La Couronne de Cuivre

" Mais c'est sa seule possibilité... murmura Hubert. Il ne peut pas lancer de sorts de communication depuis l'intérieur du palais... Il faudrait qu'il pense que nous sommes retenus à cause de ça et qu'il rebranche le système avant de sortir... et il n'y pensera jamais... Misère..."
Il passa les mains sur son visage.
" Mais nous n'en sommes pas encore certains. Allons tester la chapelle. Nous ne pouvons de toute façon rien faire pour l'avertir."
C'était une catastrophe en puissance. Hubert pria Tymora pour qu'elle empêche Albérich de se mettre en danger de la sorte...

Ils gagnèrent donc l'entrée du temple.
Hubert passa une bonne minute à observer les environs.
Il ne vit rien d'inquiétant : ni homme, ni monstre, ni démon.
Le petit groupe se hasarda donc à l'extérieur, descendant les marches du porche monumental puis celles ménagées le flanc de la petite colline.
Ils avaient à peine fait quelques pas dans la rue en contrebas que, déjà, retentissait un son désormais familier.
Celui d'ailes immenses battant les airs.

Hubert leva les yeux pour aviser de la situation. Vêtu de l'aube rouge, après une cérémonie particulièrement flamboyante, Thibault était probablement leur meilleur atout. Il se doutait que les deux paladins sunites étaient impatients d'en découdre, aussi, et il ne pouvait pas prendre le risque d'épuiser ses sortilèges les plus puissants alors qu'ils n'avaient aucune idée de ce dont serait fait la suite de cette journée.
" Thibault ?" demanda-t-il tout de même.

Le Sunite fronça les sourcils, leva les yeux vers un ciel trop obscur pour qu'il y discerne quoi que ce soit.
-Je dois être en mesure d'en renvoyer quelques-uns dans leur plan mais... Comme je ne peux pas non plus enchaîner les sortilèges aussi rapidement que le ferait une arbalète à répétition avec des carreaux, il y a quand même un risque que ça vire au combat rapproché si ces bestioles sont nombreuses...
Hubert commençait à distinguer lesdites bestioles.
Il y en avait au moins trois.
Au moins.

" Je m'en charge, alors, dit le paladin. Mettez-vous à couvert. Je dois attendre qu'elles soient pratiquement au contact."
En espérant qu'elles viennent toutes les trois plus ou moins en même temps jusqu'à lui.
" Si j'en manque une, je compte sur toi."

Ses confrères soupirèrent mais ne pipèrent mot.
-Bien sûr, dit Thibault.
Le quatuor de Sunites s'éloigna en direction du porche le plus proche.
Les créatures ailées se rapprochaient rapidement.
L'une d'entre ele poussa alors un long cri hanté.
Un autre, similaire, lui répondit, venant de plus loin et, surtout, de la direction opposée.

Hubert attendit. Il pouvait combattre la première un moment en attendant que la seconde arrive. Ensuite, une Parole Sacrée les renverrait toutes deux dans leur plan démoniaque. Rien que d'y penser, il en eut mal aux épaules, mais il ne devait pas y songer. La chapelle n'était pas très loin, il fallait juste se concentrer sur l'instant présent : survivre, progresser, et ne pas réfléchir à la possibilité que le téléporteur soit fermé, que le palais soit inaccessible, et qu'Albérich sorte seul dans le couloir.

Les créatures, qui avaient des allures d'immenses chauve-souris, le surplombaient désormais.
Elle tournaient en rond, leur regard rougeoyant braqué sur lui.
Au loin, d'autres battements d'ailes se faisaient entendre.
Puis, subitement, l'un des monstres plongea vers lui, toutes griffes dehors.

Il se garda, suivant sa trajectoire. C'était une chance qu'il ait les yeux d'un demi-céleste, l'obscurité ne l'était jamais complètement. Elle était énorme, il serait sans doute touché. Il regretta de ne pas avoir songé à se protéger d'un sortilège. Certains empêchaient les extérieurs de frapper aussi efficacement qu'une armure. Mais voilà, l'urgence, les ruminations qui lui tournaient dans la tête. Il pourrait cependant limiter les dégâts. Il la laissa venir au contact.

Hubert -> Châtiment du mal -> Créature

Il parvint à parer l'assaut mais le choc fut si brutal qu'il le fit dangereusement chanceler, menaçant l'envoyer au sol.
Il tint bon, cependant et, l'instant suivant, alors que le monstre s'apprêtait à reprendre son envol, il se fendit d'un prompt assaut et, de sa lame étincelante, le pourfendit de part en part.
L'être démoniaque se volatilisa dans une nuée de flammes.
Ses homologues choisirent cet instant pour attaquer à leur tour, de concert.

Cette fois, avec un peu de chance, il suffirait d'un geste. Mais le ciel en était peut-être plein, de ces choses, auquel cas cette méthode n'était pas très fonctionnelle, d'autant qu'ils n'avançaient plus vers leur objectif. Hubert se prépara à la salve suivante. S'ils étaient deux ou plus, il userait de sa Parole Sacrée. Si le monstre était seul, il le châtierait à nouveau. L'un dans l'autre, ensuite, il essaierait de rejoindre ses compagnons et de relancer le mouvement vers la chapelle. Ils ne pouvaient pas se laisser bloquer des heures par une nuée de monstres.

Les créatures étant deux, il dut recourir à son sortilège pour les faire disparaître.
Il se hâta ensuite pour rejoindre ses compagnons dans l'entrée d'un bâtiment voisin.
Les autres démons ailés, quel que soit leur nombre, ne tarderaient pas à arriver. Dès lors, il faudrait progressé en allant de porche en porche le plus rapidement possible, pour se soustraire à leurs assauts. Heurusement, les abris ne manquaient pas et la chapelle était proche.
Mais l'opération n'en resterait pas moins risquée.

" Bon, on va faire des groupes, dit Hubert une fois sous le porche. Roland et Renaud, vous êtes avec Thibault. Giovanni, tu restes avec moi. Pas d'imprudence, pas d'héroïsme déplacé, nous allons tous atteindre cette chapelle indemnes. Et on y va, maintenant."
Il devait fatalement prendre la tête avec le barde, car il était le seul à savoir où se trouvait la chapelle en question. Il fit donc signe à Giovanni qu'il était temps de bouger.

Le trajet leur prit du temps.
Et il fut mouvementé. D'autres créatures en nombre indéterminé planaient au-dessus des rues et piquaient sitôt qu'elles pensaient pouvoir les atteindre. En une occasion, il fallut d'ailleurs à Thibault user in extremis d'un sort de renvoi pour éviter le pire. Mais ils s'en sortirent bien et, finalement, pénétrèrent dans l'abri inviolable de la chapelle.

Hubert ne perdit pas de temps dès qu'ils furent en sécurité : il se dirigea droit sur le téléporteur pour tenter de l'activer... sans réel espoir d'y parvenir, en réalité. Mais il se força à y croire au moment d'y placer la main, presque superstitieux.

Malheureusement, ce fut là même chose qu'au temple.
Il ne se produisit rien, quelle que soit sa concentration, quelle que soit la manière dont il s'y prenne.
Personne ne s'autorisa la moindre remarque, le moindre commentaire.

Hubert n'avait pas leur réserve et il jura avec mauvaise humeur, avant de retourner à la sortie de la chapelle pour essayer de retrouver son calme et tenter de réfléchir. Ils étaient coincés à l'extérieur, sans aucun moyen de contacter ceux qui étaient restés dans le palais. Il y avait des monstres volants dans les cieux et des démons dans les souterrains.
Il maudit ces fichus Anciens. Bloquer les systèmes utilisables par n'importe quelle bestiole, d'accord, mais pourquoi désactiver les plus protégés d'entre eux ? Il soupira. Sans doute un céleste pouvait-il être dominé par un sortilège, ou contraint, d'une manière ou d'une autre. Ce n'étaient pas des dieux, juste des entités très puissantes. Et même les dieux, de toute façon, étaient faillibles.
Il passa les mains sur son visage. Il devait reprendre pied. Albérich ne sortirait pas : les couloirs pouvaient grouiller de montres à l'affût du déblocage des portes. Et s'il le faisait quand même, avec une bonne escorte, il réactiverait d'abord le système : il penserait sûrement que tout le système d'ouverture était compromis par l'absence de la gemme.
Il sourit, se détendit légèrement. Tout irait bien de leur côté.

Et pour l'heure, tout se passait bien au palais.
Albérich avait pu lire un bon moment, sans rien trouver susceptible de les aider dans l'immédiat, sinon de vagues allusions. Mais si les circonstances avaient été autres, il n'aurait pas boudé son plaisir : il y avait de quoi satisfaire même le plus avide des érudits, dans tous ces livres.
Midi arriva et donc le moment du repas. Bien plus tôt, Thibault était venu lui signaler qu'ils partaient pour le temple de l'amour afin d'y célébrer une cérémonie. Mais ni lui, ni Hubert, ni le reste de leur équipe n'étaient encore rentrés.

Albérich ne s'en inquiéta pas vraiment. Non seulement, il avait encore les dernières bribes de ce qu'il avait lu en tête, mais de surcroît, il savait que Thibault était du genre à profiter du Temple magnifique où il devait officier. Il décida d'aller manger près de Gabriel, s'il réussissait à le dénicher. Il devrait de toute façon l'embarquer pour la cérémonie de l'après-midi, et l'humeur chagrine de son cadet le touchait, mine de rien.

Installé comme de coutume en compagnie des membres de l'intendance, son jeune confrère faisait contre mauvaise fortune bon cœur, essayant de dispenser l'espoir et d'améliorer l'ambiance générale même si son aîné sentait bien que le sien n'était pas au beau fixe.
Il ne l'en accueillit pas moins avec gentillesse, acceptant bien volontiers de participer à la cérémonie de l'après-midi.

" Je me disais que nous pourrions en profiter pour contacter la colonne, dit le Luménien, doucement. J'imagine que tu dois t'inquiéter du bien-être de tes petits protégés.."
Il était surpris qu'un rayon de soleil comme Gabriel, qui n'avait jamais flanché au travers de l'épopée qu'avait été leur périple jusqu'à Clairétoile, soit désormais à ce point abattu. Il était inquiet, même.

-Bonne idée.
Gabriel soupira.
-Nos compagnons ne doivent pas s'amuser, entassés comme ils le sont dans les chariots, environnés par l'hiver, pas ces Landes sinistres... En plus, avec la menace d'être attaqués par des monstres ou pire encore, la tension doit être à peine moindre qu'ici. Sans compter le fait de tourner le dos à cette cité que nous souhaitions tant atteindre... En fait, je préfère ne même pas imaginer à quel point l'ambiance doit être délétère.

Le Luménien chercha le regard du jeune homme.
" Ils reviendront. Et cette épreuve deviendra un mauvais souvenir qui les rassemblera, quand ils en parleront à la veillée. Tu le sais, n'est-ce pas ?" demanda Albérich, sérieux.
Les écueils, traversés ensemble, pouvaient devenir force.

-Et bien...
Nouveau soupir.
-Honnêtement, j'en doute. Tu vois, jusqu'à il y a peu, la Communauté, c'était en gros "on avance tous ensemble, on lutte tous ensemble, contre vents et marées". Mais il n'a pas été possible de poursuivre ainsi : nous sommes restés et même si c'est rude, nous continuons à avancer ; eux ont dû fuir et plutôt que d'aller de l'avant, ils reculent. Comment garder espoir, dans de telles conditions ? Comment ne pas avoir envie de jeter l'éponge ? Je veux dire... D'un côté, ils pourront attendre des veilles entières dans des conditions difficiles, sans vraiment savoir ce qui se trame ici, sans certitude qu'ils pourront revenir, et avec la perspective, au cas où cela serait possible, de s'infliger un énimèe trajet à travers cette région maudite. De l'autre, ils pourront... Décider de passer à autre chose, de regagner la civilisation qui est toute proche des Dents Grises et d'oublier ce qui est pour l'heure un lamentable fiasco. Alors, franchement... Combien ne cèderont pas ? Combien y en aura-t-il pour revenir, si nous l'emportons ? Pas beaucoup, à mon humble avis.

" Gabriel, si certains renoncent... et vu les circonstances, il faut leur laisser cette liberté... Si certains renoncent, qui te dit qu'ils ne reviendront pas dans deux, cinq ou dix ans ? Forcer les gens à rester, alors que nous sommes dans une situation très difficile... Ça aurait été contraire à l'esprit de liberté qui présidait à la charte... Je sais que les gens avaient signé, pour tout affronter, contre vents et marées, mais... parfois la tempête est telle qu'il faut savoir se mettre à l'abri. Le soleil revient toujours, mais nous ne sommes pas tous équipés de la même manière pour faire face à l'orage... Je comprends ta déception, cependant, mais il faut que tu réalises que... nous avons juste divisé le groupe, dans l'espoir que cela nous permette de remplir nos objectifs au mieux... Risquer tout, tout le monde... Parfois j'ai l'impression que certains d'entre vous estiment qu'il aurait mieux fallu mourir que s'offrir une porte de sortie. Mais l'être humain est résilient, je suis bien placé pour le savoir. Mort, il n'est plus rien du tout. Certains reviendront. D'autres resteront. Et nous donnerons le goût à ceux qui ont renoncé de nous retrouver. Comme je l'ai dit lors de l'assemblée : la situation est trop grave pour ne pas redéfinir nos engagements. Le faire, c'était la chose... humaine, à faire. Je sais que beaucoup de gens sont partis contraints, alors que cela n'a été imposé à personne... mais je sais aussi que parmi ces gens, certains sont partis soulagés que la possibilité leur en soit offerte. La communauté est faite d'absolus et de gens ordinaires. Nous retrouverons notre élan quand nous aurons pallié à l'urgence. De ça, tu dois t'en convaincre."

-Je ne doute pas que certains retrouvent quelque chose, comme je ne doute pas que ce que tu dis soit vrai dans l'absolu. Mais... Albérich, pour nombre de nos compagnons, la Communauté, c'était tout. C'était le dernier rêve. Démesuré sans doute, irréaliste peut-être, mais montrant bien qu'ils avaient besoin de quelque chose d'à ce point formidable pour se remobiliser après tous les malheurs qu'ils avaient connus. Et tout cela.. à volé en éclats, ne nous voilons pas la face. Certains étaient probablement soulagés de partir, oui. Mais ce que j'ai vu sur la plupart des visages, c'est de la résignation, du renoncement. Ces gens étaient venus... pour se bâtir un nouvel avenir, pour en être acteurs. Or, cela n'est plus envisageable : ils auront la possibilité de revenir, oui, mais pour se joindre à quelque chose que d'autres qu'eux auront rendu possible. A quelque chose auquel ils n'auront pas pris part. Cela peut paraître peu de chose mais je crois au contraire que ça change tout... Et que pour eux, la Communauté a déjà cessé d'exister. Et aussi résiliant l'être humain soit-il... Je ne suis pas certain qu'il puisse se relever après avoir tout perdu pour la deuxième fois.

" Mais tout n'est pas perdu, Gabriel. L'erreur, c'est de le croire. Alors oui, c'est plus difficile pour Rebecca que pour Edgar d'être utile à la résolution de la crise qui frappe Clairétoile. Mais elle garde son utilité pour le groupe, avec la communauté, avec les enfants... Depuis le début, les gens se leurrent, à penser que nous sommes tous interchangeables... Ce qui me... chagrine, dans cette entreprise, c'est qu'elle n'avait rien d'absurde, rien d'illusoire... Mais qu'on est allé trop loin dans la promesse... Espérer, c'est aussi prendre la mesure des possibles... du plus formidable à celui qui reste parfaitement acceptable..."
Il secoua la tête.
" Construire le futur, ça ne veut pas dire poser soi-même chacune des briques qui le compose... Mais je comprends que si c'est ce que vous aviez cru, ce qu'on vous avait promis... et bien oui, la désillusion doit être terrible. Je suis juste triste que vous ne voyiez que la ruine, et pas ce qui reste à notre portée..."
Il soupira.
" Quand je t'entends, j'ai l'impression que nous perdons notre temps et nos vies. Nous ferions mieux d'appeler Luménis à la rescousse. S'il n'y a rien à sauver... J'aurais dû faire voter la dissolution de la communauté. Je ne serais pas en train de m'esquinter en vain pour des gens qui en réalité ne seront jamais satisfaits."

-Oh, mais tu en satisfera une partie. La quasi-totalité des gens qui sont ici, déjà, et quelques-uns de ceux qui sont partis. Je suis d'ailleurs du nombre de ceux qui n'avaient pas d'attentes extraordinaires : je n'ai pas vécu de drame particulier, cette Communauté était une belle opportunité de me rendre utile, de participer à un projet... Non, je pense plutôt à ceux qui avaient tout perdu, Albérich. Dont les vies étaient brisées et pour qui les possibilités ordinaires offertes à tout un chacun n'étaient plus suffisantes pour les pousser à continuer à aller de l'avant. Eux avaient envie... D'un nouveau monde, quelque part. D'un nouveau monde dont ils pourraient jeter les bases, eux aussi. Pas forcément en faisant tout, juste en apportant leur petite pierre... Mais cela ne leur est désormais plus possible avec nous : s'ils reviennent, les fondations auront déjà été jetées, sur une terre imbibée de sang et de larmes. Ils avaient besoin d'absolus et ils n'auront que la réalité, avec sa part de lumière mais aussi sa part d'ombre. La Clairétoile qui se bâtira conviendra à beaucoup de gens : certains sont déjà là, d'autres viendront plus tard. Mais pour les plus blessés... Elle n'aura rien de différent de toutes les autres cités de l'île, lesquelles ne pouvaient leur apporter ce qui leur était nécessaire. Il n'y a aucun responsable là-dedans : ni toi, ni moi, ni aucun membre de la Communauté. Néanmoins, cela reste terriblement triste.

Ce qui était terriblement triste, c'était qu'un clerc de Lathandre aussi jeune tienne déjà pareil discours. Gabriel avait beau dire qu'il n'avait pas eu des attentes extraordinaires, c'était faux : il avait cru que ces gens auraient ce qu'ils voulaient, ce qui était déjà en soi un mirage, et qui l'avait irrémédiablement fêlé en lui-même.
" La différence avec les autres cités, c'est que tout restera à construire... et qu'ils auront une place de choix pour le faire." murmura Albérich, sans vraiment chercher à poursuivre la conversation.
Les personnes dont parlait Gabriel ne reviendraient même pas pour tenter leur chance. Ils iraient se jeter d'une falaise quelque part en espérant que l'autre monde les satisfasse davantage ou a minima leur efface la mémoire.
Le Luménien soupira. Il réalisait lui-même combien il avait changé, combien il avait perdu : autrefois, il inspirait l'espoir chez les autres, sans forcer, sans réfléchir. Il prêchait et sa foi suffisait à gonfler d'énergie son auditoire. Aujourd'hui, il ne savait même plus par quel bout prendre leur découragement. S'il avait été aussi faible, quand il était prisonnier de Morféa, dans cette atroce cellule commune où ils avaient dû survivre à trente pendant six mois, la moitié se serait suicidée et l'autre moitié entretuée. Ils avaient tous survécu, pourtant. Mais il avait été un autre homme, alors, sans hésitations, sans failles.
Il soupira à nouveau. Il avait espéré remonter le moral de Gabriel, et il avait échoué, c'était ainsi. Il se pencha alors vers Marcus.
" Excuse-moi... Est-ce que tu sais si Thibault et Hubert avaient emporté de quoi manger ?"

Le nouveau maître de l'intendance secoua la tête.
-Non, il ont seulement pris des boissons alcoolisées en petite quantité. J'imagine donc qu'ils entendaient rentrer pour le repas. Mais tu sais comment ça marche : on se laisse parfois toucher par la grâce d'un lieu, d'une célébration, et on ne voit plus le temps passer.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Une cité perdue