La Couronne de Cuivre

- A voir ta mine, en tout cas, et à voir comme tu secouait la tête, ça n'avait rien d'un songe agréable...
La druidesse posa une main légère sur son front.
- Ta fièvre a bien baissé. Prend un peu d'infusion tout de même, par précaution. Et tu me raconteras ce qui n'est pas un cauchemar... enfin, si tu le juges nécessaire...

Kasumi referma les yeux durant un instant parce qu'il avait la sensation que la lumière lui blessait les yeux. Quand il les rouvrit, il trouva la force de se redresser lentement et surtout de répondre :

- Merci, je veux bien de ton infusion. Mais je crois que ce que je viens de vivre n'avait rien à voir avec la fièvre. J'étais ici. Sans vraiment y être : les couleurs semblaient bien moins vives. Il n'y avait pas de vie non plus : pas un son, pas un animal. Puis j'ai vu les corps de près d'une trentaine d'asabis. Et aussi celui de mon père. Une voix m'a parlé, m'a reproché d'en être le responsable. Oui, je sais, ça parait assez fou et décousu mais c'est ce dont je me souviens. Je crois qu'il s'agissait du monde des esprits dont m'a parlé Tass'lan.

La druidesse hocha la tête avec une grimace.
- Le monde des rêves... ou des esprits. Il paraît que les shamans en sont les gardiens. Parfois on y vit un simple rêve, comme lorsque tu es allé y chercher ton père, et il se modèle alors selon la volonté du rêveur... je crois que c'est ce qui se passe avec la racine d'ayahuasca. Mais Ta'sslan m'avait expliqué que ce monde avait un autre visage, peuplé d'esprits. Je ne suis pas sûre d'avoir compris si ce sont les esprits des défunts, ou des sortes de dieux ou de démons... ou peut-être un peu tout ça. Seul les shamans savent pénétrer ce monde-là. Eux... et ceux qu'ils décident d'y amener. Il paraît qu'ils peuvent... guetter les rêves d'une personne endormie, et que ces rêves peuvent être une porte d'entrée à ce monde parallèle. C'est sûrement ce qui s'est passé...

Qu'on manipule ses rêves au point de l'emporter dans un monde parallèle où sa volonté n'avait aucune prise et où il pouvait se trouver à la merci d'un shaman homicide n'avait rien de bien réjouissant. En tous cas, Kasumi n'avait rien moins qu'envie de revivre ce qu'il venait d'endurer et le fit savoir :

- Penses-tu qu'il y aurait moyen de contrer la volonté d'un shaman qui voudrait m'emmener ? En dehors de me priver de sommeil bien entendu... Je ne connais pas les intentions de celui qui m'a mené dans ce cauchemar mais elles étaient tout sauf amicales. Et je n'y avais aucun moyen de me défendre.

- Je ne sais pas, soupira la druidesse. Et je ne sais même pas si tu risques réellement quelque chose là-bas. Je sais le peu que Ta'sslan m'a expliqué... Un asabi peut être visité, dans ses rêves, par un shaman, qui peut l'entraîner dans ce monde des esprits... et je crois que ce qu'il y vit peut devenir réel, qu'il peut y être blessé, ou mourir. Mais... je ne pensais que ça ne s'appliquait qu'aux asabis. j'ignorais qu'un demi-elfe puisse se trouver projeté dans ce monde, par exemple. Tu dis qu'il n'avait pas de couleur, peut-être avait-il moins de consistance, peut-être que ce qui t'y arrive ne se répercute pas sur ton être ici-bas... mais je n'en sais rien au fond. Je ne peux pas le garantir.
Elle lui tendit une tasse d'infusion.
- La seule certitude que j'ai, c'est qu'il y a eu l'intervention d'un shaman. Et le seul que nous ayons sous la main est Huasasth. Mais je ne pense pas qu'il ait accès à des rêves humains ou elfes, pourtant... Ca me semble inconcevable... Est-il possible qu'il t'ait jeté un sortilège rendant ton esprit accessible ?

Les paroles de la druidesse n'avaient pas grand chose de rassurant si l'on y réfléchissait. Si elle ne pensait pas qu'il risque sa vie, rien ne pouvait le garantir et elle en était bien consciente. Quant à la façon dont Huasasth s'y était pris, ou même un autre shaman d'après ce qu'il avait retenu de la discussion avec la voix, il n'avait qu'une piste en tête pour tenter de l'expliquer.

- Je ne sais pas comment il a pu avoir prise sur moi mais il est possible que c'est parce que j'ai atteint le monde des rêves une fois déjà. Tass'lan a paru surpris que la racine ait eu cet effet sur moi. Dès lors, nous devons partir du principe que je suis aussi vulnérable qu'un asabi pour ce qui est de ce monde des rêves. D'ailleurs, je suis certain que la voix qui s'est adressée à moi n'était pas celle de Huasasth. Elle m'a même confié qu'il s'agissait de l'un de ses amis... Et cela veut dire que nous avons peut-être affaire à plus d'un shaman.

- Même si c'est un shaman qui t'a attiré là, je ne pense pas que ce soit forcément un shaman qui te parlait. Ce pouvait être un des esprits de ce monde... âme d'un défunt ou démon quelconque, ou même un dieu peut-être. Je ne connais pas leurs dieux... Ta'sslan m'a parlé un jour d'Ouroboros, le serpent-monde, dont seraient issus tous les dieux. Mais ce sont des divinités anciennes, tombées dans l'oubli même pour les elfes. Elles datent, en réalité, d'avant notre arrivée sur Toril, de l'époque où les sauriens dominaient le monde. Mais peut-être que par le monde des esprits, les shaman peuvent communiquer avec eux ? Ou alors ce sont d'autres entités, inconnues de nous, ni dieux, ni fantômes...
Elle grimaça.
- C'est un domaine qui me dépasse, qui est trop... étranger au nôtre. Même si j'ai longuement interrogé Ta'sslan l'autre jour, je ne suis pas sûre d'avoir compris ses explications. D'autant qu'il parle parfois par énigmes, y compris, ou surtout, avec ses confrères druides moins expérimentés que lui...
Ravivant le petit feu qu'elle avait allumé, elle y mit à cuire leur cuissot de chèvre.
- Mais tu as sans doute raison avec la racine d'ayahuasca, il doit y avoir un lien... Peut-être que c'est elle qui t'a rendu vulnérable, perméable au monde des esprits ? Il n'y a pas de raison, sans ça, que tu aies été plus fragile, enfin je n'en vois pas... A moins que tu aies un ancêtre asabi ?, ajouta-t-elle sur le ton de la plaisanterie.

La dernière remarque de la druidesse réussit l'exploit de lui rendre le sourire. Un sourire bref et sans joie peut-être mais un sourire tout de même. Il n'était pas étonné plus que cela que Tass'lan se soit bien gardé de tout dire ou tout expliquer à l'elfe.

- Tu crois que je devrais parler à ma grand-mère de ta théorie ? Ne reste qu'à espérer que l'effet de la racine, si j'en ai encore dans l'organisme, finira par disparaître. Sans cela, affronter Huasasth risque de s'avérer encore plus problématique que cela ne l'est déjà. Et en parlant de ça, je crois bien avoir perdu toute notion du temps : étais-tu revenu depuis longtemps quand je me suis réveillé ? Enfin, j'imagine que tu as préféré ne pas partir en reconnaissance si c'est le cas.

Eärundra secoua la tête.
- Lorsque je suis revenue avec du ravitaillement, tu dormais comme un bébé, tu n'avais plus de fièvre... et tu avais grand besoin de repos. Donc j'ai préféré repartir tout de suite en reconnaissance, je savais que j'en avais pour une bonne heure...
Fouillant dans sa besace, elle en sortit quelques fruits et une poignée de haricots qu'elle se mit à écosser d'une main experte.
- J'ai trouvé un secteur propice à une rencontre, avec un sol rocailleux, qui ne les détournerait pas beaucoup de leur route présumée... si toutefois ils prennent le chemin le plus court... Et qui serait facile à reconnaître, puisqu'il y a une pierre levée, isolée, visible de loin.

Kasumi aurait pu s'offusquer de ce que la druidesse avait ignoré son souhait de l'accompagner en reconnaissance mais il était le premier à se rendre compte combien son épuisement pouvait le rendre vulnérable. Et surtout à quel point cela pouvait mettre toute leur mission en danger. Le lieu repéré par Eärundra semblait en tous cas répondre à toutes les attentes : ne restait plus qu'à passer à la suite du plan. Alors que la druidesse s'occupait de la cuisson d'une partie de leurs vivres, le rôdeur se leva et fit quelques pas pour se dégourdir les jambes puis revint s'asseoir à côté du feu pour sortir de quoi écrire de son sac.

- Je vais écrire ce message pour notre ami shaman. Après, si tu as une idée précise de la formulation à adopter, je veux bien me contenter de faire le scribe... Ce n'est pas comme si j'avais beaucoup de choses diplomatiques à lui confier.

La druidesse secoua la tête.
- Je n'ai jamais échangé par écrit avec un asabi. Ils ont surtout une culture orale. Mais ils savent lire, au moins certains d'entre eux, la preuve c'est qu'ils ont su déchiffrer mon ultimatum. Mais donc... je ne connais pas vraiment les coutumes en usage au niveau de l'écrit. Donc je ne saurai pas mieux formuler les choses que toi...
Elle s'activait tout en parlant, et l'odeur de la viande commençait à être plutôt alléchante.
- Mais... dis-moi ce que tu comptes écrire avant de le coucher sur papier, je te donnerai mon avis.

Le demi-elfe esquissa une grimace : écrire des lettres n'était pas à proprement parler son fort. Surtout quand il s'agissait de se montrer subtil envers un ennemi de sorte à le convaincre de répondre favorablement sans trop se méfier. De plus, l'odeur de viande affolait son estomac et ne facilitait pas vraiment sa concentration. Il osa tout de même prononcer à haute voix la façon dont il avait l'intention de commencer :

- Que penses-tu de "Je vous convoque près du gros caillou isolé, foutu reptilien..."

Il s'interrompit mais son sourire en coin suffisait à rassurer la druidesse sur le fait qu'il plaisantait. Il reprit plus sérieusement :

"Shaman Huasasth, je souhaite terminer l'entretien que nous avons tout juste commencé lors de notre entrevue dans votre campement. Mes intentions ne sont pas hostiles et le resteront si vous venez dans l'idée de parlementer. Recourir à la force n'aboutirait qu'à faire couler davantage de sang quand il y en a déjà eu bien trop. Je vous attendrai, seul, à l'endroit où se dresse une unique pierre dressée non loin de votre trajet actuel. Vous pouvez demander à un nombre raisonnable de vos guerriers de vous faire escorte..."

La druidesse hocha la tête.
- Ca me semble bien... Bien tourné, bien formulé, on voit que tu as un père diplomate. Tu peux expliquer que la pierre levée se trouve un peu au sud de leur route, et qu'ils devraient l'atteindre demain en début d'après-midi. Et... peut-être qu'il faut préciser ce que tu entends par un nombre raisonnable de guerriers ? Sinon il va l'interpréter à sa façon...

Le rôdeur effectua les précisions demandées, précisant qu'il ne pourrait pas être accompagné de plus de deux des siens. Il se demanda pendant un instant si Eärundra cherchait à se moquer de lui au sujet de ses talents supposés. Il finit par lui laisser le bénéfice du doute et signa le billet, bien que cela ne soit pas forcément utile. Mais son nom complet et celui de son père allaient peut-être suffire à convaincre l'asabi de répondre à son invitation.

- Il n'y aura plus qu'à s'approcher discrètement à portée d'arc et se retirer sans qu'il ait pu voir nos aigles. Comment allons-nous procéder ? Tu penses pouvoir te rendre invisible si Opale te dépose un peu à l'écart ? Je te couvrirai, évidemment.

- Je pense qu'il faut attendre de voir où ils montent leur campement, exactement... ou, si on veut prendre de l'avance, tenter de repérer leur trajectoire au milieu des pierres pour en avoir une idée. Ensuite, on procédera comme hier : on se posera à la frontière nord de la zone et on continuera à pied.
Elle réfléchit.
- J'aurais plus vite fait d'y aller en me transformant... Mais je ne pourrai transporter ni arc, ni message, donc ça ne servirait à rien... En fait, peut-être qu'on devrait prendre de l'avance, repérer leur itinéraire et se poster dans les rochers avant qu'ils arrivent. Ça limiterait le risque qu'ils entendent notre approche. Le plus sage c'est que j'y aille seule pendant que tu m'attends près des aigles, que je me poste pas très loin du lieu présumé de leur bivouac. Lorsqu'il seront là, je tire une flèche avec le message, puis je me transforme pour filer rapidement... et on récupèrera l'arc demain !

Le plan de la druidesse était encore une fois bien pensé et le demi-elfe n'avait en fait qu'une chose à y redire : qu'Eärundra allait encore une fois s'exposer seule et sans qu'il puisse rien faire pour lui porter secours si cela s'avérait nécessaire. Il acquiesça néanmoins sans être pleinement enthousiaste :

- Très bien, tu n'auras qu'à enterrer l'arc sous le sable. Mais tu dois me promettre de te montrer prudente. Plus que je n'en suis capable : il ne s'agirait pas que je doive te rendre la pareille par rapport à hier soir.

Le ton du rôdeur et son regard sérieux montrait qu'il s'inquiétait véritablement, que ce n'était pas une simple boutade.

- Je serai prudente, ne t'en fais pas. Vu ce qui s'est passé hier, je ne peux pas espérer m'en tirer en négociant si jamais ils me repèrent... mais sous forme de panthère je suis rapide, sous forme d'oiseau je suis inaccessible. Ils ne m'auront pas. Et même si le désert n'est pas mon milieu de prédilection, je saurai détecter leur avance à distance pour ne pas me faire surprendre.
Elle retira du feu la gamelle de haricots et le cuissot, cuits à points.
- Mais mangeons un bout... On est déjà au beau milieu de l'après-midi et je commence à avoir l'estomac dans les talons !

Kasumi osa cette fois un sourire plus franc : ils s'étaient mis d'accord sur la suite des opérations et il faisait confiance à la druidesse pour la pleine réussite de la partie qui lui était confiée. Jetant un regard à la gamelle en train de cuire, il afficha clairement une pointe d'enthousiasme :

- Tu n'es pas la seule : les expériences interplanaires, ça creuse. Et je dois bien reconnaître être incapable de me concentrer quand j'ai aussi faim. D'autant que tu commences à faire des progrès !

La druidesse lui retourna une grimace, mais lui tendit tout de même une portion de viande.
- Si tu as faim, c'est signe que tu vas mieux ! Mais tu reprendras tout de même un peu d'infusion tout à l'heure. Bon, par contre, les haricots ne sont pas tout à fait cuits, ça manque de synchronisation... mais la viande seule, ou mélangée aux fruits, ça n'est pas si mauvais ! Ah, j'oubliais, les aigles ont pu chasser pour eux eu nous ramener une sorte de chèvre sauvage, une fois encore. Il faudra qu'on prépare la viande ce soir ou demain matin et qu'on la cuise. Mais on aura largement le temps...
Elle jeta un oeil au soleil.
- Il faudrait qu'on se mette en vol d'ici une heure pour les repérer, les devancer... et il nous restera sans doute deux heures à attendre leur arrivée. Mais on sera rentrée avant la nuit, si toutefois ils s'installent bien à l'endroit prévu...

Le demi-elfe avala une généreuse bouchée de haricots et prit le temps de les apprécier en écoutant la fin de la tirade de sa compagne.

- Peut-être pas assez cuits mais c'est tout de même délicieux. L'essentiel est de progresser. Si quelques jours en ma compagnie ont réussi à te faire passer des scorpions aux épices à la viande de chèvre aussi délicieusement rôtie, j'ai bon espoir que ce que me préparera Sylvia deviendra très bon !

Ses yeux brillaient d'amusement mais il se refit sérieux pour aborder les questions pratiques des heures à venir.

- Je suis d'accord avec ton programme. Nous essayerons donc d'amener Huasasth ici. Il faudra aussi envisager de quitter la zone au plus vite si nous parvenons effectivement à le capturer. Il n'est pas impossible que - même inconscient ou bâillonné - il demeure un danger. Peut-être peut-il communiquer avec ses alliés via le monde des esprits. Je serai plus à l'aise si nous rejoignons les montagnes et quittions le territoire asabi.

- Peut-être, oui... mais on a le temps d'y réfléchir et d'en discuter, encore, marmonna la druidesse en entamant sa part de viande. Toute la soirée et toute la matinée de demain, puisque le rendez-vous est fixé au début d'après-midi...
Elle se tut un instant, prenant le temps de manger.
- Mais je te trouve plus pessimiste que tout à l'heure... Tu pars du principe qu'il refusera le dialogue et qu'on devra le capturer ? Est-ce bien la peine, dans ce cas, de se creuser les méninges pour organiser un rendez-vous ? Il suffirait de le capturer pendant leur progression de demain matin...

Le rôdeur mangea quelques instants pour se donner le temps de réfléchir à sa réponse et finit par annoncer d'un ton calme :

- D'une part je préfère envisager les pires hypothèses. Ce n'est pas du pessimisme. Pas vraiment : après tout, si nous négocions et parvenons à un accord, il ne servira à rien d'envisager la suite puisqu'elle deviendra évidente. Donc autant se préparer à ce qui pourrait arriver en cas d'échec. De plus, l'attirer là où nous voulons et peut-être avec moins d'asabis à sa disposition n'est pas une si mauvaise chose en soi si nous devons recourir à sa capture. Il y aura moins d'effet de surprise peut-être, mais pas tant que ça : il ne peut pas s'attendre à ce que nous disposions des aigles.

- C'est pas faux...

Le repas se poursuivit sans que rien ni personne ne vienne les importuner. Les asabis, à cette heure-ci, devaient toujours progresser dans le dédale rocheux, mais leur trajet devait passer suffisamment loin d'eux pour qu'ils ne les repèrent pas. Eärundra émit l'hypothèse qu'ils savaient peut-être qu'ils étaient là mais avaient décidé de les éviter, qu'ils pouvaient même avoir rendu visite à Kasumi endormi pour perturber ses rêves; mais elle admit rapidement que c'était certainement une idée bien trop optimiste.
La vaisselle fut rapidement faite, d'autant qu'ils avaient de l'eau à volonté : Eärundra n'avait pas oublié de remplir les outres durant sa mission de ravitaillement. Et ils quittèrent leur refuge ombragé peu après, se mettant en route avec le strict minimum.

Eärundra les conduisit d'abord vers l'est, à l'opposé de leur destination, pour approcher leurs adversaires par l'arrière et limiter les risques d'être repérés.
Mais contrairement à ce qu'ils avaient supposé, ils ne trouvèrent pas les asabis au milieu des pierres dressées. Ils avaient apparemment préféré passer plus au sud, sans doute pour être à proximité du sable dans lequel ils se sentaient plus à l'aise.
Ils prirent de l'altitude sitôt qu'ils eurent repéré les reptiliens, et virèrent vers le nord, puis l'ouest, pour se poser en bordure ouest des roches.
- Leur détour rallonge le trajet, pour eux... Ils vont atteindre le point de rendez-vous plutôt vers la fin de l'après-midi, je pense, et passer bien plus près de la zone rocailleuse. Et surtout, elle sera au nord de leur trajectoire, pas au sud... Flûte et flûte...

HRP : désolé, j'ai un peu de mal à me représenter la configuration du terrain...

Le rôdeur s'était attendu à une mauvaise surprise : elles n'avaient fait que s'enchaîner les unes après les autres depuis qu'ils s'étaient engouffrés dans ce fichu désert.

- Nous nous adapterons. Huasasth viendra même si cela rallonge encore le trajet pour lui. Et si le rendez-vous a lieu plus tard, la pénombre ne nous désavantage pas tant que cela, tant que les aigles peuvent y voir suffisamment pour capturer leur proie puis voler.

hrp : désolée, je dois pas être claire... Mais ils vont de l'est vers l'ouest, en gros, eux ont campé au nord de la zone rocheuse et les asabis passent au sud

- Ca n'est pas un très gros problème c'est vrai. C'est juste que les renforts risquent d'être bien plus proches, pour lui, s'il en a besoin, puisque c'est quasiment sur leur route. Et que tu dois modifier ta missive pour indiquer que c'est au nord de leur route et non au sud. Rien de bien grave, c'est vrai.
Les deux aigles avaient sautillé jusqu'à l'ombre du rocher le plus proche, se cachant ainsi à d'éventuels regards.
- Je pensais qu'ils camperaient à la sortie ouest du dédale rocheux, mais ils ne vont sûrement pas arriver jusque là. Ils seront quelque part au sud du chaos, à moins qu'ils n'avancent une fois la nuit tombée pour ne pas prendre davantage de retard.. Il va être difficile de deviner leur lieu de bivouac. Dans tous les cas, il faut qu'on avance par là, ajouta-t-elle en désignant le sud-sud-est, à travers les rochers. On devrait arriver avant eux... et s'ils vont plus loin que prévu on les suivra. Enfin, quand je dis nous... c'est plutôt moi qui irai. Je peux fuir plus rapidement que toi en cas de pépin, et j'aimerais autant éviter d'avoir à demander l'aide des aigles s'ils nous repèrent. Tu vas m'attendre par ici ? je risque d'en avoir pour... jusqu'à la tombée de la nuit je pense.

Kasumi répugnait à la quitter si rapidement mais il fallait reconnaître que cet endroit en valait bien un autre pour attendre. Son hésitation tenait simplement au fait qu'il se sentirait un peu moins inquiet s'il se trouvait un peu plus près de l'endroit où Eärundra rencontrerait les asabis. Ce n'était qu'une fausse impression aussi ne verbalisa-t-il pas son sentiment. Au lieu de cela, il se contenta de déclarer d'un ton neutre :

- Oui, tu avanceras plus vite si tu ne m'as pas dans les pattes ! Bonne chance et prudence là-bas ! Je n'ai pas envie de rester ici des heures à angoisser mais il le faut bien : comme je t'envie !

- C'est sûr que c'est pas le meilleur rôle, l'attente inactive... Au moins as-tu de l'ombre à volonté. Tu peux même refaire une sieste... Enfin, non, mauvaise idée. Évite de t'endormir. Sérieusement. Ce ne serait... peut-être pas prudent.
Elle plissa le front, soucieuse, puis secoua la tête.
- Je vais faire aussi vite que possible, mais je suis tributaire du hasard... A tout à l'heure !
Sur un dernier sourire, elle s'en fut d'un pas leste au travers des roches.

Kasumi l'observa progresser entre les rochers et ne détourna la tête que bien après qu'elle eut disparu à sa vue. Le voilà parti pour attendre pendant des heures sans rien d'autre à faire que de s'asseoir et d'écouter le silence. Et aussi éviter de trop laisser courir ses pensées au risque de s'endormir. Décidément, c'est la druidesse qui avait le meilleur rôle... Ses pensées le ramenèrent inévitablement à la rencontre qui se profilait. Il ne pouvait s'empêcher d'imaginer tout ce qui pouvait mal tourner à nouveau : il hésitait pour ce qui était pire entre le fait que Huasasth ne réponde pas au rendez-vous ou qu'il vienne avec toute une armée d'asabis. Non, ce qui était pire était indubitablement que la druidesse se fasse surprendre et ne revienne pas de sa mission. Il se maudit aussitôt de s'être mis cette pensée en tête et les souvenirs joyeux des derniers jours passés à Everaska qu'il tenta d'évoquer avait bien du mal à rivaliser avec ses pensées noires.

Le temps fut long. interminable. Et l'humeur du rôdeur, oscillant entre ses diverses sources d'inquiétude, n'était certes pas au beau fixe. Il réussit néanmoins à ne pas s'endormir, peut-être grâce à l'aide de Rubis qui vint, un moment, s'approcher de lui, le devinant peut-être trop tendu.
Le soleil déclina à l’horizon, marbrant le ciel d'infinies nuances d'orangés, sans qu'il ne se passe rien. Le crépuscule s'installa peu à peu, la luminosité déclinant sans qu'il en soit trop gêné. Il commençait à s'inquiéter sérieusement, envisageant le pire, quand une silhouette sombre, féline, s'approcha de lui. La panthère n'étant pas une animal local, il n'eût aucun mal à reconnaître Eärundra, qui reprit aussitôt sa forme elfique. Elle paraissait fatiguée, mais était indemne.

Le soulagement du rôdeur était à la hauteur du soupir sonore qu'il laissa échapper en reconnaissant la féline Eärundra. Il bondit depuis sa position assise, fit un pas en avant et même un second avant de se raviser et de déclarer d'un ton qui se voulait léger mais qui était tout de même un peu trop affecté pour cacher tout à fait l'angoisse qui avait été sienne :

- Ma parole : j'ai failli attendre ! Ne me dis pas que tu t'es perdue en chemin ? Alors, tu as pu délivrer le message ? Et comment ont-ils réagi ?

La Couronne de Cuivre

[Désert d'Anauroch] Quête : Racines