[Commerce] Au Loyal Paladin

[Kasumi]

Son compagnon lui adressa un sourire chaleureux et lui attrapa la main tout en recalant ses bagages de sous son autre bras.

- C'est vrai : tu es merveilleuse mon Amélie. J'espère que ma sœur saura se trouver quelqu'un de presque aussi formidable que toi : elle le mérite bien !

[Althéa]

Les joues d'Amélie s'empourprèrent légèrement. Elle continua cependant sur le même air taquin.

"Presque aussi formidable que moi, c'est impossible."

Elle fit mine de s'éventer avant de rire franchement.

"Je suis sure qu'elle trouvera quelqu'un de très bien. Par contre ..."

Marvin vit passer sur son visage une petite ombre de panique.

"Tu crois qu'elle va bien le prendre quand elle saura pour nous deux ? Cela fait quelque temps que nous sommes ensembles et elle n'est pas au courant ..."

[Kasumi]

Marvin se mit soudain à contempler ses pieds et répondit timidement :

- Je ne sais pas si elle me croira quand je lui dirai : mon frère se moque régulièrement de moi quand j'aborde le sujet. Et puis ce n'est pas quelque chose que j'ai envie de lui apprendre par une lettre... Je suis certain qu'elle t'aimera beaucoup en tous cas ! J'espère bien vous présenter dès qu'elle rentrera de la guerre...

Cette fois c'est dans ses yeux que passa une ombre d'inquiétude : sa sœur participait à la guerre, avec tous les risques que cela comportait. D'autant que les nouvelles du front n'étaient pas des plus rassurantes.

[Chandara]

A mesure qu’elle s’éloignait de la foule des grandes artères, la ville paraissait de plus en plus morne à l’ancienne paladine. Chaque bâtiment qui lui avait autrefois paru solide lui apparaissait à présent austère. Aucun passant ne semblait vouloir se faire remarquer et tous se fondaient dans le décor comme si elle traversait une ville dépourvue de vie. La jeune-femme baissa la tête, sentit ses épaules se voûter puis stoppa un instant sa monture. Elle réprima un frisson qui aurait pu se muer en sanglot alors qu’une vague de nostalgie lui faisait soudain penser à sa ville natale. La retrouverait-elle aussi brillante et joyeuse que dans ses souvenirs si elle décidait soudain de porter les pas de Kelpie vers Cojum ? Non, c’était là des rêvasseries d’adolescente : son devoir était pour l’heure à Manost : la ville avait besoin de toutes ses forces vives maintenant plus que jamais.

Alors qu’elle poursuivait sa progression lente vers le Loyal Paladin, elle arrêta une nouvelle fois sa monture devant un bâtiment complètement détruit. Nul signe en dehors de poutres noircies ne donnait d’éléments sur ce qui avait pu se passer ici. En tous cas, c’était un nouveau signe inquiétant que Manost n’était plus telle qu’elle l’avait laissée : autrefois, on n’aurait pas laissé le lieu à l’abandon… Il faudrait qu’elle en touche un mot à Titœil : son ami saurait trouver les mots qui lui feraient voir les choses sous un meilleur angle. Elle talonna légèrement sa jument toujours sans un regard en arrière jusqu’à reconnaître des lieux familiers.

Après avoir laissé sa jument aux soins d’un palefrenier et s’être à nouveau composé une mine souriante, elle fit son entrée dans la salle commune du Loyal Paladin et y chercha aussitôt le réconfort de la vision de l’aubergiste.

HRP : en accord avec ma MJ et pour son propre bien, Chandara a gagné un point de sagesse.

[Althéa]

Dans le Loyal, on avait poussé les tables mais Chandara devina sans mal qu'on ne s'apprêtait pas à danser. Les clients habituels vaquaient à travers la salle, observant un groupe d'hommes en armes et armures jetant des sorts et scrutant dans les moindres recoins. Le maître des lieux, visiblement nerveux et mécontent observait leur manège. Dryade aidait à soulever tables et chaises quand on lui demandait. Une jeune rouquine aux cheveux courts donnait des directives.

Le tavernier, regardant par hasard du coté de Chandara changea radicalement de physionomie. Un large sourire illumina son visage et il courut vers la jeune femme. N'osant cependant pas l'étreindre, il stoppa devant elle et dansa d'un pied sur l'autre.

"Alors, vous êtes revenue. Je savais que vous alliez botter les fesses de tous ces mélandiens."

Il ne faisait visiblement plus attention aux soldats qui retournaient son commerce.

[Arthur de Faisanlys]

A l'extérieur, Arthur s’immobilisa devant la façade de l’auberge et hésita un instant. Le Loyal Paladin était une institution manostienne, il en avait déjà entendu parler. Il ne savait pas si son nom était à prendre au pied de la lettre, cependant, si on n’y trouvait que de preux chevaliers. La Bienveillance, à Luménis, était fidèle à son patronyme, cependant. Le jeune homme se demanda s’il était bien inspiré d’y entrer. D’abord, en tenue civile, il n’avait rien d’un paladin. Ensuite, il n’était pas certain d’avoir envie de se frotter à des Tormites désabusés. Un chevalier aviné était prompt au duel et avec sa maladresse proverbiale, il n’était pas exclus qu’il attire, pour une raison ou une autre, l’attention d’un homme que la défaite aurait rendu belliqueux.

Mais Chandara était entrée. Il ne pouvait pas emporter, comme dernière image d’elle, un dos et une porte qui se referme. C’était peut-être ridicule, mais elle était finalement la seule lumière qu’il avait trouvée sur Dorrandin, et c’était un souvenir qui serait sans nul doute réconfortant, peut-être salvateur, au moment de faire le point sur cet épisode de sa vie, une fois rendu à Luménis.

Avant d’entrer, il fit cependant le fond de ses poches : tant qu’il était dans le giron de l’armée, il était nourri et blanchi, mais livré à lui-même, les choses promettaient d’être un peu plus compliquées. Heureusement, il n’avait pratiquement rien dépensé pendant son séjour en terre dorrandine, aussi lui restait-il de quoi s’offrir un verre. Prenant une profonde inspiration, il poussa donc la porte de l’établissement, espérant qu’il y ait assez de monde – ou d’animation – pour qu’il passe inaperçu.

[Chandara]

Chandara ne montra pas la même retenue que l’aubergiste et l’étreignit chastement après lui avoir rendu son sourire. Elle s’éloigna finalement de lui non sans avoir planté un baiser sur sa joue, semblant enfin remarquer le manège qui agitait la salle commune du Loyal Paladin :

- Je suis contente de vous revoir, mon ami ! Mais que font donc ces gens avec vos tables ?

Cette dernière question ne trahissait pas vraiment d’inquiétude mais une pointe de curiosité bien marquée.

[Althéa]

Titoeil hésita quelques instants, presque gêné comme s'il allait énoncer à la jeune paladine un secret on ne peut plus honteux.

"Ils cherchent du poison ... Bien sûr, ils n'en trouveront pas ici mais ils avaient pour ordre de vérifier. C'est qu'il se passe des choses bien étranges en ville depuis une veille. Des gens tombent malades aux quatre coins de la ville. Au début, on croit au coup de froid mais l'état des gens se détériore malgré les guérisons des maladies. Les prêtres ilmates ont pensé au poison. Malheureusement, jusqu'à maintenant on n'a pas repéré d'où il pouvait provenir et les antidotes ne marchent pas. Il y a déjà eu quelques morts."

Il soupira.

"Avec la défaite et nos champs brûlés, nous n'avions pas besoin de cela."

Absorbé par sa conversation, il n'avait pas vu entrer Arthur.

[Chandara]

Du poison ?! Et déjà plusieurs victimes ? La paladine blêmit et elle fronça les sourcils à la perspective que des traîtres profitent de la faiblesse actuelle de Manost pour avoir recours à un moyen aussi vil et lâche que l’empoisonnement. La paladine se reprit néanmoins bien vite, ne souhaitant pas laisser penser à son ami qu’elle doutait de la qualité de son établissement. Elle posa une main sur son épaule et répondit d’un ton apaisant :

- Pour ma part, j’ai toute confiance en la qualité de votre nourriture. Est-ce que je peux vous être utile Titœil ? J’avais pensé manger ici mais je peux repasser plus tard si vous êtes trop occupé.

Ce faisant, elle se retourna vers la porte pour donner plus de sens à sa proposition et son regard s’arrêta sur celui qui venait d’entrer et faisait un effort notable pour passer inaperçu. Les yeux de la jeune femme s’écarquillèrent à nouveau de surprise mais cette fois, c’est un sourire rayonnant qui se dessina sur son beau visage. Et un phénomène particulièrement rare se produisit alors car elle fut à cours de mot pour exprimer toute sa surprise et toute sa joie de retrouver là le paladin luménien.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur se sentit comme un gosse surpris à voler des biscuits dans la cuisine maternelle (chose qui ne lui était jamais arrivée, en réalité) et il s’empourpra aussitôt. A voir l’expression de Chandara, elle l’avait immanquablement reconnu, mais que devait-elle penser, à présent ? N’était-ce pas de l’outrage, qu’il lisait dans ses prunelles ?
Il l’avait suivie dans un endroit qu’elle connaissait bien, apparemment, comme un malpropre, un ruffian aux intentions malhonnêtes, à la place de l’accoster poliment comme un gentilhomme… N’était-ce pas un crime, à Manost, que de traquer les jeunes filles de la sorte ?
Je ne l’ai pas traquée, je voulais juste… emporter une image.
Evidemment, pas le moindre mot ne sortit de sa bouche, comme l’embarras le réduisait à un petit paquet de confusion.
Mais il se reprit. Se força. Rassembla son énergie. Baissa les yeux sur la pointe de ses bottes.
« Dame, je suis… heureux de constater… que vous avez survécu. »
Ce n'était pas très romantique, mais c'était vrai.

[Chandara]

La dame en question était encore trop occupée à le dévisager comme si elle avait encore un peu de mal en croire en sa présence pour noter son hésitation. Soudain consciente qu’il avait parlé et quelle restait plantée là, silencieuse comme une empotée, elle se secoua au point de parvenir à faire un pas dans sa direction. Le plus difficile… Les autres le furent à peine moins. Elle n’était désormais beaucoup plus proche de lui quand elle trouva les mots pour répondre :

- Et je le suis aussi ! Je veux dire : heureuse que vous ayez survécu. Et quelle charmante surprise que de vous trouver ici, à Manost. Au Loyal Paladin. Moi-même je viens tout juste d’arriver ! C’est vraiment un heureux hasard, vous ne trouvez pas ?

La voilà à nouveau en possession de ses moyens… Bon, elle lui adressait un sourire qui pouvait signifier qu’elle n’était pas tout à fait dupe. Si l’on avait tendance à voir le mal partout en tous cas…

[Arthur de Faisanlys]

" Je..."
Il s'éclaircit la gorge et jeta un regard embarrassé à l'aubergiste, derrière eux.
" Nous allons bientôt embarquer... les Luméniens, je veux dire... j'étais juste... venu voir la cité... et puis je vous ai aperçue, alors... Enfin... Je voulais... Je ne sais pas très bien ce que je voulais. Vous voir une dernière fois avant de partir et m'assurer que vous alliez bien, j'imagine."
Il avait les joues écarlates, il le sentait.
" Mais je ne voulais pas vous importuner, Dame, alors que vous retrouviez des amis. Je suis rassuré et je peux me retirer."

[Chandara]

Les paroles du paladin la touchèrent et la firent même frissonner : il avait voulu la revoir. Elle ! L’écervelée qui s’était ruée dans la mêlée en mettant en péril tous leurs compagnons devant le moulin, celle qui avait failli s’attirer les foudres du lieutenant Hurlegloire au point de faire échouer leur mission au château. Celle qui s’était évaporée dans la nature sans donner de nouvelles une fois qu’ils avaient regagné le camp…

Avant qu’Arthur ait pu esquisser le moindre geste vers la porte, Chandara franchit les quelques pas qui les séparait encore et sa main se posa sur le poignet d’Arthur avant même qu’elle réalise vraiment pourquoi elle avait été prise de cette impulsion. Rougissant franchement à son tour de son audace, elle ne se laissa pourtant pas démonter en répondant avec franchise :

- C’est hors de question ! Vous aussi êtes un ami et vous ne m’importunez absolument pas ! Euh… Accepteriez-vous… Si ça ne vous parait pas inconvenant bien entendu… de prendre un verre ? Titœil a de la bonne bière. Et aussi du très bon vin. Ou alors vous avez peut-être faim ? Toute cette route a du vous affamer, non ? Enfin, je ne sais pas. C’est mon cas… Voilà. Mais si vous avez mieux à faire. Eh bien je comprendrais.

Helm que c'était maladroit et grossier de sa part ! Chandara espérait que le luménien ne quitterait pas la taverne, offusquée par son invitation trop directe et scandaleuse.

[Arthur de Faisanlys]

" Oh... Je... "
Il jeta un regard à l'aubergiste, à nouveau, puis aux tables que l'on déplaçait autour d'eux.
" Mais... est-ce que l'établissement est ouvert ? On dirait... qu'on est en train de la..."
Désinfecter, songea-t-il.
Il n'y connaissait cependant pas grand chose en art de la magie et aurait été bien incapable de reconnaître les sortilèges que lançaient les clercs ou paladins à l'oeuvre, mais il ne voulait pas vexer le tenancier qui était, manifestement, un ami de la jeune femme.

[Chandara]

Sans s’éloigner de lui, de peur que le paladin n’en profite pour s’échapper, Chandara se tourna à son tour vers l’aubergiste pour procéder à des présentations à sa façon :

- Arthur, laissez-moi vous présenter Titœil Debeurré, incontestablement le meilleur aubergiste de tout Dorrandin et mon ami de longue date. Titœil, voici Arthur Maelwedd, un des braves paladins qui n’a écouté que son courage pour venir nous aider depuis Luménis. Pensez-vous que nous pourrons déjeuner ici ? Encore une fois, si nous tombons mal, nous pouvons revenir un peu plus tard tous les deux.

Dans son esprit, il semblait hors de propos qu’Arthur décline l’invitation. Elle n’avait aucune intention de le laisser filer maintenant qu’il avait réapparu comme un prodige.

[Althéa]

Titoeil tendit affectueusement la main au dénommé Arthur.

"Je suis enchanté de faire votre connaissance, jeune homme. Pour déjeuner ici, si vous voulez attendre un peu, le temps que l'inspection se termine ... Par contre, la maison ne propose plus qu'un plat du jour. Nous rationnons à Manost, voyez-vous ? Et le Loyal a participé à l'effort de guerre pour nourrir les soldats."

Il semblait fier comme si le fait d'avoir approvisionné le front avait été un point crucial de la stratégie militaire.

"Et je suis au regret de vous annoncer que toutes les chambres sont prises."

Pendant qu'il parlait, la rouquine s'entretint avec ses hommes à voix basse avant de retourner à Titoeil.

"Rien à signaler ... A vrai dire, je m'en doutais un peu mais ...
- Question de principe ...
- Nous ne vous embêterons pas plus longtemps."

Elle dévisagea quelques instants les deux nouveaux arrivants avant de tourner les talons, très vite suivie immédiatement par tous les hommes en arme. Quelques instants plus tard, les tables avaient retrouvé leur emplacement initial. Titoeil eut un soupir de soulagement.

[Chandara]

Chandara était soulagée – surtout pour Titœil – que l’inspection ait pris fin et que son auberge préférée recouvre son ambiance normale. Elle se rendait maintenant compte que l’accueil et l’hospitalité du Loyal Paladin était l’un des rares éléments de stabilité sur lequel elle avait pu compter depuis qu’elle avait quitté sa demeure familiale. Que cette institution, plus que toutes les autres, ait pu faire défaut lui aurait porté un sérieux coup au moral. C’est donc rayonnante de plaisir qu’elle répondit au tenancier :

- Alors je crois que nous prendrons deux de vos plats du jour. Et peut-être aussi un verre de vin s’il vous reste de celui que vous avez dû recevoir le mois dernier… Enfin, si Arthur est d’accord bien entendu !

Elle leva un regard un peu inquiet vers le jeune homme. Allait-il refuser ? Il n’avait certainement pas prévu de déjeuner ici, après tout.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur avait serré la main de l'aubergiste puis écouté la suite de la conversation sans réellement en comprendre les tenants et les aboutissants. Quand la rouquine l'avait regardé, il s'était senti rougir comme s'il était coupable de quelque chose, mais elle avait dû comprendre que ce n'était pas un aveu de culpabilité, juste l'expression de son embarras congénital.
Chandara, de son côté, semblait emplie de la même énergie un peu effrayante qu'autrefois, ce qui rassura Arthur : il aurait été bien triste que la guerre souffle son élan vital, cet enthousiasme fiévreux qui la rendait lumineuse.
Mais elle venait de parler et il était déjà dans les nuages.
" Je... Heu... Oui. Bien sûr. Avec plaisir."
Il croisa les doigts pour que les prix soient modiques ou que l'aubergiste accepte un coup de main pour la vaisselle ensuite.

[Chandara]

Si Chandara ne sauta pas de joie – en tous cas au sens littéral – ses yeux pétillèrent de plaisir à la réponse d’Arthur. Cette question réglée, elle laissa au paladin l’initiative de choisir la table qui lui conviendrait le mieux, espérant qu’il opte pour l’une de celles qui ne comptaient que deux places. Elle avait tant de questions à lui poser après tout ! Et elle en avait au moins autant à poser à Titœil mais cela attendrait qu’il soit libre de vaquer à ses occupations : pour le moment, elle le sentait préoccupé et à raison.

[Arthur de Faisanlys]

Le paladin agit, sans le savoir, comme l'espérait la jeune femme. Bien sûr, il avait terriblement peur de se retrouver à une table avec elle. Bien plus que d'affronter des chevaliers fantômes, des zombies ou des Loviates fous. C'était quelque chose qu'ils n'avaient jamais fait, et il craignait qu'ils n'aient rien à se dire et que Chandara réalise brusquement combien il était terne et sans intérêt hors du champ de bataille. Mais il ne pouvait pas reculer sans l'insulter. Aussi opta-t-il, incertain, pour une table à deux places, près d'une fenêtre, hors du passage. Sans vraiment y réfléchir, il lui tira sa chaise, pour l'aider à s'installer. C'était un geste sans doute obsolète, mais cela lui occupait les mains, et l'esprit, pendant encore quelques secondes.

[Chandara]

Chandara s’installa gracieusement sur la chaise tirée à son intention et adressa un sourire reconnaissant au paladin après s’être assise. Elle attendit qu’Arthur prenne place en face d’elle et l’observa un instant en douce avant de prendre l’initiative de la conversation, comme l’on pouvait s’y attendre :

- Vous me disiez tout à l’heure que vous étiez venu voir Manost. Qu’en avez-vous vu jusqu’ici ? J’espère que la ville ne vous déçoit pas trop : j’imagine qu’elle doit vous paraître bien sombre et morne par rapport à la vôtre.

Consciente qu’elle avait réalisé l’exploit de lui poser déjà plusieurs questions alors qu’ils étaient assis depuis moins d’une minute, la jeune femme se modéra pour laisser au pauvre luménien le temps de répondre.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur haussa les épaules, embarrassé.
" En fait... je suis entré à votre suite... Je n'en ai pas encore vu grand chose. C'est certain que... l'architecture est particulière... austère... par rapport à la démesure luménienne. Mais j'imagine qu'un être à l'esprit pragmatique verrait la fonctionnalité de votre environnement et estimerait que Luménis gaspille beaucoup de matériau, de temps et d'énergie à des choses futiles. Mais belles. Je n'en sais rien. Je ne suis pas un spécialiste de ce genre de choses. Hormis Luménis, Manost est la première cité que je visite. Je n'ai pas beaucoup de points de comparaison. Mais je suis passé devant plusieurs bâtiments assez imposants..."
Ecrasants aurait été un meilleur mot, mais il ne voulait pas se montrer désobligeant.
" Le temple de Helm, je suppose. Et la commanderie. L'Ordre du Coeur Radieux, pardon."

[Chandara]

Le sourire de Chandara s’élargit devant l’aveu du jeune paladin. Il l’avait suivie, elle en avait maintenant la confirmation et – quelque part – cela la rendait joyeuse de parvenir à attirer l’attention d’Arthur. Bien sûr, elle devait se rendre l’évidence : le luménien ne connaissait personne en ville et il était donc logique qu’il l’ait suivie elle, s’en remettant à ce qui lui était le plus familier. En tous cas, le jeune-homme semblait à l’aise… Il suffisait de continuer à le faire parler peut-être :

- Oh, vous savez : les manostiens sont peut-être moins attachés à ce qui est beau mais la ville n’en est pas tout à fait dépourvue même si elle vous apparaîtrait sans doute un peu rustique : nous cachons juste un peu plus ce que la plupart considère comme étant soit trop futile, soit trop privé pour être montré aux étrangers. Par exemple, l’intérieur du Cœur Radieux est bien plus ostentatoire que sa façade ne le laisse penser. Enfin, je n’y suis pas retournée depuis des années et vous allez devoir me croire sur parole. En revanche, je pense que vous pourriez apprécier la promenade du front de mer. Je comptais m’y rendre tout à l’heure justement : il parait que plusieurs de vos navires sont au port et je n’en ai encore jamais vu. C'est aussi là que j'ai le plus de chance de trouver une auberge vu qu'il n'y a plus de chambres disponibles ici apparemment...

La voilà qui se remettait à monopoliser indûment la parole alors qu'elle avait justement recherché l'effet inverse. Elle était décidément une bavarde incorrigible !

[Arthur de Faisanlys]

Arthur acquiesça. Il espérait ne pas avoir vexé Chandara en relevant la sévérité de l'architecture manostienne.
" Vous allez vous chercher une auberge... murmura-t-il. Cela signifie-t-il que vous avez été démobilisée ? Que votre guerre est bel et bien terminée ?"
Il grimaça.
" Excusez-moi si je me montre indiscret. Je ne connais rien à l'organisation militaire de votre cité... Un comble, sans doute, compte tenu des mois passés, mais je suis resté dans l'armée luménienne, en ce qui me concerne. Mes contacts avec vos compatriotes ont été inexistants, pour ainsi dire."

[Chandara]

Une question des plus délicates mais Chandara montra une nouvelle fois qu’elle n’en voulait certainement pas à Arthur de l’avoir posée. Elle regarda pendant quelques secondes par la fenêtre comme pour mieux réunir ses mots avant de reporter son attention sur l’homme assis en face d’elle :

- En fait, je ne fais pas vraiment partie de l’armée. Mes anciens confrères sont rattachés à l’Ordre du Cœur Radieux pour la plupart mais moi je faisais partie des volontaires. Toutes les personnes aptes à se battre ont été mobilisées bien sûr, et rattachées à un régiment. Mais cette organisation a pris fin avec l’armistice. En quelque sorte, je retourne à la vie civile. Je vais tâcher de me rendre utile là où je pourrai, je suppose. Et vous ? Vous allez bientôt rentrer dans votre ville natale. J’imagine que vous êtes impatient de revoir les vôtres ?

Avait-elle laissé percevoir ma pointe d’angoisse qu’elle ressentait à cette idée ? Et pourtant elle allait devoir se faire une raison : Arthur était destiné à retourner dans sa cité lumineuse, auprès des siens. Il y avait une vie à reprendre et elle n’y pouvait rien bien que cette séparation inéluctable la rende triste.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur pinça les lèvres et acquiesça. Il était désolé pour la jeune femme : elle n'avait manifestement pas réussi à retrouver un élan pendant les mois de combat. C'était sans doute normal : lutter pour survivre ne laissait pas beaucoup de place à de grandes réflexions spirituelles. Mais à présent qu'elle était libre, elle allait pouvoir réfléchir au futur de tout son saoul.
" Oui, les miens me manquent. Mais la commanderie, pour moi... C'est ma famille. C'est le seul endroit vers lequel je puisse retourner, jamais."
Il s'empourpra.
" Enfin. Je voulais dire... Je me suis embarqué clandestinement... Ils doivent s'être beaucoup inquiétés. Je serai heureux de les revoir et ils seront soulagés de voir que je suis vivant. J'espère."
Il ne put s'empêcher de sourire, puis redevint plus grave.
" J'imagine que vous allez commencer par aller voir vos parents ?"

[Chandara]

Oh ! Il se souvenait de ce qu'elle avait dit à propos de sa famille ! Même après les mois qui s'étaient écoulés. La jeune femme en fut profondément touchée et elle répondit d'un ton rêveur, le regardant au passage comme pour mieux graver ses traits doux et la couleur de ses yeux dans sa mémoire :

- Oui, eux aussi ont du s'inquiéter à mon sujet. Je vais commencer par leur envoyer une lettre pour les rassurer puis je me rendrai à Cojum pour vérifier que tout va bien pour eux. Enfin, dès que je pourrai quitter Manost : la situation en ville m'inquiète un peu. Ces bâtiments incendiés, cet espoir qui semble avoir quitté les miens. Je crois qu'il est de mon devoir de rester un peu ici pour aider comme je le peux.

Elle marqua une pause puis sembla se souvenir d'un détail et ajouta d'un ton un peu inquiet :

- Mais pourquoi dites-vous que la commanderie est le seul lieu où vous puissiez retourner. Vous m'aviez dit combien votre famille ne vous apprécie pas à votre juste valeur mais je suis certain que votre mère s'inquiète tout de même pour vous, non ?

[Arthur de Faisanlys]

Arthur poussa un bref soupir et tenta de retrouver le sourire.
" Ma mère ne m'a pas adressé la parole depuis que je suis entré à la commanderie. Elle était contre et je le savais, mais je ne l'ai pas écoutée. Je ne sais pas si elle s'inquiète. A mon avis, elle ne sait même pas que je suis parti, alors..."
Quant à son père, il n'était pas prêt à en parler. Pas encore.
" Non, les gens qui se soucient de moi sont à la commanderie... et quand je vais rentrer, je vais sûrement écoper d'un blâme carabiné. Je risque d'être consigné à l'intérieur pendant trois mois, responsable des latrines ou de la vaisselle, quelque chose comme ça. Mais je l'aurai mérité, cela va sans dire. Un paladin doit obéir à son supérieur, surtout quand c'est un homme sage qui ne lui a jamais failli."

[Chandara]

Chandara lui adressa un regard compatissant quand il évoqua son rapport avec sa mère et ne sembla pas noter l'absence de mention à son père. Ou alors, elle avait choisi de ne pas insister à dessein. Au lieu de cela, elle répliqua d'un ton sincère quoiqu'un brin amusé peut-être :

- Luménis me semble être une ville aussi attirante qu'étrange soudain ! Ainsi, vous y consignez un paladin dans les latrines pour récompense de son courage et de son abnégation ? Bon, je vous l'accorde, désobéir à un supérieur n'est pas la chose à faire mais vous vous trompez sur un autre point : il n'y a pas qu'à la commanderie que des personnes se soucient de vous, loin de là.

Cette dernière remarque, particulièrement, avait été prononcée d'un ton doux. Et la paladine en rougit immédiatement jusqu'aux oreilles, consciente un peu tardivement de sa propre audace.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur s'empourpra à son tour. Il n'était pas complètement né de la dernière pluie.
" Vous ne devez plus vous inquiéter, alors, Chandara, dit-il simplement, avec un sourire doux. Je suis vivant, en un seul morceau... Bien sûr, je n'irai pas jusqu'à dire que l'expérience a été agréable mais... elle a été... enrichissante, je suppose. Je ne sais pas bien quel est le terme approprié. J'ai embrassé le métier des armes il y a quelques années seulement, et à vrai dire, ce n'était pas la première fois que j'ai combattu... ni même la plus troublante... mais c'est éternellement un choc. La lumière le vaut bien, je sais."