La Couronne de Cuivre

Avant même la réponse de la Sunite blonde, Chandara avait vivement réagi par une grimace scandalisée à la remarque du jeune-homme. Elle allait répondre avec sans doute un peu trop de vivacité mais l’intervention de la Sunite la rasséréna et elle abonda plutôt dans son sens, le regard brillant de conviction :

- Dire que son apparence me laisse indifférente serait un mensonge éhonté mais c’est bien de l’homme qu’il est dont je suis tombée amoureuse. De sa bienveillance, de sa gentillesse, de la façon dont il me regarde et aussi de ses petites maladresses et même de sa propension à rougir. Et sa vocation de paladin est intimement liée à son caractère : je ne veux pas le blesser ni même le changer même pour le garder auprès de moi ! Nous attendrons et nous profiterons d’autant plus pleinement des moments où nous pourrons nous retrouver.

Elle avait dit tout cela sans ressentir aucune gêne, sans doute désinhibée par leur conversation précédente et ce divin nectar dont elle s’était abreuvée. Oui, ces Sunites étaient diablement doués pour délier les langues : cela ne faisait plus aucun doute.

Les Sunites s'entreregardèrent, mais pendant un moment, aucun ne prit la parole.
" Je te souhaite que cela réussisse, dit finalement la blonde, sobrement. Ce n'est pas le genre de relation qui convient à tout le monde.
— Mais il faut de tout pour faire un monde, dit l'un des jeunes gens en roulant sur le dos.
— L'important, finalement, c'est l'instant présent. Si le sentiment t'emplit, et que tu es satisfaite, c'est tout ce qui compte."

Son intervention semblait avoir jeté un froid ou en tous cas semé le doute mais - à nouveau - ce fut la jeune-femme blonde dont elle ne connaissait pas le nom qui eut la parole la plus rassurante : un instant elle avait craint qu'on lui déconseille de poursuivre dans cette direction. Elle n'aurait pas écouté une telle recommandation bien sûr mais c'était assez rassurant de savoir que ce n'était pas forcément un amour voué à l'échec : elle y tenait bien trop et se sentait prête à faire des compromis.

Une idée amenant une autre, elle se sentit investie de la responsabilité de changer de conversation et demanda avec curiosité :

- Si vous le permettez, j'aimerais bien aborder un autre sujet qui n'a rien à voir !

Elle regarda tour à tour ses compagnons pour être certaine d'avoir au moins l'attention d'une partie d'entre eux avant de poursuivre gaiement :

- Quel genre d'artiste est Soren ?

Moïra gloussa mais ne répondit pas.
" Soren est le meilleur sculpteur de l'île, dit la blonde. C'est incontestable et incontesté. Et ceux qui osent quand même en douter sont simplement jaloux ou de mauvaise foi.
— De l'île ? S'il t'entendait, il serait furieux. C'est beaucoup trop... humble.
— De Toril, alors.
— Ou de tous les plans.
— Bref, c'est un grand sculpteur.
— Pourquoi la question ? Il t'a demandé de poser ?"
Son regard indiquait qu'elle connaissait bien évidemment la réponse.

Un sculpteur donc... Et l'un des meilleurs si l'on pouvait se fier au chauvinisme sunite. Et Moïra ne semblait avoir eu aucune peine à la démasquer ce dont elle n'aurait sans doute pas dû s'étonner. Elle esquissa un sourire destiné à la sunite avant de lui répondre :

- Cela ne semble pas te surprendre mais il m'a un peu prise au dépourvu je dois dire !

Et c'était le moins qu'on puisse dire... Elle marqua une pause avant d'ajouter d'un ton plus incertain :

- Je me sens flattée bien sûr : il ne doit pas manquer de modèles s'il est aussi doué que vous l'affirmez. Mais sur le coup, je me suis surtout sentie intimidée : je n'ai jamais fait ce genre de choses, vous comprenez ?

" Poser ? dit un des garçons. Ce n'est pas difficile. Il suffit de... rester là, en gros. Soren exige rarement des poses inconfortables de ses sujets, sauf quand il veut faire quelque chose de torturé...
— C'est pas de ça qu'elle parle, Ben. Elle parle du fait qu'il lui a demandé de poser nue.
— Ben oui, c'est logique.
— Mais... ça ne tombe pas forcément sous le sens.
— Aaaah. Mais c'est juste nue, quoi. Un Sunite, de toute façon, il te voit nue même quand tu ne l'es pas, alors... Ça change pas grand chose."

Chandara adressa un nouveau sourire reconnaissant à Moïra qui semblait la plus proche de comprendre la gêne qu'elle avait éprouvée. Certes, pour des Sunites, se montrer nu devait être un acte des plus banals mais elle ne s'était jamais ainsi découverte devant un homme. Et si un jour elle devait envisager cette voie, elle mesurait tout le chemin qui lui restait à parcourir là où tout semblait si naturel pour des jeunes-gens qui n'avaient pas même son âge.

- A vous entendre, je ne devrais pas m'en faire alors ? Après tout, Soren a dû voir des centaines de fois des filles bien plus jolies : il doit être blasé, à force, non ?

" Soren s'intéresse purement à ton corps. Si c'est cela que tu crains, ça ne l'émeut pas du tout... charnellement.
— Il sculpte une belle femme comme il sculpterait... un cheval, je suppose. Ou un arbre.
— Ah, il a quand même un goût certain pour le corps humain.
— Oui, mais je veux dire... Il ne va pas lui sauter dessus !
— Il est peut-être un peu blasé, oui.
— Moi je pense que ce qu'il a vu en toi, c'est ta pudeur. Nous, on a du mal à avoir l'air... effarouché."

Voilà qui donnait à réfléchir en effet... Et elle se surprenait soudain à envisager sérieusement ce dont elle se serait probablement récrié avant son arrivée à Luménis. Cette ville avait décidément une étrange influence... A moins que ce ne soit la boisson... Non, elle se targuait de bien tenir l'alcool d'habitude. La dernière remarque de Moïra ne manqua pas la faire sourire davantage et elle répondit en réfléchissant tout haut :

- Vous croyez que c'est ce qu'il cherche à représenter à travers moi : une image de pudeur ou d'innocence ? Ou alors ce serait une sorte de test qu'il me destine ? Pour me décoincer un tantinet ?

" Il est doué pour saisir les attitudes... les expressions... Nous, immanquablement, on n'est pas ennuyés de lui révéler notre anatomie...
— Il la connait plutôt par coeur, je dirais, même...
— Mais toi... Tu as une mine de... sans vouloir te manquer de respect... vierge effarouchée. Et s'il parvient à te convaincre, tu auras encore plus l'air d'une vierge effarouchée, probablement.
— Mais avec un petit air de défi dans les prunelles.
— Il cherche la pudeur... mais quand même nue."

Un air de défi dans les prunelles ? Voilà qui semblait soudain dans ses cordes : un défi qu'elle s'imposerait à elle-même, une opportunité à explorer. Il est vrai qu'elle aurait pu chercher à se cacher derrière la réprobation bien naturelle d'Arthur ou son éducation dorrandine pour justifier un refus mais c'était au final se mentir à elle-même : Arthur était bienveillant à son égard, il était d'un naturel confiant et il avait volontairement pris ses distances avec les choix qu'elle devait prendre par elle-même.

Quant à son éducation, à part pour ce qui était d'apprendre à devenir une paladine appliquée, elle avait toujours rejeté les barrière qu'on tentait de lui imposer de force. Elle devait maintenant apprendre à rejeter une partie de celles qu'elle avait elle-même érigée pour se protéger. Qu'avait-elle à perdre au final ? N'était-elle pas fière du regard qu'elle inspirait parfois aux autres ? Soren avait affirmé qu'elle ne devait pas en avoir honte...

Elle était restée silencieuse un long moment mais finit par répondre avec détermination et avec un air farouche dans le regard, comme si elle défiait quiconque de la contredire :

- Je ne sais pas si c'est la boisson ou ce que vous m'avez dit mais je crois que si je peux rester moi-même - vu que c'est ce qu'il recherche - c'est une opportunité que je devrais saisir en fait. Est-ce que vous pensez qu'il accepterait de me montrer certaines de ses œuvres avant que je prenne ma décision ? Je crois que ça m'aiderait à comprendre pourquoi elles lui tiennent à cœur et ce que je peux lui apporter.

Sa volte-face pouvait surprendre, y compris elle-même mais elle se connaissait : elle avait subitement la trouille que sa nouvelle résolution s'envole et qu'elle perde son courage si elle n'agissait pas dans l'heure...

" Tu n'as pas besoin de lui demander pour admirer ses oeuvres : elles sont partout dans le parc, dans le temple... Toutes les statues exposées ne sont pas de lui — nous soutenons de nombreux jeunes artistes*— mais la plupart...
— Et les plus belles...
— ... sont de lui. Il suffit de regarder sur le socle. Il signe généralement d'un simple S. Il y a la nymphe juste derrière le massif de fleurs, là... et le centaure devant la porte de la salle d'entraînement... les couples enlacés sur les pelouse nord et est... celui du labyrinthe de haies... Les deux fontaines... Bref, pas de besoin de passer par lui. Il risque d'en profiter pour t'asticoter sur tes motivations."

Chandara se retourna pour admirer la nymphe dont il était question... Une œuvre magnifique évidemment. Une œuvre qui contribuait à embellir un endroit déjà très beau et mis en valeur. Elle ne put s'empêcher de penser qu'une jeune-femme avait peut-être prêté ses traits pour inspirer à Soren sa création.

Et aujourd'hui il lui demandait à elle de poser : au-delà du défi que cela lui imposait, il y avait indéniablement un côté stimulant à cette idée : figurer dans le parc pour la postérité. Il lui suffisait de surmonter sa timidité et peut-être pourrait-elle espérer devenir cette belle nymphe qui plaisait aux regards des promeneurs.

Elle répondit d'un air un peu rêveur en réfléchissant à demi :

- J'imagine que toutes ses œuvres ne restent pas dans les jardins ou au temple... Et pourtant je crois que l'idée me plairait tout compte fait. Mais pour avoir cette chance, il faudrait que vous m'aidiez à apparaître sous mon meilleur jour...

" Justement pas, voyons, Chandara ! s'offusqua Moïra.
— Ce serait courir le risque que Soren ne s'intéresse plus à toi, renchérit sa compagne. Ce qu'il a vu, il l'a vu, déjà. Si tu le maquilles ou le travestis, ça n'a plus de sens.
— Mais ne le fais pas pour flatter ta vanité... Il s'en rendra compte très vite... et sache quand même que les trois quarts de ses oeuvres ne sont exposées nulle part. Ou alors dans des salons particuliers, des bureaux ou des corridors que n'arpentent que quelques personnes..."

L'idée avait déjà fait son chemin et Chandara ne put s'empêcher d'être un peu déçue de la réponse des Sunites : il y avait en effet très peu de chance que la statue que Soren pourrait faire d'elle soit jugée assez belle pour être exposée à un emplacement dont elle puisse se sentir fière. Une nouvelle fois, elle s'était laissée emporter par son enthousiasme. Elle répondit soudain toute penaude :

- Vous avez raison, ce serait une idée stupide que de me grimer. Et si je pose, ce doit être avant tout pour me prouver que j'en suis capable et c'est la meilleure chance que l'œuvre que Soren en tirera soit de bonne qualité. Et je crois qu'il aura exactement ce qu'il a vu en moi : une jeune manostienne timide qui risque de se débiner quand tout ça ne sera plus qu'une simple perspective.

Elle jeta un nouveau regard à la statue toute proche en se demandant ce que l'oeil de l'artiste avait réellement vu en elle.

Moïra rit de bon coeur.
" Si tu te débines, il n'aura rien du tout !
— Mais tu ne dois pas le faire si tu ne le sens pas. Il n'y aucune obligation, non plus... Ce n'est pas un défi à relever pour nous impressionner !
— Mais parfois, dépasser ses limites, c'est bien.
— Bref, tu ne dois pas t'occuper de nous."

Elle tourna son regard vers Moïra et esquissa une grimace en répondant avec sincérité :

- Je crois que la meilleure manière de me dissuader de faire quelque chose est de m'y obliger ! Ça doit vous paraître étrange venant d'une ancienne paladine mais c'est un trait de caractère que mes instructeurs ou mes officiers ne sont jamais parvenu à estomper. Et les pauvres ont pourtant essayer !

Sa mimique se fit amusée l'espace d'un instant avant qu'elle ne reprenne plus sérieusement :

- Bref, Soren m'a demandé d'y penser et c'est ce que je compte faire. Une nuit de sommeil et je verrai bien comment m'apparaît cette idée : les décisions à chaud ne sont pas souvent les meilleures.

Ses interlocuteurs n'eurent pas le temps de lui répondre.
" Comment peut-on être paladine et ne pas obéir aux ordres ? dit alors le demi-elfe resté silencieux jusque là, absolument incrédule. Vous étiez la fille préférée du haut prélat ?"

Cette réaction spontanée venait appuyer une hypothèse que la jeune-femme avait échafaudée concernant le demi-elfe : sa distance vis-à-vis des sujets des clercs, sa réaction virulente lorsqu'il avait été question d'Arthur et maintenant cette question directe concourraient à lui faire penser qu'il était lui-même paladin. Elle se tourna vers lui et tenta de répondre avec le maximum de sincérité à sa question :

- C'est plutôt tout l'inverse en réalité : le Haut-Prélat ne m'a jamais eu à la bonne. Mais ce que je voulais dire était que je suis bien plus encline à obéir quand on me laisse une certaine liberté. Mes supérieurs de l'époque l'ont vite compris et me lâchaient un peu la bride ou m'envoyaient carrément en mission solitaire pour tirer le meilleur parti de mes compétences.

Le jeune homme parut sceptique, mais il finit par hausser les épaules avec un sourire.
" Une preuve de ce que Sunie offre à ces élus, je suppose." dit-il, apaisant.
Moïra rit joyeusement.
" On aurait tort de ne pas en profiter !"

Chandara retourna son sourire au demi-elfe sans gêne ni retenue même si elle n'était pas certaine de mesurer toute la portée de sa réponse. Parlait-il de liberté ou de l'avantage que procurait la beauté ? La considérait-il comme une élue de Sunie de ce fait auquel cas elle ne pouvait que se sentir flattée ? Il se pouvait tout aussi bien qu'elle ait mal compris mais elle était déjà soulagé de ne pas se l'être aliéné par ses remarques légères. Elle crut bon de relancer la conversation sur un sujet dont elle ne faisait que prendre conscience :

- C'est étrange comme les Helmites pur souche m'ont toujours rabâché que la beauté n'est bien qu'un handicap quand on veut être considéré et pris au sérieux dans la profession qui était la mienne. Je mesure à peine aujourd'hui combien j'aurais eu tort de penser ainsi. Que je ne dois surtout pas la cacher mais au contraire en être fier. C'est une façon tellement plus élégante de penser !

" La seule raison pour laquelle les Helmites ont pu dire ce genre de choses, c'est parce qu'ils ne savent pas gérer la beauté.
— Ou parce qu'ils sont moches.
— Mais partout, tout le temps, les gens beaux sont mieux aimés, mieux soutenus, mieux considérés... Qu'on soit Helmite ou pas n'y change rien. Même si tu ne t'en es pas rendue compte, tu as déjà du en profiter mille fois, depuis ta naissance."

Le sourire de Chandara s'élargit à ce compliment sincère de la part de Moïra. Loin de trouver sa remarque banale, elle lui semblait avoir d'autant plus de prise qu'elle venait de quelqu'un sachant véritablement apprécier la beauté.

- Sans doute que oui mais je dois dire que je ne l'ai jamais ressenti aussi fortement que depuis que je suis à Luménis. Ma terre natale me manque un peu mais je crois que j'apprécierais de prolonger un peu mon séjour parmi vous juste pour le plaisir de me sentir appréciée. C'est vrai au fond : vous m'invitez chez vous, vous m'offrez à boire et votre meilleur sculpteur m'offre même une opportunité que j'aurais jugée parfaitement scandaleuse dans tout autre contexte ! Il ne me reste plus qu'à trouver une bonne auberge à partir de la prochaine veille et le tour sera joué !

Elle avait prononcé ces derniers propos d'un ton léger mais elle envisageait sérieusement de prolonger son séjour en Helonna même en l'absence de son cher et tendre.

" Tu es jolie, c'est un fait, dit un des jeunes hommes en haussant les épaules. Personne ne le nie.
— Cela dit, fit la blonde, mutine, la beauté resplendit davantage quand elle brille d'un éclat rare. Ici, au Temple, tu es jolie mais... tu es loin d'être la seule. Sans vouloir te vexer. Sur un rosier, toutes les fleurs partagent la même beauté. Tu risques de moins attirer le regard, de moins ressortir dans l'ensemble... Réfléchis-y aussi. Ce n'est pas rien quand on a l'habitude que les gens se retournent sur soi. Même pour te demander de te couvrir."

Il n'y a pas si longtemps, elle aurait certainement rougi d'être qualifiée de jolie par un si bel homme mais que ce soit l'alcool qu'elle avait bu, la longue conversation qu'ils venaient de partager ou un changement qui s'esquissait en elle, la jeune-femme se contenta de sourire gaiement. La remarque de la belle blonde la fit davantage réfléchir mais elle ne tarda pas non plus à répondre sur un ton pensif :

- Je ne nie pas que c'est agréable d'être admirée et d'être au moins l'une des plus jolies de sa commanderie. Mais être originale signifie aussi être seule quelque part, être systématiquement différente est un peu usant à la longue. Alors peut-être que j'ai besoin de me rapprocher de ceux qui me ressemblent en fait... Je ne sais pas trop car je me cherche encore mais il y a de nombreuses choses extrêmement attirantes dans votre temple et je m'y sens bien pour le moment et c'est bien là l'essentiel. J'aurai tout le temps de retourner ensuite à Manost la Grise pour m'y cacher la tête sous une capuche !

" Les fidèles de la déesse sont les bienvenus au Temple, dit la jeune femme.
— Est-il un service que Sunie puisse te rendre, Chandara ? demanda alors Moïra. Parce que bavarder, c'est bien... mais ce n'est généralement pas une raison suffisante pour venir trouver les dieux."

Qu'on la considère comme une fidèle de Sunie la fit réfléchir quelques secondes avant qu'elle se rende compte que c'était purement la vérité : ce n'était pas la première fois qu'elle priait la déesse depuis sa rencontre amoureuse avec Arthur et ce qu'elle apprenait de son culte lui plaisait et l'encourageait à poursuivre dans cette voie qu'elle commençait à peine à explorer, à surmonter les difficultés qu'elle avait déjà entrevu. En tous cas, cela faisait bien longtemps qu'elle n'avait pas prié si assidûment et trouver un dieu auquel s'adresser réchauffait le cœur. Elle n'avait pas vraiment choisi Helm à l'époque, tant il était prédominant dans sa contrée natale mais le choix lui appartenait désormais pleinement.

Elle était à ce point plongée dans ses réflexions qu'elle mit du temps à percevoir la question de Moïra : elle la regarda alors intensément dans les yeux tout en cherchant de quoi répondre. Elle avait bien des idées mais elles étaient par trop présomptueuses et même déplacées compte tenu de son attachement encore ténu et récent à la déesse aux cheveux de feu. A dire vrai, ce qu'elle était venu chercher était sans doute une occasion de se montrer, d'attirer le regard divin et elle aspirait à pouvoir proposer ses services un jour, sous une forme ou une autre. Mais il lui restait énormément de chemin à parcourir pour ne serait-ce qu'oser l'envisager sans même parler de le verbaliser. Non, pour l'heure, il n'était pas question de tout cela.

- A l'origine, j'étais en fait venue pour deux choses cet après-midi : la première est de demander conseil à des personnes d'aussi bon goût que vous : y-a t-il en ville un tailleur que vous me recommanderiez ? La seconde était que je voulais saluer ce d'entre vous que j'ai déjà eu le bonheur de rencontrer. Cela inclut aussi Kenan et Sieur Severin mais je ne suis pas tombée sur eux en me promenant dans les jardins. Alors si vous pouviez leur passer le bonjour de ma part, j'en serais contente !

" Comme c'est mondain ! s'exclama Moïra avec ravissement.
— Nous leur passerons tes salutations, mais ils vont se poser des questions... Après, il ne faudra pas faire l'innocente ! s'exclama un des jeunes hommes en riant.
— Mais nous pouvons t'indiquer un bon tailleur, oui. Pas très loin d'ici.
— On devrait lui demander une commission...
— Il s'appelle Maître de l'Effeuille, je peux t'y conduire, si tu veux."

Chandara était ravie du si bon accueil de ses propos et s'amusa à répondre au jeune-homme d'un ton quelque peu mutin :

- Qu'ils se posent des questions ne me gêne pas mais n'allez pas leur suggérer des choses tout de même. Kenan m'a bien conseillée et Sieur Severin a été diablement charmant lui aussi ! Il se peut d'ailleurs que j'ai de nouvelles questions pour lui alors autant rester dans les meilleurs termes possibles !

Avant de lui laisser le temps de répondre, comme si c'était calculé pour l'en dissuader d'ailleurs, elle se tourna vers la magnifique jeune-femme blonde qui s'était gentiment proposée de l'accompagner :

- Ce serait avec grand plaisir : je vous suis !

Sa tête chancela un peu quand elle se releva un peu trop brusquement et elle se rendit compte qu'elle avait certainement un peu trop bu...

" En voilà une qui n'a vraiment aucune idée de ce que signifie " les meilleurs termes possibles" pour un Sunite, remarqua l'un des garçons.
— Elle finira bien par comprendre." répondit le deuxième en gloussant.
La blonde s'était levée.
" Allons-y, alors." dit-elle, en entraînant Chandara vers la sortie du parc.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Temple de Sunie