La Couronne de Cuivre

Brus ne remarqua rien de particulier ni avant le pont, ni sur celui-ci. Ni, d'ailleurs, sur la majeure partie du chemin qui s'étendait au-delà et qu'il remonta le plus discrètement possible. En revanche, parvenu près de son terme, il nota deux détails intéressants. D'abord, l'escouade ennemie s'était placée à l'endroit où le sentier débouchait dans la plaine : ce n'était pas étonnant, l'endroit étant assurément une position privilégiée, puisqu'ils pourraient cueillir les Manostiens alors que ceux-ci seraient encore contraints, par l'étroitesse du passage, à ne cheminer qu'à deux de front. Ensuite, au moins deux guetteurs mélandiens étaient postés en hauteur : c'était un miracle qu'ils ne l'aient pas aperçus jusqu'ici.

Quant à l'éclaireur envoya par Gaspard, il ne tarda pas a revenir auprès du lieutenant et à lui faire un rapport on ne peut plus bref : rien à signaler.

Brus nota tout ce qu'il avait à noter et fit demi-tour aussitôt pour ne pas risquer d'être découvert par les sentinelles. Finalement les Mélandiens étaient toujours présents, c'était l'occasion de prendre leur revanche et de libérer Arthur. Maintenant qu'ils connaissaient les positions mélandiennes, peut-être serait-il possible de les contourner, à condition de neutraliser les guetteurs. Le roublard secoua la tête et regagna les soldats manostiens. Gaspard était toujours à leur tête, Chandara, en retrait, semblait avoir repris ses esprits. Brus avisa l'arbalète qu'elle tenait dans les mains. Évidemment, il n'aurait pas été question qu'elle soit écartée du combat. Il sourit à son intention puis s'adressa à Hurlegloire :

"Le pont est sûr. J'ai vu deux sentinelles en hauteur après l'pont, le reste nous attend à l'issue du chemin, en bordure d'la plaine."

Le pont était sûr, un bon point. Les Melandiens avaient pris une position à leur avantage, un mauvais point mais en aucun cas une surprise. Gaspard, après avoir écouté le rapport de Brus, considéra un instant la situation. Il était évidemment hors de question d’attaquer de front. Le prêtre finit par répondre, toujours aussi sec, aussi militaire.

« Comment vous vous appelez déjà ? Ha oui, Brus. Bon travail Brus. Vous semble-t-il possible de quitter ce fichu chemin ? Je ne tiens pas particulièrement à me présenter bien sagement où ils nous attendent. »

Brus fit une moue dubitative et tâcha de présenter la situation sous son jour le moins pessimiste :

"Eh bien, comme le ch'min est à flanc d'falaise, il y a l'vide d'un côté, et une pente sacrément raide de l'autre. Ca peut peut-être s'grimper, mais avec les guetteurs pas sûr qu'on soit pas repérés avant d'arriver en haut. Sinon en dehors de ça, je n'vois pas trop..."

Gaspard ne pausa pas d’autres questions. Si les Melandiens avaient pris position au bout du chemin, ce n’était pas pour rien. Pour autant, il n’allait pas renoncer à sa mission. Ce qui le dérangeait réellement dans cette configuration, c’était les deux guetteurs en hauteur. Seuls eux, au final, auraient de bons postes de tir. Le reste ferait face à la première ligne lourdement protégée. Quand au bouleau d’étranglement, l’endroit où le chemin aboutissait et où le corps à corps allait s’engager, le prêtre de Tempus avait une carte à abattre. Demeurait le mage ennemi difficile, voir impossible à évaluer. Tout dépendait des sorts auxquels il avait présentement accès. Avec un peu de chance, les Melandiens, confiants dans leur position, ne feraient pas appel à lui, pas jusqu’à ce qu’ils soient bousculés. Bref, il y avait des inconnus. Mais, à la guerre, il y en avait toujours, les stratèges eux-mêmes ne pouvaient le nier. Le tout était de savoir composer avec, d’évaluer avec le plus de justesse possible et de savoir s’il y avait ou non trop d’inconnus. L’affaire paraissait difficile, pas impossible. Hurlegloire fit face à ses hommes et s’adressa à eux.

« On va y aller. Les arbalétriers, à l’arrière de la colonne. On devrait faire face à un feu ennemi plus ou moins nourri lors de notre approche. Contre cela, on a des casques, des armures, des boucliers. Je veux qu’on leur oppose un mur d’acier infranchissable. On avance en formation serrée. On ne charge pas ou alors uniquement à mon commandement. Notre objectif premier : percer leur ligne. Puis on se déploie. »

Le lieutenant marqua une pause, avant de reprendre, cette fois avec une conviction guerrière galvanisante.

« Des frères sont tombés et ces Melandiens ont l’audace de nous attendre ! Montrons-leur le poids de leur erreur ! Montrons-leur la fureur de Manost ! Le seigneur des batailles nous regarde ! Il est avec nous et nous allons lui offrir une victoire digne de lui ! »

Il brandit sa hache alors que ses soldats exprimaient leur assentiment bruyamment. Le calme revint vite toutefois. Gaspard fit face à Chandara et ordonna :

« Vous, tout à l’arrière. Vous pourrez aller à votre rythme. »

Puis, le titan en armure pivota vers Brus.

« Savez-vous vous servir d’une arbalète ? Ou bien, êtes-vous doué pour l’élimination discrète ? En fait, j’aimerais que vous ne suiviez pas la colonne. Vous pouvez nous être plus utile si vous parvenez à grimper cette pente abrupte et à vous approcher par une autre voie. Ainsi, vous aurez tout le loisir de faire le ménage pendant qu’on attire à nous toute l’attention. Les cibles prioritaires sont les guetteurs et le mage. Ce serait également bien d’arriver à localiser Arthur. »

Chandara s'était tenu en retrait pendant l'entretien entre Brus et le lieutenant et elle fut soulagé de constater que ce dernier semblait savoir ce qu'il faisait. Elle n'avait pas manqué de reconnaître le symbole gravé sur son armure. L'homme était assurément dévoué à la guerre et si la paladine n'avait pas de sympathie particulière pour les tempusiens et leur philosophie violente, elle était tout de même soulagée de pouvoir bénéficier du renfort d'un tel homme. Il semblait pragmatique et expérimenté, non pas comme ces homme qui les avaient accompagnés jusqu'au moulin et l'avaient payé de leur vie. Non pas comme leur commanditaire qui avait pris un risque en n'envoyant qu'un petit groupe disparate alors que l'enjeu était grand et qu'il mettait en danger le fils du général en chef de leurs alliés. La femme ne pouvait pas totalement lui en vouloir de cette décision car sans elle, ils ne se seraient peut-être jamais rencontrés mais maintenant elle risquait de ne plus jamais le revoir. A moins que le plan se déroule comme le lieutenant l'espérait. Il fallait qu'elle place sa confiance en lui et en ses hommes mais c'était difficile quand on avait eu affaire à ce qui les attendait de l'autre côté. Elle était paladine, ce n'était pas ses hommes mais elle se devait de tenter quelque-chose. Elle n'était pas en position de leur insuffler du courage par ses prouesses au combat mais elle se devait au moins de leur apporter tout son soutien : ces hommes allaient risquer leur vie parce qu'elle avait elle-même échoué à protéger Arthur, à protéger ses amis, à ramener le livre. Elle se tourna vers le géant quand il en eut fini avec Brus et répondit d'un ton fervent :

- Je vous suivrai et tâcherai d'abattre le plus de nos ennemis avec l'arme que vous m'avez confiée. Ces hommes ont surpris et massacré sans pitié notre escorte avant de s'en prendre à notre groupe épuisé et en infériorité numérique. Ils portent tous des armures lourdes mais leur mobilité en sera réduite et débordent de confiance alors ne les sous-estimez pas, ne commettez pas la même erreur qu'eux et ensemble nous les renverrons dans les abysses. J'ai confiance en vous et je remets ma vie entre vos mains. Pour Manost !

Brus hocha vigoureusement la tête, autant pour les ordres du lieutenant que pour les encouragements de Chandara. Ce serait donc un brin d'escalade. Le roublard se rappela avec un vague sourire son dernier exercice, sur les docks de Graëlon, tandis qu'il recherchait le conseiller, parti faire il ne savait quoi. C'était ce dernier qui l'avait finalement trouvé, perché sur son toit. Puis des souvenirs plus proches et plus amères vinrent assombrir son humeur, l'arrogance du mage et son échec à le surprendre, ou plutôt à surprendre ses gardes. Brus était déterminé à ce que les choses se passent différemment cette fois, on avait rarement le droit à une seconde chance, il n'était pas question de la rater. Brus voulut serrer sa dague mais ses doigts rencontrèrent une autre lame : celle de Luna, récupérée sur Don. Ce serait, à coup sûr, un juste retour des choses.

Gaspard se dit qu’il avait sans doute fait le bon choix en laissant la paladine les suivre. Elle ne manquait pas de caractère, de volonté, une qualité essentielle. Restait à savoir si elle aurait la force d’aller jusqu’au bout. L’avenir allait le dire, un avenir proche. On confia à Brus une arbalète, si toutefois il en désirait une, puis le lieutenant se plaça en tête de la colonne.

« Les boucliers, n’hésitez pas à les mettre au-dessus de vos têtes ou de côté si on se retrouve légèrement exposez de flanc. Dès qu’on a fait une brèche, on avance, on pousse, on occupe les espaces ! Les arbalétriers, tant que vous ne disposez pas d’angle de tir, vous restez à l’épée. Allez ! En avant ! »

Sur ce, la colonne s’ébranla. Elle prit vite des aires de formation Romaine. Gaspard imprima une marche soutenue. Il constituait le premier rang avec le caporal Rocrive. Peut-être s’avançait-il vers la mort. C’était ainsi à chaque bataille. Pour lui, en tout cas, l’heure était venu de rendre gloire à Tempus, d’éprouver sa foi. La guerre était sa raison d’être. Derrière le heaume marqué par les coups de griffes, un sourire s’esquissa...

Le rythme imposé par Gaspard à la troupe était un peu trop rapide pour que Chandara puisse le soutenir longtemps au risque d'aggraver son état. Heureusement la distance à parcourir n'était pas non plus très importante. La paladine fit preuve de sagesse, une fois n'est pas coutume, en marchant à un rythme qui ne la faisait pas trop souffrir. Elle ne voulait pas non plus rater le début du combat mais elle n'avait nul besoin de rester à la hauteur de la première ligne pour cela. Elle chercherait une position la plus en hauteur possible pou s'assurer un bon angle de tir afin de soutenir la troupe et tirer sur tout ce qui passerait à sa portée. Ce n'était guère la tactique la plus honorable mais face aux mélandiens et alors que son cher compagnon était en danger, elle pouvait supporter l'idée d'un peu de pragmatisme. Elle avait dans l'idée de cibler le mage en priorité mais elle devait reconnaître que ce serait autant pour apaiser sa fierté blessée que pour l'avantage que cela leur donnerait. Après réflexion, elle se satisferait fort bien qu'un autre des soldats s'en charge tout aussi bien du moment qu'Arthur survivait.

Après avoir remercié le soldat pour son arbalète, Brus laissa la colonne passer devant lui avant de lui emboîter le pas, le moment venu, il prendrait la tangente et entamerait son ascension pour tâcher de prendre les soldats isolés à revers. Comme il rejoignait Chandara, il afficha un sourire encourageant.

"Haut les coeurs m'dame Chandara! Vous êtes très courageuse, et ça s'en ressent sur l'moral des autres, pour sûr. Y a un moment, j'pense que tout le monde avait l'impression d'aller s'fourrer dans la gueule du loup, mais, si vous voulez mon avis, maint'nant, j'ai comme l'impression qu'chacun s'dit qu'on est parti pour lui déchausser l'dentier jusqu'aux pré-molaires! "Brus se mit à rire franchement, puis redevint plus sérieux :"Bon, faites attention à vous hein, j'ai bien cru qu'on vous avait perdu une fois, je supporterais pas la deuxième. De mon côté, j'essaierai d'trouver Arthur dès qu'possible." Puis, comme son sourire devenait plus mince, plus nostalgique, il ajouta simplement, le regard porté sur la falaise : "Ah, cette escalade, ça va m'rappeler ma jeunesse..."

Chandara passa par plusieurs émotions en écoutant le discours de Brus. Les mots de ce dernier étaient sincères et la touchèrent profondément comme elle ne manqua pas de le manifester à sa manière. En rougissant d’abord quand il la complimenta sur son courage et le fait qu’il soit susceptible d’influencer le moral de la petite troupe puis en riant de bon cœur malgré la gravité de leur situation. Brus avait su dédramatiser les choses par son discours direct et imagé et lui insufflait, à sa manière, de l’espoir et la volonté de triompher. Avant qu’il ne s’éloigne, elle répondit néanmoins d’un ton grave et sérieux qui ne lui ressemblait guère mais elle sourit aussi franchement, adoucissant la nature de ses propos :

- Merci de m’avoir ramenée, Brus. Sans votre aide je serai morte. Je vous le dois. Mais je vous retourne aussi le compliment : ne prenez pas de risques inutiles, je ne voudrai pas que nous vous perdions : trop de nos amis sont déjà tombés aujourd’hui et vous m’êtes cher à votre façon. Si si, je vous assure, ne faites pas cette tête ! Et merci de veiller sur Arthur, vous ne savez pas combien il est important pour moi de compter sur un allié indéfectible tel que vous.

Sans lui laisser l’occasion de répondre, elle lui avait asséné un bisou sur la joue, aussi spontané qu’amical et elle reprenait d’un ton bien plus léger :

- Et on croirait entendre un vieux paladin helmite parler de sa jeunesse révolue ! Dois-je vous rappeler que je suis bien plus âgée que vous ? Filez donc, garnement avant de me donner l’impression d’être une vieille grabataire de 20 ans ! Et prenez soin de vous surtout !

Brus haussa les épaules, un sourire aux lèvres :

"Oh vous savez pour Arthur, c'est aussi grâce à lui qu'j'ai pu vous ramener, j'lui en dois une! Toutes mes excuses pour votre âge m'dame Chandara", ajouta-t-il dans une élégante et souple révérence, "Je tâcherai d'suivre vos sages conseils!"

Sur ces mots, le roublard quitta la petite troupe et s'arrêta au pied de la pente rocailleuse. A cette distance, il n'était pas encore en vue des guetteurs et pourrait effectuer son ascension tranquillement. Il relégua l'arbalète dans son dos et débuta son escalade. Les mots de la paladine lui revenait en tête tandis que ses mains trouvaient appui, pierre après pierre, sur la paroi. "Un vieux paladin helmite", il fallait croire que leur proximité à Manost avait déteint sur lui. Il en sourit. Le vieux Corwin Balder n'aurait pas manqué, lui, de tiquer à cette comparaison. Mais il fallait qu'il se concentre sur son exercice, il restait encore plusieurs mètres à franchir.

Chandara s'était refusé à observer la progression de son compagnon de longue date sur la paroi escarpée autant pour éviter qu'il ne puisse se faire repérer par sa faute que parce qu'elle devait avant tout penser à la part qui allait lui revenir dans la suite des événements. Elle devait forcer l'allure pour ne pas se laisser trop distancer mais l'une de ses blessures, au flanc, la faisait grimacer à chaque fois qu'elle posait le pied droit au sol. Et pourtant elle ne pouvait se permettre de s'abandonner à la douleur même s'il n'y avait plus personne pour la regarder : il fallait tout faire pour sauver Arthur. Ce n'était pas une blessure de rien du tout qui allait se mettre en travers de son objectif ! Qui allait l'empêcher de sauver l'homme qui l'avait lui même épargnée par son sacrifice. L'homme qui avait fait bien plus pour elle devant le moulin puis dans les tunnels et lors de la remontée à la surface. L'homme qui lui avait fait découvrir un nouveau monde de possibles exquis. Les dieux ne pouvaient pas être assez cruels pour les séparer maintenant qu'ils avaient ouvert cette porte. C'était peut-être là une pensée sacrilège. Peut-être la mettait-on à l'épreuve. Peut-être était-ce à elle de relever le défi. Elle était prête. Elle avançait. Sans plus regarder en arrière.

Brus

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La colonne manostienne poursuivait sans encombre sa progression. Son envie d'en découdre était manifeste, son désir d'accélérer l'allure palpable. Mais charger la fleur à l'arbalète sur pareil terrain, face à pareil adversaire, ç'aurait assurément été du suicide, et les soldats disciplinés respectèrent à la lettre les consignes de leur commandant. Pour l'instant, ils n'avaient été la cible d'aucun projectile, n'avaient pas pu jeter même un seul regard sur leur ennemi. Mais cela viendrait bientôt. D'ici quelques minutes. D'ici quelques tournants.

Gaspard avait déjà bien en tête sa stratégie. Il allait faire avancer la colonne au même rythme jusqu’à pratiquement arriver au contact de l’ennemi. S’il fallait donner de la voix pour assurer la discipline sous une pluie de flèches ou de carreaux, il le ferait, il y était habitué. Dans les derniers mètres, il ferait appel à sa magie divine afin de considérablement augmenter sa force, déjà exceptionnelle de base. Puis il ordonnerait la charge. Sous sa puissance, tout bonnement inhumaine, il devrait être en mesure de littéralement enfoncer les rangs Melandiens, profitant de l’instant pour briser un ou deux corps sous l’impact. Ses soldats pourraient ainsi profiter de la brèche pour entamer un corps à corps décent. Le prêtre, pour l’instant, avançait en silence, entièrement absorbé par le déroulement de l’opération.

HRP : en fait, je cumule un sort de Force de taureau et le pouvoir octroyé par le domaine de la force. Cela fait grimper la force de Gaspard à 26, bien plus que celle d’un ogre, mais juste pendant quelques secondes. Après, il se retrouve à 22 pendant plusieurs minutes.

Chandara progressait toujours aussi vite qu'elle le pouvait et, bien que s'étant laissé distancée par la troupe rapide, elle sentait que son corps protestait sous le coup des mauvais traitements et elle transpirait inhabituellement sous sa cotte de maille. Il était tout de même rassurant de sentir son poids sur ses épaules à ce moment et elle n'aurait pas été contre posséder un bouclier et un casque comme les soldats de la troupe de Gaspard Hurlegloire mais ne pouvait qu'espérer ne pas être prise pour cible par d'éventuels traits adverses. Elle n'était pas inconsciente au point de foncer elle aussi dans la mêlée étant donné son état, tant que la nécessité ne s'en ferait pas sentir en tous cas. Non, elle avait l'intention de se trouver une position de tir de ce côté du pont et de soutenir les troupes au mieux de ses capacités. Ce n'était pas la première fois qu'elle s'essayait à l'arbalète et son adresse, à défaut d'habitude, devrait bien suffire. Elle l'espérait en tous cas. Et elle sentait une force inédite la pousser de l'avant, celle octroyée par la volonté de revoir Arthur. Pourvu qu'il soit en vie.

- Protégez votre serviteur, Lathandre. Et soyez-en béni !

HRP : espèce de brute !

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Je dois poster en spoiler moi aussi?

Brus

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Encore un virage... Et ils les virent. Leurs premiers rangs, du moins. Au bout du chemin, à quelques dizaines de mètres encore, boucliers et armures flamboyaient sous les rayons du soleil couchant.
Certains soldats de la colonne manostienne se raidirent, en prévision d'une pluie subite de carreaux ou de flèches.
D'une pluie qui ne vint pas.
Peut-être les Mélandiens n'avaient-ils pas assez d'armes de jet, à moins qu'ils n'aient choisi de se contenter du corps-à-corps. Quoi qu'il en soit, ils ne lancèrent aucun projectile physique sur leurs ennemis. En revanche, les projectiles verbaux fusèrent.
-Ah, enfin, voilà les culs bénis !
-Bougez vous, ça fait des plombes qu'on vous attend !
-Vous aviez la trouille, c'est ça ?
-Vous attendiez une réponse de votre dieu mort ?
-Vous inquiétez pas, on va vous envoyer le rejoindre !
Et, du plat de leurs lames, ils se mirent à frapper leurs écus.

Chandara était un peu à la traîne mais pas assez pour ne pas surprendre les provocations des soudards. En d'autres circonstances, elle aurait probablement réagi, voire répliqué à leurs insultes et leurs blasphèmes. Mais les mélandiens s'étaient déjà rendu coupable de bien pire en assassinant ses amis alors leurs mots ne faisaient que renforcer sa résolution. Il n'y avait qu'un moyen de les leur faire ravaler : libérer Arthur et les décimer pour y parvenir si cela s'avérait nécessaire. La paladine était encore trop loin pour tirer efficacement et elle s'en remettrait de toute façon aux commandements du lieutenant manostien. Il ne s'agissait pas de porter péril à l'assaut en se montrant trop empressé : mieux valait montrer toutes leurs forces d'un coup et frapper fort. Frapper les esprits bien trop confiants des mélandiens. Et tirer profit de cet avantage. La jeune femme ne put toutefois s'empêcher de laisser courir son regard au-delà des rangs de soldats, cherchant à déterminer la position d'Arthur. Pour simplement le voir autant que pour décider quoi faire.

Pas de flèche ? Pas de carreaux ? Pas de boule de feu ? Juste des mots ? Certes, parfois les mots pouvaient faire plus mal que n’importe quelle arme, mais pas ceux-ci, pas de simples provocations. Que l’ennemi soit confiant était une bonne chose. La stratégie de Gaspard ne devrait avoir que plus d’impact. Par cette démonstration de force, il pouvait atteindre les corps bien sûr, mais aussi les esprits, le moral. Généralement, cela refroidissait lorsqu’on voyait ses collègues perdre la vie avec tant de brutalité qu’ils en perdaient aussi quelques morceaux. Le titan en armure savait jouer sur la peur et il ne s’en privait pas. Présentement, il avançait à son rythme, inexorable. Son dieu à lui n’était pas mort. Il allait le prouver, il allait montrer sa toute puissance. Il en portait fièrement le symbole sur son écu, ultime avertissement. La distance se réduisait. Plus de virage, juste une courte ligne droite...

« Tempus, laisse-moi être ton bras ! » rugit le prêtre.

Gaspard --> Force de taureau --> Gaspard

Une aura rouge enveloppa brièvement le clerc alors qu’il avançait toujours. Il jeta un coup d’œil sur le caporal Rocrive, qui le lui rendit, puis il reprit, féroce :

« Pour Manoste ! »
« Pour Manoste ! » répéta en cœur toute la colonne.

Ainsi fut lancée la charge. Ne jamais sous-estimer personne, telle était la doctrine du seigneur de la guerre. Le lieutenant était donc loin de se considérer vainqueur d’avance. Il allait faire de son mieux, mettre toutes les chances de son côté. Peut-être que les Melandiens avaient eux-aussi de mauvaises surprises à leur réserver. Peut-être... L’avenir allait le dire.

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Brus

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La patiente observation de Chandara ne lui permit d'apercevoir ni Arthur, ni même une brèche dans la muraille de boucliers. En revanche, juste avant que le choc entre les deux troupes ne se produire, elle vit apparaître des pointes de lances parmi le premier rang ennemi.
Oui, les Mélandiens avaient eux aussi préparé une mauvaise surprise. Sachant que les Manostien n'auraient d'autre choix que de charger pour briser leurs lignes, ils avaient prévu de quoi les recevoir.
Ce qu'ils n'avaient pas prévu, en revanche, c'est qu'ils auraient affaire à un prêtre de Tempus débordant d'énergie divine. Certes, une lance frappa Gaspard à l'épaule. Certes, elle dut même le blesser. Mais elle se brisa sur le coup et, sans ralentir, le colosse s'enfonça au milieu de ses adversaires, comme une lame dans du beurre.
L'escouade ennemie fut ébranlée, coupée en deux, perdit plusieurs de ses éléments, morts ou blessés. Mais elle ne rompit pas, ne partit pas en débandade. Sitôt le première surprise passée, elle resserra ses rangs et se rua, des deux côtés, sur la colonne manostienne qui s'était forcée un passage en son sein.
-Petit, petit, petit... Viens ici, petit !
Il n'avait sans doute ni la taille, ni la stature d'Hurlegoire. Mais il restait malgré tout imposant et peut-être gagnait-il en vitesse ce qu'il perdait en force brute. Quoi qu'il en soit, un solide gaillard brandissant une épée à deux mains s'avançait sur le clerc sans crainte apparente. Folie, confiance en soi démesurée, certitude réelle quant à ses capacité ? Impossible à dire encore...

Chandara atteignit enfin un rocher derrière lequel elle put s'accroupir tout en gardant une vision correcte de la bataille qui se déroulait à portée. Ce n'était peut-être pas très honorable mais les mélandiens ne l'avaient jamais été non plus et charger dans la mêlée dans les circonstances actuelles n'aurait fait d'elle qu'un handicap pour la troupe aux prises avec les soudards. Non, elle ne prendrait pas d'initiative malvenue quand la première s'était soldée par la mort de Don et probablement celle de Luna sans compter la disparition des autres membres féminins du groupe et la capture d'Arthur qui avait probablement dû se rendre pour les sauver, elle et Brus. Non, cette fois elle se contenterait d'apporter son soutien aux soldats de métier. Elle fut décontenancée par la violence du choc consécutif à la charge et demeura stupéfaite un instant avant de se reprendre, armant consciencieusement son arbalète. Restait à se choisir une cible : un homme fonçait sur le lieutenant Hurlegloire mais elle risquait d'atteindre ce dernier par accident. De sa position, elle ne voyait pas non plus le mage ni les sentinelles. Elle s'en inquiéta un moment avant de repousser ses tergiversations et de viser le flanc le plus proche de la bataille : là où plusieurs éléments mélandiens tentaient de prendre en tenaille les manostiens. En visant soigneusement, elle pourrait peut-être en abattre un pour desserrer un peu l'étreinte. Puis elle recommencerait... Avec de la chance et si elle y mettait suffisamment l'application, elle ne blesserait pas un de ses alliés. Elle l'espérait :

- Lathandre, si vous m'accordez cette seconde chance, guidez mes coups.

Peut-être aurait-elle dû prier le dieu des batailles mais elle ne se sentait décidément aucune affinité avec lui, malgré la démonstration impressionnante de son serviteur.

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Le chant de l’acier contre l’acier, la force des uns contre celle des autres, la sueur et le sang, la bravoure et l’espoir, les cris d’encouragement ou de douleur... la guerre. Ainsi Gaspard rendait gloire une nouvelle fois aux seigneurs des batailles. Point de mépris pour ses ennemis. Tout ceux qui tenaient une arme et osaient s'en servir sans vaciller méritaient son respect. Le combat permettait à tous de s’exprimer au mieux de leurs capacités. Le combat révélait les âmes, les vraies noblesses, les vrais pleutres. Ce n’avait jamais été affaire de lignée.

Les Melandiens se débrouillaient bien. Le coup des lances était stratégiquement bien pensé. Et ce comportement exemplaire malgré la charge prouvait qu’ils avaient de l’entrainement. L’affrontement n’en avait que plus d’intérêt. Le prêtre multipliait ses instructions, les répétaient, tout autant qu’il distribuait des coups avec une violence inouïe. Son épaule était douloureuse, mais il n’estimait pas la blessure grave, en tout cas pas grave pour lui. Rien ne devait l’arrêter, surtout pas maintenant !

[color=#AA44444]« En avant ! Toujours en l’avant ! Faites-les reculer ! Chaque pas compte ! Allez ! Allez ! Avec moi ! Comblez les espaces ! Ne vous dispersez pas ! »[/color]

Une épée alla mourir contre son bouclier. Dans le même temps, sa hache alla se loger entre le casque et la cuirasse de son vis-à-vis. Elle pénétra dans le cou jusqu’à briser les vertèbres. Le titan,, du genoux, envoya le corps rouler au sol, non loin d’un cadavre Manostien. L’équité devant la mort... Voilà que le prochain adversaire se présentait, provoquant et armé d’une épée à deux mains. Gaspard étant la tête de la colonne et devant se plier à ses propres instructions, à savoir de conserver une formation serrée, robuste, laissa approcher le Melandien tout en lui répondant :

« Fait mieux que tes collègues, mon grand ! »

Brus

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Chandara finit par tirer, mais elle n'eut pas le loisir de découvrir si elle avait visé juste car, un instant après qu'elle ait utilisé son arme, un corps s'abattait devant elle, à moins de deux mètres. C'était un Mélandien en cotte de mailles qui serrait encore son arc entre ses doigts secoués de spasmes.
Au loin, le combat faisait rage, les lames frappaient les lames, les armures et les boucliers sans discontinuer, mêlant le brouhaha de l'acier à celui des cris.
-Mes hommes ont buté quatre de tes bleus, minus, répondit l'adversaire de Gaspard. Et seulement deux d'entre eux sont tombés. On a déjà l'avantage, et ça va faire que s'améliorer ! Vous allez prendre une sévère déculottée, je te dis que ça !
Bavard, il l'était assurément, mais pas au point d'en oublier le combat. Parvenu près du clerc de Tempus, il lui asséna un assaut qui, s'il ne blessa pas sa cible, s'avéra néanmoins d'une adresse redoutable. A présent, le gaillard parait, se déplaçait... Souple, rapide, l'occire n'allait pas être une mince affaire.

Chandara sursauta quand le corps s'écrasa à seulement quelques pas d'elle : il s'en était fallu de peu qu'elle le prenne sur la tête et ne décède du bien ridicule façon. Un coup d'œil à son arc lui fit en outre réaliser que l'homme aurait fort bien pu l'abattre sans même qu'elle s'en rende compte. Sans doute sa chute était-elle le fait de son ange gardien de roublard. Il faudrait décidément qu'elle trouve à le remercier dignement s'ils s'en sortaient tous les deux de ce guêpier ! La paladine releva la tête, non pour tenter de le repérer mais pour vérifier si un autre archer risquait de la menacer : cet avertissement avait sans doute été le dernier et même Lathandre, si tant est qu'il lui ait accordé une seconde chance de venir en aide Arthur, se détournerait probablement d'une paladine déchue trop inconséquente pour ne pas manifester un minimum de prudence. La bataille ne tournait cependant pas à leur avantage et si elle était incapable de repérer le second guetteur qu'avait mentionné Brus, elle se remettrait à tirer en direction des mélandiens les plus isolés. Elle ne pouvait pas, décemment, rester sans agir même si elle prenait des risques. Ces soldats n'en prenaient pas moins et c'était encore plus vrai pour Brus. Elle espérait qu'Arthur n'était pas menacé... Elle ne pouvait qu'espérer.

« Vos yeux sont diablement efficace pour vous permettre de compter les morts dans une mêlée. Faites-vous aussi la différence entre les trépassés et les moribonds ? » répliqua, sarcastique, Gaspard.

La lourde épée vint s’écraser contre le blason du seigneur des batailles. Ce type avait du répondant. Voilà un adversaire digne de ce nom. Le clerc ne pouvait pas en attendre moins de la part du chef de l’escouade adverse. Néanmoins, il ne pouvait pleinement se lancer dans un duel. On se battait autour d’eux. De surcroit, le lieutenant devait s’acquitter d’une tâche envers ses hommes. Il les encourageait déjà de sa voix, de sa présence. Il le pouvait aussi par sa magie. Une bataille était affaire de groupe, pas d’individualités juxtaposées. Se mettant sur la défensive, il rugit tout en brandissant sa hache rouge de sang :

« Manost ! Tempus nous voit ! Manost ! Tempus nous mènera à la victoire ! »

Gaspard --> Bénédiction --> Tous les Manostiens

Il prenait un petit risque de recourir à ses pouvoirs en plein corps à corps, un risque calculé néanmoins. Ensuite, et surtout, si son opposant devenait trop dangereux, qu’il semblait sur le point de profiter de l’instant, Hurlegloire avait une surprise à lui réserver. En effet, il était en mesure de bloquer l’un de ses assauts par un sorts qu’une seule pensée suffisait à lancer. C’était assez déstabilisant de se retrouver bloqué sans que rien ne l’explique. Et si cela arrivait, nul doute que le titan en armure rabaisserait sa hache avec la ferme intention d’aller la loger dans la cervelle du Melandien.

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Brus

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Chandara put tirer à trois reprises. La première fois, elle manqua son coup. La deuxième, son projectile ne fit qu'érafler l'épaule d'un ennemi. Au troisième essai, en revanche, la paladine eut la satisfaction de voir une gerbe de sang jaillir de la jointure où le carreau s'était profondément enfoncé. Et les bonnes nouvelles ne s'arrêtaient pas là : une vive clarté illumina brièvement les Manostiens qui, l'instant suivant, se battirent avec plus encore d'adresse et de ferveur qu'auparavant. Hurlegoire avait fait appel à l'énergie divine pour soutenir ses troupes.
Cela faillit lui coûter la vie.
Son adversaire, comprenant sa manœuvre, l'avait attaqué avec une impressionnante célérité. Et le coup l'aurait sinon abattu, au moins cruellement atteint s'il n'avait pu user juste à temps de son fameux sortilège.
Mais il le put. Il put même, comme il l'avait prévu, tenter de profiter de la surprise de l'ennemi en ripostant promptement. Sa hache, toutefois, ne rencontra que le vide : l'autre, toujours aussi agile, l'avait esquivée.
Derrière le lieutenant, ses hommes prenaient lentement mais sûrement l'avantage. Conscients du phénomène, ne paniquant nullement, les Mélandiens renoncèrent à les prendre en tenaille, tactique désormais vouée à l'échec. Ils essayèrent plutôt de se désengager, de reculer pour réunir leurs forces et leur opposer un barrage plus compact, plus efficace.

Arthur (ET SEULEMENT ARTHUR !)

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La Couronne de Cuivre

[Quête] Guerre des plaines brûlantes : un certain goût pour la mort