La Couronne de Cuivre

Arthur ne masque pas sa surprise. Il s'était attendu à ce que la tieffeline occupe une cellule au fort — une cellule confortable, mais une cellule quand même — plutôt qu'une chambre dans le Temple de Lliira.
" Est-ce que c'est prudent ? Je veux dire... qu'elle soit ici. La tieffeline. Elle vient quand même... enfin on ne sait pas... son rôle dans cette histoire et... Elle peut être dangereuse ou bien s'enfuir... Non ?"

La remarque sembla amuser la prêtresse.

« Vous savez, les prêtres sont des gens assez capables, en général, surtout quand il s'agit de créatures d'outreplan. Et elle ne risquait pas de causer grand dégâts tant qu'elle était inconsciente ; même si nous allons sans doute la transférer une fois que nous serons sûrs que ce n'est pas dangereux – pour elle ou pour les soldats qui l'accompagneront. »

Après une courte pause, elle ajouta d'un air malicieux.

« Que diriez-vous de venir lui parler avec moi ? Vous pourriez en profiter pour vérifier que nous la surveillons bien. »

La malice échappa complètement à Arthur, qui était un garçon très premier degré.
" C'est une sage idée." dit-il.
Il devait tout de même y avoir une infirmerie dans la caserne de la garde, même si c'était la brousse ! Mais la Lliranne marquait un point : un guérisseur laïc était sans doute tout à fait démuni face à une démone...
" Je vous fais confiance, c'est pas ça... ajouta-t-il subitement, réalisant qu'il avait été — encore — maladroit. Hum... Vous travaillez souvent avec la garde ?"
Peut-être aurait-il dû commencer par lui demander son nom... Les gens faisaient ça, échanger des noms, c'était poli. Mais c'était trop tard alors ça attendrait...

Quelqu'ait pu être la maladresse du lathandrite, la lliirane anonyme ne s'en formalisait pas le moins du monde.

« Eh bien, ils ont souvent besoin de guérisseurs, et c'est une façon comme une autre d'apporter de la joie aux autres. D'ailleurs, nous ne sommes pas le seul temple en ville à faire un peu de service là-bas ; je crois que tous ceux qui ont des fidèles parmi les gardes participent. »

Elle ajouta, sur un ton de fausse confidence.

« Et puis, entre nous, les soldats sont très doués pour faire la fête dès qu'ils ne sont pas de service. »

Tout en parlant, elle le guidait dans les couloir. Lorsqu'ils atteignirent la chambre de la tieffeline, celle-ci s'y trouvait seule, allongée sur le lit qu'on lui avait donné, et observant les alentours d'un air pas franchement rassuré. Arthur pouvait constater par ailleurs que deux prêtres, manifestement expérimentés – l'un aux couleurs locales, l'autre paré des symboles de Deneir –, étaient établis dans le couloir et devaient, sous couvert de badiner, surveiller étroitement les lieux : impossible pour la prisonnière de sortir de sa chambre ou de commencer à incanter sans qu'ils ne s'en rendent compte. Quant aux fenêtres, sans doute scellées magiquement, celles-ci donnaient sur les jardins du temps où les effectifs étaient encore plus nombreux – de jour comme de nuit, pouvait-on parier ici.

Arthur ne voulait rien en savoir. Les paladins aussi étaient capables de faire la fête, surtout les Lathandrites, mais ce n'était pas trop son truc à lui, sans doute parce qu'il tenait mal l'alcool, qu'il avait tendance à ne comprendre les plaisanteries que cinq minutes après tous les autres, qu'il n'avait jamais d'aventures à raconter et qu'il ne savait pas danser. Sans doute le résultat d'une éducation un peu trop rigide, entre sa mère et son précepteur : il n'aurait même pas su par où commencer.
Mais il était impressionné par les mesures mises en place par les Lliirans, et aussi par leur nombre. Il n'aurait jamais imaginé que Rohan — une ville de cavaliers frustes et taciturnes — put abriter ce genre d'endroit. Décidément, il avait une représentation fausse de la Trouée... ou peut-être du culte de Lliira.
Il demeura silencieux, puisqu'ils étaient en présence de la prisonnière jeune femme convalescente. C'était la Lliranne anonyme, son hôtesse, lui n'était qu'un invité.

HRP : je n'ai pas de plan de la ville et j'aurais dû préciser, mais j'imaginais ces jardins partagé avec au moins un autre temple de pas trop grande importance. Celui de Milil, par exemple. Ce qui fait qu'une partie du « dispositif de sécurité » est assurée par des prêtres d'autres cultes proches, comme le prêtre de Deneir dans le couloir. Ce temple-ci peut donc ne compter qu'un personnel plutôt limité. Je suis parti du principe que, vu que c'est une ville relativement importante puisqu'à la croisée de grandes routes, compter quatre ou cinq prêtres pour les divinités mineures du panthéon humain n'était pas particulièrement surprenant, si ? Je m'en voudrais de trancher trop avec le background local

La tieffeline se redressa en les voyant tous deux entrer. Elle avait assez manifestement peur, ce qui n'était sans doute guère surprenant pour quelqu'un qui arrivait d'un autre plan – quoique, si l'hypothèse du paladin était juste et qu'elle provenait d'un plan où se déroulait la Guerre de Sang, celui-ci devait sembler bien moins hospitalier que le plan matériel. Quoiqu'il en soit, elle se détendit quelque peu en reconnaissant la Lliirane, qu'elle avait sans doute déjà vue à son réveil et qui s'était révélée ne pas être un danger immédiat. Elle retrouva en revanche sa méfiance concernant Arthur, au point d'être la première des trois personnes présentes à ouvrir la bouche.

« Vous êtes qui ? Un autre prêtre ? »

Sa voix également trahissait une certaine inquiétude.

HRP : surtout fais à ta guise, Elzen ! C'est pas du tout un souci que Rohan ait plusieurs visages... plus ou moins connus selon les personnes qui y transitent.

Arthur grimaça.
" Heu... Non. Mais je crains que ce ne soit pire... Je suis paladin. De Lathandre, cela dit. Vous connaissez Lathandre ? Ça veut dire que vous ne risquez rien. Je ne vais pas... vous couper la tête, ou quoi que ce soit. Enfin, si vous êtes une personne de bonne volonté. Et même si ce n'était pas le cas... Je ne pense pas que... enfin bref... de toute façon, je suis juste en visite. Pour rendre service. Voir si tout va bien. Ce genre de choses. Hum. Vous avez bien dormi ?"
Il était conscient d'avoir repris une teinte framboise et espérait que la Lliiranne serait assez gentille pour venir à son secours.

HRP : certes, mais bon, c'est mieux si ça reste un minimum cohérent vis-à-vis du reste

La prêtresse ouvrit effectivement la bouche pour intervenir, mais la tieffeline fut plus rapide.

« Ça va, vous n'avez pas l'air trop méchant. Je suis sûrement mieux là… »

Elle s'allongea de nouveau, l'air de s'efforcer de se détendre. La Lliirane en profita pour pendre la parole, d'un ton aussi rassurant que possible.

« Nous ne sommes pas méchants du tout, et vous êtes très bien là, en effet. Quoi que vous ayez subi avant, ce sera bientôt de l'histoire ancienne. »

Était-ce une manière détournée de l'amener à aborder le sujet ?

Arthur se garda bien d'ouvrir la bouche pour rajouter quoi que ce soit. Il se connaissait suffisamment pour savoir qu'il risquait de gâcher l'effet de la Lliiranne en racontant n'importe quoi. Aussi demeura-t-il planté comme un piquet (bien droit) à côté de la prêtresse, tentant d'arborer une expression bienveillante, tranquille, accueillante et aussi invitant à la confidence (si cela voulait dire quelque chose). Il trouvait le franc parler de la tieffeline assez déstabilisant, mais il commençait à comprendre que ce n'était pas dû à sa nature mais bien à son sexe, et que cela n'avait donc rien de planaire.

Rhalala

« Mouais, on va dire ça. »

Elle se renfonça dans ses coussins un instant, comme perdue dans ses pensées, puis reprit la parole.

« Vous avez eu ce type, au moins ?
– L'invocateur ? Il est… sous surveillance, oui.
– Nan, pas le sous-fifre. Je parle du chef. Le type qui m'a poussée dans ce portail. »

La lliirane, manifestement surprise, tourna vers le lathandrite un regard interrogateur.

Ah misère, songea Arthur.
" C'est une sorte de créature bizarre ? Si oui, alors oui. Si non, alors non. Enfin... Il est resté de l'autre côté. Ce qui tombe assez bien, non ? Vu qu'il est là-bas et nous ici, c'est... dans l'ordre des choses. Chacun chez soi. Et sans sous-fifre, je suppose qu'il ne sait plus passer chez nous. Pourquoi il passerait chez nous, d'ailleurs ?"
Un "chef" des Plans Infernaux ne portait sûrement aucun intérêt particulier à Rohan ! A moins qu'il n'ait envie de chevaux un peu moins flamboyants pour son écurie...
" Et pourquoi il vous a poussée ?"

Elle secoua la tête.

« Je ne sais pas trop ce qu'“ici” veut dire, mais il n'avait pas tellement l'aspect du coin, là-bas. En fait, il avait l'air à peu près aussi humain que vous. Enfin, il ne rougissait pas autant, c'est même ça qui tranchait avec ses serviteurs. »

Elle cherchait sans doute à le taquiner : si la créature d'apparence diabolique qu'ils avaient trouvé à côté d'elle après le rituel – l'un desdits serviteurs, donc, semblait-il – avait effectivement le teint rougeaud, ce n'était assurément pas le même rouge que celui qui montait aisément aux joues du paladin.

« C'est vrai que nous n'avons pas précisé ce qui nous semble naturel. Nous sommes sur Toril. Sur l'île d'Hélonna. À Rohan, pour être précis. Pourriez-vous nous donner quelques précisions sur ce “là-bas“ ?
– Jamais entendu parler. De Toril, je veux dire. Je ne sais pas vraiment dans quel plan j'étais – j'aurais dû faire plus attention en franchissant le portail d'avant, je sais –, mais ça avait tout l'air d'être une strate des enfers. En tout cas, c'était clairement un coin à diables, parce que ma tête ne leur revenait pas du tout. La Guerre de Sang, tout ça. Mais ils m'ont quand même capturée sans trop me faire de mal, parce que ce type avait besoin de cobayes pour ses expériences. Enfin, ça aussi, j'y ai pas mal coupé : apparemment, son sous-fifre ici a eu fini de faire ce qu'il voulait pas longtemps après, et il lui a ordonné le rituel de cette nuit – c'était bien cette nuit ? – pour pouvoir débarquer chez vous. J'ai eu de la chance qu'il me choisisse pour sa diversion, d'ailleurs, parce que sinon, je serais sans doute toujours dans une cage là-bas. »

Elle eut un frisson à cette dernière idée.

Arthur frissonna en miroir. Il avait des souvenirs difficiles de sa propre captivité, autrefois, aux mains des Mélandiens.
" Je ne comprends pas bien..."
Ce qui était chose fréquente, mais personne ne s'attendait à des prouesses intellectuelles de la part d'un paladin.
" Qu'est-ce que vous entendez par diversion ? Il allait emprunter ce portail ou pas ?"

« Beh, je ne suis pas sûr d'avoir tout compris moi-même ; mais il avait l'air de vouloir le faire, ouais. C'est pour ça que je vous ai demandé si vous l'aviez eu. De ce que j'ai compris, il voulait que vous ayez l'impression d'avoir arrêté le rituel sans qu'il soit passé, alors que si, en fait. En tout cas, il avait l'air de se méfier des gens du coin. »

La Lliirane semblait assez perplexe devant ces explications.

Arthur l'était encore davantage. Est-ce que la tieffeline sous-entendait que le "chef" avait anticipé l'intervention d'Alurtil et de lui-même ? Comment une telle chose était-elle possible ? Avait-il des espions, des yeux, à Rohan même ? Etait-ce le fait de ces petits diablotins ?
" C'est ce qu'on a fait, arrêter le rituel... murmura-t-il finalement. Comment est-ce qu'on fait la différence entre vraiment arrêter un rituel et arrêter un rituel mais en fait il n'est pas arrêté ?"
Il repensa au moment où plus rien n'avait bougé dans la pièce, où le temps s'était comme figé... Le portail s'était éteint, il n'y avait eu aucun mouvement. Arthur n'y voyait rien, mais Alurtil était un nain, il aurait vu si quelqu'un en avait profité pour filer. Sauf s'il y avait un second portail ailleurs et qu'on les avait attirés vers cette fameuse diversion... Cela semblait incroyablement... compliqué, même pour un tordu diabolique.
" Sans doute que c'est l'invocateur qui devrait pouvoir répondre à nos questions, non ?"

« Malheureusement, je crains que, dans son état actuel, il ne puisse pas répondre grand chose. Mais je vous préviendrai dès que nous aurons progressé. »

Un silence gêné suivit cette déclaration. Jusqu'à ce que la tieffeline reprenne la parole.

« Bon, c'est votre monde et tout, je ne sais pas comment vous traitez ces choses-là, mais vu le genre de précautions qu'il a pris, je crois que ce type savait où il voulait aller, lui, donc je dirais que ce n'est pas la première fois qu'il vient là. Vous avez bien des bardes ou des trucs comme ça, non ? Ça pourrait être une idée d'aller leur demander si ça ne leur dit rien. C'est leur boulot, normalement. »

" Un barde ?"
Arthur ne comprenait plus rien. Les bardes ? Un boulot ? Il avait toujours considéré qu'il s'agissait d'amuseurs publics, très doués pour animer les soirées en taverne. Quel était le rapport avec un portail plein de cornugons ?
" Heu... En fait, on devrait appeler la garde, non ? dit-il en se retournant vers la Lliiranne. Moi je ne suis qu'un invité... et j'ai reçu plus ou moins l'ordre de ne pas quitter mon auberge avant le retour de mes confrères... En plus..."
Il eut un geste vers son crâne.
" Je crois que je ne comprends pas grand chose à ce qu'elle raconte. C'est peut-être l'accent. Mais en même temps, j'ai toujours mieux compris les chevaux que les fi... les gens."

Le sourire espiègle de la Lliirane montra clairement qu'elle n'avait rien perdu du mot que le Lathandrite avait failli prononcer. Elle s'abstint cependant cette fois de tout commentaire à ce sujet.

« Je vais effectivement transmettre ces informations à la garde ; mais je suis sûre que toute l'aide que vous pourrez nous apporter sera la bienvenue, et que vos collègues ne vous en tiendront pas rigueur. »

Elle se tourna ensuite vers la tieffeline, dont elle avait semble-t-il – privilège féminin ? – mieux compris que lui le raisonnement.

« Mais c'est effectivement une bonne idée d'aller également consulter nos archives. Si cet homme – ou quoi que ce soit – semble nous connaître, il y a fort à parier que la ville a déjà entendu parler de lui, et cela doit bien être consigné quelque part.
– N'oubliez pas les bardes. Un de mes meilleurs amis est barde, et il suffit de lui sortir un petit détail d'un truc que tout le monde à part lui a oublié, et il arrive à vous raconter tout dans les moindres détails. »

Arthur était bien content de n'avoir aucun ami barde. Il connaissait déjà bien assez de paladins à la mémoire médiocre capables de lui raconter des tas de choses dont il aurait préféré ne pas se souvenir, de préférence à table, devant un auditoire fourni, avec des invités, bref, dans les conditions idéales pour le mettre dans l'embarras. Certaines choses gagnaient à être oubliées, voilà tout.
Mais pour en revenir à leur affaire immédiate, la Lliiranne n'avait aucune idée du savon qu'il allait prendre quand Sire Othon apprendrait qu'il avait été combattre des lémures dans une ferme isolée (bon, il n'était pas obligé de l'apprendre, mais pour ça, il faudrait espérer qu'il ne poserait pas de questions, parce que s'il en posait, Arthur serait forcé de répondre la vérité...). Ensuite, il était tout à fait prêt à croire ce que les demoiselles racontaient. Elles avaient l'air de savoir de quoi elles parlaient, ce qui n'était pas son cas, alors dans le doute...
" Vous pensez que c'est une sorte de... créature qui revient attaquer Rohan tous les trente-trois ans, ou quelque chose comme ça ?"
Peut-être qu'elle aimait la viande de cheval, ce qui serait sacrilège, évidemment.

« Je pense que c'est une piste à envisager sérieusement, en effet. Je n'ai personnellement jamais rien entendu de ce genre, mais je ne suis pas exactement la plus calée dans ce domaine. D'ailleurs, je pense qu'en plus des archives…
– Et des bardes.
– …et des bardes, nous pourrons interroger maître Alurtil. Ce n'est pas son premier passage dans la région ; et puisque cette histoire est en lien avec son domaine de spécialité, il se peut qu'il sache quelque chose à son sujet, même s'il n'a pas encore fait le rapprochement.
– Votre Alurtil, c'est encore un prêtre ? »

Manifestement, la tieffeline n'appréciait guère cette sorte d'individus.

" Une sorte de paladin version nain, je pense plutôt. Mais comme les paladins, c'est un peu des prêtres, alors la réponse est sans doute oui. Ça dépend un peu de comment vous triez les gens."
La tieffeline avait des préjugés sur les prêtres, Arthur avait des préjugés sur les tieffelins. Chacun ses oeillères.
" Hum... Bon, je peux aller le chercher... lui poser la question... de toute façon, je ne connais pas de barde, et je ne sais pas où sont les archives, et je n'ai aucune notion de l'histoire de Rohan, je connais juste la chanson du "Petit Poulain de Boue", mais comme je chante faux, je vais vous épargner les oreilles. Puis j'irai à la garde avec ce que je sais..."

« Facile : je trie ceux qui essayent de me tuer quand ils me voient d'un côté, et les autres de l'autre. »

Les deux femmes eurent un nouveau sourire amusé en l'entendant évoquer ses talents de chanteur.

« J'aimerais pourtant entendre ça, à l'occasion. En attendant, oui, je pense que nous avons du travail. »

Après quelques politesses échangées avec la tieffeline, qui pour sa part, demeurait sur place et sous bonne garde, la prêtresse accompagna le paladin vers l'entrée du temple. Il était libre de quitter le temple, ou de rester s'il estimait avoir encore quelque chose à faire dans les parages.

Arthur n'avait nulle intention de s'attarder et il se mit donc en quête de son confrère nain. Avec un peu de chance, il était retourné à l'auberge qu'il avait occupée avant son faux-départ de la veille, il ne serait donc pas trop difficile de le retrouver. Au pire, il irait demander à la garde : il supposait que, comme lui, le gardien avait informé les autorités de l'endroit où il se reposait (et même si ce n'était pas le cas, les autorités avaient le chic pour toujours savoir où on était, Arthur en avait déjà fait l'expérience...) (Rohan était une petite ville, ça aurait sans doute été plus épineux à Luménis, avec ses dizaines d'auberges... mais quoique...).

HRP : mes excuses.

Alurtil était effectivement retourné à l'auberge où il avait passé la nuit précédente. Hélas, il n'y était pas resté : on apprit à Arthur, lorsqu'il demanda si le nain se trouvait sur place, que deux membres de la garde locale s'étaient présentés dans la matinée, comme cela avait été le cas dans sa propre auberge. Mais si le paladin dormait alors du sommeil du juste que les soldats n'avaient pas voulu interrompre, le gardien, pour sa part – peut-être parce qu'il n'avait pas dû se lever aux aurores pour ses devoirs religieux, et avait ainsi pu refaire surface plus tôt – avait accueilli ses visiteurs parfaitement réveillé. Et avait considéré comme son devoir de repartir les épauler. Aux dernières nouvelles, il était donc reparti, entouré cette fois de plusieurs compagnons, vers le théâtre de leur affrontement de la veille et la campagne environnante.

HRP : si tu craques, on peut abréger, hein

Arthur trouva là le prétexte rêvé pour aller galoper dans la campagne, son activité favorite. Il décida donc de repasser par son auberge pour y laisser un petit message du type " Je suis sorti, je reviens vite." au cas où Othon et les autres repointaient leurs épées dans les parages, et y récupérer Phénix. Ensuite, si les choses se déroulaient sans nouvel imprévu, il mettrait le cap sur la ferme abandonnée pour aller questionner Alurtil sur les démons visiteurs (ou les diables ou les autres choses qui n'auraient pas dû se trouver là...). Et qui sait, il pourrait peut-être aussi donner un coup de main pour rattraper le diablotin baladeur et le cheval de feu.

HRP : du tout, j'ai juste eu quelques contretemps.

Il n'y eut pas de nouvel imprévu sur le trajet. Arthur trouva le bâtiment dans l'état dans lequel il l'avait laissé dans la nuit, c'est-à-dire sous bonne garde. Les soldats l'accueillirent avec enthousiasme : le nombre de créatures d'outreplan que le gardien et lui avaient abattu la veille – leurs cadavres avaient entre temps été empilés à l'extérieur et incinérés – forçait manifestement le respect.
Alurtil, toutefois, ne se trouvait pas sur les lieux : le cheval de feu avait été localisé à quelque distance de là peu avant que le nain n'arrive sur place, et celui-ci s'était empressé, sitôt qu'il l'avait su, de se rendre sur place afin de « s'occuper » de la créature – ce qui signifiait vraisemblablement la renvoyer dans son plan.
On indiqua à l'humain l'emplacement approximatif où cela devait se passer, un peu plus loin dans la campagne : il pouvait s'il le désirait rejoindre son camarade ; encore que rester sur place à l'attendre fut également une possibilité. Dans les deux cas, il convenait de ne pas relâcher complètement sa garde : le diablotin, lui, n'avait pas encore retrouvé. Mais cette seule créature n'était sans doute pas la menace la plus grande auquel des combattants entraînés comme ils l'étaient auraient à faire face.

Arthur ne se voyait pas poireauter à la ferme avec la tâche — immensément complexe pour lui — de bavarder de la pluie et du beau temps avec les gardes, aussi décida-t-il de partir à la recherche d'Alurtil. Il promit (et se promit) d'être vigilant, comme conseillé par les soldats, puis talonna son étalon isabelle et fila dans les hautes herbes. C'était une chance que le cheval de feu n'ait pas causé d'incendie dans ces broussailles, mais sans doute était-ce lié au temps maussade...

Peut-être la nature particulière de ces flammes faisait-elle qu'elles étaient difficiles à transmettre si l'animal ne le souhaitait pas : après tout, Arthur avait pu monter sur la créature et s'était tenu à une distance de sa crinière enflammée si faible que ses vêtements auraient pu s'enflammer ; mais s'il en avait senti la chaleur, le feu n'avait causé sur lui aucun dégât. Quoiqu'il en soit, le temps maussade se changea bientôt en pluie légère. Et ce fut heureux : en parvenant aux abords de l'endroit qu'on lui avait indiqué, Arthur put constater qu'un incendie avait en fait été évité de peu. Certaines broussailles simplement roussies, d'autres franchement calcinées, ça et là quelques braises encore incandescentes. Ainsi que des traces de combat.
Suivant les traces, le luménien put cependant constater que ledit combat s'était achevé sans lui. Les quatre soldats de Rohan qu'il trouva au bout du chemin avaient manifestement eut affaire à forte partie. L'un d'entre eux était même étendu à terre, vivant, mais apparemment incapable de se relever. Les autres s'occupaient toutefois de lui et semblaient pour leur part en mesure de s'en remettre. Le tableau était complété par le gardien nain qui, stoïque, contemplait l'endroit où leur adversaire, désormais hors de vue, avait dû se tenir. Lui semblait indemne, si l'on exceptait le changement de couleur de certains poils de sa barbe.

Ainsi ils avaient combattu le cheval... C'était étonnant, il avait paru tout à fait placide la veille... Mais sans doute s'était-il rebiffé à l'idée d'être renvoyé loin de ces magnifiques prairies. Arthur se porta d'abord au chevet du soldat étendu : il n'avait pas encore usé de ses pouvoirs curatifs et même s'il n'était pas capable de grand chose (c'était, après tout, un paladin encore très débutant), il était prêt à dépenser son énergie sans compter. Ensuite, il irait jusqu'au nain pour récolter le récit fantastique du jour...

Son intervention ne suffit pas à remettre l'homme sur pied – pour un habitué des chevaux, il était manifeste qu'il avait été atteint par une ruade, ce qui était douloureux même quand les sabots de l'animal n'étaient pas enflammés –, mais paru apaiser en partie sa souffrance. Ses jours n'étaient pas en danger, et sitôt que ses camarades en furent assuré, deux d'entre eux se mirent en quête de leurs propres chevaux, qui s'étaient enfuis au début de l'affrontement. Le dernier resterait au chevet du blessé jusqu'à ce que ses confrères reviennent avec un prêtre.
Le gardien se tourna vers le paladin sitôt que celui-ci s'approcha.

« Nous nous demandions combien de temps dureraient les sortilèges qui le rendaient docile… une chance pour vous qu'ils n'aient pas expiré pendant que vous le montiez. »

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Rohan