La Couronne de Cuivre

Téâya n’accorda qu’un regard aux statues, juste pour s’assurer que son fils ne faisait pas parti des modèles. Elle se tint également à distance de ces sculptures, afin de se prémunir d’une éventuelle agression de leur part. Des êtres de pierre qui tout d’un coup s’animaient, elle y était habituée. Son pas, néanmoins, était assuré. Son bâton heurtait le sol, soulignant sa farouche détermination. Elle s’avançait vers le trône comme elle l’avait fait dans la salle de cristal. Le moment de l’affrontement final était-il arrivé ? Elle était prête depuis un moment.

Alors qu’elle était arrivée au milieu des hautes marches menant à l’estrade, une voix puissante – et désormais bien reconnaissable - se fit entendre :

- Eh bien, eh bien, voilà encore une Murmure venue me distraire de mon ennui ! Quelle détermination, quelle abnégation ! On pourrait écrire une ode sur votre épopée si seulement des témoins de ce qui passaient étaient destinés à survivre.

La liche sortit de derrière le trône, auréolée d’ombres mouvantes lui servant sans doute de protection. Il lui jeta un regard et ajouta d’un ton méprisant :

- Oh que je suis déçu ! Où est passée votre suite ? Vous l’avez remplacée par les premiers macchabées venus : c’est digne d’une nécromancienne de bas étages !

« Ma suite est resté en arrière pour faire le nécessaire en cas de besoin », répondit froidement Téâya.
Sa voix charriait colère et détermination, deux sentiments qui apparaissaient également sur ses traits anguleux.
« C’est terminé, parjure. Quoi qu’il se passe, quoi qu’il arrive, votre folie s’arrête ici. Car ici est le siège de votre pouvoir, de votre parodie de vie. »
Si la Grande Mystificatrice venait à échouer, ses gnomes détruiraient la gemme noire. Ce ne serait pas sans de funeste conséquence mais le Despote ne pouvait survivre à la disparition de son phylactère.
« Vous volez les âmes. Quoi de plus juste que des âmes cherchent à vous le faire payer. Maintenant, terminons cet affrontement que nous avons commencé dans une autre réalité. »
Le mort-vivant devait se douter qu’avec la magicienne, il n’y aurait pas de long discours.

Mais le Despote n’était pas décidé à entamer les hostilités sans se fendre d’un dernier commentaire sur un ton grandiloquent. C’était à se demander s’il n’avait pas été barde de son vivant :

- Je n’arrive pas à déterminer si vous êtes courageuse de venir m’affronter seule ou simplement incroyablement stupide. Mais soit, voyons si vous parvenez à m’amuser plus qu’un instant !

Il esquissa un geste et, aussitôt, les dizaines de statues de la grande salle s’animèrent et se tournèrent vers Théâya et son groupe d’âmes en peine.

S’il y avait bien quelque chose à laquelle s’attendait Téâya, c’était celle-ci. Grâce à la métamagie, elle invoqua rapidement une flopée de monstres pour occuper les statues et aider ses âmes. Puis elle les ignora tout simplement. Elle s’était déjà avancée sur l’escalier, les statues étaient derrières elle. Ce fut donc sans hésiter qu’elle se métamorphosa en impressionnant golem de pierre et chargea directement le Despote. Immunisé à la magie, insensible aux effets délétères du mort-vivant, si elle pouvait engager le corps à corps, la liche allait avoir de sérieux soucis.
Elle employait ici une stratégie d’une brutalité assez peu conventionnelle. Mais la Grande Mystificatrice savait que pour gagner, il fallait surprendre, faire ce qu’on jugeait infaisable. C’était aussi cela la mystification.

Mais le Despote n'entendait pas se laisser surprendre par cette manœuvre hardie et inattendue. Conscient que le corps à corps ne lui réussirait pas et que sous sa forme actuelle, la svirfnebline ne pourrait très certainement pas lancer de sorts, la liche se contenta d'ouvrir une porte d'ombre pour y disparaître et se téléporter sur une estrade située à une hauteur inaccessible :

- Quel manque de finesse, surtout venant de vous, se permit-il de railler depuis cette position a priori sûre.

À priori sûre mais qui ne l’était pas. Téâya avait chargée le Despote sans autre artifice car elle pensait pouvoir l’atteindre. Elle pensait même qu’il ferait l’erreur de l’engager, par orgueil, par refus de la fuite. La liche n’était pas aussi stupide que cela. Qu’à cela ne tienne ! Maintenant qu’elle était hors de portée, la Grande Mystificatrice put paradoxalement la rejoindre encore plus facilement. Elle lui jeta un coup d’œil et, l’instant d’après, elle s’était téléporté dans son dos et attaquait sans transition.

Ce qu’il y avait de très intéressant avec le sort de téléportation, c’était qu’il ne demandait pour être lancé que quelques mots. Or, combiné avec une incantation silencieuse, il devenait possible d’y avoir recours sous toutes les formes, dans toutes les situations, et sans que cela puisse être détecté. Une telle combinaison était si avantageuse que la magicienne, par le passé, en usait et abusait. Et elle pouvait bien sûr le refaire.

HRP : je considère que la Grande Mystificatrice, du fait de sa grande expérience et de son passé d’aventurière, ajouté au fait qu’elle s’est préparée, est réellement redoutable. C’est quelqu’un habituée au grand duel et c’est ce que je tâche de mettre en lumière par mes messages. De surcroit, elle est le mentor d’Alchem, elle est plus expérimentée que lui. Puisque Alchem est déjà fort, ça me pousse à mettre la barre encore plus haut. Sauf que, hum, du coup, ça en devient un peu GB sur les bords. N’hésite pas à me dire si je vais trop loin, ou à balancer des trucs encore plus bourrins si cela est nécessaire dans ton scénario.

HRP : ne t'en fais pas, le combat n'est pas destiné à être épique mais je te garde tout de même quelques surprises et improvisations !

Mais la Grande Mystificatrice atterrit à quelques pas de là où elle aurait voulu se trouver. La liche était quasiment à portée mais la Grande Mystificatrice entendit un grincement de mauvais présage en faisant un pas en avant pour aller la frapper : la corniche sur laquelle elle s'était téléportée n'était assurément pas prévue pour supporter un poids tel que le sien. La liche se contenta d'avancer pour se mettre hors de portée, prenant appui dans les airs - sans doute grâce à un sort de lévitation - tandis que la paroi s'effondrait sous les pieds du golem de pierre.

Téâya était habituée à se téléporter sous une grande variété de formes et ce à la perfection. Certes, sans doute ses habitudes commençaient à un peu s’érodées, par manque de pratique, mais une telle erreur ne pouvait être de son fait. Aura de protection ? Quoi qu’il en soit, elle nota le phénomène et se laissa choir. L’atterrissage fut un peu rude, mais pas de quoi vraiment lui faire mal. Avec ce corps, elle était robuste, doux euphémisme. Plutôt que d’en changer tout de suite, elle préféra attaquer les statues que le Despote avait réveillé. Si elle pouvait se procurer une arme en arrachant quelque chose, pourquoi pas le trône, elle ne s’en priverait pas. Elle savait d’expérience que tout pouvait être utile. Il suffisait de savoir comment s’en servir.

L’atterrissage – pour avoir été spectaculaire – n’en fut pas du tout douloureux et Théâya ne manqua pas d’être aussitôt utile à la lutte qui se menait au pied des marches. Les statues, animées par une magie délétère, provoquait en effet des dégâts aux fantômes qu’elle avait recrutés et son soutien ferait sans doute toute la différence pour en sauver un bon nombre. La première statue qu’elle attrapa se brisa en morceau sous ses coups. Pour la seconde, elle découvrit qu’un simple revers de la main suffisait à la décapiter, laissant une masse inerte de plusieurs dizaines de livres qui pouvait être utilisée comme arme ou comme projectile.

Utiliser une arme contre les statues qui pouvaient être pulvérisées si facilement ne servait pas à grand-chose. Téâya n’hésita donc pas. Attrapant ce projectile de fortune, elle le lança droit sur la liche. Elle n’était pas une championne du tir au rocher, elle allait probablement rater sa cible, mais tant pis. Déjà elle entreprenait de décapiter d’une claque une nouvelle statue pour ensuite lancer le cors, toujours sur le Despote. Et ainsi de suite. Elle allait faire pleuvoir sur le monstre une pluie de pierre. Difficile de se souvenir qu’elle était magicienne de profession. Là, c’était de la démolition bourrine. Et c’était vachement défoulant !

Le premier projectile rata - mais de peu - la liche. Le second aurait du la frapper de plein fouet car la lévitation réduisait considérablement ses possibilités d'esquive. Cependant, la pierre explosa au contact de son aura qui parut baisser d'intensité. En outre, le Despote fut déconcentré et perdit le fil de l'une de ses incantations. La stratégie semblait donc payante, d'autant qu'elle réduisait le nombre des alliés de l'infâme mort-vivant.

Pourquoi changer une stratégie qui gagne ? Et bien, il y avait de nombreuses réponses possibles. Ce qui fonctionne à l’instant T peut échouer la minute d’après. Cela dit, Téâya ne changea rien dans sa manière de procéder. Elle se retrouverait vite à cours de munitions. Elle aurait alors éliminé toutes les statues belliqueuses et provoqué quelques dégâts sur la liche. Il serait alors temps de passer à autre chose.

La stratégie fonctionna plutôt bien pendant un long moment et Théâya parvint ainsi à éliminer plus de la moitié des statues. Mais le Despote eut le temps de s'adapter et de parvenir à achever une longue incantation entre deux jets de pierre réussis.

Immédiatement, une large surface miroitante apparut en haut des escaliers. La Grande Mystificatrice comprit qu'il s'agissait d'un portail avant même que quatre créatures n'en émergent. La plus imposante - et de loin - ne pouvait être qu'un Balor. Ses trois compagnons, d'autres démons rappelant vaguement des molosses qui se dispersèrent aussitôt.

Un Balor ? Le Despote venait-il vraiment de convoquer un Balor ? Le démon majeur était probablement deux fois plus dangereux que la liche elle-même !
Était-elle seulement capable de le contrôler ? Rien de moins sûr. Mais le monstre était lâché et la magicienne ne pouvait lui faire face à elle seule. Elle reprit sa forme initiale et, tout en se mettant à distance, lança sur le champ de bataille une puissante illusion. Tout changea. L’endroit sinistre devint comme un temple dédié au bien et à la lumière. Un dédale, au pied des marches, avait pour but de cacher l’illusionniste et ses alliés. Enfin, et surtout, à côté du Despote volaient des anges qui interpelèrent le démon en langue céleste. Avec de la chance, le Balor prendrait pour cible les anges et son pouvoir de destruction était tel que la liche allait en subir les conséquences. Cela dit, la Grande Mystificatrice n’espérait pas vraiment que cela fonctionne ou alors, pas longtemps. Il lui faudrait sans doute temporiser, s’éloigner et espérer que l’invocation arrive à son terme.

Le démon majeur parut désorienté pendant un instant, reniflant l’air en contenant son souffle enflammé. Puis, alors que la magicienne battait en retraite en étant quasiment certaine que son illusion ne l’avait pas dupé, il s’avança d’une démarche qui faisait vibrer le sol et les murs, brandissant une épée gigantesque qu’il balançait de gauche et de droite avec une facilité déconcertante.

Arrivé au milieu des marches en ayant au passage endommagé les murs qui l’entouraient, le seigneur des abysses invoqua l’un de ses pouvoirs délétères, plongeant immédiatement la moitié de la salle sous un déluge de feu. Fort heureusement, Théâya avait pu se retirer à temps contrairement à quelques-uns de ses alliés mais surtout le Despote sur lequel était centrée l’attaque.

Celui-ci hurla de rage et de douleur avant de se reprendre une fois la tempête passée pour invectiver le Balor en langue démoniaque. La créature hésita, tenta de résister aux paroles chargées d’un pouvoir ancien et il n’était pas du tout certain qu’elle parvienne à repousser l’agression mentale. Fort heureusement, cela laissait l’initiative à la Grande Mystificatrice pour tenter quelque-chose de nouveau.

En premier lieu, Téâya apporta un soin particulier à ce que les anges et, d’une façon générale, toute l’illusion réagisse de façon crédible aux événements. Le Balor était un être très intelligent. La moindre incohérence ne lui échapperait pas et il se rendrait compte de la supercherie. Ensuite, puisque le Despote tentait de communiquer avec son invocation, la magicienne tâcha de l’en empêcher et ce d’une façon très simple. Elle provoqua un véritable vacarme. Intégrer du bruit dans son illusion était très facile. Les anges, en langue céleste, invectivèrent le Balor. Plusieurs d’entre eux se mirent à lancer des éclairs d’énergie divine en guise de riposte. L’illusion abusant tous les sens, tant que le démon ne l’aurait pas percée à jour, il aurait la conviction d’avoir vraiment été blessé par la foudre angélique. En somme, la Grande Mystificatrice exerçait son art. Elle mimait une authentique bataille d’êtres extraplanaires. Jamais elle n’en aurait été capable si elle n’en avait vu en réalité, si elle n’avait su quel était le contexte d’opposition entre les forces célestes et celles des abysses. Elle connaissait également les différences entre diables et démons. Elle savait elle-même parler les langues abyssale, infernale et céleste. Tout se savoir était mis à profit. Peut-être y avait-il une petite chance de retourner la situation à son avantage, songea brièvement Téâya. En tout cas, elle abattait ses cartes. Il fallait tenir le coup jusqu’à ce que la liche mette un terme à son propre sort d’invocation.

HRP : juste pour information, un Balor a comme capacité une vision lucide permanente. Il est donc peu probable que l’illusion visuelle ait un effet sur lui. Cependant, c’est une créature chaotique et elle est pour le moment plus énervée contre son invocateur qu’autre chose. Elle prend donc un malin plaisir à faire le contraire de ce pourquoi elle a été invoquée et cherche à tuer celui qui l’a fait pour se libérer de son emprise.

Le Despote semblait pour l’heure pris à son propre piège car il ne parvenait ni à prendre le contrôle sur la créature ni à peser par ailleurs sur le combat qui avait plus ou moins tourné court. En effet, les molosses répugnaient à attaquer les quelques statues ayant survécu au carnage et Théâya s’était pour l’heure retirée de la scène principale, entourée des quelques âmes restantes.

Il était probable qu’il ne reste bientôt plus que le démon et le mort-vivant en face à face mais la position de la Grande Mystificatrice restait précaire car elle ne pouvait pas quitter la salle sans rentrer dans le champ de vision démoniaque.

HRP : en tant que joueur, je me doutais depuis le début qu’il avait vision lucide. De toute façon, la liste des pouvoirs du Balor est longue comme le bras. Et c’est logique, c’est un des démons les plus puissants. Téâya, cependant, a beau s’y connaître un peu en diables et démons, elle n’a pas croisé de Balor assez souvent pour tout savoir d’eux. En fait, il est probable qu’elle en aie juste vue un de loin, une fois. Il est déjà pas mal qu’elle l’ai reconnu.

Constatant que le Balor et le Despote semblaient toujours lutter, en volonté tout du moins, et se pensant à l’abrie derrière ses illusions, Téâya décida de perturber la liche, cette fois avec des moyens très concrets. Elle fit pleuvoir sur le morts-vivants éclairs et boules de feu. La situation lui était favorable. Le Despote ne pouvait probablement pas se battre contre le Balor et la magicienne à la fois.

Les attaques de la Grande Mystificatrice frappèrent la liche de plein fouet. Et même si sa barrière d’ombre sembla détourner une partie considérable des éléments qu’elle déchaînait contre le monstre, celui-ci semblait acculé, débordé, incapable de répliquer.

Le Balor le comprit et pressa son avantage, invoquant un puissant sort de dissipation magique et la barrière céda enfin, provoquant une décharge d’énergie noire qui se dispersa aux quatre coins de la salle, déchaînant une pluie de conséquences.

Les âmes autour de Théâya se dissipèrent, celle-ci sentit une bonne part de son énergie vitale s’enfuir et se sentit extrêmement faible. Les molosses sataniques tombèrent sur le flanc. Seul le Balor absorba la décharge sans sembler s’en soucier. Il leva sa grande épée d’ombre et de feu et l’abattit avec mépris sur le corps décharné du mort-vivant. La lame sembla s’enfoncer dans le sol sans même ralentir à l’endroit où s’était tenu la liche désormais pulvérisée.

***

Alchem, à la limite de la conscience, sentit un puissant vertige comme s’il était soudain bousculé. Le mage accompli qu’il restait malgré son état identifia le phénomène comme étant apparenté à une téléportation. Téléportation qui n’avait rien de volontaire ni même de conventionnel.

Quand le vertige s’estompa un peu, lui permettant d’ouvrir les yeux, il se retrouva dans une vaste salle où l’élément le plus notable était le terrible Balor ricanant qui entreprenait de retirer sa puissante lame du sol…

HRP : tu peux répondre avec les deux personnages mais ils ne se sont pas encore repérés car ils sont de part et d’autre du démon qui capte un peu toute l’attention.

*** Téâya ***

La Grande Mystificatrice ne put réprimer un rictus mauvais. Une fois de plus, quelqu’un avait joué avec le feu et s’était brûlé. Le Despote devait être la troisième personnes, au moins, qu’elle voyait périr à cause de ses propres sortilèges impies. Tous les mêmes, pensa-t-elle. Ils étaient nombreux ceux qui pensaient pouvoir utiliser les diables et les démons selon leurs dessins. Mais le mal incarné n’en faisait qu’à sa tête. Tout ceci n’était pas terminé. La source vitale de la liche n’était pas détruite. Sa gemme n’était pas encore purifiée. Téâya comptait bien y remédier avant que le Despote ne se rétablisse.

Pour l’instant, cependant, la magicienne affaiblie entreprit de se cacher dans un recoin. Même si elle avait été en pleine forme, elle n’était pas de taille face à un Balor. Elle espérait que ce dernier allait vite s’en aller. N’avait-il pas éliminé celui qui l’avait arraché à son plan d’origine ?

*** Alchem ***

Alchem regarda l’énorme monstre. C’était la première fois qu’il voyait une telle abomination. Même un Tyranœil, en comparaison, ne semblait pas arriver à la cheville d’un tel démon. Le gnome, trop troublé pour avoir peur, se demanda ce qui se passait et où il était. Que fabriquait le Despote ? Était-ce encore l’une de ses affreuse torture ? Trop de question ! Trop d’inconnu. Alchem tenta donc d’être concret et de s’intéresser à lui-même. Dans quel état était-il ? Était-il toujours un esprit ? Avait-il un corps ? Son corps ? Pouvait-il agir ? Avait-il des armes ?

Mais le démon ne semblait pas avoir l’intention de se retirer immédiatement dans son plan d’origine. Pas alors qu’on lui avait donné accès au Plan Primaire et à toutes les vies innocentes qu’il comptait. Pas alors qu’il n’y avait pas la moindre opposition pour l’empêcher d’accomplir ses noirs dessins. L’un dans l’autre, le mal qu’avait invoqué la liche semblait encore pire qu’elle-même.
Le démon s’avança donc à grands pas en notant au passage la présence d’un petit être d’apparence insignifiante. Un petit être de cher et d’os ayant une lame ridicule à la ceinture et qu’il pourrait broyer s’il ne s’enfuyait pas devant sa présence terrifiante et écrasante. Qu’il hurle donc pour l’amuser un peu au moins !

Car Alchem était bien sur son chemin. Il avait à nouveau accès à ses sortilèges et était aussi en forme qu’il pouvait l’être après des jours de privation et de torture et en alors qu’il se retrouvait subitement nez-à-nez avec une des plus terribles créatures que comptent l’univers.

HRP : la salle est vaste mais tu peux faire en sorte, à tout moment de réunir tes « deux » personnages.

*** Alchem ***

Après des jours de privations et de torture, après des jours à s’être refermé sur lui-même, s’isolant dans les limbes de son esprit tourmenté, Alchem était dans un triste état. Un état qui, c’était certain, ne lui permettait que de regarder, passif, l’énorme démon venir vers lui. Il était incapable de fuir, incapable de se battre, incapable même de comprendre qu’il ne rêvait pas. Il se mit juste à imaginer mille façons dont le démon allait s’y prendre pour le tuer. Il fallait bien que tout se termine. Il était presque impatient, à vrai dire, impatient d’enfin connaître la paix. Il était seul, désespérément seul et il n’en pouvait plus. Où était la réconfortante impression qu’il avait cru percevoir dans le néant ? Une illusion de plus, un jeu du Despote. Oui, il était tant que cela se termine !

*** Téâya ***

Téâya aurait très bien pu ne pas remarquer son fils, accaparée par le démon qu’elle était. Un gnome inerte, dans une salle vaste et en ruine, cela ne sautait pas aux yeux. Mais elle le vit, crut le reconnaître. Piège ou pas ? Elle n’eut pas vraiment le temps de se poser la question car le Balor avançait. Son instinct de mère la fit aussitôt sortir de sa cachette. Avec fermeté, elle frappa le sol de son bâton et cria à l’intention du démon. Elle s’exprima en langue abyssale afin d’être comprise :

« Hé, toi, engeance des abysses ! Regarde un peu par ici ! J’ai, jadis, donné un petit coup de main aux forces célestes. Depuis, j’ai comme un petit ressentiment envers tes semblables ! »

Elle était à peu près certaine qu’elle allait attirer à elle le Balor. Elle comptait ensuite demander à Alchem de fuir. Hélas, elle ignorait dans quel état il se trouvait.

Le démon marqua un temps d'arrêt à seulement quelques pas devant Alchem. Puis il se tourna vers la source de la provocation qui ne lui avait pas échappé. Il n'était pas stupide - il avait compris la manoeuvre - mais il ne pouvait certainement pas laisser passer cette insulte : une alliée des forces célestes et qui se permettait en outre de le narguer ! La faible créature qu'il avait d'abord prise pour cible ne perdrait rien pour attendre mais il fallait d'abord laver l'affront dans le sang : justement, ça le démangeait !

Il se tourna dans la direction de la grande mystificatrice et avança à pas lents vers elle, proférant des menaces dans la même langue :

- Silence, misérable mortelle ! Tu n'es pas digne d'employer cette langue ! Ta mort ne sera ni douce, ni lente et je torturerai ton âme pour l'éternité !

« Préfère-tu cette langue-ci ? répliqua Téâya, en céleste. Ou celle-ci ? » ajouta-t-elle en infernal.
Elle en mettrait sa main à couper, le Balor les connaissait toutes les deux, et il les détestait autant l’une que l’autre.
« Fuis ! » ajouta-t-elle encore, en langue terreuse, à l’intention d’Alchem, sans toutefois le regarder.
Le démon ne devait pas connaître ce dialecte et peut-être le prendrait-il pour une nouvelle provocation. Cependant, Alchem, bien qu’il saisit les mots, bien qu’il crut reconnaître la voix de sa mère, n’eut pas de réaction. Il se demanda ce que le Despote avait encore en tête. Quel jeu cruel lui réservait-on ? La petite voix dans sa tête lui promettait l’horreur sans cesse, une horreur que peut-être même la liche aurait eu du mal à échafauder tant la démence morbide du gnome allait loin.

Constatant qu’Alchem ne bougeait pas, Téâya fut prise d’une vive inquiétude. Elle ne pourrait pas retenir le Balor longtemps. En fait, elle ne pouvait pas du tout le retenir. Les quelques malheureux sortilèges qui lui restait seraient pour le démon des chatouilles. N’ayant plus le choix, elle plongea une main dans l’une des nombreuses poches que comptait sa robe, saisit la bille de verre qui s’y trouvait et la brisa. C’était un signal de détresse. Celui-ci fusa par delà les plans. Telle une bouteille jetée à la mer, il pouvait fort bien se perdre dans le multivers sans être entendu par personne. Mais si jamais il parvenait à destination, alors peut-être recevrait-elle de l’aide. Peut-être qu’une de ses anciennes connaissances célestes viendrait à son secours. Peut-être que ce serait un inconnu au service de la lumière. La lumière, une telle vocation chez elle qu’elle l’avait apportée jusque dans les ténèbres de l’Outreterre.

La bille brisée, elle considéra que les dés étaient jetées. Ses options étaient considérablement réduites. Elle ne pouvait fuir avec un gnome inerte sur le dos et un démon majeur sur les talons. Tout ce qu’elle pouvait faire, c’était combattre et espérer que le Balor, sûr de sa victoire, prenne tout son temps. Elle invoqua des créatures et déploya son armure magique.

La Grande Mystificatrice eut le temps de lancer ses incantations bien qu'elles ne puissent espérer qu'elles fassent plus que retarder un instant l'ennemi implacable qui lui faisait face. Mais elle eut le temps de revêtir son armure de mage et de convoquer quelques alliés donc. Car un phénomène détourna l'attention du Balor. Un phénomène qu'elle peut-être provoqué en lançant son appel à l'aide.

La salle dévastée résonna soudain d'un son aussi puissant de trompettes. Un son qui évoquait une charge de héros célestes. Un son accompagné d'une lueur si vive qu'elle aveugla Théâya un court moment. Et quand sa vision s'accommoda et que le cri de rage du Balor eut cessé de vriller ses tympans, elle découvrit le démon aux prises avec un être de lumière en armure - peut-être celui-là même qu'elle avait croisé dans l'un des cristaux qu'elle avait récupérés.

Il était fort possible que le signal de détresse ait été perçu par les autres gemmes, celles-ci étant au final des plans assez proches. Il était tout aussi possible que la venue de l’être de lumière n’ait rien à voir avec la bille brisée. Le Despote ayant été vaincu, peut-être ne pouvait-il plus empêcher ses rivaux de venir en son domaine. Quoi qu’il en soit, Téâya envoya à l’attaque ses créatures mais ne se joignit pas à elles. La magicienne n’était pas de taille et elle avait la sagesse de le reconnaître. Elle entreprit donc de contourner les combattants, de rejoindre son fils et de le traîner aussi loin que possible du théâtre de l’affrontement.

Les créatures de la magicienne s’assimilaient à des insectes plus ou moins gênants face au Balor mais ils avaient tout de même le mérite de soutenir l’attaque de l’être de lumière en déconcentrant son adversaire démoniaque.

Le combat qui débuta aussitôt entre la créature du bien et celle du chaos promettait d’être équilibré et certainement destructeur. Dans ces conditions, Théâya était bien avisée de fuir la grande salle de toute la vitesse dont elle était capable. Il était d’ailleurs probable que cela ne suffise pas et qu’il faille très rapidement quitter le plan de la gemme. Sans se retourner ni ralentir.

C’est ce qu’elle entreprit. Elle estimait que quitter le plan de la gemme avec l’âme de son fils permettrait au moins à ce dernier de sortir de son inconscience. Pas le temps de se poser plus de questions, pas le temps de s’inquiéter, elle s’activait. Si toutefois, après cette fuite, il s’avérait qu’elle n’avait pas terminé son travail en ces lieux, elle reviendrait. La liche avait été vaincue, pas détruite lui semblait-elle.

Théâya était hors d’haleine au moment où elle atteignit « l’entrée » du plan matérialisé par la gemme. Elle n’eut cependant pas une seconde pour se retourner car elle sentit que l’essence même qui donnait existence à cet endroit s’effondrait sur elle-même. Elle plongea avec son fardeau sur l’épaule par l’unique portail de sortie qui rétrécissait à vue d’œil…

… Et se retrouva, après plusieurs cabrioles, au sol aux côtés de son fils.

Alchem se sentait reprendre pied dans la réalité – ce qui raviva la douleur ressentie dans chaque fibre de son corps – mais, dans un recoin de son esprit, il ressentit une présence familière qui lui avait toujours permis de conserver son équilibre mental. Il ressentait à nouveau son lien avec Dallius. Son rat n’avait d’ailleurs pas tardé à se manifester en lui sautant sur la poitrine.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Lameroy - cité naine ouverte