La Couronne de Cuivre

Le demi-elfe referma les yeux et se plongea un instant dans ses pensées tout en essayant de profiter de cet instant de détente où il n'aurait dû avoir à penser à rien.

- J'ai peur que m'occuper sans cesse de ce qui parait le plus urgent me fasse échouer à long terme. D'un autre côté, je ne veux pas non plus laisser les loups et les villageois à leur sort pour me consacrer seulement au bosquet. Le rétablir dans ces conditions me paraîtrait être une trahison alors que la présence des loups et la réaction des villageois ressemble à un défi pour la cohabitation future.

Il sentit une main caresser son front avec douceur.
" Le bosquet attend depuis plusieurs décennies... trente ans non ? Il peut sans doute souffrir que tu le délaisses un jour ou deux pour t'occuper de cette histoire de loup ? Ça ne devrait pas changer grand-chose au final... Enfin, c'est juste une opinion, elle vaut ce qu'elle vaut. Mais c'est vrai, d'un autre côté, que ce serait sûrement mieux si tu arrivais à planter ce gland avant la fin du mois, pour ne pas devoir attendre l'automne..."

Il esquissa un sourire pour toute réponse - du moins pendant une minute ou deux - avant de répliquer avec douceur :

- Ton avis compte énormément pour moi. En dehors de tout ce que nous partageons par ailleurs, tu es aussi mon lien avec les enseignements que nous avons reçus en Haute Forêt...

Sa décision - au moins à très court terme - était faite : il reprendrai contact avec le chef de la meute dès le lendemain pour essayer d'apprendre ce qu'il évitait au cœur des bois puis il prendrait le temps de parler aux villageois pour obtenir un nouveau délai avec les éléments qu'il espérait obtenir. Ensuite il aurait probablement d'autres pistes à suivre pour trouver le cœur de l'ancien bosquet.

Il s'endormit rapidement, vaincu par la fatigue, et se réveilla un peu avant l'aube le lendemain. Martha, déjà levée, avait déployé sur la table tous les composants d'un solide petit déjeuner et s'affairait à lui concocter un petit casse-croûte : pain, jambon et fromage principalement. Elle lui assura, une nouvelle fois, qu'elle parlerait à Bertrand dans la journée pour lui faire part de ses observations de la veille.
Sylvia, quant à elle, dormait toujours paisiblement lorsqu'il fut prêt à partir.

Bien qu'échanger quelques mots avec elle aurait été réconfortant - pour l'un comme pour l'autre - Kasumi avait trop conscience de l'urgence de la situation - de tout ce qu'il lui restait à tenter d'accomplir en un temps de plus en plus limité - qu'il préféra se mettre en route sitôt son déjeuner avalé et juste après avoir remercié Martha. Il avait l'intention de se diriger directement vers la cabane pour voir si Première Neige se sentait de l'accompagner malgré sa convalescence et ses craintes somme toute bien légitimes.

Première Neige sortit de la cave pour se porter à sa rencontre, d'une démarche lente et prudente mais régulière. Elle avait mal à sa blessure, encore, surtout lorsqu'elle faisait des efforts prolongés, et devrait s'éviter des efforts violents, mais une journée de marche en forêt était un objectif parfaitement atteignable.
Comme Kasumi s'y attendait, la mission qu'il voulait lui confier ne l'enthousiasmait pas, mais elle voulait bien lui rendre ce service puisqu'elle sentait que c'était important pour lui. Ce fut du moins ce qu'il retira de leur contact mental. Et ce qui dominait chez sa louve, finalement, ça n'était pas sa réticence, mais plutôt le plaisir de cheminer ensemble.

Kasumi fit de son mieux pour lui transmettre une confiance et une sérénité qu'il était loin de ressentir au départ et cela lui servit probablement à envisager la situation avec davantage d'allant. Il ne força pour autant pas l'allure, ménageant Première Neige, et prit même le temps de chasser un peu avec elle pour avoir de quoi ramener un présent à la meute : une sorte de gage d'amitié qui, il l'espérait, servirait ses plans en facilitant la prise de contact avec le chef de la meute.

Première Neige n'était pas vraiment en état de chasser, mais l'attrait de la chasse, l'odeur du sang, étaient des tentations trop fortes. Elle finit par se prendre au jeu et bondit sur le chevreuil que Kasumi venait d'abattre d'une flèche en plein poitrail. Kasumi ressentit presque, lorsqu'elle enfonça ses crocs dans la gorge de l'animal, le goût du sang et le plaisir intense qu'elle en retirait. Bien sûr, son impulsivité lui valut une recrudescence de la douleur à son flanc: Kasumi s'aperçut même que sa plaie s'était légèrement rouverte. Rien de grave, heureusement.

La meute se trouvait là où Kasumi l'avait laissée. Mais il ne put parvenir jusque-là : trois loups se dressèrent sur sa route un peu avant qu'il ne rejoigne les lieux. Deux mâles et une femelle, avec, parmi eux, celui que Kasumi reconnut comme étant le mâle dominant. Le poil hérissé, un grondement sourd s'exhalant du fond de leur gorge, ils semblaient bien décidé à ne pas les laisser poursuivre leur route. Néanmoins, Kasumi sentit que ce n'était pas lui qui exacerbait leur méfiance : c'était Première Neige. La louve, quant à elle, n'en menait pas large.

Kasumi se dressa entre sa louve et la "délégation" de la meute en affichant une confiance qui était en partie de façade. Il savait bien que, face aux loups, il était primordial de paraître dominant et sûr de son fait pour désamorcer leur agressivité. Quand il fut à peu près certain qu'aucun des trois loups n'avait l'intention immédiate de lui sauter à la gorge ou de les prendre par le flanc, il incanta rapidement le même sortilège que la veille pour chercher à apaiser les trois animaux. Il espérait que cela suffirait à faire accepter Première Neige comme il l'avait été lui-même la veille.

Le sortilège apaisa immédiatement le chef de meute. Il se détendit visiblement, relâcha ses muscles, et ses compagnons firent de même. Pour achever de se faire accepter, Première Neige, retrouvant ses instincts naturels, se coucha sur le sol devant eux en signe de soumission, gorge offerte.
Le chef de meute vint la renifler, vaguement méfiant, puis eut un mouvement de queue appréciateur. Les autres loups s'approchèrent à leur tour et firent de même. Première Neige resta parfaitement immobile, soumise, jusqu'à ce qu'ils s'éloignent d'elle. Alors seulement elle osa se redresser. Kasumi nota qu'elle gardait la tête et la queue basses.

Pour bien montrer que Première Neige faisait partie de sa propre meute et lui remonter le moral par la même occasion, le demi-elfe lui flatta la nuque devant les autres loups. Puis, avant que ces derniers ne fassent mine de se détourner, il déposa le chevreuil abattu aux pieds du chef de meute, signifiant qu'il s'agissait d'un don envers lui et sa meute.

Cette fois-ci, contrairement à la veille, le chef de meute ne dédaigna pas son offrande. Soit qu'il fut mieux disposé envers Kasumi, soit que le don fut considéré comme plus conséquent et plus appréciable que celui de la veille, toujours est-il qu'il s'approcha, flaira la viande, et, même, la goûta, avant de s'écarter pour laisser les autres loups faire de même. Ils dévorèrent ainsi une bonne moitié du chevreuil avant que l'un d'eux saisisse le reste entre ses crocs pour l'amener à la tanière.
Ils ne se retournèrent pas vers le rôdeur en s'éloignant, ni vers Première Neige, et ne firent aucun signe indiquant qu'il leur était interdit de les suivre. Ils ne firent aucun signe, non plus, les invitant à venir.

Kasumi savait d'expérience que les attitudes des loups étaient extrêmement codifiées : le fait que le chef de meute s'approche le premier suffisait à montrer que la proie était un gibier de choix et il prit soin de noter dans quel ordre les autres loups se nourrissaient, révélant ainsi leur hiérarchie respective.

Normalement, le prochain mouvement serait d'apporter la carcasse aux jeunes de l'année et le demi-elfe se garderait bien d'intervenir tant que ces derniers ne se seraient pas nourris à leur tour : la patience était une vertu payante avec les canidés. Il suivit donc les loups d'assez loin - d'autant plus qu'il connaissait leur destination - et fit signe à Première Neige de rester près de lui. Il tâcha de transmettre à cette dernière un message simple qu'il espérait transmettre au chef de meute : près du fleuve, il y avait d'excellentes zones de chasse où le chevreuil foisonnait.

Première neige comprit parfaitement le message, mais elle lui fit savoir qu'elle ne voyait guère comment le transmettre au chef de meute : les loups n'avaient pas vraiment de langage. Si elle avait été membre de la meute, elle aurait pu chasser avec eux, et, peut-être, se trouver à avoir la responsabilité de choisir la prochaine zone de chasse. Mais dans les circonstances présentes, elle n'avait pas de moyen de faire passer le message.
Elle se contenta donc de s'asseoir en bordure de la clairière où se trouvait la tanière, sous le regard vaguement méfiant des loups -et surtout des louves- de la meute, tandis que la viande était partagée entre tous. Comme la veille, la meute affectait de ne pas remarquer leur présence.

Kasumi s'assit sur ses talons en regardant tour à tour les deux chefs de meute, attendant d'avoir capté l'attention du mâle ou de la femelle. Il espérait que l'un ou l'autre comprendrait qu'il souhaitait communiquer un message. Ensuite, vu qu'il ne partageait aucun lien avec la meute, il espérait se faire comprendre par des signes évocateurs, en commençant par désigner la carcasse bien entamée puis la direction vers laquelle il voulait pousser les loups pour leurs prochaines parties de chasse.

Un long moment passa sans que les loups daignent lui accorder la moindre attention. Plusieurs, en revanche, vinrent flairer Première Neige, et leur attitude vis-à-vis de la louve passa de suspicieuse à amicale, ou presque. Au bout d'un moment, elle osa se lever et s'approcher du groupe des femelles qui surveillait les petits, se couchant non loin d'elles, sans susciter la moindre réprobation apparente. L'une des femelles, que Kasumi jugeait être la dominante au vu de son comportement, s'approcha d'elle, la flaira, se laissa flairer à son tour... et Première Neige sembla, ainsi, peu à peu s'insérer dans la meute. Le rôdeur, par le lien qui les unissait, sentait son plaisir de retrouver des congénères amicaux. Sa présence était désormais admise par tous, et, s'ils continuaient à ignorer ostensiblement l'humain, les loups semblaient enfin faire preuve d'un peu de curiosité vis-à-vis de la louve.

Kasumi ne voulait pas prendre le risque de fragiliser le tout nouveau - et donc forcément précaire - statut de Première Neige en l'incitant à entraîner les loups là où il l'aurait voulu. Non, il préféra se montrer à nouveau patient, se disant que chaque instant que sa louve passait en compagnie de la meute renforçait son moral et également l'acceptation de ses congénères à son égard. Vouloir brusquer les choses dès à présent mènerait à ruiner définitivement toute chance de recommencer de qui avait déjà été accompli.

La journée s'écoula lentement. Parfois, un loup s'absentait, ou deux. Les louveteaux jouaient. L'atmosphère était paisible, à mille lieues des menaces de la forêt environnante.
Ce n'est que vers le milieu de l'après-midi que la patience de Kasumi fut enfin récompensée. Le chef de meute se dressa au milieu de la clairière, légèrement en hauteur. Kasumi vit plusieurs loups se tourner vers lui, se redresser, et s'avancer dans sa direction. Le chef se détourna et s'en fut en direction des profondeurs des bois, suivi par quatre de ses congénères. Première Neige, d'instinct, fit de même. Mentalement, elle transmis à Kasumi un concept qu'il reconnut aussitôt : le goût du sang sur ses crocs. La chasse.

Kasumi se leva lentement à son tour pour ne pas risquer d'effrayer le reste de la meute par quelque geste brusque et mal interprété. Il avait l'intention de suivre les loups partant à la chasse - pas forcément de s'y mêler - mais s'il pouvait influer sur la direction qu'ils prendraient ou, a minima, en apprendre un peu plus sur leur zone de chasse préférentielle, ce serait toujours un pas de plus vers la résolution pacifique - et encore hypothétique - du conflit opposant la meute de loups aux villageois.

Nul ne s'opposa à sa présence, mais les regards qu'on lui lança lui parurent méfiants, confirmant sa décision de rester en arrière.
Les loups prirent la direction du nord, se rapprochant ainsi peu à peu du village. Ils se faufilaient discrètement d'arbre en arbre, se coulant dans les ombres au point que même en sachant où ils se trouvaient, le rôdeur avait bien du mal à percevoir leur présence. Il réalisait en revanche combien lui, simple humain, pouvait leur paraître gauche et pataud en regard de leur souplesse et de leur discrétion naturelle.
Ils avançaient à un bon rythme, comme sachant où ils allaient. Ils obliquèrent légèrement vers l'est, s'approchant légèrement du village. Les zones fréquentées par les bûcherons ne devaient plus être très loin lorsque la meute s'arrêta enfin. Il vit les loups se déployer de part et d'autre du chef de meute, aux aguets. D'où il se trouvait, il ne pouvait pas vraiment voir ce qu'ils guettaient.

Kasumi se sentait de plus en plus nerveux à mesure qu'ils se rapprochaient du village mais il était également attentif et impatient de savoir ce qui avait motivé la décision du loup dominant d'amener sa meute vers cette direction. Il se tint donc à l'affût tout en enjoignant mentalement Première Neige à la prudence et à la vigilance. C'était sans doute une précaution superflue mais il ne pouvait jurer de rien étant donné la joie que la louve devait ressentir à accompagner le groupe.

Au début il n'y eut rien de particulier. Les loups devant lui semblaient guetter quelque chose en contrebas : il avait l'impression qu'un chemin creux se trouvait au-delà, une piste probablement empruntée par des gibiers potentiels. Première Neige eût l'obligeance de lui envoyer mentalement quelques images confirmant ce qu'il pressentait : les loups étaient en embuscade en surplomb d'une piste forestière.
Le guet dura un moment sans que rien ne se produise. Puis Kasumi entendit un bruit, un cri d'animal qu'il identifia sans peine : le bêlement d'un mouton, un peu incongru au milieu de la forêt. Il devina que les loups se raidissaient, prêts à l'attaque. Première Neige lui parut hésiter, guettant son assentiment.

C'est ce qu'il craignait depuis le départ : si les loups n'étaient pas assez téméraires pour s'attaquer aux humains, leur comportement avait malgré tout évoluer pour les faire s'en prendre à leur bétail, des cibles faciles et sans défenses. Mais ils se fourvoyaient et le rôdeur ne pouvait pas les laisser persister : chaque mouton tué renforçait la volonté des villageois à se venger et, avec la tension ambiante à Peyregorde, cette nouvelle attaque provoquerait certainement la battue sanglante qu'il avait voulu empêcher.

Il demanda à Première Neige de s'écarter des chasseurs pour le rejoindre, confirmant son sentiment que cette chasse était une mauvaise chose : de son côté, il devait tenter de défendre les moutons en s'interposant entre eux et les loups. Si toutefois il n'était pas déjà trop tard.

Première Neige obtempéra, mais il sentit un questionnement dans son esprit. Elle savait, pourtant, qu'un bêlement trahissait la présence d'un animal domestique et que Kasumi réprouvait qu'on chasse ce genre de gibier, mais cela allait à l'encontre de son instinct de loup qui la poussait à s'attaquer à une cible facile.
Le mouvement de Première Neige, ostensible, changea brusquement l'atmosphère. Le chef de la meute se tourna aussitôt vers elle, la fixant d'un regard dur, et elle se coucha sur le sol pour montrer sa soumission. Il y eut un échange de regard, Kasumi perçut que sa louve y mettait toutes ses capacités de soumission. Pour autant, elle persista à se rapprocher de Kasumi lorsqu'elle se remit en marche, refusant ostensiblement de se mêler à la chasse. Et son attitude, qui pouvait être assimilée à une forme de rébellion, parut déplaire fortement aux loups.
Le point positif était que leur attention était désormais focalisée sur Première Neige, tandis que le mouton, bêlant toujours, s'approchait encore.

Kasumi était désolé d'avoir poussé Première Neige à se désolidariser ainsi du groupe et même à se mettre en danger mais c'était un mal nécessaire : il commençait à entrevoir que le chef de meute était à la base du problème. Après tout, c'est lui qui guidait les chasseurs à s'attaquer au bétail plutôt qu'au gibier et il menait la meute tout entière à sa perte.

Le demi-elfe se demandait pourtant si l'animal pouvait encore être ramené dans le droit chemin car sa perte serait un grand bouleversement pour ses congénères. Il parcourut rapidement l'espace qui le séparait de Première Neige pour être à ses côtés si la confrontation tournait à l'affrontement puis donna de la voix pour avertir le mouton qu'il y avait du danger et qu'il ne fallait pas s'obstiner dans cette direction.

Les loups ne semblaient pas vouloir attaquer Première Neige. Tout dans leur attitude trahissait leur désapprobation de la voir désobéir à leur chef, mais, peut-être parce qu'elle n'était pas membre de la meute, ils ne semblaient pas vouloir la dissuader de s'en aller. ils le déploraient, simplement.
Mais malheureusement pour Kasumi, les moutons ne sont pas spécialement connus pour leur intelligence. Celui-ci donna parfaitement raison aux croyances populaires sur leur bêtise : plutôt que de fuir, il se mit à bêler de plus belle en fonçant droit vers eux. A sa décharge, il était peu probable qu'il comprenne le langage humain. Le rôdeur l'apercevait désormais à travers les arbres, courant dans sa direction en bêlant à qui mieux mieux, l'air plutôt joyeux de trouver enfin quelqu'un dans les bois...
Les loups, quant à eux, conscients que leur proie était toute proche, se remirent en position d'affut.

Le rôdeur pressa le pas en direction du mouton pour l'intercepter avant que les loups ne referment leur piège sur lui. C'était peut-être un peu risqué car les loups pouvaient décider de s'en prendre à lui mais il se devait de sauver l'animal sans quoi les bergers ne manqueraient pas d'apporter cette nouvelle preuve de l'agressivité des prédateurs à Bertrand et au reste de la communauté.

Le mouton, apercevant Kasumi, se mit à courir dans sa direction. Les loups furent quelque peu ébranlés par son intervention, mais ne changèrent pas d'optique pour autant. Dans une ou deux secondes, ils bondiraient : Kasumi n'avait pas le temps matériel pour s'interposer entre eux et leur cible, déjà trop proche.
Et puis un hurlement se fit entendre, juste derrière lui : Première Neige, le museau dressé, lançait l'un de ces cri qui faisaient généralement se hérisser les poils des humains. Ce n'était pas un cri de défi, ni quoi que ce soit de menaçant. Kasumi perçut qu'elle cherchait à transmettre un message au reste de la meute.
Quoiqu'il en soit, le cri eut pour effet immédiat de faire se pétrifier un bref instant le mouton, avant qu'il ne se mettre à fuir à toutes jambes dans la direction opposée.

Etait-ce le but recherché par Première Neige ? En tous cas, son cri avait eu pour effet de faire fuir l’ovin là où il avait lui-même échoué. Mais, ce faisant, sa louve s’était à nouveau mise en danger car il était probable que le chef de meute la rende responsable de l’échec de cette chasse.

Il était désormais partagé entre la volonté de protéger le mouton jusqu’à ce qu’il se soit enfin mis hors de portée des loups et le désir de revenir auprès de Première Neige pour la défendre contre ses congénères. Avant de prendre une décision, il prit donc un instant pour prendre la mesure de la situation : les loups s’apprêtaient-ils à suivre le mouton ? S’étaient-ils au contraire tournés vers la louve des neiges ?

Les loups s'étaient tournés d'instinct vers leur congénère. Il y eut quelques instants de flottement, d'hésitation. Kasumi les vit consulter du regard le chef de meute, qui sembla un instant indécis sur la conduite à tenir. Première Neige s'aplatit sur le sol en signe de soumission, puis se redressa et sembla les inviter à la suivre. Le mouton, pendant ce temps, avait poursuivi sa course folle, et chaque instant qui passait rendait plus improbable sa capture.
Le chef de meute, avec un grondement de dépit, renonça enfin à la chasse et accepta de suivre Première Neige. A contrecoeur, c'était visible.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Peyregorde