L'antre d'Asmodeus

[Asmodeus]

Cela lui paraissait évident et il n’aurait certes pas l’idée de lui demander de faire ses courses : Asmodeus avait déjà des scrupules vis-à-vis de toutes les tâches subalternes que le fantôme avait déjà accepté d’accomplir. Ceci étant, il avait une destination prometteuse où chercher mais cela ne résolvait pas le problème de son anonymat s’il s’aventurait à la surface.

- Cela paraît être un endroit tout à fait indiqué en effet : surtout si le tenancier est ouvert d’esprit quant à la nature de sa clientèle. Pensez-vous qu’Asmodeus pourrait se déplacer jusque-là sans trop éveiller l’attention ? De nuit et avec un manteau à capuche peut-être ?

[Taliesin]

[Quête : Retrouvailles]

-C'est à cela que l'on voit que vous n'êtes pas à Melandis depuis très longtemps, fit le fantôme, amusé. Dans le Noyau occulte, il n'est pas rare de croiser des gens sortant de l'ordinaire, morts-vivants y compris, et les commerçants se priveraient de bénéfices non négligeables s'ils étaient sectaires quant à leur clientèle. Pour le reste, du moment que vous ne causez aucun grabuge, le guet ne s'intéressera pas à vous si vous êtes vêtu comme vous le disiez : ils auraient trop peur d'ennuyer quelqu'un d'important cherchant à se déplacer incognito.

[Asmodeus]

L'affaire semblait donc entendue et Asmodeus décida de tenter cette petite aventure dès le lendemain soir. Mieux valait en effet laisser tasser un peu l'affaire de l'achat de la maison avant de se risquer dehors. Mais ce que lui avait confié le fantôme le mettait en confiance et il avait hâte - quelque part - d'élargir un peu son horizon et surtout ses possibilités : il ne pouvait pas mener son existence en autarcie complète d'autant que les catacombes avaient été vidées de leurs occupants par les maudits kelemvorites.

[Taliesin]

[Quête : Retrouvailles]

Ebenezer ne fut plus très long à prendre congé : il félicita à nouveau la momie pour sa belle acquisition, l'assura qu'il repasserait prendre de ses nouvelles avant longtemps puis, lui ayant souhaité toute la réussite possible dans ses prochaines opérations, il disparut, la laissant à nouveau seule en son antre.
Ainsi s'acheva une journée bien mouvementée...

[Asmodeus]

Asmodeus avait l'intention de se montrer prudent en se tenant à l'écart de la maison qu'il venait d'acquérir avant que le mystérieux employeur de Silmandel et de sa clique soit venu retirer les meubles. La seule exception à cette règle serait le lendemain soir lorsqu'il effectuerait une sortie pour trouver la boutique dont lui avait parlé Ebenezer. Evidemment, avant qu'il s'en aille, il avait sollicité qu'il lui indique comment la trouver... Mais en attendant, il avait largement de quoi s'occuper les mains et l'esprit dans son antre.

[Asmodeus]

Arrivant de nuit dans la rue menant à sa nouvelle maison, le Gardien mortuaire se dirigea nonchalamment vers le jardin puis la porte de celle-ci en prenant discrètement soin de vérifier que personne ne l'observait.

Il verrouilla la porte derrière lui puis attendit quelques instants en espionnant par la fenêtre du hall avant de se diriger vers le passage menant aux cryptes et à son domaine proprement dit. Il avait ensuite l'intention de travailler une partie de la nuit en rassemblant ce qu'il pourrait lire sur la Gisombre et ce qui l'attendait. L'avantage de ne plus connaître les affres de la fatigue !

[Le Façonneur]

Il était à la fois difficile et facile de se renseigner sur la Gisombre. Il existait une grande confusion entre ce plan et d’autres, comme le plan de l’ombre de Shar ou encore le plan de Fugue accueillant les âmes défuntes. Rares étaient les mortels à avoir une vision fiable du Multivers, nombreuses étaient les sottises consignées par des voyageurs planaires trop peu rigoureux ou, plus probablement, trop peu qualifié en matière de géographie cosmique. Quoi qu’il en soit, une fois les regroupements menés à bien, il semblait que le plan de la Gisombre était le reflet du royaume mortel tel qu’il serait à sa fin. Il accueillait les morts et représentait de ce fait une source de savoir incommensurable en matière de nécromancie. Mais il n’y avait pas que des morts-vivants en Gisombre, loin de là. Des créatures ténébreuses, altérées par le déclin ou le chagrin, étaient légions. Il y avait même, à en croire certains livres, des êtres bienveillants porteur d’espoir et de lumière. Mention était faite des croisées ombreuses évoquées par le Façonneur.

Asmodeus parvint à mettre la main sur une note qui devait provenir de son prédécesseur. Le document localisait précisément plusieurs croisées ombreuses dans le cimetière, mais les règles pour les activées n’étaient pas clairement définies. Une croisée ombreuse se trouvait également au jardin de la mélancolie. Clle-là s’activait à minuit, à proximité de la statue de l’homme prostré dont il fallait faire le tour. Enfin, au plus profond des catacombes, en des lieux presque oubliés, dormait un temple où se trouvait non pas une croisée ombreuse mais bien un portail permanant.

[Asmodeus]

Voilà qui donnait le tournis mais aussi suscita une vague d'enthousiasme extatique chez le Gardien mortuaire : toutes ces connaissances à portée de main, cette source de pouvoir sur la mort et la vie après la mort. Il lui revenait de plein droit de l'étudier, de le comprendre, de l'exploiter. C'était même ancré au cœur de son dogme et le sens profond de la charge qu'il avait accepté de revêtir. Il avait l'intention d'aller vérifier la localisation précise des croisées qu'il pouvait atteindre en ne s'éloignant pas de plus de quelques heures du cœur de son domaine. Cela excluait les accès en surface et ce temple pour l'heure mais cela lui donnait de passionnantes perspectives de recherches ultérieures.

[Le Façonneur]

Selon les notes retrouvées dans la bibliothèque de son repaire, Asmodeus constata que les croisées les plus proches, les plus accessibles, étaient celles du cimetière. Mais pour les atteindre, il devrait quand même quitter les cryptes et donc remonter en surface. Le cimetière comptait en tout deux croisées ombreuses, une dans un caveau, l’autre dans une petite allée à l’ombre d’un sépulcre. Le seul passage en profondeur était le temple oublié, mais l’excursion n’allait pas être une promenade de santé.

HRP : je te laisse te déplacer dans le topic correspondant aux passages que tu souhaites examiner (Le cimetière ou les cryptes).

[Le Façonneur]

Voilà donc Asmodeus de retour chez lui après une escapade dans le cimetière, à travers les plans. Son invité, Grêle, manifesta une grande curiosité à l’égard de ce domaine souterrain à la fière allure. Il siffla d’admiration et déclara avec son affreux sourire démesuré :

« Cet endroit a la classe ! Puis-je visiter ? »

[Asmodeus]

Le Gardien était évidemment flatté par cette réaction et il en oublia un instant sa prudence : Grêle ne pourrait de toute façon pas faire grand-chose des informations qu’il pourrait recueillir sur lui et son domaine et il semblait plus important de nourrir la forte impression qu’il avait sur lui. Pour obtenir un ascendant mais aussi parce que cela nourrissait son propre sentiment de fierté un peu mis à mal par l’épisode avec ses derniers visiteurs.

- Bien sûr : autant mettre l’attente à profit en se mettant à l’aise.

Et d’entreprendre de le suivre pour lui commenter ce qui l’intéresserait mais aussi pour garder un œil sur lui.

[Le Façonneur]

Grêle se montra un invité bien plus agréable que ne le fut Alexandre ou Silmandel. Il ne tarissait pas d’éloges sur l’entre de la momie dont il visita chaque pièces, chaque couloir. À la vue du trône, il manifesta un enthousiasme parfaitement juvénile. Mais Asmodeus ne s’y trompa pas, ce qui intéressa le plus le Morbide, ce fut la bibliothèque. Il eut très vite la conviction que le petit mort-vivant savait lire de nombreuses langues. Ses yeux sombres s’étaient mis à évaluer les ouvrages avec un intérêt renouvelé.

« Et ben dit donc, vous en avez des livres intéressants. Ce serait mentir que de prétendre être surpris. Vous avez l’allure d’un homme de savoir. »

[Asmodeus]

Asmodeus était évidemment flatté par ces compliments même s’il tâchait de ne pas trop baisser sa garde. En tous cas pas trop… Car, devant l’intérêt et l’écoute attentive et intéressée de Grêle, il ne manqua pas de livrer des commentaires ou des informations sur ses projets. Et devant son admiration concernant la bibliothèque, il déclara un peu plus modestement qu’il ne l’aurait fait devant Lord Ebenezer, Silmandel ou surtout ce maudit Alexandre :

- Il faut reconnaître que la plupart des choses se trouvant ici appartenaient au précédent maître des lieux. Mais il y avait beaucoup à réorganiser, décorer et mettre en valeur. Il est maintenant temps de reprendre la gestion de cette belle collection et des travaux que permettent d’imaginer ces installations.

Dès que l’affaire l’occupant à Gisombre serait réglée. En cela, l’objet promis par le Façonneur l’aiderait considérablement.

[Le Façonneur]

« Peu importe la manière dont on trouve les choses, le tout est de les avoir. Enfin, c’est mon avis. Dame Irélia m’a donné l’amour des livres. Avant, je n’y voyais qu’ennui. Maintenant, puissance. Je trouve toujours assez fascinant comme quelques mots couchés sur une page jaunie peuvent tout changer. »

Grêle marchait entre les rayonnages, ses yeux sautant d’un titre à l’autre.

« Hum, tiens, c’est quoi ça ? »

Il venait de repérer la collection complète des Mystéria.

[Asmodeus]

HRP : je te déteste !

Asmodeus eut une toux gênée et crut cette fois bon de se justifier tout en se démarquant du précédent Gardien des lieux :

- Des romans sans intérêt. Le précédent propriétaire avait des goûts très éclectiques. Et devait parfois s’ennuyer ferme pour s’abaisser à ce genre de lectures bas de gamme. Mais bref, tous les goûts sont dans la nature et ils ne devaient pas être très difficiles à se procurer…

[Le Façonneur]

HRP :

Grêle eut son affreux sourire.

« J’imagine que tout le monde a ses lectures... disons un peu particulières. Il faut bien se détendre, n’est-ce pas ? Moi, j’aime bien Mille Nuances de Rouges. C’est écrit par une Loviath et... fin bref. »

Le petit mort-vivant reprit sa marche entre les rayonnages.

« Cela vous ennui si je reste ici pour lire ? Je ne veux pas vous ennuyer et ce serait une manière de tuer le temps. »

[Asmodeus]

Asmodeus préférait de loin savoir Grêle occupé sagement à la bibliothèque plutôt qu’être en train de fureter dans son laboratoire ou sa salle du trésor. Il ne voyait donc aucune objection à sa proposition et le lui fit savoir.

Lui-même avait d’ailleurs l’intention de s’adonner à la même activité et de profiter du temps d’attente pour rafraîchir ses connaissances sur les liches, leurs pouvoirs comme leurs us et coutumes.

[Le Façonneur]

Grêle remercia la momie puis se montra dès lors très discret, sachant parfaitement lire en silence. Il ne sembla pas vouloir dévorer un ouvrage en particulier, il se contentait d’extraits avant de passer à un nouveau titre, comme s’il cherchait à se faire une idée plus précise de la collection en son ensemble. Asmodeus, quant à lui, n’eut aucun mal à trouver un tas d’informations sur les liches. Ce mort-vivant représentait bien souvent l’aboutissement du désir d’éternité des magiciens maléfiques. Ils possédaient forcément une maîtrise conséquente de la magie profane, n’ayant pour le divin pas ou peu d’intérêt. Il était notamment fait mention que les liches avaient une forte tendance à ne prier aucun dieu, voir à se prendre elles-mêmes pour des dieux. Une liche enfermait son énergie vitale dans un objet particulier, un phylactère. Le seul moyen de tuer la liche était de détruire son phylactère. Sans cela, elle revenait forcément à la "vie", quoi qu’il lui arrive. Les liches, avec les vampires et les momies, représentaient l’élite des non-morts.

[Asmodeus]

Il avait déjà connaissance de bon nombre de ces informations, d'autant que le dieu qui lui accordait ses pouvoirs était lui-même une liche, la plus puissante d'entre toutes qui s'était réellement élevée au statut d'être divin.

Mais ce n'était jamais mauvais de rafraîchir ses souvenirs en la matière : il ne voulait pas commettre d'impair dans l'espoir de trouver dans la maîtresse de Grêle une nouvelle source d'information sur la Gisombre et ses dangers à défaut d'une alliée fiable. Ne restait désormais plus qu'à attendre sa venue en espérant qu'elle ne tarderait guère.

[Le Façonneur]

Les heures s’écoulèrent et rien de notable ne se passa. Grêle restait dans la bibliothèque, lisant inlassablement. Asmodeus avait terminé ses recherches sur les liches. Il pouvait consacrer son temps à autre chose. Pas besoin de manger, pas besoin de dormir, ni lui, ni son invité n’allait avoir besoin de faire une pause. Une demi-journée déjà était passée. Dehors, il devait faire jour.

[Asmodeus]

Asmodeus se demandait avec de plus en plus d’insistance si Grêle avait bien averti sa maîtresse de sa présence dans le Plan Matériel mais il se voyait mal montrer si ostensiblement des signes d’impatience. Au contraire, il devait profiter de cette pause bienvenue pour tirer un enseignement de ses premières découvertes en Gisombre et mieux préparer sa prochaine incursion.

L’ennui étant bien évidemment qu’il n’avait pas découvert grand-chose en dehors de Grêle, du brouillard et de la menace latente qui les avaient poussés à rebrousser chemin. Néanmoins, il se dirigea vers son laboratoire pour tenter de pallier le problème – auquel il s’était confronté - de l’orientation. Son idée était de préparer une subtance olfactive ou visuelle qu’il pourrait appliquer sur certains points de repère choisi de sorte à retrouver facilement le chemin du caveau et de sa croisée.

[Le Façonneur]

Asmodeus travailla de nombreuses heures dans son laboratoire et ce ne fut pas en vain. Même s’il ne parvint pas à aboutir à un résultat encore exploitable, il estimait pouvoir réaliser une sorte d’encre spectrale visible seulement de celui qui s’en servait. Un tel outil devrait lui rendre service dans la brume de la Gisombre. Mais il lui fallait poursuivre ses efforts car pour l’instant l’encre s’évaporait en quelques minutes à peine.

Le gardien mortuaire estimait désormais que cela faisait presque un jour qu’il était retourné dans le plan matériel et il n’y avait toujours aucune trace de cette Dame Irélia. Il ne put également s’empêcher de songer que la menace qui l’avait poussé à fuir avait été ressenti uniquement par Grêle, Grêle qu’il ne connaissait pas, Grêle qui continuait de lire les livres de sa bibliothèque.

[Asmodeus]

A quel point pouvait-il s’y fier ? Sans doute aucunement. Mais pouvait-il se permettre de s’aliéner d’emblée le seul allié potentiel capable de lui livrer des informations sur Gisombre ? Sans doute que non. Et même s’il s’agissait d’un ennemi destiné à le tenir à l’écart, mieux valait garder ses doutes pour lui-même et jouer la carte de la naïveté. Ceci étant dit, il ne voyait qu’une conduite à tenir : il retourna dans sa bibliothèque et demanda avec patience :

- Penses-tu que ta maîtresse arrivera bientôt ? Car les opérations de Gisombre ne peuvent être repoussées éternellement.

[Le Façonneur]

Grêle leva les yeux du livre de magie noir qu’il était en train d’examiner et adressa à la momie son affreux sourire.

« Ho, elle ne devrait plus tarder, j’en ai la conviction. »

Il tourna une page.

« Votre collection est des plus intéressantes. Vraiment. Je vous remercie d’avoir bien voulu m’en faire profiter. »

Décidément, le petit-mort vivant était d’une politesse irréprochable malgré la malice qui émanait de lui. Mais cette Dame Irélia existait-elle vraiment ? Ce pouvait être pure invention, comme le prétendu danger. Grêle se replonga dans son livre.

[Asmodeus]

Asmodeus n'était pas du genre à s'agacer d'un simple soupçon mais il saurait réagir s'il se rendait compte que le Morbide s'était moqué de lui. En attendant, il se voyait mal insister : dans un cas, il ne doutait pas que Grêle saurait mentir avec aplomb, dans l'autre et s'il disait la vérité, il n'obtiendrait guère plus d'informations. La meilleure chose à faire était donc de retourner à son laboratoire pour tenter d'accroître la durée de sa décoction.

[Le Façonneur]

La momie avait à peine tourné les talons lorsque Grêle reprit la parole.

« Tiens. Il semblerait que Dame Irélia soit sur le point d’arriver. »

Le Morbide referma son livre, le déposa sur une étagère et plongea une main sous son élégante tunique. Lorsque la main réapparût, elle tenait un médaillon de sinistre facture pulsant d’une énergie nécrotique. Asmodeus fut traversé par une soudaine conviction. Ce que tenait le petit mort-vivant, c’était rien de moins que le phylactère de la liche. Et d’après les étincelles verdâtres qui dansaient sur sa surface d’or sombre, la dite liche était sur le point de se réincarner. L’énergie allait croissante. L’air en fut rapidement saturée. La lueur verte commença à illuminer les environs. Et dans cette morbide lumière, le sourire de Grêle avait quelque chose de démoniaque.

[Asmodeus]

Asmodeus fut profondément étonné de cette révélation : la liche faisait ainsi suffisamment confiance en Grêle pour lui confier son seul point faible. La chose semblait éminemment imprudente lorsque l’on considérait que le Morbide s’était rendu seul et sans défense dans un lieu tel que Gisombre… Cela le dépassait que l’on puisse ainsi remettre son existence à la merci d’autrui.

Mais le fait est que la liche existait bien et qu’il allait enfin pouvoir la rencontrer. Il s’arrêta aussitôt pour contempler le spectacle et se préparer à se montrer à son avantage lorsque la liche serait apparue.

[Le Façonneur]

La lueur venimeuse s’intensifia sensiblement. Le phylactère se mit à crépiter de la sombre énergie qui l’habitait. Puis il y eut un flash aveuglant, accompagné d’un bruit de déchirement, comme le tonnerre lorsqu’il frappe à proximité. Asmodeus sentit une onde nécrotique se disperser dans la pièce. Une silhouette se dessina au milieu de la lumière verte. Elle était grande et droite. La forme se précisa à mesure que la lueur déclinait. Il y eut encore quelques éclairs, puis quelques étincelles et le phénomène s’estompa complètement. Le phylactère redevint un médaillon d’or sombre. Et à côté de Grêle se dressait la liche.

Elle portait une élégante robe rouge et noire, les mêmes couleurs que celles de la tenue du Morbide. Mais cette robe était sensiblement plus raffinée. Des broderies dorées le soulignaient. Le visage de la liche était dissimulé derrière un masque d’argent. Il illustrait un visage de femme inexpressif, plutôt sinistre, et était fendu d’une large entaille. Ce n’était pas décoratif, le masque semblait sur le point de se briser après avoir été sérieusement malmené. La liche avait de longs cheveux blancs, qui tombaient sur ses épaules. Ils étaient si fins, si légers que le moindre souffle les agitaient. Peut-être était-ce une perruque, mais ce n’était pas certain. Enfin, la liche tenait dans une de ses mains gantées de soie un bâton de nécromancien fort imposant. Dame Irélia était assurément une puissante magicienne, probablement aussi puissante que la momie, si ce n’était d’avantage. Difficile d’en juger. Sa première réaction fut de fulminer. Sa voix tonna, pleine de courroux. Son timbre était surnaturelle. La voix semblait comme dédoublée.

« Ha, damné soit ses misérables raclures ! Ils ne perdent rien pour attendre ! Je les aurai, je les aurai tous ! Jusqu’au dernier ! »

Elle jeta un regard circulaire, remarqua Asmodeus, mais ce fut à Grêle qu’elle s’adressa, toujours avec humeur :

« Où sommes-nous ?
- Dans le plan matériel, Maîtresse, répondit le Morbide en s’inclinant bien bas. Quand j’ai senti votre décès, j’ai préféré quitter la Gisombre. Asmodeus, ici présent, m’a accueillit en son domaine. Il me semble être quelqu’un de très respectable. »

Dame Irélia fit face à la momie. Celle-ci perçut, derrière le masque, les deux flammes qui brûlaient dans les orbites de la magicienne.

[Asmodeus]

Cette entrée en scène de la liche avait de quoi impressionner et inciter au respect. Asmodeus n’avait pas peur, bien sûr, car il se sentait assuré par le fait de se trouver sur son terrain, là même où ses pouvoirs étaient magnifiés. Cependant, ce respect poli était la moindre des choses pour espérer tirer du bon de cette rencontre avec la nécromancienne visiblement en fureur. Le gardien mortuaire inclina légèrement la tête : assez pour marquer un salut convenable mais pas trop pour ne pas paraître en position d’inférieur. Il prit alors la parole d’une voix calme et posée pour espérer dicter un ton plus serein à leur conversation :

- Bienvenue en ce domaine, Dame Irélia. Grêle ici présent n’a pas tari d’éloges à votre sujet et c’est donc avec impatience que votre venue était espérée.

Commencer par les formules de politesse de rigueur lui semblait être une meilleure entrée en matière que d’assouvir immédiatement sa curiosité concernant les ennemis qui l’avaient manifestement fait tomber. Chaque chose en son temps : la diplomatie recommandait de progresser pas à pas.

[Le Façonneur]

Lorsque la liche répondit, ce fut avec une douceur et une affabilité surprenante, comme si la colère qui l’avait embrasé un instant plus tôt s’était estompé.

« Oui... je reconnais bien là les manières de mon serviteurs. Toujours prêt à dire ce qu’il faut, quand il faut, pour servir ma cause. »

Elle passa une main sur son masque, décela l’entaille et le retira pour le regarder, révélant ainsi son visage. Dame Irélia était plutôt bien conservée, compte tenue de sa nature. Certes, sa face avait de quoi horrifier le commun des mortels, mais ce n’était pas un crâne ou une masse de chair en putréfaction. On devinait encore les traits de celles qu’elle fut de son vivant. Elle avait encore un nez, des lèvres, des joues, un front, un menton que recouvrait une peau laiteuse. Dessous, bien sûr, il n’y avait que les os. Les cheveux blancs étaient bien les siens. S’il n’y avait eu ses orbites vides où brûlaient des flammes vermeilles, on aurait presque pu la prendre pour une vieillarde à la maigreur cadavérique. Elle eut une moue de dédain et jeta le masque d’argent un peu plus loin.

« Grêle, débarrasse-moi de ça, cette chose m’est devenue insupportable.
- Tout de suite Madame. »

Le Morbide ramassa le masque et déserta la bibliothèque. Dame Irélia reprit à l’intention d’Asmodeus.

« Asmodeus... Je suis enchanté de faire votre connaissance. Puis-je savoir qui vous êtes exactement ? Et comment se fait-il que mon serviteur se trouve chez vous ? »