La Couronne de Cuivre

L'expérience était pour le moins intimidante. Chaque échec ou note discordante le crispait et il dut prendre sur lui de procéder par étape, d'essayer de retenir chaque note puis les enchaînements, un à un. Le souffle, les positions, les successions de mouvements en coordination : le principe n'était pas si différent de celui de l'escrime quand on y réfléchissait sous cet angle, quand on faisait abstraction des regards attentifs de Tilmandil et de celui, plus pressant encore de sa compagne.

- Je suis certain qu'Eärundra sait parfaitement jouer et que tu ne fais ça que pour te venger de tous les cours de survie que je t'ai dispensé !

Tilmandil secoua la tête.
- Je ne m'y connais guère plus en druide qu'en rôdeur... mais je ne vois pas trop à quelle occasion elle aurait pu apprendre à jouer d'un quelconque instrument ! Donc inutile de te défiler, ce sera bien à toi que reviendra le rôle de vous fournir en eau...
- Cela dit, elle dispose peut-être de sortilèges qui peuvent créer de l'eau, elle aussi..., intervint Sylvia.
- Taratata... ne va pas l'aider à se défiler ! Et s'ils sont séparés ? S'il doit survivre seul dans le désert ? Non, non, il va apprendre à jouer de ce pipeau, enfin, juste cette mélodie, un point c'est tout !
Et il reprit ses explications, patiemment.

Au bout d'un temps qui lui parut infini, Kasumi parvint à jouer correctement l'enchaînement des notes. Tilmandil prit sa propre flûte pour lui jouer la mélodie une fois ou deux, pour qu'il la mémorise. Elle était heureusement très courte. Peu à peu, le rôdeur parvint à moduler la durée de ses notes pour se rapprocher de l'effet recherché. Bien sûr, ce qu'il jouait était bien plus lent que la mélodie d'origine... mais le pipeau dut finir par reconnaître l'air, puisqu'un minuscule filet d'eau commença à couler de son extrémité.

Kasumi n'était finalement pas peu fier de sa performance mais il avait la tête qui tournait à force d'essais répétés et de notes qui finissaient par toutes se ressembler.

- Eh bien voilà ! Je n'aurais jamais cru que ce serait aussi difficile d'exercer le métier de barde ! En tous cas, j'espère que je n'aurai pas tout oublié demain matin.

Enfin, il se tourna vers Sylvia en lui souriant, très fier de lui-même quand il annonça :

- C'est à tour je crois ! Je vais pouvoir me reposer un peu en t'écoutant !

Sylvia lui rendit un sourire un brin insolent en lui prenant le pipeau des mains.
Sans la moindre hésitation, elle le porta à ses lèvres, semblant savoir parfaitement ce qu'elle faisait... Et souffla dedans de toutes ses forces sans prendre la peine de boucher le moindre trou. Un sifflement strident s'en échappa, arrachant une protestation véhémente à Tilmandil, et faisant fuir son faucon.
- Et bien quoi... ? C'est une excellente imitation du cri du "jaseur des cèdres", un petit oiseau de ma région. Assez proche aussi de celui de l'"Arrenga siffleur". Ou de certaines Effraies... Désolée, Tilmandil, mais c'est pour moi la seule façon utile d'utiliser cet instrument.... Comme appeau !
Et elle lui rendit l'instrument avec un sourire innocent.

Kasumi prit un air parfaitement scandalisé et fut le premier à réagir d'un ton offusqué :

- Mais c'est de la triche !

Mais l'air surpris de Tilmandil et la lueur dans le regard de Sylvia le fit finalement éclater de rire et il l'enlaça dans ses bras sur une impulsion avant d'ajouter d'un ton plus doux :

- Tu n'as décidément aucun talent pour la musique, encore pire que moi ! Mais en tous cas tu imites très bien les jolies oiselles.

- De nous deux, c'est toi le barde, conclut-elle d'un ton léger.
- Hey, j'espère bien que non ! Sinon je deviens quoi, moi ? Rôdeur ?
Au-dehors la nuit était tombée, depuis un certain temps sans doute.
- On ferait mieux de rentrer... enfin, je veux dire, de rejoindre les autres...
Sylvia ne devait y voir goutte. Elle se blottit dans les bras de son compagnon, en silence, et se laissa entraîner dehors. La seule chose qui se distinguait, dans la neige qui avait cessé de tomber, était une lueur rougeâtre émanant de la grotte où se trouvaient Eärundra et Elvilith, signe que le feu flambait toujours... ce qui leur fit prendre conscience, un peu plus crûment, du froid qui régnait.

Il faisait effectivement très froid, de quoi encourager Tilmandil à presser le pas pour les devancer dans la grotte chauffée et illuminée, si attirante. Kasumi était pourtant moins pressé et passa un bras par dessus les épaules de sa compagne en la dirigeant plus lentement. C'était leur dernier soir avant le départ et il en avait tout à fait conscience, ressentant un petit pincement au cœur. Ils ne pourraient pas même le passer en toute intimité.

- Viens ma belle, je ne voudrais pas que tu prennes froid.

Sylvia avait elle aussi ralenti le pas, se serrant contre lui. Et sans doute les pensées qu'elle nourrissait rejoignaient-elles celles de Kasumi car elle finit par murmurer.
- Tu crois... tu crois qu'ils nous en voudraient beaucoup si on s'installait dans une autre grotte pour la nuit ?
Il la vit rougir, d'autant qu'elle ne cherchait pas à dissimuler son visage, oubliant sans doute que ses capacités à voir la nuit s'étendaient aussi à ce genre de détail.
Et il y avait effectivement d'autres grottes toute proches. Mais certainement glaciales...

Kasumi se tourna vers elle et lui sourit, ne s'attardant pas sur la rougeur de ses joues une fois n'étant pas coutume. Il répondit d'un ton doux en lui caressant tendrement le dos par dessus ses vêtements.

- Oui, il y a d'autres grottes. Ils ne nous en voudront pas, non. Mais il faut aller chercher nos affaires et de quoi allumer un feu sinon on va avoir très froid cette nuit. Cela dit, je suis toujours prêt à faire le nécessaire pour te réchauffer ! Tu veux que j'y aille seul ou tu préfères rester avec moi ?

- Et bien... Comment dire... Je n'y vois rien, en fait. Vraiment rien du tout. Et je n'ai pas envie de rester ici toute seul dans le noir et le froid. Cela dit, je n'ai pas envie spécialement, non plus, d'aller dans la grotte, je vais devenir rouge comme une pivoine devant leurs regards moqueurs...
Elle grimaça.
- Je propose qu'on se choisisse une grotte... Et je t'y attendrai. Si on peut ramasser quelques branchages, ou si tu trouves un peu de mousse sèche, je commencerai à faire un peu de feu... Simplement, il faut éviter la grotte où se trouve Léo, je n'ai pas envie d'avoir deux yeux jaunes en train d'épier nos gestes !

La grotte qu'ils venaient de quitter ne pourrait pas faire l'affaire : trop peu profonde, il ne serait pas possible de s'y isoler du froid provenant de l'extérieur. Kasumi repéra une anfractuosité pas trop éloignée et qui semblait répondre aux critères de sa compagne et partit rapidement l'explorer avant de revenir vers elle et d'annoncer :

- C'est petit : on pourra faire un feu mais on devra se serrer. Et il n'y a pas de lion pour nous espionner ! Viens, je vais te montrer puis j'irai bravement affronter les taquineries de ces elfes !

Sylvia le suivit, bien obligée de le croire sur parole pour ce qui était du confort et de l'étroitesse du lieu. Le ciel couvert ne laissait pas passer le moindre rai de lumière. Kasumi trouva un peu de mousse sèche sur la paroi, quelques branchages également, au pied d'un buisson d'épineux, juste à l'entrée de la grotte, et la rôdeuse put s'activer, dans l'obscurité complète, à allumer un petit feu tandis que son compagnon allait chercher leurs affaires... et davantage de bois.

Comme il s'y attendait, Kasumi fut accueilli par des taquineries.
- Qu'as-tu donc fait de ta belle ?
- Ne me dis pas que tu l'as livrée en pâture à Léo pour t'en débarrasser ?
- Ou fait trébucher dans une crevasse ?
- Mais non, regarde comme il devient tout rouge tout à coup...
- Je vois... Alors je vous avertis... cette provision de bois est à nous ! J'ai ici un barde asthmatique et une aïeule rhumatisante, je me dois de leur fournir tout le confort dont ils ont besoin ! Il va falloir vous ravitailler ailleurs !
Bien sûr, les deux intéressés se récrièrent avec véhémence.

Kasumi évita de croiser les regards goguenards de ses compagnons pour se concentrer sur les deux sacs qu'il avait l'intention de prendre. Il fit la sourde oreille des taquineries de bon ton mais parfois de mauvais goût. Et à toutes ces petites provocations, il se contenta de répondre par un timide "Bonne nuit" avant de battre rapidement en retraite. Avant de rejoindre sa belle et la grotte qu'ils s'étaient choisie, il avait l'intention de ramasser le petit bois qu'il pourrait trouver en chemin.

Tilmandil parut particulièrement vexé de se voir ainsi ignoré, et harcela le rôdeur de plaisanteries jusqu'à ce qu'il sorte de la grotte. Eärundra et Elvilith avaient, elles, abandonné la lutte.
Il trouva un peu de petit bois en chemin. Trop peu, hélas, pour faire une flambée suffisante pour chasser durablement la fraîcheur nocturne. Il lui faudrait s'aventurer sous le couvert des sapins pour pouvoir se constituer une provision suffisante...
Le faible reflet rougeâtre qu'il distingua sur les parois de la grotte l'avertit que sa compagne était parvenu à allumer un début de feu. Elle l'attendait, les yeux fixés sur le trou béant de l'entrée, et il la vit tressaillir, puis sourire, lorsqu'elle le vit arriver. Son faucon n'était pas visible. Peut-être avait-il trouvé refuge ailleurs...

Kasumi avait décidé de se délester en amenant les sacs et le premier chargement de bois dans la petite grotte qu'il partagerait avec sa compagne. Il irait ensuite s'aventurer plus loin pour trouver la quantité nécessaire pour passer toute la nuit.

- Je vais aller chercher un peu de bois en plus pour nous réchauffer.

En posant les sacs, il avait annoncé ses intentions mais quand il croisa le regard de Sylvia et vit son sourire charmant, il ne sut résister à la tentation de venir déposer un baiser sur ses lèvres au passage.

- Est-ce que ça suffira pour cette nuit, mon amour ?

Un clin d'œil lui signala - si besoin était - qu'il maintenait volontairement une ambiguïté sur ce qui suffirait entre leur abri, la quantité de bois ou la marque d'affection qu'il venait de lui dispenser.

- Certainement pas, s'exclama la rôdeuse, attrapant sa nuque pour l'attirer à nouveau vers elle et l'embrasser passionnément.
Elle finit cependant par le relâcher, avec une grimace désolée.
- Mais je pense qu'il va falloir attendre que tu nous aies ramené davantage de bois pour la suite des réjouissances... Sinon nous allons nous réveiller congelés demain matin ! Je vais installer nos couchages pendant ce temps...

Kasumi se sentait déjà considérablement réchauffé mais Sylvia avait raison : c'était une impression trompeuse et il leur faudrait un peu de bois avant de songer à autre chose. Dès qu'il fut retourné dehors, il ressentit le froid avec encore davantage d'intensité et ce n'est donc pas seulement la perspective de passer une excellente fin de soirée qui le fit se hâter vers les sapins qu'il avait repérés. Il lui fallut près de dix minutes pour obtenir une récolte satisfaisante et c'est complètement transi qu'il regagna enfin la petite grotte où attendait Sylvia.

- Brr, si tu as quelque-chose pour me réchauffer, je ne dirai certainement pas non !

- Hum... Si tu veux mon avis, rien ne vaut la chaleur humaine dans ce genre de cas...
Sylvia avait installé leurs couchages et un bon feu flambait déjà, qu'il ne restait plus qu'à entretenir. Elle s'était allongée, en l'attendant, mais elle repoussa ses couvertures tout en parlant, avec un sourire mi-innocent, mi-espiègle.
Il put constater qu'elle n'avait pas perdu de temps : elle était entièrement nue...

hrp : je te laisse résumer la nuit si tu veux....

Plus de badinages cette fois : la vision de Sylvia qui l'attendait sous les couvertures fouetta les sangs du rôdeur qui ne mit guère de temps à se débarrasser de son fagot de bois puis de l'intégralité de ses vêtements qu'il prit à peine le temps de déposer en tas sur son sac de voyage sous le regard amusé et intéressé de la rôdeuse. Lorsqu'il la rejoignit, il glissa malicieusement qu'il était impatient de tester sa méthode ce que son corps aurait eu grand peine à démentir.

Il n'avait plus froid du tout quand il se releva juste le temps de remettre un peu de bois sur le feu avant qu'ils ne se laissent aller à la langueur dans les bras l'un de l'autre, se regardant l'un l'autre avec délice à la lumière rougeoyante des flammes jusqu'à ce que le sommeil ne vienne les emporter en même temps.

Les trilles des oiseaux les réveillèrent, en même temps, aux premières lueurs de l'aube. La neige avait cessé de tomber, et le ciel était d'un bleu presque parfait. Un épais tapis blanc, immaculé, couvrait le sol en-dehors de la grotte. Leur feu était éteint et il faisait un froid de canard à en juger par la vapeur qui s'échappait de leurs respirations.
Le premier réflexe de Sylvia fut se se blottir davantage contre lui et de remonter encore leur couverture. mais il leur faudrait bien trouver le courage d'affronter le froid pour se lever. D'autant que leurs vêtements, déposés en tas près des sacs, n'étaient pas accessibles juste en tendant le bras...
- Si tu trouves le courage d'aller chercher de quoi nous habiller... Je te promets de te faire tes tartines au petit déjeuner !

Kasumi était pourtant si bien, blotti sous la couverture avec le corps chaud et doux de Sylvia tout contre lui. Il jeta un œil par dessus le tissu vers le feu éteint puis vers les vêtements, juste là mais pourtant parfaitement hors d'atteinte. Son regard n'y changea rien : leurs affaires étaient encore moins coopératives que les braises froides. Il lui fallait se rendre à l'évidence : il allait devoir tenter une sortie et il en frémissait d'avance. Il essaya piteusement de s'en sortir par des mots :

- C'est tentant mais j'aime bien faire mes tartines !

Mais devant l'air affiché par la rôdeuse, il rendit les armes et choisit de procéder rapidement : tergiverser ne réussirait qu'à lui faire prendre plus encore conscience du froid polaire. Mais, malgré cette résolution plutôt brave, il ne put retenir un cri étouffé après s'être glissé hors des couvertures et en touchant le sol de pierre glacé de la plante des pieds. Il eut instantanément la chair de poule et ses dents s'entrechoquèrent alors qu'il gagnait son sac au plus vite pour s'emparer de sa tunique entre ses doigts gourds. Il dut s'y reprendre à deux fois pour l'enfiler en dansant d'un pied sur l'autre. Et même alors le contact du tissu froid était pour le moins désagréable, le réchauffant à peine assez pour qu'il parvienne à enfiler ses chausses puis ses bottes. Il rapporta finalement les vêtements de Sylvia jusqu'à leur couchage et les lui tendit avant de souffler sur ses doigts dans une tentative pour les réchauffer.

- Tu préfères que je t'allume un petit feu pour t'habiller tranquillement ou rejoindre les autres pour le petit déjeuner qui nous attend sûrement ?

- Non, ne te casse pas la tête, va... Je vais simplement réchauffer un peu les vêtements sans les couvertures avant de les enfiler... Brrr, qu'ils sont froids... Tu ferais bien de t'enrouler dans une couverture, ça va prendre un peu de temps...
Sylvia sourit à son compagnon.
- Et ne me dis pas que tu comptais profiter encore une fois de mon chauffage corporel ! Je crois bien que je vais me congeler si tu oses te glisser sous cette couverture-ci avec moi...
Et elle s'emmitouffla chaudement dans l'une des couvertures, ses vêtements contre elle, lui laissant l'autre, heureusement encore chaude de la chaleur nocturne de leurs corps.

Elle s'habilla au bout de quelques minutes, se contorsionnant pour ne pas quitter l'abri de la couverture, et finit par s'en extirper en frissonnant, enfilant rapidement son manteau.
- On ferait bien d'aller voir si les autres sont plus matinaux que nous et s'ils ont déjà rallumé leur feu...
Matinaux, leurs compagnons l'étaient : les elfes dormaient décidément moins que les humains. Un bon feu flambait déjà dans leur grotte, et le thé avait été mis à infuser.

L'attente dans la grotte glacée n'avait pas été des plus agréables même avec la couverture puis son manteau. En comparaison, il paraissait presque faire meilleur dehors alors que la neige craquait sous les bottes. Le spectacle était à nouveau époustouflant de beauté mais aucun des deux rôdeurs n'avait envie de s'attarder alors que l'autre grotte promettait chaleur et nourriture. Et les elfes tenaient leurs promesses : l'avantage indéniable de voyager avec eux était de trouver à manger et un bon feu pour réchauffer l'atmosphère même au réveil. A son entrée dans la grotte, Kasumi salua joyeusement la compagnie :

- Bonjour ! J'espère que nous n'arrivons pas trop tard et que Tilmandil n'a pas fini toutes les tartines !

- Déjolé de te déchevoir, répliqua celui-ci, mais je chuis en train d'avaler la dernière. Heu, non, l'avant-dernière... passe-moi vite la dernière !
- Mais il reste du pain, du beurre, de la confiture, du miel, du fromage..., intervint Eärundra, paisiblement. Tout ce qu'il faut pour en préparer quelques montagnes. Venez donc vous réchauffer.
- Ah, c'est bien beau de vouloir s'isoler en amoureux... mais dans ces zones-là, mieux vaut rester groupés pour bénéficier d'un peu de chaleur corporelle.
- Hum... je ne crois pas qu'ils en aient manqué, de celle-ci.
- Vu leur air frigorifié, on dirait pas !
Sylvia, sans écouter les répliques des uns et des autres, s'était assise près de Tilmandil et s'empara de la dernière tartine, celle que venait justement de lui passer la grand-mère. S'ensuivit une brève lutte, qui se termina par la rupture de ladite tartine qu'ils n'eurent d'autre choix que de se partager. Pendant ce temps, Eärundra emplissait deux bols de thé chaud et leur tendait.
- Profitez donc de la fraîcheur des montagnes... Le désert sera nettement moins accueillant !

Kasumi avait été sincèrement amusé par l'ambiance taquine et le jeu entre Tilmandil et Sylvia le fit franchement sourire. La rôdeuse s'était tout de suite bien entendu avec son demi-frère et cela le réjouissait. Cela ne rendrait pas le départ moins difficile mais il aurait au moins l'assurance que sa famille veillerait sur la jeune femme pendant son absence. Une absence qu'il espérait la plus courte possible. Il se rendit compte que c'est la remarque d'Eärundra qui lui fit songer au départ et qu'un silence s'était installé depuis.

- Enfin surtout le jour parce que la nuit la fraîcheur fait vraiment penser aux montagnes, surtout à cause de la différence brutale de température. J'espère sincèrement que nous n'aurons pas à y passer longtemps.

Mais comme pour ne pas trop penser à cette perspective, le demi-elfe se mit à couper de nouvelles tranches de pain pour préparer de nouvelles tartines. Ce froid donnait faim et il n'avait pas l'intention de sauter un de ses derniers repas dignes de ce nom avant une veille probablement.

Eärundra hocha la tête.
- Surtout lorsque le ciel est aussi dégagé qu'aujourd'hui...
- Kasumi a déjà passé du temps dans le désert. Il n'est pas novice en la matière.
- Tu veux dire qu'il l'est moins que moi ? Je viens tout de même d'y passer un ou deux mois !
- Ah oui, j'oubliais...
- Bon... Et il arrive quand, cet aigle, qu'on lui prépare un comité d'accueil ?
- D'ici une heure ou deux, je dirais...
- Parfait. Je vais faire un brin de toilette, je reviens vite.
Tilmandil la regarda s'éloigner avec un air parfaitement ahuri.
- Elle va le faire où son brin de toilette ?
- Dans une rivière gelée probablement... ou dans la neige..., répliqua la grand-mère avec un haussement d'épaules, comme si c'était tout naturel.

Kasumi adressa un coup d'œil amusé à son demi-frère et se fendit d'un commentaire parfaitement dénué de sérieux :

- C'est très bon pour la circulation, les bains de neige ! Ne me dis pas que tu n'as jamais essayé ? Ah mais j'oubliais : tu ne le fais plus depuis que tu as goûté aux doux bains des palais du Calimshan. Tu as vraiment des gouts de luxe !

Ce faisant, il ne manifesta pas une seconde l'intention d'imiter Eärundra. Il comptait même passer la dernière heure avant l'arrivée de l'aigle bien au chaud. Il serait bien temps d'aller repérer le site d'atterrissage au retour de la druidesse.

Eärundra fut de retour une petite vingtaine de minutes plus tard, le teint rosi par le froid, les cheveux impeccablement nattés, et l'air parfaitement détendue.
- J'ai repéré l'endroit idéal pour faire atterrir l'aigle, annonça-t-elle. Il y a une anfractuosité où je pourrai me dissimuler juste à côté. Mais on a encore le temps avant son arrivée... et à vos mines, je devine qu'aucun d'entre vous ne ressent un besoin urgent d'eau fraîche. Vous avez tort pourtant, ça fait du bien ! On se sent rajeunir...
- Hum... je devrais peut-être me laisser tenter dans ce cas...
- Non, ça ne serait peut-être pas une bonne idée à ton âge tout de même...
- Il nous reste donc à trouver autre chose que des batailles d'eau pour passer le temps. Hum. Réfléchissons... un concert de mon jeune apprenti joueur de pipeau ?

La taquinerie était de bon ton d'autant que Kasumi ne se gênait pas pour prendre régulièrement Tilmandil pour cible des siennes. Le demi-elfe avait presque oublié cette histoire de pipeau et arbora une grimace qui en disait long sur ce qu'il en pensait. Il répondit d'un ton incertain :

- Je préfère m'entraîner sans public pour le moment si ça ne te dérange pas. Mais tu devrais jouer de cet air devant Eärundra histoire qu'elle puisse m'assister au besoin. J'espère que je ne l'ai pas déjà oublié...

Il s'en souvenait parfaitement : l'air était simple et il l'avait joué pendant près d'une heure sans discontinuer. Mais il ne se sentait vraiment pas d'essuyer des critiques et des moqueries qui pourraient le crisper si près du grand départ.

- Avec le froid qu'il fait, tu t'imagines que j'ai envie de jouer d'un pipeau magique qui ferait couler un filet d'eau glacé sur mes chausses ? Certainement pas !
- Je croyais que tu avais confié le pipeau magique à Kasumi et que tu avais le tien, fit innocemment remarquer Sylvia.
- Bon... Alors disons que je ne veux pas gaspiller mon talent à jouer un petit air ridicule alors que je pourrais, je ne sais pas... jouer la complainte des amours de Lathandre et Chauntéa dans son intégralité !
- Tu t'es un peu trop spécialisé dans le répertoire humain, je trouve..., soupira la grand-mère. Tu n'as rien sur la Seldarine ?
- Oh, je dois pouvoir trouver des épopées se passant dans les royaumes d'Arvandor... dites ce qui vous tente, et je m'adapterai !

La Couronne de Cuivre

[Everaska] Quête: Racines