La Couronne de Cuivre

-Très bien : nous annoncerons la tenue de l'Assemblée dès le petit-déjeuner et terminerons de la préparer avant le dîner. Toutefois, je peux déjà vous en dire un peu plus à propos de nos compagnons s'étant uniquement engagés à nous escorter. Comme j'ai fait signer Thibault et ses amis paladin en début d'après-midi, j'en ai profité pour jeter un œil aux contrats et, vous compris, cela concerne une quinzaine de personnes, parmi nos forces armées et les éclaireurs. Je m'entretiendrai avec chacune d'entre elles dans les jours qui viennent, pour m'enquérir de leurs souhaits et, le cas échéant, régulariser leur situation. Évidemment, j'en parlerai avec vous également, même s'il semble que vous êtes partis pour demeurer à nos côtés encore un moment, ce dont je me réjouis bien évidemment.

Hubert et Albérich échangèrent à nouveau un regard.
" Je dois dire... que je me souviens mal de l'alternative à ce que nous avons signé, osa finalement Albérich. Je pense... que nous allons rester..."
Le paladin se contenta de sourire.
" Mais je ne sais pas combien de temps... et je ne suis pas certain que ce genre de demi-mesures ait été envisagé dans les contrats dont Marthe nous avait parlé."

-Si si, répondit Étienne, tout sourire. Jusqu'à présent, il existe trois types de contrats : celui pour l'escorte seulement, celui correspondant à une installation définitive, dira-t-on, même si on ne retiendra jamais personne contre son gré, et celui se situant entre les deux, par lequel les signataires s'engagent à demeurer avec la Communauté un certain temps, jusqu'à ce que sa position soit relativement sûre, sécurisée. Nombre de nos soldats, de nos éclaireurs et même de nos compagnons de tous ordres, tels Giovanni, par exemple, ont opté pour cette solution.

" Ça règle le problème." dit Hubert, tranquille.
Albérich acquiesça.
" Cela dit, si de nombreux soldats, alors qu'ils sont déjà si peu nombreux, justement, ont opté pour cette formule, ça ne va pas arranger nos affaires." reprit le paladin, plus sérieux.
Puis son visage s'illumina d'un sourire.
" Mais le recrutement, c'est ma spécialité. Et j'anticipe. Nous nous débrouillerons."

Étienne, désormais totalement détendu, lui rendit son sourire.
-Oui, nous nous débrouillerons. D'une part, si tout tourne comme nous l'espérons, notre cité attirera de nouvelles membres, et il est probable que certains d'entre eux fassent de bons soldats. D'autre part, qui sait si une partie de ceux que nous comptons déjà dans nos rangs ne décideront pas de rester, finalement ?
Ézéchiel opina du chef. A présent, et à moins qu'Albérich ou Hubert ne souhaitent ajouter quelque chose, ils pouvaient se séparer.

Rasséréné par la possibilité d'un dernier conseil avant l'assemblée, Albérich n'avait rien de particulier à ajouter, et Hubert l'imita lorsqu'il prit congé. Ils repartirent tous deux dans les couloirs, silencieux un moment, comme à leur habitude.
" C'est annoncé, alors, finit par dire le paladin.
— Nous en avions discuté et nous étions d'accord, répondit le Luménien. De toute façon, nous n'allions jamais partir, tu le sais bien.
— Certes. Mais nous savons le pouvoir qu'ont les mots. Etienne avait besoin que nous le verbalisions."
Albérich acquiesça dans un sourire.
" Oui. Et je me sens bien d'avoir officialisé les choses.
— Tant mieux.
— Bon, dénichons ces Sunites, maintenant..."

Ce ne fut pas difficile, car Thibault patientait à la cantine.
-Vous avez été rapides, dites donc : je n'ai presque pas eu à attendre ! s'exclama-t-il avec entrain, les accueillant d'un franc sourire.
Déjà, il les entraînait dans les couloirs.
-Nous avons songé nous réunir aux thermes, mais l'on m'a judicieusement fait remarquer qu'une sorte de club juvénile s'y donnait nuitamment rendez-vous, si bien que nous avons finalement opté pour un cadre moins agréable, certes, mais où nous ne courrons aucun risque d'être interrompus.
Ils aboutirent dans une petite salle reculée dont le décor représentait de joyeuses agapes. Se trouvaient là Giovanni, les deux paladins fraichement arrivés, ainsi que Gabriel, une coupe à la main.
-Je déclare solennellement ouvert le premier Symposium œcuménique lathandrito-sunite ! annonça Thibault. Le thème du jour est le suivant : De l'art de goûter le bon vin et la bonne compagnie !

" J'imagine qu'en aimant la bière, je détonne sur l'ensemble, murmura Hubert à voix basse.
— Vice de soldat." répondit Albérich avec un clin d'oeil.
Lui-même se dirigea à la source : il était d'humeur à boire un petit verre et il ne doutait pas qu'avec Thibault aux commandes, la qualité serait à la hauteur : il en avait fait l'expérience récemment. Il se demanda alors comment le Sunite gérait l'éloignement d'avec sa mère. Il avait toujours vécu à Eredhun, près de chez elle, et il savait qu'ils étaient restés très proches. Etre subitement à l'autre bout du monde, alors qu'Elsbeth vieillissait peu à peu, ne devait pas être si facile. Mais peut-être Thibault envisagea-t-il de la faire venir à Clairétoile sitôt la situation stabilisée... Ce serait bien son genre.

Ce fut l'un des paladins - Renaud, si Albérich se souvenait bien - qui remplit la coupe des nouveaux arrivants. Comme il l'avait anticipé, le vin était d'une qualité remarquable, dépassant même le pourtant délicieux Castel-Margelle. Dzcidément, Thibault n'avait pas fait les choses à moitié... Et pour ne rien gâcher, un plateau chargé d'une quantité modérée de douceurs était à disposition des convives, signe que ces derniers s'étaient déjà attiré les bonnes grâces de Gustave.
Se glissant près de l'ancien aubemestre, Gabriel lui annonça qu'il ne pourrait guère s'attarder : il lui faudrait bientôt reprendre sa surveillance des invités. Néanmoins, il avait tenu à être présent, pour que les Lathandrites ne soient pas d'emblée en trop flagrante minorité.

Albérich était un peu désolé que Gabriel doive s'absenter mais il ne dit rien, se contentant de le remercier pour son aide, au sens large. Il le comprendrait comme il le voudrait. Hubert était manifestement un peu mal à l'aise, mais le Luménien espérait qu'un ou deux verres de vin le détendrait. Pour sa part, il avait déjà côtoyé toute cette bande durant le dîner et ne la craignait pas. Il complimenta plutôt Thibault sur son choix en matière de breuvage, tout en riant intérieurement des priorités que s'était placées son ami au moment de faire ses bagages.

Lorsqu'il remarqua qu'Hubert avait vidé sa première coupe, Thibault, loin de demander à ce qu'on lui serve à nouveau du vin, s'isola quelques instants et lui en apporta une autre, remplie d'un liquide tout différent.
-Mes informateurs m'ont appris que votre goût allait plutôt à la bière, dit-il. Alors en voici une que je crois fameuse, même si mon jugement n'est pas forcément très objectif, puisqu'elle vient de chez moi, une autre terre marécageuse située bien loin d'ici... J'espère qu'elle vous conviendra.

" Oh." fit simplement Hubert, et il se sentit s'empourprer.
Il ne s'était pas attendu à ce que le Sunite se montre particulièrement amical avec lui, même si le repas lui avait déjà prouvé le contraire. Thibault était un maître charmeur, évidemment, et il devait savoir — comme le paladin en était bien conscient lui-même — qu'Albérich espérait qu'ils s'entendraient bien.
" Merci. Vos informateurs vous ont bien renseigné."
Il huma la bière, qui paraissait forte et sombre, comme il les aimait. Il songea aux marais dont le Sunite avait parlé, aux grenouilles et aux rencontres qu'Albérich y avait faites. Mais il n'en dit rien et prit une gorgée, avec l'impression de sceller quelque chose. Ça aurait été tellement plus simple si l'Eredhin avait pu se révéler détestable...

La boisson se révéla encore meilleure qu'il ne l'avait imaginé. Elle semblait tout bonnement brassée pour lui plaire.
-Je voudrais en profiter pour vous présenter mes excuses,reprit le Sunite, sérieux. Lorsque j'ai appris qu'Albérich et vous aviez rejoint la Communauté, je vous en ai terriblement voulu de l'avoir embarqué dans cette aventure, de lui avoir fait courir tant de dangers en l'entraînant en si périlleux parages et, pour parler franc, je n'ai eu de cesse d'apaiser ma colère en imaginant tous les moyens par lesquels je pourrais vous faire payer ce que je considérais comme un acte aussi stupide qu'égoïste. Or, en réalité, la stupidité et l'égoïsme étaient de mon côté, car cette expédition était exactement ce dont il avait besoin pour... pour se relancer, disons. J'espère que vous me pardonnerez mes pensées coupables et que vous accepterez mes remerciements pour cette heureuse initiative et pour toute l'aide que vous lui avez apportée.

Et bien... Le Sunite était frontal, c'était peu de le dire. Mais c'était rafraichissant, quelque part, et Hubert se sentit soulagé que ce qu'il venait de lui déclarer ne soit pas resté tu entre eux.
" Je ne mérite ni vos excuses, ni vos remerciements, je le crains. Si j'avais mesuré à quel point l'aventure était périlleuse, je ne nous aurais pas engagés auprès de la communauté. Je n'ai, à aucun moment, voulu mettre sa vie en danger. Je m'en voudrai toujours pour mon inconscience. Les retombées positives de l'expédition... Elles ne sont pas de mon fait et étaient imprévisibles. Je crois que j'ai été, comme vous le dites, stupide et égoïste."

Thibault secoua la tête.
-Allons, peu importent les "si", les "ce qui aurait pu se produire" : seul compte ce qui s'est réellement passé, ce à quoi cela a abouti, ce qui est, aujourd'hui.
Il se tut et, tout à coup, se mit à rire.
-Bigre, voilà que je me mets à parler comme un adepte de Lathandre... Bah, en même temps, j'ai toujours eu du respect pour votre foi... Et ce qui est certain, c'est que vous avez agi en Lathandrite et que vous ne devriez pas vous le reprocher. Par ailleurs, ne minimisez pas votre rôle dans le fait qu'Albérich ait retrouvé son lien avec votre dieu, parce que je doute fort que cela se soit produit si cela avait concerné quelqu'un d'autre, et parce que les belles choses qui se produisent à notre insu n'ont pas moins de valeur que celles que nous provoquons consciemment.

Thibault avait raison : il ne servait à rien de ressasser les décisions passées, mais il n'était pas d'accord sur l'idée de s'attribuer le mérite de réussites accidentelles. C'était une attitude frivole, et opportuniste, qui correspondait peut-être à la foi sunite, mais s'accordait peu avec le sens des responsabilités nécessaire à la carrière de paladin.
Cependant, son interlocuteur se révélait des plus civils et Hubert n'avait nulle envie que les choses se crispent entre eux.
Il s'arrêta un moment sur ses dernières paroles, et se sentit à nouveau rougir. Heureusement, il faisait sombre, heureusement aussi, la bière pouvait en partie expliquer son changement de teint. Il pensait qu'Albérich aurait pu retrouver son dieu de mille manières, de son côté, car il l'avait toujours senti pétri d'une ambivalence qui ne demandait qu'à se sublimer. Mais c'était un terrain glissant, très glissant même, compte tenu de l'interlocuteur. Et il s'agissait aussi d'un sujet éminemment intime, qui ne concernait finalement que le Luménien, et qu'il aurait été malvenu de discuter en son absence.
" Peut-être. Mais apprendre de ses errements vaut aussi pour les Lathandrites, sinon ils ne survivraient pas longtemps."
Il se fendit d'un sourire un peu embarrassé.
" Il a un nom, ce nectar formidable issu de vos contrées ?"

-C'est une fabrication artisanale et familiale... Mais, entre nous, nous l'appelons la Tourbière, ce qui permet un jeu de mot idiot comme je les aime. Et qui sait ? Si, après avoir sécurisé la route nord, vous sécurisez l'hypothétique route sud, celle qui permettrait de relier la ville à la Trouée des Chevaux, peut-être y aura-t-il moyen d'en importer de temps à autre... Pour peu, cependant, que la Communauté soit prête à supporter quelques-uns de mes cousins, qui pourraient apprécier ces parages boueux... Enfin, si on y trouve des grenouilles.

" Elles hibernent en hiver, non ? demanda Hubert, peu au fait des moeurs des batraciens. Nous n'avons pas vu beaucoup de faune, je dois dire... Mais sans doute brasserons-nous notre propre bière... et je serai forcé de la boire par esprit patriote. Cela dit, je ne sais pas si nous avons un brasseur parmi nos compagnons. Albérich doit avoir tout ça dans son recensement... Sinon, ce sera certainement une priorité en matière de recrutement. Nous débaucherons vos cousins spécialistes."
Il sourit. Cette bière était forte.
" Bien sûr, il faudra commencer par planter du houblon. Nous n'en sommes pas là, je le crains."

-Oh, la saison des semailles arrivera vite, et avant elle celle des labours... Il nous faudra planter du houblon, de la vigne, du chanvre - exclusivement pour Giovanni, bien sûr ! - mais aussi des céréales, des légumes... Sans doute d'abord à l'intérieur des murs, dans ce qui était jadis des parcs, et ce jusqu'à ce que les environs de la cité soient sécurisés... Ah, que de travail en perspective !
Il sourit largement.
-Mais comme l'on dit, après l'effort, le réconfort. Les activités agricoles, par nature salissantes, ont l'indéniable avantage d'être suivies par de longues séances de détente aux thermes...

Thibault avait l'air d'oublier que ces terres n'avaient pas été utilisées depuis des siècles. Il faudrait commencer par défricher, et vu le nombre restreint de colons, ils devraient avant tout se concentrer sur des cultures vivrières, dont la vigne et le houblon ne faisaient pas partie. Sans compter qu'il leur faudrait compter avec le climat et il n'était pas garanti qu'il n'ait pas changé depuis tout ce temps. Si Clairétoile avait été le centre d'une vallée luxuriante autrefois, elle était désormais sur un plateau qui paraissait peu fertile. Mais c'était l'hiver, sans doute était-ce une fausse impression.
" On est Sunite ou on ne l'est pas, je suppose. Mais vous avez raison : les travaux agricoles débuteront probablement dès que nous aurons trouvé ce parc dont vous parlez. Des souvenirs de jeunesse que j'en ai, l'hiver est propice à certaines tâches."

-Il me semble aussi.
Thibault jeta un regard autour de lui.
-Bon, mais je ne vais pas vous accaparer toute la soirée... J'imagine que vous apprécieriez de discuter avec vos confrères... Vous verrez que... Bon, d'accord, nous autres Sunites sommes tous un peu vains et superficiels, force est de le reconnaître. Toutefois, nous ne le sommes pas autant que ne le veut la rumeur. Pas tous, du moins. Alors j'ai bon espoir que vous vous entendiez bien avec ces deux là et que vous trouviez en eux d'efficaces auxiliaires.
Il marqua une brève hésitation.
-Une dernière chose... Verriez-vous un inconvénient à ce que nous nous tutoyions ? De ce que j'ai pu en voir, le vouvoiement a été complètement abandonné au sein de la Communauté...

Les paladins avec les paladins, les clercs avec les clercs, comme c'est pratique, songea Hubert malgré lui.
Il s'en voulut immédiatement de sa mesquinerie. Thibault avait déjà été bien gentil de lui parler aussi longuement.
" Je ne doute pas de la valeur de vos... tes compagnons. Et nous pouvons nous tutoyer, bien sûr."
Il se leva.
" Merci pour la bière. Et pour la conversation."
Il s'en fut ensuite rejoindre les paladins sunites. Il fallait effectivement qu'il les intègre rapidement à leurs forces, du moins s'ils l'acceptaient.

Ils firent mieux qu'accepter : ils le proposèrent d'eux-mêmes. Ils avaient beau être Sunites, ils n'en demeuraient pas moins des paladins et, en tant que tel, avaient un certain sens de la hiérarchie.
La conversation fut également pour Hubert l'occasion d'en apprendre un peu plus à leur sujet. Roland, originaire de la Vallée du Nirvana, appartenait à une famille noble où il était de tradition, pour les cadets, d'entreprendre la carrière de guerrier divin. Renaud, lui, était un fils de paysans né au sud de la Côte de la Lumière : son attrait pour les belles choses, son joli minois et ses capacités martiales lui avaient ouvert très tôt les portes d'une carrière différente de celle de ses pères. Tous deux avaient été formés à Antelucas, où se trouvait la principale commanderie sunite d'Helonna. Tous deux, quoique jeunes encore, jouissaient déjà d'une expérience conséquente. Tous deux, enfin, se révélèrent des interlocuteurs affables, chaleureux, ne s'écoutant pas simplement parler mais bien soucieux d'en découvrir davantage au sujet de leur supérieur et d'établir d'emblée avec lui de cordiales relations.

Hubert ne savait pas très bien comment les intégrer à un état-major qui fonctionnait déjà bien et qui supervisait somme toute très peu d'hommes. En même temps, il ne pouvait pas se priver de leurs compétences et il ne voulait surtout pas les vexer.
" Pouvez-vous m'en dire davantage sur vos états de service passés et vos envies, en particulier ? demanda-t-il. Comme vous le savez sans doute, nos forces armées sont très réduites et nous allons probablement devoir nous spécialiser peu à peu... Envisagez-vous de demeurer ici à long terme ? Avez-vous un mandat pour créer une commanderie ?"

-De mandat, non, répondit Renaud. Mais, de toute façon, il aurait été malvenu d'envisager semblable chose sans l'aval de la Communauté.
-Quoi qu'il en soit, notre ordre encourage ses membres à agir selon leur intuition, à saisir les opportunités qui se présentent, enchaîna Roland, Par conséquent, si tel est le souhait de la Communauté, et bien sûr s'il y a des novices potentiels, rien ne nous interdit de songer à établir une Commanderie.
-Pour le reste, nous nous impliquerons là où notre concours sera jugé le plus approprié, et nous nous sommes engagés à rester tant que nous pourrons être d'une quelconque utilité.
Quant à leurs états de service, ils expliquèrent à Hubert avoir parcouru Helonna en quête de merveilles - des œuvres d'art, mais pas uniquement - à préserver ou à sauver. D'abord dans la partie méridionale de l'île, dans la Forêt maudite, les Montagnes de Fer et les Falaises du sud, et plus récemment dans sa moitié nord. Ce faisant, ils avaient exploré maints lieux périlleux, arpenté bien des ruines ou des terres sauvages.

" Dans ce cas, dans un premier temps, le plus logique sera de vous affecter, comme prévu, à l'accompagnement des groupes d'exploration... Nous nous répartirons dans différentes équipes, pour plus d'efficacité."
Il les dévisagea l'un après l'autre.
" Je ne peux pas vous offrir de postes dans l'état-major pour l'instant. Mais je propose que vous dépendiez directement de moi, comme ça les choses seront simples. Dès que nous travaillerons à la structure plus permanente des forces armées de la communauté, nous pourrons en reparler... même si les paladins trouvent rarement leur compte dans l'organisation d'une armée et que vous préférerez probablement évoluer en marge, comme nous le faisons généralement."

Ils haussèrent les épaules sans se départir de leur sourire tranquille.
-Honnêtement, ne te mets pas martel en tête pour ça. Servir sous ton commandement nous conviendra très bien, peu importe la durée.
-Ensuite, nous verrons comment les choses se présentent : s'il est envisageable de créer une unité de paladins avec des tâches particulières, pourquoi pas. Sinon, nous continuerons à officier dans le cadre de l'armée.
-Du moment que nous pouvons servir la Communauté et notre déesse, nous ne ferons pas les difficiles.

Et bien ces deux-là n'étaient pas contraires, c'était le moins qu'on puisse dire ! Hubert avait imaginé les Sunites plus difficiles à satisfaire. Comme quoi, il allait devoir réviser ses préjugés en profondeur. Un instant, il songea à aborder avec eux la question des apprentis, écuyers ou autres novices, mais se ravisa. C'était une prérogative d'Albérich et celui-ci l'aborderait à sa manière, en temps voulu.
Il décida donc d'abandonner là les considérations techniques et professionnelles et dirigea ses interlocuteurs vers le récit de leurs récentes découvertes et les interrogea sur ce qu'ils savaient de Clairétoile et des merveilles qui y étaient dissimulées... s'ils savaient quoi que ce soit. Ce serait une manière, peut-être, d'intégrer Giovanni à leur discussion.

Mais hormis ce que Thibault et la rumeur leur en avaient révélé, les deux hommes ne savaient pas grand chose de Cléirétoile : ils connaissaient les récits tenant aux mines légendaires, à l'or et aux diamants extraits des entrailles de la terre, au trésor que l'on prétendait caché quelque part, aux thermes légendaires, à la magnificence des lieux qui, ils l'avouèrent volontiers, s'avérait plus grande encore que ne l'avait laissé entendre les diverses histoires entendues. En revanche, en dehors de cela...

***

Quelques minutes plus tôt, le groupe constitué par Albérich, Thibault, Gabriel et Giovanni avait interrompu sa conversation pour observer les paladins.
-Ils parlent travail... soupira le le Sunite.
-Ce n'était pas censé être interdit ?
-Si. Mais puisque c'est ça, je vais vous entretenir du mien. Alors, concernant les petits barbares...
-Ah non ! Si c'est absolument incontournable, on peut à la rigueur discuter boulot. Mais interdiction formelle d'aborder un sujet touchant de près ou de loin à la marmaille ! Sinon, je m'en vais !

Albérich rit joyeusement.
" N'en veuillez pas trop à Hubert. C'est la première fois qu'il a l'opportunité de leur parler, alors je suppose qu'ils ne peuvent pas vraiment éviter d'aborder des questions techniques.... De surcroît, nos vies entières sont régies par notre travail, désormais... A moins d'en demeurer à des souvenirs du passé, nous sommes obligés d'y faire référence. Cela dit... Pourquoi pas ? Peut-être que tu as des anecdotes intéressantes au sujet de Thibault à me raconter, Giovanni..."

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Une cité perdue