La Couronne de Cuivre

Pour Chandara :

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Pour le bon et la brute :

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HRP : Désolé pour le retard, je devais discuter de certains points avec votre précédent MJ !

En bon ordre, aux aguets, l'escouade manostienne gagna sans encombre les abords du moulin, et plus précisément l'endroit où s'était déroulé l'assaut mélandien contre le petit groupe tout juste remonté des profondeurs de la terre. Hormis l'herbe foulée et les débris des mains squelettiques détruites par Arthur, on voyait deux vestiges majeurs du combat : le marteau de Chandara, abandonné sur le sol, et le corps de Don. Corps que n'avait peut-être pas encore abandonné tout souffle de vie, à en croire les spasmes légers dont il était agité.
De leurs ennemis et du paladin qu'ils avaient capturé, nulle trace, sinon une piste clairement discernable qui, de ce qu'ils en apercevaient, semblait contourner le bâtiment.
Et sur cette piste, un jeune homme qui s'en revenait vers eux.
Il s'agissait de Brus.

Les surprises survenaient presque trop vite pour que Chandara puisse faire le tri dans les émotions qu’elles suscitaient. L’absence d’Arthur n’en était pas vraiment une mais elle lui fit tout de même un pincement au cœur. Elle s’obligea à penser que cela signifiait au moins qu’il était toujours en vie malgré leur assaut contre les forces mélandiennes. Et tant qu’il était en vie, il restait une chance de le sauver. Son attention fut toutefois rapidement ramenée au présent quand elle aperçut son marteau et la forme de Don toujours étendue sur le sol à l’endroit où elle était elle-même tombée. Après s’être excusée auprès du lieutenant, elle quitta les rangs et se dirigea vers son ancien compagnon dans l’idée de lui rendre les derniers hommages qu’il méritait amplement. Mais dès qu’elle vit qu’il bougeait encore légèrement, elle délaissa son arme et fut presque terrassée par un sentiment de culpabilité et de soulagement étrangement mêlés. Ils l’avaient abandonné alors qu’il pouvait peut-être encore être sauvé ! S’il mourrait maintenant… Non, rien que d’y penser lui donnait la nausée. Elle pressa le pas et s’agenouilla aux côtés du paladin en lui prenant la main, tant pour vérifier qu’il était bien en vie que pour lui assurer son soutien.

- Lieutenant, je crois que cet homme est encore vivant. C’est un ami… Je vous en prie, si vous pouviez l’aider…

Elle n'était pas sûre elle non plus que l'étincelle de vie en Don suffise mais il fallait essayer. Ils le lui devaient. En relevant la tête vers l'officier, elle aperçut Brus et en fut grandement soulagée : lui aussi était en vie. Et elle n'avait pas oublié lui devoir la sienne une fois de plus. Et peut-être saurait-il, en outre, où le mage avait emmené son cher et tendre.

Gaspard ne se formalisa pas pour l’initiative de Chandara. Toutefois, son intérêt alla tout d’abord à Brus. Ainsi, il avait survécu à son opération en solitaire. Une bonne chose. Le titan espérait que son rapport apporterait de précieuses informations pour la suite de l’opération, opération qui s’engageait mal, il fallait l’avouer. De ce qu’il était déjà possible de constater, l’ennemi s’était replié, emportant certainement avec eux le précieux prisonnier, sans doute leur objectif premier. Les squelettes n’avaient été envoyé que pour couvrir cette retraite.

« Heureux de vous revoir. Qu’êtes-vous parvenu à faire et à apprendre ? » fit le lieutenant, de son ton militaire.

Il tourna ensuite brièvement la tête vers le moribond. Ses ressources magiques étaient pratiquement épuisées. Pouvait-il se payer le luxe de soigner un inconnu ? Il jugea préférable d’attendre la réponse de Brus avant de décider.

Oups, j'étais persuadé d'avoir posté, j'avais même écrit mon texte, et je viens de me rendre compte qu'en fait pas du tout, désolé!

Brus remonta jusqu'au moulin sans croisé la route de personne, ce n'est qu'après avoir dépassé celui-ci qu'il tomba enfin sur le régiment manostien, qui semblait avoir finalement pris le meilleur sur son homologue squelettique. Comme il se rapprochait, il distingua Chandara agenouillée à côté du corps de Don, mais l'imposante carcasse de Hurlegloire se mit bientôt en travers de son chemin pour lui demander des nouvelles des Mélandiens, Brus récapitula dans l'ordre :
"D'abord je suis arrivé en haut d'la falaise, où j'ai pu avoir une des sentinelles, mais l'autre m'a échappé. Après que les squelettes vous ont attaqué, le mage et c'qui restait des autres a décidé de mettre les voiles 'vec Arthur et l'livre. J'les ai suivis, ils ont pris une sente derrière l'moulin qui redescend d'l'autre côté, jusqu'à un pré, où quelques types à eux les attendaient 'vec leurs chevaux. A partir de là j'ai pas pu continuer à les suivre, ils sont montés en selle et sont partis à une bonne allure. Mais je les ai entendus dire qu'ils comptaient r'joindre une base, et qu'ils auraient fait la route avant l'aube. Qu'est-ce que vous comptez faire? Leurs traces devraient pas être difficiles à suivre, mais bon, on est à pieds, et comme ils ont dit qu'il y avait d'autres prisonniers dans leur base, doit aussi y avoir d'autres gardes..."

Chandara était restée agenouillée près du corps de Don pendant le résumé de la situation dispensé par Brus. La jeune femme était tiraillée entre le besoin presque irrépressible d’obtenir des nouvelles d’Arthur et la nécessité urgente de dispenser des soins à son ancien camarade. Mais Chandara était une femme de cœur, pleine de compassion, et elle savait de toute manière que Gaspard était le mieux placé et le plus légitime pour décider de la suite. Elle se conformerait à ses directives ou partirait seule à la recherche de son ami quand il aurait décidé de renoncer. La décision lui appartenait. Elle pourrait peut-être peser en partie sur son choix mais sa loyauté immédiate devait se tourner vers Don. Elle essaya donc de déterminer où ses modestes compétences de guérison pouvaient éventuellement faire une petite différence pour stabiliser l’état du paladin moribond. Peut-être cela ne servirait-il à rien, peut-être était-il déjà trop tard mais au moins offrirait-elle un moment de réconfort par sa présence à ce valeureux servant de la lumière qui n’avait pas hésité à la suivre au risque de se sacrifier.

- Tenez-bon, par la lumière. J’ai promis que vous rentreriez chez vous, ne me faites pas mentir. Vous savez bien que les paladins détestent cela encore plus que d’avoir tort…

Elle n’était pas certaine que le jeune homme pouvait l’entendre mais si c’était le cas, peut-être sa voix l’aiderait à rester dans le monde des vivants. Ou peut-être ne cherchait-elle qu’à se rassurer elle-même pendant qu’un autre prenait les décisions décisives. Pendant que le sort de l'être qu'elle aimait était remis entre les mains d'inconnus.

Après le récit de Brus, Gaspard resta un instant immobile, silencieux, tout en fixant un point quelque part au-delà du moulin. Alors ils étaient partis... à cheval... avec Arthur... Ce dernier avait une valeur certaine en tant qu’otage, l’ennemi ne manquerait pas d’en tirer profit. Il était hors de question d’abandonner. Mais comment continuer ?

Brusquement, le colosse s’anima avec son éternelle vigueur. Il s’approcha du moribond tout en s’adressant à Brus :

« Vous allez guider l’un de mes hommes vers le passage emprunté par l’ennemi. Je veux savoir si l’on peut y faire passer nos chevaux. »

En effet, il ne servait à rien d’entreprendre une poursuite à pieds. Le chemin jusqu’au moulin était escarpé, mais praticable par les montures si l’on était prudent. Etait-il possible de rejoindre la piste Melandienne sans avoir besoin de trouver une autre voie ? Il fallait l’espérer car sinon, ils allaient perdre des heures. Le clerc, sans ménagement, écarta du bras Chandara et toucha le paladin de sa main ganté d’acier.

Gaspard --> Bénédiction convertie en Soin léger --> Le paladin

La guérison achevée, le lieutenant se redressa et se tourna vers son caporal.

« Rocrive, vous allez retourner en ville avec nos blessés et assez d’hommes valides que nécessaire pour le transport. Vous informerez notre hiérarchie de ce qui sait passé. Le fils du commandant en chef Lumenien est au main de l’ennemi. Je vais prendre avec moi le reste de l’escouade et essayer de le libérer. »
« A vos ordre. »

Ceci dit, Hurlegloire parla à la paladine et au roublard.

« Serez-vous des notre ? Nous avons eu des morts. On a donc des chevaux libres que je peux mettre à votre disposition. »

Chandara se redressa après avoir adressé un pauvre sourire au paladin toujours étendu au sol mais sans doute hors de danger maintenant grâce à l’intervention du lieutenant. Ce dernier proposait de donner la chasse et avait apparemment d’autres troupes et surtout des chevaux à sa disposition ce qui regonfla les espoirs de la jeune femme de tirer Arthur du mauvais pas dans lequel il se trouvait. La jeune femme se tourna vers l’officier et dut relever la tête pour le regarder dans les yeux alors qu’elle répondait d’un ton assuré et solennel :

- Vous avez montré que vous êtes un officier compétent et, plus important pour moi encore, honorable. Vous avez aidé mes amis et moi-même alors que rien ne vous y obligeait. Arthur est mon… Mon ami. Mon marteau vous sera loyal tant que vous œuvrez pour le libérer. Je vous accompagne. Quant aux chevaux, nous en avions nous aussi mais j’imagine que les mélandiens les ont dispersés. S’il n’est pas possible de les retrouver avant que nous ne nous mettions en route, j’accepterai avec plaisir l’un des vôtres.

Brus approuva d'un vigoureux hochement de tête les propos de la paladine :

"Et comment qu'on est avec vous! N'croyez pas qu'on vous laissera toute la gloire du sauv'tage de l'otage!" Ajouta-t-il avec aplomb, presque provocateur, puis il reprit, tout aussi ferme: "N'croyez pas qu'on abandonne les amis. Alors, qui vient inspecter la sente? Je n'pense pas qu'elle pose plus de problèmes que celle qu'on a prise pour grimper ici, seulement 'vec le jour qui tombe, faudra faire attention..."

Et le roublard tourna le dos au groupe pour conduire l'un des hommes de Hurlegloire vers le passage. Toutes ces précautions, bien que nécessaires, leur faisaient perdre un temps considérable.

« Parfait », dit simplement Gaspard suite aux réponses de Chandara et de Brus.

Deux personnes compétentes de plus, il n’allait pas cracher dessus. Toutefois, peut-être ferait-il bien de surveiller le roublard de près. Il ne supportait pas l’indiscipline et le manque de respect. En venant avec lui, ils se plaçaient sous son autorité et le titan n’entendait pas transiger sur se point hiérarchique. Toutefois, présentement, il avait d’autres impératifs. Il désigna un homme pour qu’il suive Brus, puis il entreprit d’activer les préparatifs en vue de la poursuite.

Chandara ne manqua pas de dédier un de ces sourires radieux dont elle avait le secret au jeune roublard avant qu’il ne s’éloigne du groupe en compagnie de l’homme de Gaspard Hurlegloire. Alors que ce dernier semblait disposer d’un moment de libre entre deux ordres, la paladine s’approcha de lui et engagea la conversation d’un ton grave mais serein :

- Je sais qu’il n’a pas l’air d’un brave soldat bourré d’expérience comme ça mais Brus est un ami de confiance. Et il est très courageux et compétent. Plus que son jeune âge laisserait à penser. Ce n’est pas la première fois que nous travaillons ensemble. Je me sens rassurée de l’avoir avec nous. Et d’avoir retrouvé ceci.

La jeune femme désigna le marteau de guerre qu’elle avait repassé à sa ceinture en remplacement de l’épée récupérée sur le cadavre de mélandien. Elle reprit d’un ton un peu plus léger :

- Désignez-moi quelque-chose qui ne soit pas beaucoup plus dur qu’une pierre et j’en viendrai à bout pour vous. Nous vous devons beaucoup, aujourd’hui. Et j’espère vous devoir davantage encore quand nous aurons libéré mon compagnon.

Brus

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Bien que n’ayant pas encore la confirmation que les chevaux pouvaient passer par le chemin emprunté par les Melandiens, Gaspard avait quand même ordonné qu’ils soient menés jusqu’aux moulin. Une partie d’entre eux tout du moins, car les autres allaient bientôt repartir pour la ville. Le lieutenant avait aussi disposé des sentinelles afin de prévenir une éventuelle menace. Désormais, il surveillait d’un œil attentif l’avancement des délicates manœuvres. D’un côté, les chevaux qu’il fallait faire cheminer sur la voie escarpée et les ponts étroits, de l’autre, la construction des civières de fortune. Lorsque Chandara s’adressa à lui, elle comprit tout de suite qu’elle n’avait qu’une petite partie de l’attention du colosse. Il n’appréciait que modérément les discours jugé superflus et ce tant qu’il était en service.

« Jeune ou pas, fiable ou pas, tant qu’il sera à mes côtés, j’entends qu’il respecte les règles en vigueur. Et c’est valable pour vous aussi. Ceci dit, si je vous ai proposé de venir, c’est que, l’un comme l’autre, vous avez fait vos preuves. A présent, reposez-vous. La suite risque d’être rude » répondit-il, toujours aussi sec.

Puis, constatant qu’il n’avait plus réellement à superviser, il se mit à aider ses soldats. Il se chargea lui-même de mener par la bride son massif destrier, une sacré bête capable de soutenir son poids ainsi que celui de son armure.

Le moins que l'on pouvait reconnaître à Gaspard était qu'il ne s'embarrassait guère de conversations superflues. Chandara écouta ses mots avec attention puis se contenta de hocher la tête avant de la détourner pour observer à son tour les préparatifs. En voyant les chevaux qu'on menait près du moulin, elle eut une pensée émue pour sa jeune jument. Kelpie s'était montré loyale et vaillante mais elle était restée avec leur ancienne escorte et il était probable qu'elle ait subi le même sort. Chemin faisant, elle songea également au destrier d'Arthur dont elle avait tout de suite noté l'attachement. Lui non plus n'était plus visible et elle espérait qu'il ait au moins pu prendre la fuite avant le combat qu'ils avaient mené contre le mage et ses séides. L'injonction - ou était-ce un ordre - du lieutenant lui paraissait bien difficile à suivre. Comment pouvait-elle parvenir à se reposer alors qu'Arthur était aux mains de leurs ennemis ? Alors que ceux-ci disposaient d'un ouvrage maudit capable sans doute de lever une armée cent ou mille fois plus terrible que l'escouade de squelettes que Gaspard et ses hommes avaient eu toutes les difficultés à contenir ? Non, décidément, elle se reposerait quand le livre serait détruit et qu'Arthur aurait retrouvé sa place à ses côtés. D'ici là, elle s'efforcerait d'obéir au mieux de ses capacités.

- Prêtez-moi la force de suivre cette voie.

La paladine en elle ne savait pas à qui elle adressait cette prière et s'offusquait que ce ne soit plus exclusivement à Helm à qui elle avait juré fidélité autrefois. Un dieu la prendrait-elle tout de même en pitié ? Entendrait sa prière d'âme errante peut-être ? La combattante de la lumière qu'elle s'était efforcée de devenir au cours des années songeait à Lathandre et à la lueur d'espoir que le luménien avait su rallumer en elle. La femme en elle songeait à son amour pour lui et à la Dame des cœurs. Chandara ne savait qu'une chose : elle était divisée. Depuis bien longtemps.

Brus revint quelques minutes plus tard avec le soldat que lui avait adjoint Hurlegloire. Il laissa d'ailleurs le soldat, plus expérimenté, faire son rapport sur ce qu'ils avaient examiné et ce qu'ils avaient conclu, à savoir que la piste était praticable à condition de tenir les chevaux en bride et d'avancer avec précaution, la lumière déclinante et l'étroitesse du sentier exigeant un maximum de prudence. De l'avis de Brus, c'était tout à fait raisonnable. Ces dernières expériences équestres sur la route de Manost ayant été délicates, l'idée d'emprunter cette voix périlleuse à dos de cheval ne l'avait pas enchanté. Quant au cheval lui-même, Brus eut une pensée pour Colère, qui avait soit été abattu, soit s'était enfui et errait quelque part de l'autre côté des fleuves. Dans les deux cas, il était peu probable qu'il le revoie.

Le soldat alla donc faire son rapport à Gaspard. Celui-ci venait d’arriver, avec son imposante monture, vers le moulin. Il écouta, attentif et, au terme des explications, fut relativement satisfait. Il n’y aurait pas à perdre des heures en recherche hasardeuse. Déjà il distribuait de nouveaux ordres.

Il envoya un groupe de cinq hommes sécuriser le périlleux passage. L’acheminement des chevaux allait désormais se poursuivre au-delà du moulin et, petit à petit, l’escouade Manostienne se coupait en deux. D’un côté, mené par le caporal Rocrive, ceux qui allait repartir en arrière. Parmi eux, les blessés. De l’autre côté, Hurlegloire, Chandara, Brus, et une dizaine de soldats. Voilà ce qui allait se lancer au secours d’Arthur.

Lorsque la manœuvre était pratiquement terminée, le clerc prit quelques minutes pour s’occuper des morts. Il n’avait pas le temps de leur offrir une sépulture descente, mais il pria pour leurs âmes. Debout, droit, digne face aux corps, ses paroles pleines de convictions s’adressèrent bien sûr au seigneur des batailles.

Pendant que Hurlegloire rendait les derniers sacrements à ses hommes tombés au combat, Chandara songea que la présence d’une paladine affiliée à aucune divinité ne serait pas forcément du goût du clerc aussi préféra-t-elle s’éloigner en direction des chevaux et de Brus. C’était aussi une façon de regarder vers l’avenir et de mettre de côté le désastre des heures passées. Plus tard. Plus tard elle tenterait d’en tirer les leçons pour s’améliorer mais pour le moment, la seule chose qui comptait pour elle était de retrouver Arthur, de le libérer, de le ramener avec elle ou de le suivre où il se rendrait s’il acceptait sa présence. La jeune femme eut un petit sourire nostalgique en songeant une nouvelle fois à ce qui s’était passé dans les souterrains. Cela ne lui ressemblait guère mais elle avait pourtant su, dès cet instant, que tout s’était passé selon sa volonté. Qu’elle ne s’était trahi en aucune façon mais avait simplement surmonté une partie de sa timidité car elle s’était senti bien avec ce charmant jeune homme. Parce qu’elle avait senti quelque chose en lui. Comme sa mère le lui avait prédit il y a si longtemps…

Se rapprochant du roublard resté seul, la paladine lui dédia un sourire un peu triste :

- Nous revoilà parti pour une nouvelle aventure, on dirait. J’espère que j’aurais l’occasion de m’acquitter de ma double dette envers vous. Je n’ai même pas aperçu cet archer avant qu’il ne soit tombé… Je vais avoir grand besoin de votre regard vigilant. Et c’est une ancienne paladine de Helm qui parle alors c’est du sérieux !

Une nouvelle fois elle arrivait à parler de cette absence… Etait-elle devenue légèrement moins douloureuse à mesure que le temps passait ?

Brus s'enorgueillit un peu de la comparaison qu'on lui faisait avec le Vigilant.
"Oh j'comprends bien m'dame Chandara, j'espère être à la hauteur! Et pour vot' dette, vous savez, je n'suis pas usurier, je crois que j'préfère encore qu'vous n'ayez pas d'occasion de vous en acquitter. " Conclut-il, souriant.
Le roublard observait d'un côté les derniers chevaux qu'on acheminait sur le plateau, et de l'autre Gaspard qui priait pour les défunts, ces deux images côte à côte n'étaient pas vraiment réjouissantes, quelqu'un de pessimiste y aurait peut-être même vu un mauvais présage, mais ce qui occupait surtout l'esprit de Brus, c'était de savoir comment ils allaient opérer, une fois qu'ils auraient atteint la base mélandienne. Encore une fois, le jeu promettait d'être serré.

Chandara adressa un sourire tranquille au jeune roublard qu’elle avait pris en affection :

- Ne doutez pas de vos talents Brus : vous êtes quelqu’un de très compétent et vous me l’avez déjà souvent prouvé. Et vous êtes aussi une personne digne de confiance : votre présence me soulage. J’aurais bien peur de ne pas savoir comment m’y prendre sans amis tels que vous à mes côtés. Il nous faut nous serrer les coudes, l’enjeu est si important : la vie d’Arthur en dépend, vous comprenez…

Le regard de la jeune se perdit lui aussi quelques instants dans une vague contemplation des troupes en mouvement. Bientôt il serait temps de partir sans aucune garantie de réussite. Sans savoir ce qu’ils trouveraient au bout du chemin si tant est qu’ils l’atteignent en vie. La paladine essuya machinalement une larme sur sa joue avant de présenter à nouveau un visage mimant l’optimisme.

Gaspard, au terme de sa prière, resta quelques secondes silencieux, son symbole religieux fermement serré dans sa poigne de fer. Puis, il se détourna afin de vérifier l’état de la manœuvre. Elle était terminée, elle aussi. Rocrive attendait, au côté de son supérieur. Les deux hommes s’observèrent. Ils commençaient à bien se connaitre.

« Soyez prudent, lieutenant. »
« Et vous, vigilant. L’ennemi est aussi rusé qu’implacable. Transmettez le message et ramenez nos blessés à bon port. »

Le caporal fit le salut militaire et tourna les talons. Le clerc, quant à lui, fit face aux deux "nouvelles recrues".

« Chandara, Brus, en route ! »

Sans attendre de réponse, il se dirigea vers le chemin en bas duquel se trouvait la seconde partie de l’escouade. Ils seraient donc treize à entamer la poursuite : le prêtre, la paladine, le roublard, cinq épéistes et cinq arbalétriers. Hurlegloire monta sur son massif destrier et donna ses instructions.

« Messieurs... » un regard vers Chandara « ...et madame, ils nous faut aller vite. Ce sera en partie au détriment de la prudence. Nous ne pouvons perdre la piste des Melandiens. Plus le temps passe, plus ils s’éloignent, plus ils pourront trouver des renforts, plus il sera difficile de les stopper. Notre mission est d’une importance certaine. Arthur, fils du commandant en chef Lumenien, est un otage trop précieux pour le laisser entre les mains de l’ennemis. Soyez à la hauteur et soyez vigilant ! Pour Manost ! »

Chandara ne se fit pas prier pour suivre Gaspard dès qu’il commença à se diriger vers les chevaux. Elle n’avait pas vraiment besoin de motivation supplémentaire ni même de se voir rappeler que le temps leur était compté, que chaque minute passé entre les mains des mélandiens étaient autant d’occasions pour son doux Arthur de subir les pires tourments. Mais c’était tout de même rassurant d’entendre que, dans le discours au moins, le prêtre partageait son point de vue. Malgré tout, quelque chose persistait à la mettre mal à l’aise. Elle attribua tout d’abord ce sentiment au fait que leur groupe paraissait bien peu nombreux au vu de la tâche qui leur incombait et de l’expérience des soldats qu’ils avaient affronté. Bien sûr, eux aussi avaient subi des pertes mais ils auraient certainement du renfort s’ils atteignaient leur base, ils seraient sur un terrain connu et eux non, un comble si on songeait qu’ils étaient en territoire manostien. Et, bien pire encore, ils disposaient de ressources dont eux même étaient démuni : une magie destructrice, un ouvrage capable de lever une armée de morts-vivants et sans doute des foules d’autres surprises tout aussi désagréables. Décidément, cette mission s’engageait bien mal. Mais ils n’avaient pas le choix. Il n’y avait pas à hésiter un instant.

- Pour Manost ! reprit sobrement la jeune ex-paladine avant d’ajouter en une prière silencieuse : Lathandre, je vous en prie… Juste pour cette fois, accordez-moi une seconde chance pour m’amender de mes fautes et la force de ne pas faillir à ma mission. A libérer votre serviteur ou à mourir en essayant.

C’est à ce moment qu’elle réalisa que Gaspard n’avait pas fixé cet objectif à ses troupes. Qu’il s’était contenté de souligner l’importance qu’Arthur constituait en tant qu’otage sans préciser les moyens qu’il entendait mettre en œuvre ou non pour empêcher leurs ennemis de l’utiliser comme tel. Serait-il prêt à le tuer s’il estimait que c’était la seule solution ? Pas tant qu’elle pourrait l’empêcher, se promit-elle.

La paladine, le visage fermé mais résolu, se dirigea vers un des chevaux et imita le colosse, grimpant souplement sur le dos de la monture qui lui avait été assignée. Elle était bonne cavalière, ce n’est pas elle qui ralentirait la manœuvre.

HRP : j’ai considéré que « nos » chevaux ne faisaient pas partie de ceux amenés par l’escorte mais je peux éditer si c’est le cas.

Ils se mettaient en route. La poursuite allaient reprendre, et même si leurs chances de réussites paraissaient incertaines, chacun semblait faire preuve de détermination. Brus fit écho aux autres cris, et enfourcha la monture qu'on lui avait confiée. Plus grande que Colère, il espérait qu'elle se montrerait docile et qu'elle ne lui causerait pas d'ennuis. Ils avaient suffisamment de retard pour ne pas être ralentis par un boulet. Malgré l'obscurité qui planait devant eux, Brus était impatient.

Faire franchir le passage difficile aux chevaux n'avait pas été un mince exploit, comme Gaspard l'apprit de l'un de ses subordonnés : il avait fallu composer avec l'étroitesse de la sente, la pénombre grandissante et même la fatigue qui commençait à se faire cruellement sentir. Néanmoins, l'opération avait été menée sans pertes et sans presque d'incidents, hormis un léger dérapage heureusement sans conséquences.
Et à présent, le petite colonne quittait l'étendue herbeuse où avaient patienté les montures des Melandiens pour s'engager sur la piste laissée par ces derniers : elle n'était pas difficile à suivre, puisqu'on n'avait pas fait le moindre effort pour la dissimuler.
Le chemin, apparemment peu fréquenté en temps ordinaire mais néanmoins tout à fait praticable, les mena dans une contrée valonées plantées d'arbres épars. Au fil des minutes, ceux-ci tendirent à se multiplier et, bientôt, ils formèrent une barrière continue à droite et à gauche des cavaliers. Sous peu, leurs ramures se seraient rejointes au-dessus des têtes casquées.
La nuit était complètement tombé, désormais, et les Manostiens s'apprêtaient à pénétrer dans la forêt qui constituait le Bosquet des Pierres. Un lieu sur lequel courraient maintes légendes dont une bonne partie incitait les voyageurs prudents à se tenir à l'écart...

- Saperlipopette* !

Même une paladine largement plus portée sur l'action que sur la prudence timorée trouvait que tous les signes étaient alarmants : que cette piste si obligeamment laissé à leur attention, ses haies arborées au-delà desquelles la visibilité était nulle et, pour finir, ses bois auréolés d'une bien sinistre renommée puaient le piège à plein nez.
Bien entendu, il restait une possibilité pour que l'empressement à échapper à une contre-attaque ou simplement de l'arrogance aient conduit les mélandiens à ne faire aucun effort pour couvrir leurs traces. Bien entendu, ces futaies pouvaient n'abriter que d'innocentes créatures vivant leur vie sans se soucier des guerres ou même des cavaliers de quelques bords qu'ils fussent. Et encore, le Bosquet des pierres était suffisamment effrayant pour dissuader toute tentative de recherche ou de patrouille et constituait un endroit idéal pour quelqu'un craignant d'être rattrapé.

Mais Chandara n'était pas née de la dernière pluie et ses compagnons encore moins qu'elle sans doute. Sa raison lui hurlait que poursuivre sous les arbres et en pleine nuit était une folie : qu'ils ne verraient le loup qu'après s'être jeté dans sa gueule. Mais son cœur l'aurait poussé à avancer tout de même pour aider Arthur. Heureusement, ce n'était pas à elle de prendre une telle décision aujourd'hui. Elle tourna son regard vers le lieutenant, attendant ses instructions.

Fillette ou adolescente, elle était la première à braver l'interdit pour entraîner ses frères sous les arbres mystérieux mais les bois près de Cojum n'avaient rien à voir avec ceux d'ici : ils n'abritaient ni nécromants ni spadassins sanguinaires. Les hommes qui l'entouraient n'étaient pas non plus ses frères même si elle se sentait parfois assez proche de Brus pour le considérer comme son cadet. Et, par-dessous tout, ils n'étaient pas partis pour se raconter des histoires effrayantes autour d'un feu de camp avant de rentrer bien sagement à la maison. Non, les histoires atroces avaient leur propre existence ici et il était question du dernier espoir de libération du fils du commandant en chef de leurs alliés.

Elle s'étonna de penser - en cet instant critique - avec nostalgie à ses frères et à ses beaux souvenirs d'enfance mais une petite partie d'elle lui soufflait insidieusement que c'était parce qu'elle avait de très grandes chances de ne plus jamais les revoir.

*HRP : le juron prononcé par Chandara est autrement plus grossier, bien trop pour figurer sur un forum "tous publics" mais il va de soi que ses compagnons d'aventure n'auront pas manqué d'en entendre la version originale.

Brus fit des yeux ronds en entendant le juron de la paladine. Décidément, les paladins étaient des gens plein de surprise, d'autant plus que le roublard ne comprenait pas vraiment ce qui mettait Chandara dans cet état. Ses propres connaissances géographiques sur dorrandin étaient plus que lacunaires et il n'avait pas la moindre idée de ce dans quoi ils s'engageaient tous. En fait, la seule chose qui le préoccupait réellement, c'était la masse des arbres qui allait en s'épaississant, et qui lui laissait une désagréable sensation d'oppression. Il était, de plus, extrêmement difficile d'y voir clair dans cet environnement. Enfin, comme la tension était redescendue le temps des manœuvres, la fatigue recommençait à se manifester par quelques bâillements, dont la fréquence tendait à croître. Pour autant, il ne fallait pas s'arrêter. S'ils s'arrêtaient, les Mélandiens rejoindraient leur base à temps, et ils perdaient toutes leurs chances de remettre la main sur Arthur et sur le livre. Poursuivre leur permettrait de conserver toutes leurs chances, mais les risques augmentaient. Qu'allait décider Hurlegloire?

L’ordre ne tarda plus à venir. Comme tous les autres, il fut lancé avec la fermeté martiale du clerc.

« Halte ! »

L’instant d’après, la courte colonne de cavalier s’immobilisait dans le chemin. L’obscurité allait croissante et les arbres, en se rapprochant. Une bien sinistre forêt faisait face au Manostiens. Gaspard savait fort bien quelle était sa réputation. De plus, sa récente expérience avec le loup-garou avait renforcé sa méfiance envers ce genre de lieu à la visibilité si faible, ainsi qu’envers la nuit. Il fit faire demi-tour à sa monture et déclara :

« On va bivouaquer dans le coin. Il nous faut un espace un minimum dégagé. »

Les risques devenaient trop importants. Ce suicider n’était guère utile. Le lieutenant tourna la tête d’un côté, de l’autre. Il comptait un minimum s’éloigner du chemin. Si nécessaire, le groupe allait se mettre en quête, sans se séparer, de l’endroit le moins pire pour lever le camp.

L'ordre qu'elle redoutait tant finit par tomber, sinistre glas prononcé par la voix grave et puissante de Gaspard Hurlegloire. La paladine avait failli en sursauter mais avait aussitôt tiré sur les rênes pour faire stopper sa monture. Elle se rappela qu'elle avait laissé l'essentiel de son matériel sur le dos de Kelpie et se demanda confusément si elle trouverait dans les fontes de sa monture au moins une couverture ayant appartenu à son précédent cavalier. Un frisson la parcourut quand elle songea, qu'aussi désagréable pourrait être le bivouac à deux pas de cette forêt maudite, Arthur allait passer une nuit sans commune mesure aux mains de ses tortionnaires. La paladine doutait même de parvenir à dormir sans s'ôter pareille idée de l'esprit. Elle comprenait toutefois la décision du lieutenant : il ne pouvait pas tout risquer et mettre la vie de ses hommes en danger en continuant dans de telles conditions défavorables et incertaines. Un instant, il lui vint à l'idée de poursuivre seule mais c'était évidemment une ânerie sans nom : elle n'aurait aucune chance d'aider Arthur en agissant de la sorte. Mieux valait attendre l'aube. Mais c'était terriblement difficile. Ça l'était déjà alors qu'ils venaient à peine d'interrompre leur progression.

Lorsque l'ordre fut donner de faire halte pour la nuit, le roublard jeta instantanément un œil vers la paladine pour observer sa réaction, mais si elle fut perturbée, elle n'en laissa rien paraître. Quant à trouver un lieu pour le bivouac, Brus tâcha de se rappeler s'ils avaient traversé une clairière ou non sur leur route, mais depuis qu'ils s'étaient enfoncés dans les bois, il n'en était pas certain. Aussi considéra-t-il rapidement les environs, un peu perplexe. La route était peut-être l'endroit le plus dégagé de cette forêt, il était difficile d'y voir grand chose derrière le couvert des arbres. Brus profita aussi de cette pause pour sonder les sacoches de son cheval. Comme pour Chandara, toutes ses affaires avaient été perdues avec Colère.

Il leur fallut rebrousser chemin plusieurs minutes avant de chercher un lieu de bivouac convenable. Mais ils finirent par en trouver un.
Sur la droite, au-delà du rideau d'arbres, s'ouvrait une vaste clairière aux allures -et aux dimensions - de pré. S'ils s'installaient au centre, ils seraient hors de portée de tireurs embusqués et ils auraient le temps de voir venir d'éventuelles créatures hostiles surgies de la forêt. Par ailleurs, le petit bois ne manquant pas dans les parages, ils pourraient sans mal allumer un feu, si tant est qu'ils le souhaitent.
Enfin, l'inspection de Brus s'avéra payante : il constata que les soldats manostiens, prévoyants, emportaient avec eux le nécessaire pour camper dans des conditions acceptables. Ils disposeraient donc de couvertures, mais également de vivres.

La Couronne de Cuivre

[Quête] Guerre des plaines brûlantes : un certain goût pour la mort