La Couronne de Cuivre

Ses compagnons de tablée protestèrent, arguant qu'ils parlaient de choses sans importance, qu'il n'avait rien interrompu de crucial. Cependant, les discussions ne repartirent pas : Albérich était devenu le centre de l'attention et si tous l'observaient, amicaux, on sentait chez beaucoup une gêne, un embarras. C'était fort compréhensible :à coup sûr, ils n'avaient-encore jamais eu l'occasion de côtoyer un homme d'une telle envergure, et encore moin de manger avec lui...-
-Dame Marthe m'a appris que vous alliez travailler sur la constitution et les lois de notre future cité, finit par dire Agnès, brisant le silence. Ni elle, ni moi, ni personne ici n'aurait imaginé bénéficier d'un tel concours... Alors, d'avance, merci. Je ne suis pas la seule, je pense, à voir votre arrivée parmi nous comme un heureux présage.

" Un heureux hasard, peut-être... Un présage, je ne sais pas. Mais vous êtes gentille, Dame Agnès. Je ferai de mon mieux pour aider Dame Marthe et j'espère que la constitution de la cité à venir sera à la hauteur des espoirs de chacun."
Surtout des vôtres, songea-t-il en observant ses voisins de table à la dérobée.
" Mais j'imagine que tout ce processus sera présenté et débattu en assemblée... Quitte à v... nous doter d'une constitution provisoire en attendant d'avoir affiné le texte final. Je dois avouer que je n'ai aucune idée du stade auquel en est Dame Marthe et je suis curieux d'assister à une assemblée..."

-Vous en aurez l'occasion sous peu, puisqu'elle sera convoquée sitôt que nos éclaireurs seront revenus des Landes. Vous verrez, c'est toujours très intéressant, très enrichissant : on dirait l'assemblée du peuple luménien, en beaucoup plus petit, évidemment. Quant au travail de Marthe, la dernière fois où nous en avons parlé, elle m'a dit se concentrer sur les aspects juridiques : elle est formée pour cela et, même si elle se base sur les textes de la capitale, elle songe à quelques amendements... Elle a aussi des idées pour les autres sujets, notamment au niveau social, mais elle est plus circonspecte, puisque ce n'est pas directement son domaine... Je suis donc certaine que vous vous compléterez parfaitement et qu'ensemble, vous arriverez à un excellent résultat propre à satisfaire tous les membres de la communauté.
Les autres acquiescèrent, confiants.

Albérich se demanda s'il paraissait aussi sérieux et docte que cette jeune femme, dont le discours était chargé d'une gravité qui cadrait peu avec la cantine. Une Ilmate. Il y avait toujours eu quelqu'un pour le traiter d'Ilmate. Pourtant, il s'était autrefois senti beaucoup plus enflammé que ça... Il sourit.
" Tout est toujours juridique, même le social. Mais doter une ville d'un corpus de lois, ça ne s'improvise pas aisément en quelques mois... et sans doute cela ne sera-t-il pas nécessaire dans un premier temps. L'un dans l'autre, nous nous débrouillerons, vous avez raison."
Il se tourna vers Gus et ses compagnons.
" Mais on parle beaucoup de moi et de mes intentions... Qu'en est-il des vôtres ? Et consentiriez-vous à me dire vos noms ?"

Si ces commensaux se présentèrent, aucun ne fit de long discours : face à une personnalité telle qu'Albérich, la modestie de leur condition devait les embarrassé, et leur passé leur paraître insignifiant ou même gênant, par certains aspects. Il y avait là de petits artisans ruinés par la guerre ou la concurrence, des ouvriers agricoles, des manœuvres ou encore un palefrenier qui, les yeux baissés, avoua avoir été condamné à une peine de prison à Edhoras pour avoir tenté de voler un cheval. Tous espéraient commencer une nouvelle vie dans les Landes, travailler pour la première fois à leur propre compte ou remonter une affaire. Ainsi Gustave - puisque tel était son nom complet - ambitionnait-il d'ouvrir une taverne, d'un niveau bien meilleur, précisa-t-il, que celle qu'il tenait jadis à Luménis.

Albérich fit son possible pour les mettre à l'aise, s'efforçant de mémoriser au plus vite les noms et les occupations de chacun, s'intéressant à leurs projets, leur souhaitant de réussir. Il était un peu déstabilisé de la difficulté qu'il rencontrait à se mêler à ces gens, réalisant qu'autrefois, ou à Solarcis encore, son rôle, et le pouvoir qui en découlait, avaient facilité les interactions. Les citoyens venaient à lui avec des questions précises, des désirs, des problèmes, il s'efforçait de les résoudre, les sondait sur des points précis, discutait des solutions potentielles, cherchait à comprendre les tenants et les aboutissants des situations conflictuelles. Ici, tout était abstrait, en gestation, et pour l'heure, dénué de la moindre tension. Il n'avait donc pas sa place parmi ces gens, parce qu'il n'avait rien à leur apporter... Il essaya de se mettre en retrait, se concentrant sur son repas pour essayer de le terminer le plus vite possible. Il était un peu désolé d'avoir gâché le repas de la tablée en s'y incrustant.

Gâché, le terme était un peu fort car, dès lors que les présentations furent faites et qu'ils n'eurent plus à évoquer leur histoire, ses voisins de table commencèrent à se détendre peu à peu, à parler plus librement. De surcroît, Agnès fit tout son possible pour instiller une ambiance bon enfant, cessant très vite de donner du "messire" à Albérich pour l'appeler par son prénom, par exemple. D'autre part, si l'on sentait bien qu'elle avait envie de lui poser des questions, elle s'en abstenait, préférant aborder des sujets triviaux ou donner, à ceux qui lui en demandaient, des nouvelles des quelques malades qui séjournaient au dispensaire. Les concernant, rien de grave : juste quelques refroidissements ou une sévère entorse pour un adolescent qui, la veille, présumant de ses capacités, s'était montré par trop zélé sur le terrain d'exercices.

Albérich se contenta d'écouter, s'imprégnant de la sorte de l'ambiance sur le campement, découvrant ses rouages et ses us, ses dynamiques, ses personnalités. Il se demanda s'il y avait d'autres clercs parmi eux mais se garda bien de poser la question. Il ne se souvenait plus de si quelqu'un avait abordé la question, peut-être avait-il involontairement oblitéré l'information. Hubert avait raison : il était curieux de constater qu'il s'était montré parfaitement capable de travailler avec des prêtres au quotidien quand il était gouverneur à Solarcis et qu'il se sentait à nouveau mal à l'aise en leur présence aujourd'hui. Bien sûr, c'était curieux, mais explicable. Il était à nouveau dans une crise identitaire, avec un rôle à redéfinir, tandis qu'à Solarcis, il avait une place nettement déterminée, où il se montrait compétent et respecté. Sa lucidité sur les causes de son mal être ne lui permettaient cependant pas de le tempérer.

Le repas, dont l'atmosphère était somme toute devenue fort agréable, se termina cependant rapidement : d'autres membres de la communauté attendaient de pouvoir manger, et il était temps de leur libérer la place. Les convives s'en allèrent un à un, non sans avoir, au préalable, salué Albérich avec amabilité. Agnès fut la dernière à partir : elle devait retourner auprès de ses patients, expliqua-t-elle. Toutefois, elle dit au Luménien espérer quils auraient sous peu l'occasion de discuter à nouveau.

Tandis qu'Albérich devisait à la table d'Agnès, Hubert s'était approché de celle où Sir Robert, son écuyer et les autres instructeurs militaires se sustentaient. Il les salua amicalement et s'installa à la place restée vacante, avant de tenter de raccrocher à la conversation en cours. Il avait des questions mais elles pouvaient attendre. Il jeta cependant un coup d'oeil vers le Luménien, histoire de s'assurer qu'il n'était pas resté planté, désoeuvré, au milieu de la tente. Il constata avec surprise, mais plaisir, qu'Albérich s'était dirigé vers l'Ilmate — encore une jolie femme — et, se sentant rasséréné, revint à ses homologues.

Le paladin fut accueilli par de larges sourires et on ne tarda pas à l'intégrer aux débats. Il était en effet question des exercices, des élèves qui pouvaient éventuellement monter de niveau, de ceux, au contraire, qu'on songeait à transférer dans des groupes moins avancés, pour qu'ils soient plus à leur aise et, ainsi, qu'ils puissent développer, à leur rythme, leur plein potentiel. Le seul à demeurer silencieux était Alban. Le jeune écuyer ne semblait par s'ennuyer pour autant : au contraire, il ne perdait pas une miette des discussions.

Hubert donna son avis, en toute honnêteté, sur les quelques jeunes gens qu'il avait vus à pied d'oeuvre le matin-même. Il estimait que des groupes de niveaux un peu disparates n'étaient pas forcément une mauvaise chose, car ils permettaient des mises en situation moins catastrophiques et plus formatrices que des groupes composés de débutants seulement. L'absence d'un ennemi clairement identifié était évidemment un problème pour savoir comment préparer les colons à se défendre. Il se sentait lui-même relativement démuni à affronter une menace en rase campagne : la ville était depuis longtemps devenue son élément. Il profita d'une pause dans la conversation pour s'y engouffrer.
" Sir Robert, je me demandais s'il existait déjà un service d'ordre interne à la communauté. Je me doute que la plupart des colons sont des gens raisonnables, qui ont adhéré à la charte, mais j'ai du mal à croire que cinq cent personnes puissent cohabiter sans la moindre friction..."

-Oh, il y a déjà eu des disputes et même quelques bagarres. En général, l'intervention des témoins a suffi à apaiser la situation, mais il est arrivé, à une reprise, que les soldats doivent intervenir pour calmer le jeu. Ce sont eux qui, pour l'heure, font office de forces de police. Mais il n'y a rien d'officiellement institué, non... Nous y songeons, toutefois : dans l'immédiat, ce n'est guère nécessaire, mais ça le deviendra durant le trajet, où la tension montera forcément, et plus encore dans la cité, que nous comptons gérer comme toute ville qui se respecte. Si vous avez des idées ou des propositions en ce domaine, Hubert, n'hésitez surtout pas : vous êtes le mieux placé, ayant dirigé la garde plus que conséquente de Solarcis.

Hubert sourit. Sir Robert voyait clair dans son jeu, mais en même temps, il n'avait eu aucune intention d'avancer caché. Il devait cependant se montrer prudent : il disposait d'une certaine expertise dans la gestion d'une garde urbaine, mais il ne voulait pas rempiler dans ce rôle. C'était exactement comme ça qu'il avait perdu sa vocation de paladin de vue. Son devoir était de pourfendre le mal, pas de régler des conflits de voisinage ou d'arrêter des voleurs. Mais s'il pouvait former quelqu'un pour le faire... il s'y attellerait bien volontiers. C'était peut-être son unique regret solarcien : être parti sans avoir préparé quelqu'un pour lui succéder. En même temps, vu la manière dont les choses s'étaient passées, Béranger aurait probablement, par principe, refusé de nommer son héritier choisi. Et dans les faits, les chances étaient élevées, malheureusement, que son fils Adhémar récupère la charge dès son retour de la guerre.
" Je n'y manquerai pas. Je pense cependant que les défis posés par une grande ville bien établie, avec ses riches et ses pauvres, sont différents de ceux d'une communauté restreinte, qui se structure... Mais il est certain que si vous le désirez, je peux aider à organiser quelque chose pour le trajet."
Ils dépendraient ensuite des lois que Marthe et Albérich définiraient avec l'assemblée pour pouvoir réellement intervenir.

-Vous pouvez dès à présent commencer à y réfléchir, fit Robert. Bien sûr, il faudra que j'en discute avec les autres conseillers, et peut-être la question sera-t-elle mise à l'ordre du jour de la prochaine assemblée. Toutefois, je ne pense pas me montrer présomptueux en pensant que personne ne trouvera rien à reprocher à ce projet : comme je l'ai dit, qui mieux que vous peut mener à bien une telle tâche ? Pas moi, en tout cas : les gardes dont je me suis occupé étaient minuscules.

" Je ne veux pas anticiper sur les décisions du conseil, se défendit Hubert. Si l'assemblée devait décider que la chose est superflue, je m'en voudrais d'instituer quelque chose qui symboliserait déjà la méfiance au sein d'une communauté paisible. Il est possible que l'oeil et la bonne volonté de chacun suffisent... Je voulais simplement... m'informer... et me mettre à votre disposition, rien d'autre."

-Sincèrement, je pense que réfléchir aux possibles n'est pas un mal, au contraire. Si notre communauté se veut idéale par bien des aspects, elle n'en oublie pour autant ni de faire preuve de réalisme, ni de préparer l'avenir. Or, il nous faudra, tôt ou tard, mettre sur pied une véritable garde : si tout se passe comme nous l'espérons, notre cité ne tardera pas à attirer d'autres habitants, et qui dit plus de monde dit plus de frictions potentielles. Et même avant cela : lorsqu'on se trouve installé au beau milieu d'une région hostile, savoir qu'une force bien formée, bien organisée patrouille les rues, cela ne peut que rassurer. Enfin, j'ajouterai, et c'est mon côté pragmatique qui parle, qu'il serait dommage de ne pas profiter de vos compétences tant que vous nous accompagnez...

Hubert acquiesça dans un sourire.
" Peut-être pourrez-vous aborder la question lors du prochain conseil... ou à l'assemblée... Je pense qu'ensuite je pourrai rapidement vous faire des propositions concrètes. Une bonne force de sécurité interne repose avant tout sur la sélection minutieuse des personnes qui la composent. Cela me laisse un peu de temps pour jauger les candidats potentiels..."
Il retourna à son assiette un moment, puis dévisagea le chevalier.
" Je change de sujet, veuillez m'en excuser, mais... je me demandais s'il y avait un moment... et un endroit peut-être plus discret... où les combattants plus experts pouvaient s'entraîner à l'abri du regard de leurs élèves... Je dois dire que je ne serais pas contre me mesurer à l'un d'entre vous un de ces jours... Je suis complètement rouillé."

-Les paladins étant, de notoriété publique, des adversaires auxquels il ne vaut mieux pas se frotter, vous risquez de manquer de partenaires de duel. A moins que, motivés par ce défi de taille, ils ne viennent au contraire à se bousculer ? Qui sait ! Quoi qu'il en soit, oui, les meilleurs combattants s'entraînent aussi, surtout l'après-midi. Les soldats le font sur le terrain d'exercice, à la vue de tous : les membres de la communauté aiment assister à ce spectacle, parce qu'ils sont intéressant, certes, mais sans doute également parce qu'il est rassurant de savoir que l'on a une "armée" digne de ce nom. Quant aux instructeurs, ils se mesurent les uns aux autres à quelque distance du camp, derrière un petit bois, sans témoins autres que leurs pairs : ainsi le résultat des confrontations ne nuit-il pas à leur autorité face aux élèves.

Hubert se fit la réflexion qu'il n'avait pas encore rencontré de ces soldats de métier qui les accompagnaient, à l'exception des gardes en faction à l'entrée du camp. S'ils en étaient, ce dont il n'était pas complètement sûr.
" Ne faisant pas partie des troupes affectées à la protection de l'expédition, il est plus approprié que je m'entraîne avec les instructeurs, dit-il simplement. Mais je suis surpris que les paladins aient une telle réputation. Un bon guerrier met n'importe quel servant des dieux à genoux dans l'arène, surtout s'il s'agit d'un entraînement. Je me vois mal user de l'énergie de Lathandre contre un camarade... et ce serait d'ailleurs complètement inutile, à moins qu'il ne soit en réalité un mort-vivant d'une espèce ou l'autre."

-Vous n'étiez pas au courant ? L'un des mages qui nous accompagne est une liche, et on attend sous peu le renfort d'un comte vampire et de sa suite... plaisanta Edgar.
-Allons, ce n'est pas à vous que je vais apprendre que les paladins dégagent quelque chose que n'ont pas les autres guerriers, dit Robert, plus sérieux. Ils sont des combattants bénis, ils sont investis de la puissance divine... Il est donc normal qu'on les respecte, qu'on les admire et qu'on les craigne, aussi, vu ce qu'ils incarnent...Quant à leurs prouesses martiales, ne faites pas le modeste : les paladins de Lathandre ont accompli maints exploits qui font partie de la mémoire collective d'Helonna.

" Je ne nie pas que ma foi me confère une puissance redoutable quand il s'agit d'affronter le mal et ses suppôts, Sir Robert, mais je doute qu'elle me soit d'une quelconque utilité pour faire ravaler ses mauvaises plaisanteries à Edgar."
Il se tourna vers le Bortheian.
" Mais je suis ravi que vous vous soyez proposé ! Je vous laisse une heure de digestion demain après-midi, et ensuite, vous pourrez me montrer ce bosquet !"

La remarque fit sourire toute la tablée, hormis sa cible qui, d'abord stoïque, finit par se fendre d'une expression chagrine.
-Ce serait avec plaisir, Hubert. Avec grand plaisir, même. Malheureusement, vous avez été capitaine, moi seulement sergent, alors si je me battais contre vous, même simplement pour un entraînement, j'aurais l'impression de manquer de respect à un supérieur, et... Et c'est contre mon code de l'honneur.
Les sourires que lui adressaient ses comparses se firent goguenards, mais aucun n'osa publiquement le huer. Peut-être par peur d'être le candidat de remplacement que choisirait le paladin...

Hubert le dévisagea en secouant la tête.
" Vous me faites de la peine, Edgar. Je ne suis plus capitaine, je suis un misérable paladin errant sur la route et... vous êtes mon aîné, dans cette compagnie, sûrement mon supérieur hiérarchique. De plus, refuser de croiser le fer avec un nouveau venu, ce n'est pas très gentil pour aider à son intégration dans un groupe déjà constitué depuis belle lurette. C'est même cruel."

-C'est vous qui êtes cruel ! protesta le soldat. D'une cruauté telle, même, que je me demande si Lathandre ne va pas vous priver de sa faveur ! Enfin, vous avez une circonstance atténuante, celle de ne pas être au courant... Alors, pour votre propre bien, je vous informe que les duels sont toujours assortis de paris, et que si je perdais le nôtre, j'aurais de fortes chances de me retrouver à devoir superviser l'entraînement des plus insupportables gamins de la communauté. Vous ne voudriez tout de même pas que je subisse pareil martyr ? Moi, je ne le souhaiterais pas à mon pire ennemi...

Des paris, il ne manquait plus que ça.
" Mais enfin... avez-vous si peu de foi en vos capacités martiales ? Qui vous dit que je vais vous battre ? N'êtes-vous pas au contraire ravi et motivé à l'idée de pouvoir me refiler ces gamins insupportables ?"
Il se tourna vers les autres instructeurs.
" J'imagine qu'il doit bien y avoir des vainqueurs et des vaincus, immanquablement, quand vous vous heurtez... Ou ne combattez-vous jamais les uns contre les autres ? Est-ce que vous réalisez que si personne ne veut croiser le fer avec moi, je vais être obligé de me rabattre sur Albérich, encore ? Le pauvre... Mais bon. Vous n'avez pas pitié de moi, vous n'aurez pas pitié de lui."

-Ben si, justement, on a pitié de vous. S'occuper d'eux, c'est un vrai calvaire. Hormis pour Ted, qui les terrifie tellement peur qu'ils n'osent pas faire les idiots.
-Moi, les terrifier ? protesta l'intéressé, un jeune homme tout en muscles. C'est juste que je sais m'y prendre avec eux... Mais oui, Hubert, on a pitié de vous, vraiment. Ce matin, ils n'avaient d'yeux que pour vous, et ils ont lancé des concours... Alors déjà, vous êtes à plaindre. Mais si en plus vous tombiez entre leurs griffes suite à une défaite... M'est avis que vous prendriez la fuite à bride abattue en même pas deux jours ! Et ce serait dommage pour la communauté.
-Oui, très dommage.

Ils étaient en train de changer de sujet, ces pleutres !
" Donc, à cause d'une bande de marmots sauvages, vous allez priver un chevalier souffrant d'un manque d'entraînement criant d'une chance de se remettre à niveau avant d'affronter les dangers de la Lande ? Sérieusement ? J'espère au moins que vous aurez de légers remords quand je serai terrassé par une goule en maraude !"
Il eut alors un sourire.
" Mais j'y songe... Je pourrais simplement aller me promener directement dans les marais demain après-midi. Je trouverai bien quelque chose de rampant qui ne se cherche pas de mauvaises excuses. Bon, si je ne reviens pas... Vous n'aurez qu'à blâmer les gamins difficiles."

-Pas très paladinesque, le coup de la culpabilisation.
-Ben si, justement : les paladins sont les défenseurs de l'honneur et de la vertu, normal qu'ils tirent sur les cordes sensibles.
-C'est vrai. Faut dire que c'est efficace...
-Très efficace. Enfin, ça le serait, si...
-Si il n'était pas formellement interdit d'aller dans les marais avant le retour des éclaireurs.
-Dommage, Hubert.
Robert, silencieux, suivait la scène avec amusement. Quand à son écuyer, l'envie d'intervenir le tenaillait visiblement, mais il n'osait encore rien dire.

Hubert croisa les bras et dévisagea ses deux adversaires. Il était tentant de les affronter tous les deux en même temps, juste pour leur apprendre à le tourner en bourrique. Mais le paladin se sentait vraiment rouillé et il n'était pas persuadé d'avoir le dessus. C'était risqué.
" Dans ce cas... Ted. Vous n'avez pas de problèmes avec les gosses. Donc vous pourriez franchement m'affronter. Si vous perdez, ça ne vous changera pas de l'ordinaire. Si je perds, et bien... j'assumerai. Je ne peux de toute façon pas m'enfuir : j'ai signé un contrat. Je suis un grand garçon, je survivrai. Et pourquoi ne pas déplacer le combat en public ? Comme ça, j'aurai la consolation d'être un peu moins populaire si je mords la poussière. Ça contrebalancera bien le cours aux gamins."

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[Quête] Dans la Campagne du Soleil