La Couronne de Cuivre

L’ancien clerc choisit une place stratégique non loin de l’âtre et poussa un profond soupir, sans détromper la halfeline. Il accepta le thé avec reconnaissance puis se frotta le visage.
« J’ai deux choses dont je dois vous parler. La première concerne Bastien, et vient d’Elisa. Elle voudrait que vous attendiez encore avant de faire ce que vous pensez avoir à faire. »
Ils étaient proches de l’enfant, ils savaient ce qui était bon pour lui, il n’avait pas à s’en mêler. C’était la conclusion à laquelle il était arrivé en marchant vers la pension d’Ada. Il n’en dirait rien de plus.
« Et je voulais vous parler de la prophétie. »

Ada demeura parfaitement impassible.
-Concernant Bastien, nous ne songeons certainement pas à nous hâter, même s'il faudra finir par trancher. Cependant, les choses se feront peut-être naturellement, sans nouvelle intervention extérieure.
Elle porta sa tasse à ses lèvres, avala une longue gorgée de son thé.
-Quant à la prophétie... Que désirez-vous savoir ? Il s'agit d'une vieille histoire, d'une légende liée au premier seigneur de Combeloup, qui l'a probablement recherchée, sinon forgée, afin de donner un peu de légitimité à sa future lignée... La plupart des familles nobles sont accompagnées par ce genre de récits...

Albérich hocha la tête, un peu contrit.
" Je n'avais rien de spécial à vous demander à son sujet. J'étais juste surpris que vous ne m'en ayez pas parlé. Compte tenu des circonstances, même s'il ne s'agit que d'une invention, d'un conte, il est possible que ce soit d'elle que s'inspire notre agresseur... Je ne serais pas surpris que le baron en soit convaincu, vous l'avez dit superstitieux... Je voulais avoir votre sentiment à ce sujet, vous me l'avez donné, billevesées... Je voulais aussi savoir, cependant, s'il y avait plus de détails à ce sujet, ce qu'Elisa m'a raconté était plutôt vague."

Ada sourit.
-Être vague est le point commun à nombre de prophéties. Ne pas entrer dans les détails, se montrer flou, évasif, c'est le meilleur moyen d'éviter le discrédit et, au contraire, d'augmenter les chances de réalisation. Il suffit d'interpréter les mots à sa convenance, Ils peuvent coller à nombre de situations ou d'incidents... Pour l'histoire qui nous concerne, je pense ne pas en savoir plus que ce que vous a dit Elisa. Je n'y ai jamais vraiment prêté attention. Mais, je ne doute pas qu'elle puisse jouer un rôle, au moins dans la manière dont sont mises en scène les choses... Dans tous les cas, si cela vous intéresse, je pense que vous puissiez dénicher le texte original dans la bibliothèque du baron. Les chroniques familiales sont un passage obligé, pour les familles nobles.

Le Luménien ne put dissimuler une grimace.
« J’aurais dû y penser tout seul. » fit-il cependant avec philosophie. « Je vais remettre cette nouvelle visite de courtoisie à demain. Je ne suis pas certain que le donjon soit aussi accessible que votre demeure. »
Il eut un léger sourire.
« Et je ne vais pas m’attarder plus longtemps. J’avais promis aux gardes en faction sur mon toit de leur rapporter des informations sur l’incendie de cette nuit, et ils doivent penser que je suis enseveli sous les décombres, ou quelque chose du genre. »

A nouveau, la vieille halfeline le raccompagna à sa porte. Au dehors, le village était sensiblement plus animé qu'au matin : des habitants longeaient les rues, mais ils étaient peu nombreux et paraissaient surtout pressés de regagner leurs pénates, même s'ils ne manquèrent pas de saluer Albérich en le croisant. Ce dernier, se ressentant sans doute de ses diverses expéditions du jour, trouva l'ascension jusqu'à son gîte particulièrement pénible. Celle-ci lui permit également de mesurer l'isolement de la bâtisse, loin du donjon, loin des maisons du petit bourg... Côté positif : il n'y vivait plus seul. Fergus, éternelle sentinelle, arpentait son toit crénelé à pas mesurés.

Albérich monta lui faire son rapport, désolé de n’avoir, en réalité, que peu de choses à lui raconter : le temple avait brûlé, et on ne savait rien de plus. Sans doute retournerait-il sur les lieux du sinistre le lendemain, mais là, il n’avait qu’une envie : retirer ses bottes, se calfeutrer à l’intérieur et souffler. A l’abri de son bureau, il tenta de remettre ses idées en place, mais en réalité, il avait l’impression de n’avoir rien appris et de ne rien pouvoir faire. Peut-être la réunion du village lui donnerait-elle de plus amples informations, si on décidait de l’y convier, et encore… Lui qui avait toujours été bon juge de caractère réalisait à quel point la méfiance qui avait pris racine en lui biaisait désormais ses impressions. Une partie de lui avait envie de faire son sac et de filer dans la nuit, loin, n’importe où, mais il y avait des loups plein de la broussaille et c’était aussi la partie de lui qui voulait sauver sa peau. L’autre était fatiguée.
Il mangea seul, puis se coucha de bonne heure : mine de rien, ses allées et venues au grand aire l’avaient éprouvé. Heureusement, ses blessures cicatrisaient bien, toute trace d’infection résorbée. Il garderait de charmantes balafres, à moins qu’un souci esthétique ne l’amène à consulter un clerc à Eredhùn. Dérivant sous ses couvertures, il songea avec un sourire à Thilbault, le bouillonnant prêtre de Sunie qu’il avait fréquenté autrefois et imagina sa mine s’il venait à découvrir la chose. Mais son sourire s’effaça rapidement. Thibault voudrait parler d’Euryale, et Euryale était morte.
Il eut du mal à s’endormir, du mal à rester assoupi alors que les loups hurlaient au dehors, et finit par s’éveiller dans les ténèbres, alors que des cris indistincts se mêlaient au chant sinistre des grands carnassiers, lointains mais audibles. Il demeura immobile dans son lit, écoutant leurs promesses de sang et de violence, hésita. Les murs le protégeaient. Il ne pouvait rien faire. Il se retourna, plaqua son oreiller sur sa tête, mais même atténués, les bruits du dehors gardaient leur ton inquiétant. Il finit par dériver à nouveau, mais ne parvint pas à retrouver une réelle tranquillité. Il s’éveilla donc fatigué, vaseux, et l’eau du broc, malgré sa température glacée, ne suffit pas à lui donner un semblant d’énergie. Il gagna donc la salle à manger, la mine froissée, avec l’espoir de s’y faire un thé corsé.

Il y croisa pour la première fois Kevan, le deuxième membre du duo de gardes que le baron avait affecté à l'ancienne garnison. Petit, svelte, nerveux, il avait une mine tirée, séquelle de sa longue nuit de veille. Epuisé mais courtois, l'homme lui fit un bref résumé de ses observations : les loups se rapprochaient, les oiseaux multipliaient leurs guets, et il avait distinctement vu un ours rôder à la lisière des bois. Rien de très réjouissant, donc... Puis, sur ces entrefaites, le soldat s'excusa et gagna sa chambre, désireux d'y trouver un repos bien mérité.
Albérich avait fini de déjeuner et s'apprêtait à sortir lorsque l'on frappa à la porte. Son visiteur n'était autre que Hugues des Essaims, relativement frais et dispos malgré l'heure matinale.
-Veuillez m'excuser de vous déranger de si bonne heure... fit-il, amical, en s'inclinant. Mais monsieur le baron m'a chargé de vous convier à la réunion du conseil du village. Elle aura lieu en fin d'après-midi, dans la grande salle du Comptoir des Laines.

« Merci de l’invitation, je ne manquerai pas de m’y rendre. » fit Albérich, affablement. « Cependant, si vous retournez vers le donjon, je vous accompagnerais avec plaisir sur la piste. On prétend que vous y avez une bibliothèque bien fournie, et je dois avouer que je trouve le temps long. »
Il se para d’un sourire. Il n’était nul besoin de révéler au monde entier qu’il jouait les enquêteurs, et surtout pas à l’un des suspects potentiels. Albérich avait toujours du mal à réconcilier les différentes humeurs qu’il avait surprises sur le visage du sénéchal, mais il n’était pas impossible qu’il ait interprété trop sinistrement les signes d’une indisposition passagère. Le trajet serait en tout cas une opportunité d’en apprendre davantage à son sujet… s’il portait ses pas dans cette direction, bien sûr.

-Je crois que nous commençons tous à trouver le temps long... répondit le jeune homme. Pour le reste, c'est bien volontiers que j'accepterai votre compagnie, pour le trajet. Je vous demanderai juste la permission d'aller m'entretenir avec Fergus et Kevan, je n'en ai que pour quelques minutes et nous partirons sitôt que j'en aurais terminé... Ah, et il nous faudra marcher, je le crains : nous n'avons que peu de chevaux, et ceux-ci ont tous été réquisitionnés pour les patrouilles.

« Ça me convient très bien. » fit l’ancien clerc. « Je vous attends dehors. »
Il n’avait pas un instant imaginé faire le trajet à cheval, quelle horreur, mais il évita de manifester son soulagement de manière trop explicite. Pas qu’il se soucie réellement de ce qu’Hugues en penserait, mais quand même… Il sourit de sa propre vanité en gagnant le jardin enneigé, protégé par ses épais murs de pierre. Il faisait froid, comme chaque jour, c’était encore le cœur de l’hiver. En contemplant le petit village, le donjon au loin, il se sentit une seconde désoeuvré, comme perdu au milieu de nulle part. Qu’était-il venu faire là ? Allait-il mourir parmi des étrangers, sans en avoir prévenu personne, sinon un clerc au Temple qui pensait l’avoir aiguillé vers un peu de tranquillité ? Il songea à Marcus, se demanda s’il était parvenu, lui, à trouver un havre pour se ressourcer. Se remémorer l’intendant le rasséréna comme une bouffée de nostalgie l’envahissait, souvenirs épars d’instants furtifs, quotidiens, partagés entre les murs lumineux du sanctuaire. Garance et ses fleurs. Céleste et ses sermons. Quoi qu’il se produise, il lui resterait la mémoire de ces moments chéris, jusqu’à son dernier souffle. Il songea aussi à Tybert, avec plus d’amertume, et espéra que l’adolescent avait pu retrouver une place, quelque part, sans fracas supplémentaire. Puis il s’interrogea sur l’identité du nouvel aubemestre. Il n’y avait pas mille possibilités internes au clergé luménien, mais il n’était pas impossible qu’on ait fait venir quelqu’un d’Antelucas ou même d’Eredhùn pour pallier à sa désertion. Il se demanda s’il y retournerait jamais. Puis, revenant à l’instant présent, aux loups, au hameau d’apparence tranquille qui s’étendait sous lui, avec sa chapelle calcinée, il chassa ces chimères. Mille lieues, une autre vie.

Le sénéchal ne tarda guère a réapparaître. Il se drapa soigneusement dans son épais manteau puis, à pas rapides, rejoignit Albérich dans le jardin. S'immobilisant un instant à ses côtés, il s'abîma dans la contemplation du bourg, de la petite forteresse qui le dominait, de la campagne enneigée. Au loin, par intermittence, on percevait des hurlements sauvages. Les loups se faisaient entendre même en plein jour, à présent.
-On y va ? proposa-t-il simplement.
Et ils se mirent en route, franchissant le mur d'enceinte puis s'engageant sur la sente invisible qui longeait le faîte des collines.

Albérich aurait dû s’en douter, l’étroite piste qui reliait la garnison au château n’était pas propice aux conversations. A cela s’ajoutait le rythme enlevé auquel marchait le sénéchal, qu’il peinait à suivre, et il se souvint avec acuité que plus de dix ans le séparaient du jeune homme. Il abandonna donc toute tentative en ce sens, se contentant de réfléchir à ce qu’il ferait de sa journée : bibliothèque d’abord, tenir compagnie à Elisa ensuite, une petite visite au temple en ruines enfin.
Mais il eut enfin une ouverture lorsque Hugues s’immobilisa au sommet d’une petite crête puis le laisser rattraper son retard.
« Vous semblez plein d’énergie. » fit l’ancien clerc en faisant mine de devoir s’arrêter quelques instants pour reprendre son souffle (ce qui n’était en réalité qu’à moitié faux). « Les préparatifs vont-ils bon train ? »

-Il le faut bien... Monsieur le baron compte sur moi, et ce n'est pas exactement le moment de le décevoir.
Il soupira.
-Les préparatifs... Non, ça n'avance pas beaucoup, pour la bonne et simple raison qu'ils sont conditionnés à la décision que prendra le conseil, ce soir. En attendant, nous n'avons pu que faire des patrouilles, inventorier nos réserves de vivres et d'armes... Les choses sérieuses ont dû attendre. J'espère que ce délai ne nous sera pas fatal.

« Mais vous pensez que si les choses sont faites rapidement, nous avons des chances de nous en sortir ? » demanda-t-il. « J’ai entendu bien des paroles pessimistes, ces derniers jours… »
Il se tourna vers la campagne environnante.
« Je pensais qu’à moins d’un miracle… Nous étions pratiquement condamnés. »

-Si tout le monde pense ainsi, nous le sommes, en effet... fit Hugues, presque sentencieux. Partir à la bataille en croyant la défaite inéluctable, c'est le meilleur moyen de la faire advenir. Oui, messire, l'équilibre des forces n'est pas en notre faveur. Pourtant, nous sommes loin d'être démunis : les réserves du château sont importantes. Lorsque celles du village y seront jointes, nous pourrons tenir tout l'hiver sans mourir de faim. Les troupeaux mis dans les dépendances, nourris avec le fourrage, nous garantiront de la viande fraiche. Le puits, de l'eau en quantité. Les murailles empêcheront les loups ou les ours d'entrer. Il nous suffira de les harceler de traits depuis les meurtrières pour les décimer, d'organiser, de-ci, de-là, une sortie pour semer la pagaille dans leurs rangs. Nous ne manquons pas d'hommes et de femmes vaillants.
Il sourit.
-La devise de ma maison est "Qui s'y frotte s'y pique". Je la trouve particulièrement appropriée, en la circonstance. Ils ne prendront jamais le donjon. Et s'ils ne se lassent pas, nous pourront tranquillement attendre la venue des renforts.
Il devint plus grave, tout à coup.
-Bien sûr, tout ceci exige la concorde, parmi nous. C'est là ma seule crainte : si nous nous laissons gagner par la dissension, nous sommes perdus. J'espère donc que tout le monde fera front, et que notre unité se manifestera dès ce soir. Mais j'ai bon espoir : comment ne pas se rendre à l'évidence, face à la guerre qu'on nous prépare ?

Hugues était lancé.
« Mais ne pensez-vous pas… Si c’est réellement la « nature » qui a décidé de s’en prendre à Combeloup, qu’elle trouvera tôt ou tard une faille ? Car le monde sauvage ne se limite pas aux grands carnassiers, il comprend aussi les germes qui déciment un troupeau en deux jours, les vents et les pluies, le mouvement des sols… Pensez-vous que si nous tenons cet hiver en défiant les bêtes, nous pourrons sortir au printemps et revendiquer ces terres, sans qu’elles ne nous soient à nouveau disputées par des forces qui échappent manifestement aux règles habituelles de la nature ? »

Le sénéchal secoua la tête.
-Si la nature voulait vraiment se débarrasser des hommes, nul doute qu'elle déchainerait séismes, éruptions volcaniques, raz-de-marée... Et si les hommes étaient demeurés, tremblants, à contempler ces dangers, à les craindre, à attendre le cataclysme, ils en seraient encore à vivre comme des bêtes. Mais ils ont décidé d'aller de l'avant. De leur audace sont nés cités, royaumes, empires. La nature n'a pas voulu, ou plus probablement, n'a pas pu enrayer leur marche. Elle n'est pas une force unique, unie : nombre de divinités, d'esprits, de pouvoirs divers coexistent, s'allient parfois mais, plus souvent, luttent entre eux. Et doivent faire face à d'autres forces : celles des dieux des hommes, notamment, qui n'ont jamais dénié leur soutien aux méritants. Celles de la magie, aussi. De la civilisation, plus généralement. Ainsi, les hommes ne sont pas sans ressources... et peuvent recourir à des pouvoirs échappant aux règles habituelles, eux aussi.
Son sourire revint.
-Nous tiendrons, messire Ferwyn. Aussi âpre soit la lutte. Nous tiendrons jusqu'à l'arrivée des renforts. Alors, viendra le temps de la contre-attaque, et justice sera rendu. Nous n'avons pas été les agresseurs, nous avons essayé de vivre en bonne harmonie avec la nature. Elle nous a trahis, devra en payer le prix. Plus jamais Combeloup ne tremblera devant elle, ne restera recroquevillé, à sa merci.

Hugues avait clairement choisi sa voie. Evidemment, cela ne le rendait pas coupable pour autant. Il avait foi en l’humain, en la civilisation, et compte tenu des circonstances, son attitude guerrière était des plus compréhensibles.
« Et espérons que justice sera rendue avec mesure. » dit-il cependant. « Mais je dois dire que votre combativité fait plaisir à entendre. Il est bon de savoir que certains d’entre nous ont confiance en une victoire possible. Il sera sans doute plus sain que Combeloup devienne un hameau pareil à mille autres, plutôt qu’un bourg figé par les conditions d’un pacte étrange. Surtout s'il n'est pas respecté. »
Il sourit.
« Remettons-nous en route, je pense avoir repris suffisamment de forces. »

-Le pacte était censé nous protéger de ce que cache les montagnes... fit Hugues en reprenant la marche d'un pas bien plus mesuré, sans doute pour ne plus distancer Albérich. Mais soit ces montagnes ne recèlent pas plus de danger que toutes les autres, auquel cas, c'est un marché de dupte, soit il y a bel et bien danger, mais le pacte, alors, est une menace autant qu'une protection. "Faites un écart, et vous êtes morts", en quelques sorte. Pas très avantageux... Mais on ne pourra pas nous accuser d'avoir joué le jeu jusqu'au bout, ni de nous rebeller, dès lors que la tranquillité chèrement acquise n'est plus qu'un lointain souvenir.

« Il doit pourtant bien y avoir un déclencheur, quelque chose… Pourquoi attendre aujourd’hui ? Cela semble absurde… »
Il se retint d’aller plus loin. Il avait l’impression que la seule chose qui avait changé ces derniers temps était sa propre arrivée au village. S’il n’avait pas envie que le village soit plongé dans un bain de sang, il n’avait pas non plus terriblement envie d’être brûlé vif sous le couvert d’une accusation quelconque.

-Allez chercher de la logique dans la nature... soupira-t-il. Qui peut dire ce qui s'est produit ? La famine règne-t-elle parmi les loups, pour qu'ils s'intéressent soudainement à nos moutons ? L'équilibre des forces a-t-il évolué dans les montagnes ? Quelque meneur veut-il étendre son empire et, ce faisant, nous rayer de la carte ?
Il haussa les épaules.
-Dans tous les cas, quelle que soit la cause, les conséquences sont les mêmes, pour nous.

« C’est vrai. » dit simplement le Luménien. « Mais s’il était possible de réparer un petit malentendu plutôt que d’embraser le village… Je pense que nous y gagnerions tous. Pour un temps, sans doute. Je suis d’accord avec vous. »
Il replongea dans le mutisme et se demanda si l’énergie noire de Shar était encore à proximité. Il l’avait senti affleurer, auparavant, tentatrice, mais ne l’avait plus perçue depuis son arrivée à Combeloup. Laissant son regard courir sur les petites maisons blanches et leur panache de fumée volatile, il se demanda si c’était le genre de sacrifice dont il se serait senti capable, le cas échéant. Investi d’un pouvoir divin, vu son ancienne maîtrise, il aurait constitué un atout considérable pour un château sous siège. Mais sans doute la déesse de la nuit ne se laisserait-elle pas abuser par un motif altruiste. Et Alaric n’était pas là pour lui fracasser le crâne une fois les choses rentrées dans l’ordre. Hugues semblait confiant. Il fallait avoir confiance en l’homme, à défaut des dieux. Il en avait toujours été ainsi, pourquoi était-ce si difficile ?

Ils finirent par parvenir au pied du donjon, relativement peu fatigués : le sénéchal avait veillé à ne jamais accélérer le rythme, l'avait fait de manière discrète et presque naturelle, sans doute désireux que l'ancien clerc, dont il ne connaissait pas le caractère, ne s'offusque pas de cette attention.
-Je vais devoir vous laisser ici... fit sire Hugues lorsqu'ils eurent franchi les portes. Je dois voir si l'une ou l'autre des patrouilles est rentrée, afin de prendre la relève. J'espère que vous trouverez de quoi vous occuper à la bibliothèque. Nous nous reverrons ce soir !
Il le salua courtoisement, puis se détourna.

Après avoir salué et remercié son guide, Albérich entra dans le bâtiment principal. Il n’aurait jamais osé monter jusqu’à la bibliothèque de son propre chef, après tout, il n’était pas chez lui et le donjon n’était pas un lieu public, il alla donc jeter un coup d’œil dans la salle de la garde, à la recherche d’une adolescente lasse et rebelle au hasard. Si elle ne s’y trouvait pas, il verrait si quelqu’un pouvait la prévenir, en espérant qu’elle soit disponible et prête à lui donner la permission de fouiner dans les vieux livres.

Elisa se trouvait bien là où il la cherchait. Lasse, elle ne le paraissait guère. Rebelle, en revanche, peut-être, a en juger par la manière dont elle malmenait de son épée un mannequin recousu en des dizaines d'endroits, signe de l'usage intensif que l'on en avait fait.
-Mon sauveur ! s'exclama-t-elle en rengainant son arme.J'ai cherché en vain des partenaires d'entraînement, et j'ai dû me rabattre sur ce malheureux Oscar... Ah ça, vous tombez à pic !
Elle se dirigea vers lui, souriante, presque malicieuse.
-Bonjour, messire Ferwyn... Vous paraissez vous faire aux grandes marches dans la neige. Ne l'avais-je pas dit, que nous ferions de vous un athlète ?

« Bonjour à vous, Elisa. Vous devez être bien désespérée pour voir en moi votre sauveur. Vous savez que je vaux à peine mieux qu’Oscar, et je suis nettement moins solide. Cela dit, je crie quand on me frappe, c’est peut-être cela qui vous manque. » fit-il, de bonne humeur.
Il retira son manteau qu’il posa sur un banc.
« Combien de passes d’armes devrai-je échanger avec vous pour avoir accès à la bibliothèque ? »

Elisa haussa les sourcils et écarquilla les yeux.
-La bibliothèque ? Encore ? Serait-ce que vous auriez mal dormi pour y chercher des ouvrages soporifiques ? A moins que vous n'aimiez souffrir en vous infligeant la lecture de ces vieux manuscrits...
Son sourire revint, large et franc.
-Mais je vous en permet bien volontiers l'accès. Et vous n'êtes même pas obligé de vous battre avec moi. Bien sûr, ce serait un bon entraînement pour les batailles à venir, mais... je ne suis pas tyrannique, et ne désire pas vous dissuader, à jamais, de revenir me voir.

« Oh, Elisa ! Je vous offrais l’opportunité de m’obliger à vous combattre et vous vous rendez si aisément ! Vous devriez en profiter, je ne suis pas suffisamment masochiste pour me porter volontaire sans un minimum d’incitants… »
Il sourit.
« Mettons que je n’ai rien entendu, et reprenons. Combien de passes d’armes ? Quant aux livres, je les ai toujours bien aimés. Et ils sont moins soporifiques que les rainures d’un plancher ou les briques d’un mur. »

-Cela reste à prouver... Et, si vous voulez mon avis, vous êtes vraiment masochiste.
Elle ne fit rien, cependant, pour lui offrir une nouvelle opportunité de se dérober, et lui désigna, ravie, une armure de cuir.
-Epée ou masse, faites votre choix. Si vous étiez métamorphe, je vous demanderais bien de vous changer en loup ou en ours, ce qui serait un meilleur entraînement. Malheureusement, seule Ada, je crois bien, sait faire ça, ici. Et je doute qu'elle soit disposée à me servir de partenaire...
Elle tira son arme et, sans tarder, se mit en position.
-Quant au nombre de passes... On verra bien. Cela fait des heures que je m'acharne, je crierai peut-être grâce avant vous !

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Combeloup

Quête : Brumes

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Re : [Lieu] Combeloup

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Re : [Lieu] Combeloup

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