La Couronne de Cuivre

Arthur abandonna le magicien blessé pour se porter à l'aide d'Alurtil. Il était conscient que se battre dans cette pénombre n'allait pas être facile et il veilla à se positionner à un endroit où il ne risquait pas de toucher son allié par inadvertance... en espérant qu'il parviendrait à faire la différence entre un nain et quoi que soient ces créatures au coeur de la mêlée...

La différence principale entre Alurtil et ces créatures fut sans doute que le nain, conscient des difficultés de l'humain, s'efforça lui aussi de demeurer à distance, ce qui était loin d'être dans les objectifs de ces créatures. Ils purent, à eux deux, contenir les assauts un certain temps ; mais leurs adversaires étaient nombreux. Beaucoup trop pour deux. Avant que les deux combattants du bien ne cèdent finalement sous le nombre, toutefois, des bruits se firent entendre au dehors. Bruits de sabots et d'armes. De l'énorme porte qu'il avait vue de l'extérieur et qui, constata-t-il à ce moment, était désormais ouverte, parvinrent également les lueurs de flambeaux…

Arthur, en bon Lathandrite, n'avait pas envisagé une seule seconde qu'Alurtil et lui-même puissent avoir le dessous. Ils étaient entraînés, armés, décidés... et ils allaient gagner sans soucis, même si c'était un contretemps fâcheux. Aussi tomba-t-il des nues en réalisant qu'ils menaçaient d'être submergés. Comment était-ce possible ? Combien de petits monstres y avait-il ? Et comment diable pouvaient-ils être aussi résistants ?
Bref, il n'était pas ravi du tour que prenaient les événements... jusqu'à l'arrivée de la cavalerie.
" PAR ICI ! cria-t-il entre deux parades. ON A BESOIN D'AIDE !"
Un paladin qui appelle à l'aide. Misère de misère.
Mais à l'impossible nul n'est tenu, Arthur le savait bien...
En espérant qu'il s'agissait bien de renforts et pas d'une nouvelle compagnie de trucmuches infernaux.

C'était bien la cavalerie. Un groupe de soldats entraînés aux compétences diverses, comme Arthur les avait demandé, qui hâtèrent encore plus le mouvement en entendant son appel à l'aide. Ils étaient, sans doute, individuellement, moins efficaces qu'un gardien ou un paladin contre ce type de créatures, mais ils étaient suffisamment nombreux et coordonnés pour renverser rapidement la situation. Malgré l'heure avancée, Lathandre n'avait pas laissé tomber son champion.

Quelques minutes de bain de sang plus tard, le paladin pouvait de nouveau prendre le temps d'observer les environs, à la toute nouvelle lueur des torches. Toutes les créatures informes avaient été massacrées, de même que l'un des diablotins – celui qui l'avait chargé, semblait-il. L'autre avait sans doute profité du chaos pour s'enfuir. Alurtil, essoufflé par cette lutte de longue haleine, se tenait au milieu d'une pile de cadavres fiélons. L'incantateur gisait au sol, toujours inconscient. Autour de lui, son autel et les autres éléments de son rituel avaient été grandement malmenés durant la lutte. À l'endroit où le portail avait été ouvert, puis fermé, deux corps étaient étendus au sol. L'un était assez notablement celui d'une créature des plans inférieurs ayant souffert du transfert (ou d'autre chose). L'autre, vu de loin, semblait être celui d'une femme. Morts ou seulement inconscients ? Difficile à dire sans les examiner plus attentivement.

Pour l'heure, les soldats de Rohan se déployaient autour d'eux, dans l'objectif évident de chercher à s'assurer qu'il n'y avait plus de menaces aux alentours. Inutile de chercher à remettre les blessés sur pied si c'était pour qu'un ennemi embusqué ou un piège les achève aussitôt. Une prêtresse ne tarda cependant pas à venir lui demander comment il se sentait.

Arthur était couvert de sueur malgré la fraîcheur de la nuit mais, doucement, il reprenait son souffle. C'était une chance qu'ils aient pris le temps de faire l'aller-retour jusqu'à Rohan plutôt que de tenter de régler le problème juste à eux deux. La lumière avait révélé un champ de bataille pour le moins répugnant et le jeune paladin réalisa que c'était une vision plutôt digne de sa représentation des Enfers. Mais ils avaient prévalu, Lathandre en soit loué. Son armure était sale et aurait besoin d'un sérieux entretien, comme son épée. Il se demanda si Phénix accepterait de le reprendre en selle.
Il se tourna vers la prêtresse quand elle lui adressa la parole et sourit.
" Oui, je crois que je suis entier, merci."
Puis il songea qu'il pouvait encore ajouter sa petite pierre à l'édifice et incanta brièvement pour détecter le mal autour de lui. Cela l'informerait de la survie de certains et du degré de méfiance à leur accorder sans devoir passer par de longs palabres.

Sa détection du mal était, sans doute, faussée par le grand nombre de cadavres fiélons dans cette pièce, ainsi que par le rituel qui venait d'avoir lieu. Chacune de ces choses avait dégagé une aura maléfique puissante, dont les résidus, quoiqu'atténués, étaient encore perceptibles. Toutefois, rien ne semblait à première vue dépasser de ce bruit de fond. L'incantateur lui-même ne s'en détachait que de peu, qu'il ait fini par mourir ou qu'il n'ait, contrairement aux apparences, pas été si maléfique – ou si puissant – que cela. Difficile de faire la différence entre les deux par ce biais. Des deux corps étendus au sol au niveau du portail, celui qui était manifestement fiélon semblait plus ou moins dans le même cas. L'autre, celui de la femme, ne semblait pas doté d'une aura spécialement maléfique, même résiduelle. Naturellement, il n'y avait aucun doute non plus concernant Alurtil et les soldats de Rohan. Et, aux alentours immédiats, Arthur ne détecta rien d'autre.

Arthur se dirigea donc vers la femme, d'un pas un peu hésitant, se demandant soudain si elle avait servi de sacrifice dans la cérémonie qui venait d'avoir lieu. Il allait déjà voir si elle était vivante et si elle avait besoin de soins. Ensuite, il serait sans doute temps de s'entretenir avec Alurtil pour aviser de la suite des opérations. Un bain et un bon lit semblaient deux éléments à glisser dans la conversation... mais il n'était pas certain qu'il soit très réaliste de les espérer dans les heures prochaines.

À première vue, la femme semblait vivante. Inconsciente, certes, mais sans blessure apparente. Sans doute avait-elle été malmenée avant de se trouver là, cependant, car ses habits étaient par endroits brûlés ou déchirés, et laissaient apercevoir des contusions dont certaines semblaient dater de quelques jours. D'autres marques, plus fraîches, avaient dû être provoquées au cours de la mêlée, ou lors de sa traversée du portail – si c'était bien ainsi qu'elle était arrivée là.
Mais un autre détail attira l'œil du paladin : au front de cette femme, à moitié dissimulées dans ses cheveux, on pouvait distinguer deux petites cornes…

Arthur jura à mi-voix. Cette femme était probablement une créature semi-démoniaque, peut-être une tieffeline. Il n'était pas expert en races extra-planaires, mais celle-là était parmi les plus connues, et il en avait probablement croisé déjà plus d'une fois à Luménis, sans le savoir forcément. Il savait aussi que ces humanoïdes n'étaient pas forcément mauvais... mais il pensait se souvenir qu'ils n'étaient jamais complètement fiables. Si en plus cette femme venait d'ailleurs...
Il se redressa et chercha Alurtil du regard. C'était lui l'expert, après tout, il saurait quoi faire.

HRP : Mes excuses pour le délai.

La prêtresse qui avait prit de ses nouvelles était désormais penchée sur l'incantateur. Les autres soldats continuaient de s'occuper des alentours, et la plupart d'entre eux n'étaient plus dans la pièce. Lorsqu'Alurtil s'approcha à son tour des deux corps, il eut un frisson.

« Une tieffeline ? Qu'est-ce qu'elle fiche ici ? »

Il ne semblait pas particulièrement apprécier ce genre de créatures – difficile, sans doute, d'attendre autre chose de la part de quelqu'un qui, comme il l'avait exposé plus tôt dans la journée, considérait les plans inférieurs et ce qui en provenait comme l'origine corruptrice de tout le mal présent en ce monde –, mais c'était surtout la perplexité qui se dessinait présentement sur ses traits. Il avait, assurément, affronté de nombreuses situations impliquant des fiélons, mais celle-ci paraissait lui sembler bien plus étrange que les autres…

HRP : pas de soucis, je n'avais pas prévu d'être dispo avant le 15 et je ne sais pas à quoi ressembleront les jours prochains

Ah non, Alurtil n'avait pas l'air d'avoir de réponse à cette question-là.
" J'imagine qu'on pourra lui demander quand elle reprendra connaissance. Son aura n'est pas très sombre. Même si je suppose que ce genre de créatures doit pouvoir la masquer à loisir..."
Il haussa les épaules.
" On ne va de toute façon pas la laisser là."

La remarque sur les auras ramena visiblement le nain en terrain connu.

« Non, masquer leurs auras n'est pas dans les tromperies habituelles de ce genre de créatures. Surtout dans cet état. »

Il se pencha plus attentivement sur la femme, faisant appel à ses propres pouvoir de détection du mal – guère différents de ceux du paladin.

« En théorie, ils ne sont pas tous mauvais. Égoïstes, assurément. Dignes de confiance, certainement pas. Mais mauvais… pas forcément, encore que je n'en avais encore jamais rencontré qui ne le soient pas. »

Il se redressa pour chercher Arthur du regard.

« Que savez-vous de la Guerre Sanglante ? »

Arthur grimaça. La Guerre. Quelle qu'elle soit, il n'avait plus envie d'en entendre parler, jamais. Rien que le mot évoquait des choses trop cauchemardesques pour les évoquer volontairement. Il se reprit, cependant. Alurtil parlait d'un conflit bien précis.
" Je suis assez bon en histoire hélonnienne... mais en histoire des plans..."
Il avait étudié ces choses, pourtant, durant son noviciat accéléré.
" C'est cette guerre éternelle que se livrent les diables et les démons, non ?"

Le nain acquiesça.

« C'est la chose la plus importante qui soit pour un être des plans inférieur. Hormis peut-être les Seigneurs des Enfers et les Princes des Abysses qui préfèrent comploter contre leurs semblables, tout fiélon se trouvant confronté à un fiélon du bord opposé l'attaquera avant toute autre chose. »

Il jeta un regard vers l'extérieur, avant de passer un regard circulaire vers les cadavres de monstres qui emplissaient la pièce.

« Vargouilles et destriers noirs ne sont pas alignés, et peuvent servir aussi bien les uns que les autres. Les diablotins, en revanche… eh bien, leur nom est parlant. Les lémures que nous venons d'affronter sont clairement situés, également : ils sont la piétaille des enfers, dénués d'intelligence par eux-mêmes, mais répondant aux ordres des diables de rang supérieur – sans un diable pour les contrôler, ils s'en prennent à tout être vivant qui passe à leur portée. Cette créature étendue là ressemble fort à un serviteur infernal de bas étage. Tout cela est assez explicite sur le type de fiélon dont notre homme a sollicité les pouvoirs. »

Son regard revint à la tieffline sur laquelle il se pencha de nouveau.

« Celle-ci présente les caractéristiques d'une ascendance démoniaque. Elle n'est peut-être pas maléfique par elle-même ; mais elle est assurément chaotique. »

" Donc c'est possible que l'invocateur ait... dérangé une bataille de cette guerre, en aspirant par mégarde une tieffeline et son adversaire, quelque chose comme ça ?"
Arthur soupira.
" De toute façon, il faut en faire quelque chose... et puisqu'elle n'est pas mauvaise, on ne va pas la tuer pendant qu'elle dort... Ce ne serait pas bien. Est-ce que vous savez rouvrir un passage vers son plan ? Il y a des sortilèges pour ça... pas à la portée d'un paladin, mais je ne sais pas ce que vous savez faire, vu que vous êtes... un gardien."

« C'est sans doute l'explication la plus simple, pour que ces deux-là se soient trouvés au même endroit, oui. J'imagine qu'il faudra l'interroger pour en apprendre davantage lorsqu'elle sera en état – mais il ne faudra bien sûr pas la croire aveuglément. En attendant, j'imagine que nous pourrions nous-mêmes tenter de prendre quelque repos. »

Il étouffa un bâillement.

« Je peux renvoyer les extérieurs dans leur plan à peu près de la même façon – et avec les mêmes limites – que vous repoussez les morts-vivants. Cela n'affecte d'ordinaire pas les sangs-mêlés, puisqu'ils sont généralement natifs de notre monde. Mais dans ce cas, ils se retrouvent rarement à combattre dans les plans. »

Pendant qu'ils parlaient, les gardes achevaient leur examen des lieux. Quelques artefacts à étudier avaient été mis sous clef ; mais il ne semblait plus n'y avoir ni piège, ni créature vivante aux alentours. Leur tâche, pour ce soir, du moins, semblait toucher à sa fin.

" Vous avez raison... Je tombe de sommeil. Rester en selle jusqu'à Rohan va déjà être un défi... Mais ça me fait penser au cheval de feu... et puis au diablotin qui s'est enfui... Est-ce qu'on peut vraiment plier bagage comme ça ? Je ne suis plus en état de grand chose, mais... c'est mon devoir de m'assurer que les choses sont..."
Il étouffa un bâillement au creux de sa paume.
"... sans danger pour les gens."

Alurtil jeta un regard aux soldats.

« L'un comme l'autre auraient assurément attiré l'attention de ces hommes s'ils étaient encore à portée : je suppose donc qu'ils ont dû prendre la tangente. Je doute que nous ayons beaucoup de succès en nous lançant à leur recherche en pleine nuit et dans notre état – mais puisque c'est vous qui avez rameuté tout ce monde, je suppose que vous pouvez leur conseiller de lancer des patrouilles. Pour ma part, l'expérience m'a apprit que combattre efficacement le mal nécessite parfois de passer le relais à d'autres le temps de se remettre sur pied. »

Le nain avaient effectivement l'air aussi épuisé que ne devait l'être Arthur. Quant à la prêtresse qui avait prit de ses nouvelles un peu plus tôt, une fois sa tâche auprès de l'incantateur achevée, elle les rejoignit pour se pencher sur la tieffeline, sans sembler prêter la moindre attention aux cornes de cette dernière.

Arthur faillit attirer son attention sur la chose, mais s'en abstint. Les clercs étaient des intellectuels, elle savait fatalement à quoi elle avait affaire et quoi en penser. Il laissa donc Alurtil, la tieffeline et la prêtresse pour rejoindre l'officier en charge de l'opération et lui parler des deux créatures qui s'étaient enfuies. Ensuite, il se rangerait à l'opinion du Gardien, en allant rejoindre son lit. La crise des incendies à Rohan était sans doute terminée, désormais, puisque l'apprenti invocateur avait été neutralisé. Arthur avait joué son rôle et, au final, ne s'en était pas trop mal tiré.

L'officier accueillit les informations fournies par le paladin avec sérieux, et entreprit aussitôt d'organiser les recherches – si le cheval de feu semblait l'intriguer plus qu'autre chose, le diablotin, compte tenu du rôle que lui et ses semblables avaient joué lors des incidents en ville, était clairement considéré comme nuisible. Il en profita pour remercier chaleureusement Arthur pour le rôle important qu'il avait joué dans les événements. et indiqua qu'on le tiendrait au courant des suites.
Après quoi il put regarder son auberge, sans qu'aucun incident digne d'être mentionné ne survienne. La journée avait été longue, et il avait bien mérité du repos… du moins, pour les quelques heures qui le séparaient encore de l'aube et de ses devoirs religieux.

HRP : pas d'incident nocturne. Je te laisse gérer ses prières et tout le tintouin qui va avec, et nouvelles tu auras ensuite.

Edit : et posté à l'heure π !

HRP : j'espère que tu as vérifié tes secondes

Arthur se déshabilla sur le pas de sa porte (à l'intérieur quand même !) et laissa ses vêtements crasseux en un petit tas informe avant de faire trois pas jusqu'à son lit où il s'écroula dans le plus simple appareil. Le programme de la journée du lendemain était tout tracé : bain, lessive, entretien de matériel, les joies de la carrière de paladin.
Il eut l'impression de fermer les yeux, de compter jusqu'à trois, de les rouvrir, et c'était l'aube.
Moulu, presque désorienté, il se trouva une tunique et descendit jusqu'à la cour de l'auberge, plus zombie que chevalier, pour aller prier. Il manqua s'endormir pendant le Salut à l'Aube, perdit le fil du Cantique des Aurores à deux reprises, s'emberlificota dans ses Oraisons et bâilla au moins dix fois, si bien qu'il termina ses prières en demandant pardon, embarrassé, à son dieu, pour cette piètre prestation.
Lathandre ne répondit rien mais le soleil se leva quand même et le jeune homme put reprendre le chemin de l'auberge où il comptait bien regagner son lit pour une heure ou deux, ou idéalement dix.

Le personnel de l'auberge respecta son second sommeil autant que le premier. Il ne dura, pour autant, pas la dizaine d'heures espérée : la faim le força à faire une nouvelle sortie vers le milieu de la matinée. Alors qu'il s'attablait, on vint le prévenir de plusieurs choses. La première était l'arrivée d'une missive lui étant destinée et qui lui fut promptement remise : il s'agissait d'une lettre d'excuse de ses collègues de Lunaros, dont l'arrivée était repoussée d'un jour ou deux des suites d'un incident de parcours dont la nature n'était pas précisée. La seconde était la visite de deux soldats de Rohan, désireux de savoir s'il comptait, ou non, les épauler pour la suite des battues, les créatures disparues n'ayant apparemment pas été retrouvées. Apprenant qu'il était reparti au royaume des songes au moment de leur visite, les deux hommes avaient signifié qu'il l'avait assurément mérité, et que leur demande n'était de toute façon que pure courtoisie, pour le cas où sa conscience professionnelle le pousserait à continuer sa tâche : sa présence était bienvenue mais son absence ne gênerait sans doute pas. La troisième était la visite, très peu de temps avant qu'il ne fasse sa réapparition, d'une prêtresse de Lliira, qui avait dit avoir quelques questions à lui poser, mais n'avait donné aucun détail. Elle venait de repartir pour son temple au moment où il était entré – mais avait dû l'atteindre le temps que toutes ces informations lui soient transmises et que sa faim soit calmée.

Arthur hésita. Même si la garde s'était montrée purement courtoise en requérant son concours, il avait l'impression qu'il dormirait mal tant qu'il n'aurait pas la certitude que les derniers évadés des enfers avaient été localisés et neutralisés. Il était d'autant plus embarrassé qu'il avait chevauché la créature flamboyante et qu'il n'avait pas été fichu de la ramener à l'écurie (or un bon paladin ménage TOUJOURS sa monture, même si elle se consume). Bref, il sentait que, nécessaire ou pas, il faudrait qu'il aille voir s'il ne pouvait pas quand même se rendre utile.
Mais, à tout juste vingt ans, Arthur était aussi curieux, très curieux, comme bien des garçons ordinaires de cet âge. Aussi décida-t-il de faire un petit détour par le Temple de Lliira. Il n'était pas très familier du culte de la Semeuse de Bonheur, mais c'était une déesse immanquablement agréable, aussi ne risquait-il sans doute pas grand chose...

Il n'eut pas bien longtemps à attendre au temple pour voir arriver la prêtresse qu'il avait rencontré la veille à la suite de l'affrontement. À la lumière du jour et dans un cadre plus léger qu'un champ de batailles jonché d'humanoïdes blessés et de lémures morts, elle semblait toutefois beaucoup plus à l'image de sa déesse. L'habit religieux en lieu et place de l'uniforme des gardes y contribuait d'ailleurs sans doute également.

« Ah, voilà donc le paladin de l'Aube qui dort le matin ! Bienvenue ! Pas d'effet secondaire de vos activités nocturnes ? »

C'était exactement le genre de remarque amicale qui embarrassait Arthur au plus haut point et il vira au rouge.
" Je... les paladins de l'Aube dorment la nuit, en général... et je me suis levé ! C'est juste que je me suis recouché ensuite."
Il n'aurait jamais imaginé qu'une prêtresse de Lliira puisse travailler pour la garde de Rohan. C'était une curieuse affectation pour quelqu'un qui louait la joie, la danse et le rire. Mais la vocation religieuse prenait des voies imprévues, loin de lui l'idée de remettre les choix de la jeune femme en question.
" Et je vais très bien, merci à vous de vous en inquiéter. Je ne crois pas avoir été... Je ne sais pas... marqué par les choses."
Mais on disait toujours que les courbatures survenaient le surlendemain de l'effort, il était donc prématuré d'en juger.

« Bon, tant mieux. Un beau jeune homme comme vous, ce serait dommage de devoir le cloisonner dans un lit d'hôpital. »

Elle lui passa le bout des doigts sur la joue du paladin d'un air amusé, sans faire la moindre remarque concernant son brusque changement de couleur.

« En fait, je voulais vous demander des précisions sur ce qui est exactement arrivé à l'homme que vous avez… arrêté hier soir. Nous les avons emmenés ici lui et la tieffeline, et, hum, disons que ça pourrait m'aider à le remettre sur pieds. »

Apparemment, le fait que la première direction que lesdits pieds emprunteraient ceci fait soit sans doute celle du tribunal ne semblait pas, pour l'heure, entrer en ligne de compte.

Arthur avait viré au pourpre et fut reconnaissant à la jeune femme de changer de sujet. Sa réponse lui avait furieusement rappelé quelqu'un d'autre... Diable, qu'avaient-elles toutes à aimer le faire changer de couleur ?
" Heu... ha... Et bien... Je crois que je l'ai frappé. Avec mon épée. Pendant qu'il incantait. Je n'avais pas l'intention de le tuer, au départ, mais c'était... un peu le bordel, si vous me pardonnez le vocabulaire... Et puis il y a eu comme un éclair, vous savez, une décharge... et puis du vent... et puis les lumières se sont éteintes. Sans doute à cause du vent qui a soufflé les bougies, je suppose. Et une sale bête m'a griffé. Mais ça je pense que vous vous en êtes occupée, et puis de toute façon, ça ne concerne pas l'incantateur. Enfin si, vu que c'est lui qui a invoqué ces vermines. Mais bon, je l'avais déjà... hum... heurté."

« Oh. »

Elle secoua légèrement la tête, le temps sans doute de s'assurer de bien avoir assimilé tous les propos du paladin.

« Si cela peut vous rassurer, s'il meurt, ce ne sera pas des suites de votre coup d'épée. Ni du vent, sans doute. Est-ce que vous pourriez m'en dire un peu plus sur cet éclair ou cette décharge ? Est-ce que cela a semblé produire un quelconque effet sur vous ? »

" Heu... Non. Non, je ne crois pas."
Il grimaça.
" Vous pensez que ça a pu m'affecter ? Je me sens bien, pourtant. Enfin, je crois. Qu'est-ce que je devrais ressentir ? C'était juste... comme de la foudre, vous voyez ? Des étincelles... J'ai eu l'impression que le temps était un peu... différent, mais je suppose que c'est à cause de la surprise de tout ce qui s'est passé en même temps... Non ? Et puis après tout le monde est resté figé un moment... Moi et Alurtil, je pense qu'on était... prudents... Les lémures, je n'en sais rien."
Il espérait vraiment ne pas avoir été contaminé par une énergie démoniaque. C'était vraiment le genre de choses qui n'était pas très indiqué dans sa carrière...

« Honnêtement, non. Si ça vous avait affecté, vous n'auriez pas aussi bonne mine. Et puis, cet éclair n'était peut-être pas la cause ; il peut s'être passé quelque chose que vous n'avez pas vu après que les lumières se soient éteintes. En tout cas, il semble avoir été atteint par une forme d'énergie magique que j'ai du mal à identifier. »

Elle paraissait légèrement déçue.

« J'espérais que vous puissiez m'en dire davantage ; mais nous finirons bien par trouver. Peut-être que la tieffeline pourra nous en dire davantage, elle s'est réveillée juste avant que vous n'arriviez. »

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Rohan