[Lieu] Entre Helonna et Dorrandin

[Taliesin]

-Moi de même, et j'aurais été plus serein si Helen, par exemple, nous avait accompagnés, avoua-t-il. Les clercs sont de loin les plus indiqués, dans ce genre de situation, face à ce type de tourments... Mais il n'y en a plus dans notre groupe, hormis Aegir, et il nous faudra donc faire face, si des crises se produisent sur le navire. Cependant, comme ils nous connaissent, comme ils nous font confiance, nous devrions ne pas trop mal nous en tirer. Le tout sera de nous montrer vigilants et disponibles.

[Galathée]

" Nous nous en sortirons très bien. Et je suis sûr qu'ils seront pris en charge à Luménis, au besoin. Il doit y avoir des gens spécialisés dans... la prise en charge de ce genre de situations... Je suppose."
Il soupira.
" Mais peut-être nous inquiétons-nous pour rien... Ils ont l'air sereins... pareils à eux-mêmes... Mille fois, ils auraient pu décompenser, je crois. Et pourtant, même Inès, qui était mortifiée au départ, a l'air d'aller mieux. Nous allons faire une petite croisière ensoleillée... Le tout sera de parvenir à les occuper. C'est l'oisiveté qui est douloureuse et qui mène aux ruminations... Tu sais ça."

[Taliesin]

-Oui, je connais ça, fit-il avec une légère grimace. Mais les occuper ne sera pas difficile : sans doute leur proposera-t-on, comme aujourd'hui, d'aider en cuisine ; peut-être certains membres de l'équipage s'offriront-ils pour leur apprendre à faire des nœuds marins ou d'autres choses du même genre ; moi, je leur ferai classe, et nous trouverons bien des moyens de les distraire aux autres moments. Vraiment, cela ne m'inquiète guère.

[Galathée]

" Alors tout se passera bien."
Il lorgna l'océan, songeur.
" Je dois dire que retrouver la mer... Ça me fait quelque chose. Même si je n'ai pas l'habitude de demeurer debout sur le pont à ne rien faire, tandis qu'on s'active autour de moi... Cela me fait penser que... je retournerai à la Liberté. Je ne sais pas bien ce que deviendra la Réunion, à présent qu'il n'en reste rien, mais un exalté comme Seskan refusera que nous baissions les bras."
Il s'appuya au bastingage, se tournant vers la poupe et le château arrière.
" Mais je ne serais pas surpris que Kerun pousse pour une action plus officielle... mieux organisée... Evidemment, avec ces rumeurs de guerre... Je ne sais pas ce qu'il en sortira."

[Taliesin]

-Peut-être l'imminence du conflit hâtera-t-elle justement les choses. Peut-être les dirigeants luméniens voudront-ils sauver un maximum de leurs compatriotes encore asservis avant que les hostilités n'éclatent vraiment, afin que ceux-ci ne soient pas massacrée en manière de représailles...
Il exhala une nouvelle bouffée de fumée.
[color=#FFF66]-Il y a donc des chances pour que tu ne reste pas oisif très longtemps. Et j'espère que tu viendras nous rendre visite à la ferme, entre deux voyages...[/color]

[Galathée]

" J'imagine que quand nous aborderons à Luménis, nous ne partirons pas immédiatement pour votre ferme. Je n'aurai besoin que d'une heure ou deux pour aller jusqu'à la Réunion m'enquérir de la situation. Je pense que de toute façon... C'est mieux si vous rentrez parmi les vôtres, juste entre vous, pour commencer. J'essaierai de vous rendre visite avant de repartir, de toute façon. J'ai envie de revoir Victor, c'est sûr. J'aurais aimé revoir Martin, aussi, mais peut-être essaierai-je de le dénicher, justement... Je ne crois pas qu'il soit remonté sur un bateau... A mon avis, il est dans un bordel quelque part."
Il haussa les épaules.
" Et puis je me demande ce qu'il est advenu de ces ordures qui vous ont vendus, Kerun et toi... Constance me manque, aussi. C'est comme ma grande soeur."

[Taliesin]

L'hypothétique destin que Guéric envisageait pour Martin lui arracha une franche grimace.
-J'espère qu'il a profité de cette occasion pour s'orienter sur une nouvelle voie. Et si j'étais toi, je ne me lancerais pas trop intensément à sa recherche : ce serait le meilleur moyen de mettre les autorités sur sa piste, et si elles le retrouvent, c'est en prison qu'elles l'enverront. Or, cela ne doit pas advenir, il a déjà bien trop morflé.
Soupir. Sourire un peu forcé.
-Il y aura des retrouvailles pour toi, pour moi... Pour tous les adultes, en somme, même si celles de Polyanna seront malheureusement tristes. Quant aux enfants... J'espère qu'il y en aura également pour eux. Je souhaite vraiment que leur avenir soit lumineux, désormais. Eux aussi ont déjà par trop souffert.

[Galathée]

" D'après ce que j'ai compris, il y a eu beaucoup de morts, pendant cette dictature... J'imagine qu'il est possible que la famille de certains d'entre eux ignore qu'ils sont encore vivants. Il suffirait d'un oncle, d'une grand-mère, d'un parrain... Kerun avait l'air de dire qu'il attendait des informations de Luménis. Et puis il parait qu'il y a un chouette orphelinat... Tu me diras, un orphelinat, par essence... c'est un orphelinat."
Il grimaça.
" En même temps, les choses ne peuvent pas retourner à la normale, tu sais ça. Elles ne peuvent qu'évoluer."

[Taliesin]

-Je sais bien, mais j'espère quand même que les agents de Kerun trouveront quelque chose pour chacun d'entre eux. Et sinon... Ce sera l'orphelinat du seigneur Artwin, oui. C'est un endroit extrêmement familial, extraordinairement chaleureux. Je le sais pour y avoir passé un ou deux jours l'automne dernier. Son propriétaire gérait les biens dont a hérité Victor jusqu'à ce que Galathée l'adopte.
Il ferma les yeux, se remémora un instant ce temps où tout paraissait plus simple, ou l'avenir semblait dégagé... Ce n'était bien sûr qu'une illusion, comme la suite l'avait malheureusement prouvé.

[Galathée]

" J'imagine que c'est moins difficile à Luménis qu'ailleurs... Ou du moins est-ce ce qu'on aime à imaginer..."
Baptiste et Gurvan venaient de remonter sur le pont et Hippolyte descendit à leur rencontre. Le vent emporta ses paroles, mais Taliesin devina sans peine qu'il ventait ses prouesses au gouvernail. Devant le navire, le ciel plongeait dans l'obscurité petit à petit et les premières étoiles étaient apparues sur le bleu sombre de l'horizon. Aegir vint à leur rencontre.
" Espèce de vieux clerc ! Tu as claqué une bouteille sur le mât ! lui lança le halfelin, scandalisé.
— Un pissette de Vys, infâme, crois-moi, rétorqua le clerc en riant gaiement. Vous avez l'air en forme, tous les deux. Je suis heureux de vous voir. Vous allez devoir me raconter vos aventures mélandiennes."
Il sourit.
" Je ne crains pas la mer, mais je dois dire que vous avoir à bord... C'est un peu comme un talisman protecteur. Les marins sont superstitieux."

[Taliesin]

-Un talisman protecteur ? Guéric porte peut-être chance, mais moi non ! Il suffit que je débarque sur une petite île tranquille pour que survienne une armada pirate. En plus, qui sait si Umberlie ne me hait pas, désormais ? Qui sait si nous n'essuierons pas tempête sur tempête, sans oublier les attaques de krakens ? Oh, et il faut aussi que tu saches que Guéric, Kerun et moi-même nous sommes peut-être attirés l'ire de Baine suite à une opération dans son grand temple de Melandis...

[Galathée]

" A mon avis... Umberlie pourrait t'avoir pris en grippe, oui. Mais elle a tant de mers à hanter... Elle sème ses avatars ça et là, puis va noyer d'autres marins, ailleurs. Moi je crois que nous lui avons survécu. Tu l'as vaincue. Dans dix, vingt, cinquante ans, peut-être voudra-t-elle prendre sa revanche... ou peut-être pas. Peut-être ne sait-elle même pas ce qui s'est passé."
Il sourit.
" Même si elle nous attaquait, tu la vaincrais encore !
— C'est dommage que c'est toi le barde, en fait. Mais Baptiste a l'air prêt à prendre ta suite... Mmm... Il y a matière à une épopée de taille. Je devrais aller lui parler. Qu'il parle en bien du fidèle acolyte du héros..."

[Taliesin]

Il secoua la tête.
-Baptiste a un grand potentiel comme barde, c'est certain. Mais si tu veux qu'il écrive une chanson de geste sur l'épisode mersantais, demande-lui de faire de toi le héros. En ce qui me concerne, j'ai déjà bien trop fait parler de moi, et j'aspire désormais à la discrétion et à l'anonymat. Avec un peu de chance, mon procès sera la dernière fois où je défrayerai la chronique.

[Galathée]

" Quoi ?! Mais non ! Je sais que les bardes sont experts à transformer la réalité pour les besoins de l'histoire, mais quand même... Je ne serai pas crédible ! Ecoute, je m'arrangerai avec Baptiste pour qu'il change un peu les choses. Tu seras... un elfe des bois, en l'honneur de Kerun. Et tu seras aussi... un clerc, en l'honneur de tous ceux qui nous ont aidés. Et tu t'appelleras Guéric, en mon honneur. Parmi tes bons amis, il y aura un halfelin nommé Taliesin... Il aura une ceinture qui parle ! Je me demande ce qu'est devenu ce bon vieux Rumoc. Il aura réussi à filer... Peut-être que Martin l'a gardé, tout compte fait. Pourtant, un artefact halfelin, il aurait dû me revenir ! Mais bon, il était insupportable. Je suis sûr que Martin l'a flanqué dans un tas de fumier à la première occasion..."
Guéric gloussa.
" Imagine ! Rumoc qui t'attend à la ferme ! Ce serait délicieux !"

[Taliesin]

Il grimaça derechef.
-Ne parle pas de malheur, veux-tu ? Si Rumoc est toujours là-bas, il aura réussi à y semer le chaos, à provoquer pugilat sur pugilat... A moins qu'on ait eu la bonne idée de l'enfermer à double tour quelque part. Remarque, comme il y a toujours moyen de tirer profit d'une situation... Si l'un des jeunes membres de notre petite communauté vient à faire une bêtise, je pourrais toujours le menacer de devoir porter cette ceinture durant toute une semaine. Ce serait radical, le trublion deviendrait aussitôt sage comme une image !

[Galathée]

" Oh mais tu te trompes... Hippolyte, par exemple, formerait une excellente équipe avec Rumoc... A mon avis, ce fieffé roublard aura trouvé un gosse à son goût parmi les copains de Victor et ils sèmeront le désespoir de concert ! Enfin, si Val a un peu de jugeote, elle l'aura jeté par dessus bord pendant la traversée vers Hélonna."
Il sourit.
" Il nous en restera des souvenirs. J'espère que tu en feras quelque chose, même si tu choisis d'effacer ton rôle... Je pense que c'est dommage, honnêtement. Il y a matière à quelque chose, là-dedans.
— D'autant que ce serait une manière d'honorer la mémoire de ceux qui n'ont pas survécu."

[Taliesin]

Il hocha la tête.
-Il me semble bien que nous avions envisagé cette idée avec Victor, justement pour honorer la mémoire de nos compagnons disparus. J'y réfléchirai donc sérieusement. Mais je me supprimerai du récit. J'ai tué Squale, certes, mais ce n'était que l'aboutissement d'un travail collectif. N'importe qui d'autre, placé dans ma position, aurait pu faire la même chose. Enfin, je ne m'inquiète pas, je trouverai une solution qui n'enlèvera rien à l'histoire.

[Galathée]

" Si c'était un travail d'équipe, pourquoi t'en retirer ? Tu seras capable de donner un rôle à chacun...
— En tout cas, ça va te faire un sacré travail.
— Mais c'est son métier."
Ils sourirent. Galathée vint à leur rencontre.
" Et donc... C'est de l'espadon au menu. Il en croise de superbes au large des côtes dorrandines et c'est un poisson qui a une chair particulièrement délicieuse, dit le clerc.
— Ah oui ? Je suis impatient d'y goûter."
La rôdeuse leur jeta un coup d'oeil circonspect puis vint se blottir contre le barde.

[Taliesin]

Il l'entoura aussitôt de son bras, espérant qu'elle n'était pas trop assaillie par de sombres réminiscences.
-Un repas à bord d'un bateau... Cela va me rappeler la Liberté. Sauf qu'il ne m'aura pas fallu le préparer, ledit repas.
De sa main libre, il vida les cendres de sa pipe par-dessus bord et rangea l'objet dans sa poche.
-Si j'ai bien compris, espadon et endives au menu. Mais qu'en est-il de la boisson ? Parce que tu dois savoir, Aegir, que depuis que Guéric et moi formons le bien ommé Duo de Choc, nous avons pour tradition de vider toutes les caves près desquelles nous passons. Absolument toutes, et jusqu'à la dernière goutte, quoi qu'il en coûte. C'est une question d'honneur.

[Galathée]

Le clerc parut surpris.
" Taliesin, mais... Kerun ne t'a pas dit ? C'est... un navire militaire, ici. Il n'y a pas d'alcool à bord. Ce serait absolument... inconvenant. Nos hommes doivent être au meilleur de leur forme à tout moment, nous ne pourrions nous permettre un tel risque !"
Guéric parut abasourdi, tandis que Galathée riait de bon coeur.
" Deux veilles d'abstinence. Formidable !"

[Taliesin]

Le barde fit une mine d'enterrement.
-Alors, cette bouteille, c'était la seule et unique... ?
Soupir spectaculaire.
-Guéric, j'avais suggéré d'acheter de l'alcool en plus du tabac. Dis-moi que tu es un vrai ami, dis-moi que tu y a pensé et que as pris au moins dix tonnelets.

[Galathée]

" Et bien... j'ai acheté... ce que je pouvais porter... Mais Kerun m'a houspillé pour que je ramène des fruits et des légumes ! Plus tous les bouquins ! Bon, Perceval m'a aidé à transporter tout jusqu'à la plage, mais... je n'ai pris que quatre bouteilles... dont une d'eau-de-vie de pastèque. La spécialité de Vert-Corail."
Le halfelin avait l'air défait.
" Je suis navré."
Le clerc éclata d'un rire joyeux.
" Je vous faisais marcher. Il y aura... un peu de vin, je pense. Et si vous êtes sages, le capitaine vous invitera peut-être dans sa cabine pour un verre de sa réserve personnelle."
Son expression se fit plus sérieuse.
" Néanmoins, je pense que des agapes trop... bruyantes ne seraient pas exactement bienvenues. Cela reste, j'en ai peur, un navire militaire, oui."

[Taliesin]

-Nous serons très sages et très silencieux. Certes, je l'admets, un barde ivre a tendance à être fort bruyant. Un barde ivre mort, en revanche, c'est aussi muet qu'une carpe. Il me faudra donc veiller à ne pas faire de demi-mesures.
Il se tourna vers la rôdeuse, adopta un air désolé.
-Galathée, ne crois pas que je prendrai plaisir à ces beuveries. Malheureusement, elles sont une nécessité, car elles constituent l'unique moyen pour moi de combattre la terreur indicible que m'inspire la mer depuis que je m'y suis plus qu'à moitié noyé, tout ça parce qu'un avatar mort-vivant d'Umberlie a eu la bonne idée de m'entraîner vers le fond, à cause des coups d'épée avec lesquels je l'avais occis...

[Galathée]

" Ça fait partie de l'histoire de Mersant ? demanda la rôdeuse à Guéric et Aegir.
— J'en ai bien peur. Mais il y a aussi les sirènes mangeuses d'hommes, les drows déments, l'explosion d'un bateau pirate et le requin qui a bouloté ma jambe, le trésor du dragon, l'attaque de la plage, la ceinture qui parle, le golem à mille pattes...
— Le kraken.
— C'est vrai, le kraken.
— Mais ça finit bien. Pour une partie d'entre nous, en tout cas."
La rôdeuse jeta un regard en direction de Polyanna qui, à quelque distance, les entendait peut-être.
" Et bien les aventures de Mersant attendront..."
Frigbur avait pointé son nez hors du château arrière et de sa voix tonitruante, il invita les passagers à venir se sustenter. A n'en pas douter, lorsqu'ils ressortiraient, la nuit serait tombée.

[Taliesin]

Ayant suivi le regard de sa compagne et s'étant senti subitement mal à l'aise, Taliesin se garda de faire toute nouvelle plaisanterie. Et il se demanda même si raconter ce qui s'était passé sur l'île alors que Polyanna était présente serait une bonne idée : pour la jeune femme, les conséquences de ces événements étaient dramatiques, et il n'avait absolument aucune envie de retourner le couteau dans la plaie...
-Allons-y ! dit-il finalement, d'un ton qui se voulait léger. Je ne sais pas vous mais moi, j'ai grand faim.

[Galathée]

L’elfe et ses compagnons regagnèrent donc le ventre du navire pour le souper. Tout leur petit groupe s’y trouvait, les six enfants, lui-même, Galathée, Guéric, Polyanna et même Judicaël. Seul Kerun manquait à l’appel, mais peut-être était-ce dans l’ordre des choses, à présent qu’ils avaient intégré le quotidien d’un navire militaire.
Frigbur, gigantesque sous le plafond bas du mess, leur servit de l’espadon cuit à l’étouffée aux petits légumes, avec un riz sauvage de couleur violacée, croquant et savoureux. Gurvan avait opté pour du fenouil, des carottes et de jeunes poireaux, remisant les endives à plus tard. Le capitaine de la Polissonne n’avait pas menti, c’était délicieux et inattendu à bord d’un bateau de guerre. Même Guéric dut convenir que c’était surprenant. On servit aux adultes un petit verre d’un vin blanc sec d’excellente qualité pour accompagner le tout, et ils devisèrent avec animation autour du repas, bien qu’ils soient tous manifestement fatigués. Les deux petites filles, bien qu’impressionnées par le demi-orque, se proposèrent pour la vaisselle, tandis que les garçons, bâillant, semblaient sur le point de s’endormir sur la table. Guéric finit par les inviter à aller se coucher. Il proposa à Taliesin de remettre leur première beuverie au lendemain, histoire de s’assurer que la première nuit se passe sans heurts. Galathée parut reconnaissante de cette attention. Avec la tombée de la nuit, l’intérieur de la frégate devenait plus sombre, et les émotions négatives semblaient affleurer chez les rescapés de Mélandis. Les bébés forcèrent rapidement le jeune couple à se retirer, donnant de la voix depuis leur petite cabine. Ils saluèrent les derniers debout, puis se replièrent dans la pénombre de leur couchette, où Galathée entreprit de nourrir sa marmaille.

[Taliesin]

Débuta alors la procédure habituelle : sitôt que l'un des jumeaux eut terminé de manger, il lui fit faire son rot, le berça un moment, le changea, le berça à nouveau pour s'assurer qu'il s'endorme puis le coucha avant de recommencer la même chose avec le deuxième bébé. Lorsqu'Héloïse et Tristan eurent tous deux rejoint le pays des rêves, il ne lui fallut que quelques instants pour être étendu aux côtés de sa compagne. Quelques mots échangés, un bonne nuit souhaité et, déjà, il sombrait dans le sommeil. Les fatigues du jour l'avaient emporté sur sa nervosité latente quoiqu'en partie apaisée par la bienveillance dont il était l'objet et la joyeuse atmosphère du repas.

Vers ici...

[Galathée]

De là...

Il s’éveilla sous un rayon de soleil perlant au travers de l’unique hublot. La Polissonne se balançait doucement sur les vagues, tranquille, et quelques mouettes criaient à l’extérieur. Il était seul, absolument seul. Nulle trace de Galathée ou des enfants. Il entendit cependant les bruits de la vie à l’extérieur. Des pas sur le pont au-dessus de sa tête, des voix étouffées dans le couloir, l’odeur du pain chaud se glissant sous la porte… La quiétude était totale.

[Taliesin]

Surpris d'avoir dormi d'une traite - il s'était préparé à ce que Galathée le réveille pour l'aider à s'occuper des jumeaux ou que son concours soit nécessaire auprès d'anciens captifs victime de sombres réminiscences liées à leur précédent trajet en bateau -, encore marqué par ses "rêves" étranges, l'elfe s'accorda un peu de temps pour émerger et demeura donc allongé quelques minutes. Lorsqu'il eut pleinement repris pied dans la réalité, il se leva, s'habilla et entreprit de rejoindre les autres, poussé à se hâter par un estomac qui, nullement affecté par le mal de mer, criait famine.

[Galathée]

Les autres étaient déjà pour la plupart sur le pont, mais il trouva quelques retardataires dans le mess, notamment Guéric, qui avait une mine de déterré. Il l’accueillit d'un sourire goguenard et tapota le banc à côté de lui pour qu'il vienne s'asseoir.
" Voici l'elfe au sommeil de plomb !" annonça-t-il.
Prudence leva un nez froissé de son bol et le rebaissa aussitôt, l'oeil vide.