soupçonne qu’ils ne seront pas faciles à traquer, même pour un rôdeur.

Il savait – au besoin – pouvoir faire appel aux forces de Luménis pour chasser un groupe d’importance mais il ne pouvait s’agir que d’individus isolés et les autorités auraient besoin de preuves pour être convaincues, quelle que soient les excellentes relations qu’il entretenait avec elles.

" Effectivement, ils connaissent la forêt mieux que quiconque, et savent s'y dissimuler. Il sera très difficile d'en venir à bout... Et je ne sais pas quoi vous conseiller, en l'occurrence. Je n'y suis jamais parvenue il y a trente ans, ils sont partis d'eux-mêmes sans que j'en sache la cause... Et sans que je m'en préoccupe vraiment. Je n'avais plus ma vocation..."
Elle soupira.
" De tout coeur, je vous souhaite de réussir là où j'ai échoué. Ce serait... Je ne sais pas... une sorte de revanche ? En tout cas, savoir que quelqu'un se préoccupe de restaurer la paix et la lumière dans cette forêt me fait chaud au coeur. Comme si... mes prières d'alors avaient finalement été entendues... Ça me fait un bien immense."

La lutte serait probablement déséquilibrée tant qu’il ne connaîtrait pas un peu mieux les bois autour de Peyregorde et aussi ses habitants et ceux qui étaient parfaitement dignes de confiance. Mais les paroles d’Hortense le firent néanmoins sourire et il répondit avec sincérité :

- Et cela fait chaud au cœur de parler avec des personnes telles que vous qui comprennent toute l’importance de notre tâche. Vous pouvez être certaine que je ferai de mon mieux et j’appellerai aussi à l’aide si je le juge nécessaire. C’est d’ailleurs le pourquoi de ma démarche d’aujourd’hui… Seriez-vous susceptible de m’indiquer l’emplacement de l’ancien bosquet sur une carte. Je crois que je devrais tenter de m’imprégner de l’endroit, même si je serai probablement heurté par ce que j’y trouverai dans l’immédiat.

La vieille femme acquiesça.
" Je n'y vois plus grand-chose, objecta-t-elle cependant. Il va falloir que vous me décriviez un peu votre carte, que j'essaie de me remémorer mes points de repère... Quant à savoir ce que vous y trouverez, je serais bien en peine de le deviner. Le grand chêne n'y est plus, et sans doute ont-ils profané ou maudit les lieux, mais la source doit encore couler quelque part. Même s'ils l'ont obstruée... on ne peut pas retenir longtemps l'eau vive, elle est certainement toujours là, sous terre, et a dû ressurgir plus loin. Je ne sais pas s'il faut chercher à replanter l'arbre à l'endroit exact où il se trouvait. Mieux vaut s'adapter aux modifications de l'environnement : la nature a dû s'adapter, à nous de la suivre. Et pour cela, il va falloir que vous trouviez en vous la sensibilité qui vous permettra de ressentir le lieu adéquat. Sans doute par la prière... Mais montrez-moi cette carte, et parlez-moi des endroits que vous avez vu.

Le rôdeur prit la main de la vieille femme dans la sienne avec une grande douceur et la guida pour lui désigner les lieux à mesure où il les lui présentait : il commença par lui situer le village, la lisière de la forêt, les chemins principaux empruntés par les bûcherons, leurs zones de coupe – qui avaient peut-être bien changées en trente années. Puis il lui désigna les zones où il avait découvert de grands arbres, essayant de lui décrire les points de repères qui l’avaient marqué comme la présence d’arbres jumeaux, celle d’un rocher à la forme particulière. Il était bien conscient que cela présentait des lacunes et qu’il y avait sans doute des problèmes d’échelle mais il fit de son mieux pour donner un aperçu aussi complet que possible des premiers lieux qu’il avait explorés.

L'ex-prêtresse écoutait, concentrée, ses explications, et tentait de visualiser la carte de son mieux, le nez quasiment sur le parchemin.
" Vous dites que la colline est ici ? Avec le cercle de pierre... oui, c'est vrai qu'il y a une clairière là. Bon. En fait, le bosquet sacré se trouve plus au nord."
Elle laissa glisser sa main sur la carte.
" Là, au nord-est de la colline, c'est la zone où vous avez vu des arbres anciens. Le bosquet en fait partie, ou en faisait partie, mais pour le rejoindre il faut aller encore plus au nord. A deux heures de marche de la colline, je dirais. Vous entendrez sûrement le bruit de l'eau, il y a un ruisseau qui y prend sa source. Laissez-vous guider. Il n'y a aucun sentier mais les arbres sont si immense qu'on circule aisément entre les troncs, vous l'avez vu par vous-mêmes. Quelques clairières par-ci, par-là. Et plus au nord, il y a quelques secteurs où on retrouve une végétation dense, au milieu des arbres anciens. C'est dans l'un de ceux-ci que la source se trouvait, protégée des regards par des buis et des chênes verts... Mais votre meilleur guide sera le ruisseau, si vous le retrouvez. Il faut remonter à sa source."

Kasumi essayait de s’imprégner des explications de l’ancienne prêtresse et aussi d’estimer la distance probable entre la cabane qu’il entendait occuper avec Sylvia et la zone de recherche qu’avait délimitée Hortense. Il avait an tous cas maintenant une meilleure idée des prochaines zones qu’il explorerait à son retour : suivre un ruisseau ne devrait pas être une tâche insurmontable pour un pisteur entraîné comme il l’était et il remercia chaleureusement la prêtresse pour ses efforts et son aide :

- Si cela vous convient, je repasserai dans les prochaines semaines pour vous informer de mes progrès. Est-ce que cela vous plairait ?

" J'y compte bien ! Vous ne pouvez pas imaginer combien je serais heureuse de voir ce bosquet renaître..."
L'ex-prêtresse regarda à nouveau la carte, songeuse.
" Autrefois, je ressentais la présence du bosquet sacré. Il m'attirait. J'entendais chanter le ruisseau de bien plus loin que je n'aurais dû, et il me suffisait de le remonter. J'aurais pu m'y rendre les yeux fermés, en priant. Maintenant... S'il a été profané ou maudit, il est possible qu'au contraire, il vous repousse. Que vous ressentiez une énergie maléfique en émanant, ou tout simplement qu'il soit dans un lieu à l'aspect répugnant. Je pense qu'il faut vraiment y aller voir, même si votre instinct vous pousse à faire demi-tour. Vous ne pouvez pas recréer un bosquet à proximité d'un endroit qui a été maudit, cela affaiblirait sa puissance. Il faudra ôter toute trace de magie mauvaise des environs."

Kasumi posa à nouveau ses mains sur les siennes en un signe de réconfort et d’amitié :

- Grâce à vous, je sais par où commencer : trouver la source et la purifier de ses miasmes me semble un bon début. Il est probable que je repasse rapidement par ici vous en informer et en profiter pour récupérer de l’eau bénite auprès d’Aïdan. Mais je crois que la nature saura aussi se libérer d’elle-même du poison si je lui donne un coup de pouce.

En attendant, le demi-elfe sentait qu’il ne pourrait plus guère s’attarder s’il voulait rejoindre le hameau avant la nuit, aussi gratifiant que soit l’exploit d’avoir rendu espoir et sourire à l’ancienne prêtresse.

" Tout dépend du poison en question, répondit Hortense. Si l'endroit a été maudit par un clerc malarite ou d'un autre dieu maléfique, ce qui est fort probable, il faudrait pouvoir le bénir pour ôter toute trace de profanation. S'il ne s'agit que d'une profanation humaine, alors nettoyer les lieux peut suffire. Vous aviserez une fois sur place, lorsque vous aurez mesuré l'étendue des dégâts."
Elle sourit.
" Mais ne tardez guère à agir si vous voulez planter le gland ce printemps. Il vaut mieux le faire avant la fin du mois de Kythorn, l'été ensuite est trop rude, même pour un gland magique. Ou alors il vous faudra attendre l'automne, au jour des Grandes Moissons. A vous de voir. Mais maintenant que je sais que vous êtes là, j'avoue que j'ai hâte..."
Elle prit appui sur son bras pour se redresser, et avança lentement jusqu'à Ombrage, qui attendait paisiblement à côté. La matinée était désormais bien avancée, et il lui fallait encore revenir jusqu'à Respelm.

Le rôdeur ne s’inquiétait pas trop du temps passé dans l’immédiat : Ombrage était bien reposé aussi pourrait-il progresser rapidement sans peine tandis que lui-même déjeunerait probablement en selle durant le trajet de retour. Et les journées se rallongeant, il arriverait probablement en soirée à Peyregorde plutôt que de nuit. Malgré tout, il se languissait déjà de l’absence de Sylvia et la réciproque était probablement vraie. Il aida donc Hortense à retrouver sa position sur la selle avant de prendre place comme à l’aller et enfin de répondre :

- J’imagine que le moment de planter le gland dépendra aussi de ce que je trouverai. Et maintenant que je sais qu’il ne craint rien pendant plusieurs mois, je préfère ne pas me précipiter. Je pense venir vous consulter à nouveau avant de prendre une décision décisive en tous cas.

Il ne put voir l'expression de la va vieille femme, qui lui tournait le dos, mais elle répondit d'une voix paisible.
" J'ai confiance. Je sais que vous ferez au mieux. Suivez votre instinct. Apprenez à vous faire confiance. Si Mielikki vous a choisi, c'est que vous saurez le faire..."
Elle eût un petit rire.
" C'est incroyable, j'ai de nouveau confiance en ma déesse. Après toutes ces années... Vous venez d'accomplir un miracle !"
Ombrage se mit en route d'une démarche paisible, pour ne pas brusquer sa cavalière âgée, et ils revinrent lentement vers l'orée des bois. Kasumi nota le net soulagement du berger en les voyant de retour, les saluant d'un signe de la main.

Hortense était bien entourée et c’était une pensée réconfortante… Kasumi salua lui aussi le berger tout en poursuivant sa course paisible vers la cabane de la vieille dame.

- J’en suis heureux et je prends cela comme un bon présage pour la suite !

Le rendez-vous était donc pris et le rôdeur avait toutes les intentions de l’honorer pour continuer à bénéficier des conseils de la mielikkistes mais aussi à entretenir son espoir et sa foi renaissante. Cela ne lui paraissait pas plus trivial que de tenter de faire renaître un bosquet : c'était même tout un symbole.

" Si vous avez un peu de temps avant de partir, je vous proposerais bien un verre de jus de pomme... mais je devine que vous êtes pressé. Toutefois, il vaudrait mieux que vous preniez quelques minutes pour demander de l'eau bénite à Aïdan. Je pense que vous allez rapidement trouver ce qui reste du bosquet, en suivant le ruisseau jusqu'à sa source, tout droit vers le nord, et il est possible qu'elle vous soit utile. Plus vite les souillures seront lavées, mieux ce sera.... "
L'ex prêtresse sourit. Elle semblait presque avoir rajeuni.
" Je vous souhaite bonne chance !"

Kasumi lui rendit son sourire même si la vieille femme ne pouvait peut-être pas le voir et répondit avec enthousiasme :

- J’ai toujours le temps pour un petit jus de pomme mais vous avez raison : après, je devrai vraiment filer surtout si je veux récupérer un peu d’eau bénite comme vous le suggérez.

Il devrait vraiment mettre les bouchées doubles ensuite mais ce ne serait effectivement pas du temps perdu. Y compris la réponse à l’invitation d’Hortense.

La vieille femme, consciente du chemin qu'il lui restait à parcourir, promit de ne pas le retenir trop longtemps. Ils s'installèrent au-dehors, sur la terrasse couverte, et elle trouva quelques biscuits pour accompagner le jus de pomme.
" Savez-vous où vous allez vous installer, si vous demeurez quelques temps à Peyregorde ? J'imagine que vous logez en ce moment chez l'un ou l'autre villageois..."

Kasumi accepta volontiers de manger un biscuit et de répondre à la question bien naturelle de la vieille femme :

- En fait, jusqu’ici nous nous étions installé chez Martha, la sage-femme du village mais nous comptions retaper une cabane qui se situe à l’orée de la forêt : celle qui a appartenu à un rôdeur. Vous voyez peut-être de laquelle il s’agit ?

" Oui, parfaitement. Il l'a construite du temps où j'habitais là-bas. Il m'avait même proposé de m'aider à en construire une si je voulais me rapprocher du bosquet où je me rendais souvent, mais je préférais rester au village. Disons que j'y avais des attaches..."
Son regard se fit mélancolique un instant, puis elle secoua la tête.
" Vous y serez bien. Et ça vous rapproche du bosquet, je pense qu'il doit être à deux ou trois heures de marche. Certes, ce sera tout de même trop au début, je ne crois pas que vous pourrez rentrer chez vous tant que le gland n'est pas une pousse vigoureuse. Je ne sais pas combien de jours cela prendra... Il faut juste espérer que votre fiancée n'accouche pas à ce moment !"

Voilà qui confirmait ses hypothèses quant à la cabane et cela faisait chaud au cœur de savoir qu’il ne serait pas tiraillé entre la nécessité de déménager et celle de s’occuper du bosquet. Il était impatient d’annoncer la bonne nouvelle à Sylvia : ils allaient pouvoir s’installer dans ce lieu de rêve pendant qu’il continuait à chercher l’ancien emplacement du bosquet puis le purifier. Et alors, à l’automne, ils pourraient enfin planter le gland et veiller sur lui puis sur leur enfant.

- Ce ne serait vraiment pas de chance, non. Mais j’aurai le temps de me renseigner sur la durée que mettra le jeune arbre à pousser d’ici à l’automne mais nous n’en sommes pas encore là : il vaut mieux ne pas brûler les étapes. En tous cas je vous remercie pour votre accueil, Hortense, et j’espère pouvoir vous apporter des nouvelles très bientôt.

Il était maintenant plus que temps de filer et de passer rapidement par le village pour y récupérer une partie du stock d’eau bénite du lathandrite…

" J'y compte bien ! Prenez soin de vous d'ici là !"
La vieille Hortense lui serra doucement la main en guise de salutation et le laissa filer.
Il trouva Aïdan dans son temple, en train de procéder à un brin de ménage. Le clerc fut de prime abord un peu surpris par sa requête, puis il hocha la tête.
" Je peux vous donner une petite bouteille d'eau bénite, mais c'est une denrée que je n'ai pas en abondance, et que je garde jalousement dans cette région infestée de morts-vivants. Cela dit, il suffit d'asperger de quelques gouttes l'objet ou le lieu que vous voulez bénir..."

Le rôdeur accepta cette offre avec joie mais refusa – fort naturellement – que le Lathandrite lui confie le précieux liquide sans contrepartie. Les temples vivaient grâce aux dons de leur fidèle et la chapelle de Respelm, aussi isolée qu’elle fut, revêtait une importance vitale dans une région aussi exposée aux dangers. C’est donc contre un don de plusieurs pièces d’or que Kasumi acquit la petite bouteille.

- Je pense repasser dans les prochaines semaines pour faire part à Hortense de mes progrès : j’essaierai par la même occasion de venir vous saluer donc nous serons certainement amenés à nous revoir régulièrement.

Le clerc accepta les pièces d'or avec reconnaissance, et se montra ravi d'apprendre que Kasumi restait dans la région.
" C'est une bonne nouvelle ! Je m'efforcerai de tenir la chambre prête, dans ce cas. Et nous nous reverrons également à Peyregorde, si vous y demeurez : je m'y rends de temps à autre, puisqu'ils n'ont pas de clerc... Je vais d'ailleurs vous donner un message à transmettre à Bertrand : dites-lui que je passerai... disons dans le courant de la dernière veille de Kythorn. Dans deux veilles, approximativement."

Kasumi était ravi de pouvoir rendre ce service au Lathandrite et aussi de la perspective de pouvoir lui reparler régulièrement lors de ses passages par Peyregorde.

- Je transmettrai votre message à Bertrand dès demain matin ! D’ailleurs, si je veux être rentré avant la nuit, je ferais mieux de me mettre en route dès maintenant. Je vous dis donc à dans quinze jours : j’étais vraiment content de vous revoir !

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Respelm