La Couronne de Cuivre

En guise de réponse, il se tourna vers elle pour la prendre dans ses bras et la serrer contre sa poitrine. Au bout d’un moment, il souffla à son tour :

- Sans doute autant de bien qu’à moi de te revoir !

A n’en pas douter, qu’ils vivent aussi éloignés l’un de l’autre lui pesait un peu à lui aussi.

Amélie le serra dans ses bras le plus fort possible. Elle savait que dans leur couple, c'était elle qui qui avait la bougeotte et qu'il en serait toujours ainsi. Il aurait été égoïste de demander à Marvin de quitter l'abri familier de sa tour de mage pour l'accompagner sur les routes. Elle l'aimait trop pour cela. Mais elle savait très bien que les quelques jours qu'ils allaient passer ensemble les ressourceraient tous les deux.

Et le fait que leur relation soit officialisé par une visite à sa famille la comblait de joie.

Le repas devint rapidement leur dernier souci et Marvin relégua le plateau bien entamé sur la table de chevet avant de consacrer toute son attention à sa compagne. La suite du repas pouvait attendre maintenant qu'ils avaient repris quelques forces et la lueur dans le regard du mage montrait qu'il avait plusieurs idées en tête pour en faire bon usage...

Amélie avait vraisemblablement le même genre d'idées. Du moins ... Elle se jeta sur Marvin et le faisant basculer sur le lit lança une véritable attaque de chatouilles. Elle savait très exactement où il était le plus vulnérable et le fait qu'il soit nu constituait un véritable atout en sa faveur.

Elle aussi craignait les chatouilles mais elle avait pour le moment l'avantage et comptait bien en profiter.

Le jeune-homme fut totalement pris au dépourvu par cette attaque-surprise et se retrouva bien vite en fâcheuse posture, subissant les chatouilles sournoises visant ses points les plus sensibles sans pouvoir se défendre. Il fut rapidement hilare et à bout de souffle, incapable de riposter et tout juste d'implorer pitié.

- Arrête. Arrête ! Tu es trop forte !

Son quart d'heure de folie passé, Amélie se calma presque instantanèment. Elle eut un petit sourire penaud à l'adresse de Marvin avant de lui avouer.

"ça aussi ça faisait trop longtemps. Comme je n'avais que Léonard, Chandara, Angèle ou ma mère sous la main ... Maintenant ça va mieux, je te remercie."

Elle s'attendait toutefois à des représailles.

"Tu me pardonnes, dis ?"

Marvin lui adressa un sourire amusé et commença à répondre d’une voix calme :

- Bien sûr que je te pardonne ! D’autant que…

Il ne finit pas sa phrase et profita de sa distraction passagère pour la chatouiller à son tour en attaquant les points faibles qu’il connaissait si bien chez Amélie.

Amélie poussa un cri de surprise scandalisé avant de se laisser tomber sur le dos. Le souffle court, les joues rosies, les larmes aux yeux, elle riait sans pouvoir s'arrêter. Puis, comme Marvin, elle finit par demander grâce.

"Pitié Marvin. C'est toi qui es trop fort !"

Marvin riait tout autant mais s’arrêta aussitôt de dispenser ses chatouilles sournoises. Toutefois, il resta vigilant contre d’éventuelles représailles en tenant les mains de la jeune-femme dans les siennes et en restant à califourchon sur elle. Quand il fut certain que le moment de la vengeance était passé, il se pencha pour l’embrasser langoureusement sur les lèvres.

Sa mère - celle qui l'avait adoptée - lui avait appris qu'il y avait un temps pour tout. Celui du jeu était terminé et Amélie savait très bien qu'il n'avait été qu'une légère parenthèse. Elle répondit aux caresses de Marvin et l'atirra un peu plus contre elle. Baignée dans sa douceur, sa peau nue contre la sienne, elle se sentit parfaitement bien. Elle n'était pas sunite mais la déesse qu'elle vénérait enjoignait ses fidèles à profiter de chaque instant présent. Et c'est bien ce qu'elle comptait faire.

La lettre qu'elle attendait, ses angoisses par rapport à son avenir ... Tout s'effaçait tandis qu'elle goûtait à la douceur de ce moment passé avec Marvin.

Ce moment fut – comme à chaque fois – marqué par une profonde complicité et la douceur des caresses de son amant. Combien de temps passa ? Ils ne le surent pas et s’en moquaient éperdument : ils n’avaient aucune obligation et pouvaient rester dans leur bulle tout le temps qu’ils le souhaiteraient. Marvin avait prévu large concernant les victuailles aussi n’étaient-ils même pas obligé de quitter leur nid douillet…

Les caresses avaient donc succédé aux jeux et le repos venait ensuite. Amélie, dans les bras de Marvin se sentait sur le point de céder au sommeil. C'était de ces petits moments doux et tranquilles propices aux confidences. Mais elle n'avait pas envie de parler d'elle. Aussi demanda-t-elle à son ami.

"Raconte-moi un peu ce que tu as fait à Cojum après ton départ de Manost. Est-ce que tu as fait de nouvelles découvertes ? Comment allait Chandara ?"

Marvin semblait lui aussi sur le point de s’endormir mais il se redressa néanmoins sur un coude et lui adressa un sourire avant de répondre que ses recherches allaient bon train même s’il n’avait pas obtenu de nouveaux résultats spectaculaires. Il évacua en fait assez rapidement la question pour se concentrer sur sa rencontre avec sa sœur :

- Chandara m’a paru un peu étrange. En dehors du fait qu’elle m’ait pressé de parler de toi à nos parents. Je ne sais pas. Je la trouvais un peu plus rêveuse que les fois précédentes. J’imagine que ça avait un rapport avec la guerre : elle a dû en voir de toutes les couleurs, la pauvre. Mais elle s’est montrée très mystérieuse à chaque fois que j’abordais le sujet. Elle a simplement fini par avouer qu’elle avait l’intention de se rendre à Luménis pour quelques jours au cours de l’été mais elle ne m’a pas dit pourquoi. Un simple besoin de vacances peut-être ? C’est bizarre, tu ne trouves pas ?

Amélie étouffa un fou rire. Alors Chandara qui venait de bousculer leur vie amoureuse en menaçant de bouder Marvin s'il persistait à garder leur relation secrète auprès de sa famille ... n'avait pas parlé d'Arthur ? En même temps, leur relation n'en était qu'à ses balbutiements et elle attendait sûrement de savoir si leur histoire allait s'inscrire dans la durée. Un je ne sais pas lui disait que oui. Leur façon de se parler et de se regarder. Bien sûr, elle pouvait se trompait et ne l'espérait pas.

Elle-même se confiait souvent à ses parents, à sa mère surtout. Il lui tardait d'ailleurs de la revoir pour lui parler un peu de Marvin.

"Je suis contente pour elle. Elle le mérite. C'est une jeune femme exceptionnelle. Et toi aussi d'ailleurs ... Tout du moins en version masculine."

Parfaitement réveillé cette fois-ci, le jeune-homme se redressa un peu plus pour regarder Amélie dans les yeux. La jeune barde s’était un peu trahie dans sa réponse et cela n’avait pas échappé à la sagacité de son petit ami. Il demanda donc d’un ton un peu soupçonneux mais surtout surpris et curieux :

- Contente pour elle ? Comment ça ? Toi tu sais quelque-chose, n’est-ce pas ?

Ce n’était pas une question. Pas vraiment.

Amélie grimaça. Elle avait vendu la mèche sans le vouloir vraiment. Après un petit sourire, elle commença.

"Je suis contente qu'elle prenne un peu de vacances. Quand je l'ai revue après la guerre, je me suis fait la réflexion qu'elle en avait besoin."

Pour connaitre Marvin, elle savait qu'elle ne s'en tirerait pas à si bon compte. Au moins pouvait-elle tenter de reculer l'échéance le temps de trouver une diversion.

"Tiens, tu sais que Léonard est marié et a une fille qu'il a appelée Amélie ?"

La diversion marcha. En tous cas quelques instants car Marvin fit de gros yeux étonnés :

- Léonard ? Notre Léonard ?! Eh ben ça alors... Il est déjà bien le temps où nous étions tous encore des enfants... Et j'ai toujours dit qu'Amélie était le plus charmant prénom qui soit.

Son regard se fit à nouveau incisif et un petit sourire naquit au coin de ses lèvres :

- Mais tu détournes la conversation ! Pourquoi Chandara aurait choisi Luménis pour de simples vacances ?

Amélie répondit, non sans un certain amusement.

"Le plus beau prénom du monde ... ça dépend pour qui ! Déjà, défense de le donner à un garçon. Et puis, il y en a déjà une dans la famille. C'est bien assez comme ça, crois-moi."

Mais la diversion ne marcha pas tout à fait. Connaissant la sagacité de Marvin, elle s'y attendait.

"Tu sais quoi ? C'est un ... truc .. de ... fille ... Plus sérieusement, je sais quelque chose, oui. Mais j'ai un peu peur qu'elle m'en veuille si je te le dis alors qu'elle ne voulait pas te mettre au courant tout de suite. Ce n'est rien de grave, au contraire ! Et je pense que tu le sauras très vite. De toute façon, je ne dirai rien même sous la torture."

Marvin arbora une expression étonnée, signe qu'il était un peu perdu et que plusieurs hypothèses lui passaient peut-être par la tête. En tous cas, il se rangea aux arguments de sa compagne : il ne voulait pas non plus risquer de trahir un secret qui appartenait à sa sœur. Il en était un peu déçu, voire vexé, mais il n'allait pas insister pour autant. En tous cas, la dernière remarque d'Amélie ne tomba pas dans l'oreille d'un sourd et il rit gaiement :

- Sous la torture, non. Mais sûrement sous les chatouilles !

Et de tenter de mettre sa menace à exécution !

Mais Amélie bondit hors du lit en riant, peu gênée d'être dans le plus simple appareil. Au contraire, elle sortit en courant de la chambre et se dirigea vers les escaliers. Juste avant de descendre, elle cria à son compagnon.

"Pour cela, il va falloir que tu m'attrapes. Et je te préviens, je cours très vite. Et je sais me défendre, aussi ..."

Et le jeune mage répondit au défi, riant aux éclats et probablement en partie émoustillé par cette chasse au travers de la maison et dans le plus simple appareil.

- Et mon je connais des tours et je n'hésiterai pas à m'en servir !

Ensuite de quoi il se précipita à sa suite pour tenter de la rattraper à la régulière. Pour commencer...

Amélie, cachée dans une des chambres du rez de chaussée entendit Marvin descendre. Elle retenait avec difficulté son fou-rire. Le jeu l'amusait tout en l'émoustillant à l'instar de Marvin. mais elle ne comptait pas se laisser attraper si facilement non plus. Elle aussi avait des "trucs".

Elle attendit que Marvin ait avancé dans le couloir et ne soit plus à portée d'oreille pour incanter.

Amélie -----> sons imaginaires : marches d'escalier qui grincent ----> Marvin.

Le leurre imaginé par Amélie fonctionna parfaitement : en tous cas elle entendit clairement Marvin remonter précipitamment l’escalier quelques secondes plus tard. Il était donc probable qu’elle ait le champ libre si elle voulait quitter sa cachette. Mais elle pouvait tout aussi bien attendre et le laisser lambiner un peu…

Retenant une envie de rire qui allait croissant, Amélie laissa monter Marvin. Elle se méfiait cependant. Peut-être était-il toujours en bas et lui préparait-il une embuscade. Toujours silencieuse, elle écouta les bruits de la maison, à l'affut d'un éventuel indice sur la présence ou non de Marvin.

Ensuite, quand elle serait sure qu'il était monté, elle attendrait encore un peu avant de monter à son tour. Ensuite ... Elle le laisserait décider de la suite.

Au bout d'une minute ou deux, elle crut discerner des bruits de pas à l'étage mais elle ne pouvait en être totalement certaine. Une minute plus tard encore et elle entendait cette fois clairement une porte qu'on ouvrait puis qu'on refermait. A l'étage toujours... Allait-elle se décider à monter ? Elle était certainement assez discrète pour le faire sans bruit et peut-être même surprendre Marvin...

Elle laissa encore s'éfiler une vingtaine de secondes histoire de voir si elle n'entendait pas quelques indices de la présence de Marvin en bas. Il était mage et avait sûrement quelques artifices pour la pièger à son tour.

Puis tranquillement, elle sortit de la chambre en prenant grand soin de ne pas faire de bruit mais resta cachée dans l'encadrement de la porte histoire de voir si son ami n'allait pas surgir par surprise.

Marvin n’avait pas donné signe de se trouver en bas : le plus grand silence régnait désormais dans la maison. Son ami ne surgit pas non plus lorsqu’elle sortit dans le couloir. Il devait donc s’être embusqué en haut ou peut-être au salon, jouant un peu avec ses nerfs et misant sur son impatience. A dire vrai, Amélie savait que le mage avait plus d’un tour dans son sac mais elle ne savait pas lesquels…

Amélie connaissait assez Marvin pour savoir qu'elle devait se méfier. Aussi essaya-t-elle de le prendre au piège avant qu'il ne l'attrappe. Et pourquoi pas le dérouter un peu. Elle incanta de nouveau.

Amélie ===> son imaginaire : porte qui claque en bas ===> Marvin

Une pensée la traversa d'un coup ... Et si Marvin s'était rendu invisible ? Peut-être était-il même dans la chambre qu'elle occupait à ce moment même et attendait le moment propice pour la surprendre. Un instant, elle arrêta de respirer, aux aguets, guettant le moindre indice de la présence de son compagnon.

Amélie avait la conviction qu’elle ne se trompait pas : que Marvin avait certainement employé ses pouvoirs pour se cacher. Peut-être pour s’embusquer à un endroit d’où il pouvait l’observer. A bien y réfléchir, il pouvait aussi bien se rendre invisible que parfaitement silencieux. Il pouvait donc se trouver n’importe où, prenant un malin plaisir à la regarder. Ou attendre à l’étage, aussi bien. Et le jeune-homme était patient et méticuleux : il ne mettrait certainement pas fin à leur jeu avant d’avoir atteint ses objectifs…

"Marvin, c'est de la triche ..."

Amélie passait sous silence qu'elle avait triché elle aussi et à deux reprises. Connaissant Marvin, il n'allait pas se montrer jusqu'à ce qu'elle le trouve. La situation s'inversait.

"Bon, c'est pas tout ça mais je vais nous faire un thé. Il est très bon tu sais. Peut-être en voudras-tu une petite tasse."

Elle savait que l'appât aurait parfaitement fonctionné sur Angèle. Mais sur son ami ?

La Couronne de Cuivre

[Habitation] Le clos des roses