La Couronne de Cuivre

Les généraux songeurs approuvèrent en silence. Lothar, qui n'avait en rien remarqué des doutes de Gaspard continua.

"Ce que tu dis est très sage. Chacun de nos hommes doivent être au courant du danger potentiel. Mais chercherons-nous à débusquer l'incendiaire ? Et si oui, comment procéderons-nous ? Quoi que nous fassions, il va falloir agir avec la plus grande prudence. Dans tous les cas, le message est clair : nous ne sommes pas les bienvenus en ville. J'espère que ce n'est pas un coup tordu de notre très cher Haut Prélat."

"Sages paroles, répondit Lothar, la cérémonie et le tournois nous montrerons aussi bien à nos adversaires qu'à nos alliés potentiels que malgré la tentative d'assassinat - je gage que la rumeur ne tardera pas à se répandre en ville, nous sommes toujours debout. Gaspard, je serais d'avis de me méfier de Guiguemar d'Aulfray. Il a l'intrigue dans le sang et je suis sur qu'il voit d'un très mauvais oeil l'arrivée d'un nouveau prétendant au Conseil. S'il n'a pas commandé le meurtre, il va de soi que ma mort aurait servi grandement ses desseins."

« Que donc est devenue la Cité Bénie... La situation est plus trouble encore que dans mes craintes. A nous d’y mettre bonne ordre. Je refuse que ce sursaut dans la guerre n’est au final mené qu’à un marasme politique. Qui que soient ceux qui complotent ainsi, ils doivent être neutralisés. Manost ne se relèvera que si son conseil est fort. »
Le discours sortait un peu du strict cadre militaire. Paradoxalement, ce pouvait passer pour de la politique justement. Mais Gaspard ne nourrissait guère d’ambition personnelle. Le devoir guidait ses pas. La défaite de son pays lui restait en travers de la gorge et voir la ville dans cet état le tourmentait. Il en fallait peu pour que le chaos s’installe. Et le chaos se nourrissait des conflits. Il soupira et reprit.
« Bon. Qui fait quoi ? J’ai peut-être encore le temps de rendre une visite de courtoisie à un culte avant la cérémonie de ce soir. Si c’est trop juste, tant pis, la cérémonie est capitale. Mais quoi qu’il en soit, je le répète, personne seul. Ça vaut pour toi, Lothar et pour moi aussi. Un ou deux hommes en escorte, au moins. Je n’ai confiance qu’en ceux de la Cavalière Rouge, ou ceux de Tempus. »

"Peut-être pourrions-nous nous rendre tous les deux à la commanderie tyrite, proposa Lothar Strode dont la voix trahissait encore un certain épuisement, mais j'aimerais avant cela changer de vêtements. Je n'ai pas envie d'avoir l'air d'un vagabond devant leur grande prêtresse. Surtout que si mes souvenirs sont exacts, elle n'est pas commode et j'imagine que ce qui est arrivé à ses novices n'a pas arrangé son état d'esprit."

Il reprit à voix haute en direction de Titoeil, le tavernier.

"Je voudrais une chambre et de quoi me nettoyer."

Il se tourna vers deux aides de camps.

"Tous les deux, vous irez me chercher des vêtements propres."

« Tu vois… pas de licornes. »

Ni de chevaux ailés, ni de créatures apparentées aux dragons. Rien que des chevaux ordinaires… il y avait, néanmoins, de belles bêtes, quoique le tieffelin soit loin d'être un expert sur ce thème.
Se trouver ici sans y avoir été invité était peut-être une mauvaise idée : si quelqu'un arrivait, il aurait beau lieu de penser qu'ils étaient venu faire un mauvais coup – et Elzen n'était d'ailleurs pas sans avoir quelques idées de choses de cet ordre à tenter dans un pareil endroit. Néanmoins, la présence du gamin serait vraisemblablement une sorte de garantie.

Et puis, peut-être ne viendrait-il personne avant qu'il ne se soit lassé. Dans l'immédiat, mieux valait apprécier la tranquillité des lieux.

Ulysse allait répondre quand une voix derrière eux se fit entendre.

"Bien le bonjour"

Trois hommes se tenaient devant eux. Deux solides gaillards dont les traits laissaient deviner qu'ils étaient apparentés et un autre plus fin que le petit garçon désigna joyeusement.

"C'est Floréal de la Taie Dorée."

L'homme désigné salua théâtralement.

"Monsieur, si je ne me trompe pas, vous êtes apparenté à Chance."

Oh, misère… pareille introduction n'avait rien pour être rassurante. Il était désarmé, et devait protéger un Ulysse qui ne semblait pas se méfier le moins du monde, alors qu'il était en nette infériorité numérique dans un lieu qui, s'il ne manquait a priori pas de ressources, ne lui en était pas moins inconnu. Si les nouveaux venus se montraient belliqueux, les choses risquaient de tourner assez mal.

« Qu'est-ce qui vous fait dire ça ? »

Il avait employé le ton de la curiosité polie, comme s'il s'était agit d'une conversation anodine, afin d'évaluer les risques. Si seulement ladite Chance avait eu l'occasion de lui raconter ses rencontres et les éventuels soucis qui en avaient découlé…
Quoiqu'il en soit, “apparenté” était un curieux choix de terme. Était-ce seulement dû à la présence du gamin, ou l'homme avait-il perçu chez l'un et l'autre leurs natures démoniaques ? Il était en tout cas fort probable, pour Elzen, que leurs deux ascendances, bien qu'elles impliquent chacune au moins un démon, n'avaient pas grand chose en commun – lui-même était d'une lignée assez rare, même chez les tieffelins, qui lui conférait ce sortilège aléatoire qu'il affectionnait particulièrement – ; mais ce genre de dissertations généalogiques ne serait sans doute pas évidente tant que sa compagne ignorerait qui étaient ses parents.

L'homme eut un petit sourire et désigna Ulysse.

"Disons que c'est mon petit doigt qui me l'a dit."

Le gamin lui renvoya un petit sourire quelque peu tendu, conscient du changement d’atmosphère. Il recula quelque peu et recula de quelques pas derrière le tieffelin. Floréal eut le goût de faire semblant de n'avoir rien remarqué. Souriant toujours, il poursuivit.

"Sachez que votre dame me doit une certaine somme en échange d'un grand service. J'aimerais être sûr que c'est toujours d'actualité vu que je l'ai vue partir avec une paladine."

« Votre dame ». Oui, voilà qui correspondait mieux à la situation. Indépendemment de la circonstance, l'appellation avait d'ailleurs un certain prestige. Peut-être faudrait-il qu'il pense à appeler Chance ainsi…

Il semblait en tout cas que la version livrée à Ulysse, et dont il avait fait part un peu plus tôt, ait été très édulcorée. La demoiselle semblait avoir une attitude tout à fait surprenante à se fiche dans le pétrin – et à y entraîner Elzen –, surtout pour une ville comme Manost. Ou, vu d'une autre manière, à dénicher ce qui serait amusant dans une ambiance aussi austère. Cela jouait certainement dans l'affection qu'il avait pour elle.

« Eh bien, disons qu'il est parfois préférable d'expédier certaines affaires courantes avant de s'occuper des choses importantes, de peur qu'elles n'en viennent à interférer pendant. À plus forte raison lorsqu'il y a des paladins impliqués. Je gage que vous comprenez ce que je veux dire ? »

Il n'en était pas aussi assuré en ce qui le concernait, d'autant plus qu'il ne savait pas réellement de quoi il était question. Mais vu les informations dont il disposait, il était plus que probable que le type n'ait pas spécialement envie que des paladins viennent mettre le nez dans ses affaires, aussi s'occuper de les tenir à distance avant de s'occuper des affaires en question avait probablement du sens.

Floréal n'était pas vraiment homme à se laisser impressionner. Il fit un simple geste et ses acolytes les encerclèrent Ulysse et lui.

"Manost est une ville de paladins. On en trouve partout où l'on pose le regard. Ils se tapissent partout. Je suis manostien de souche. Pensez-vous qu'une poignée d'hommes en armure me fait peur ? D'ailleurs, Ulysse les aime bien aussi, non ?"

Le petit garçon ne put s'empêcher de hocher la tête. Floréal poursuivit.

"Mais j'aimerais vraiment être sûr qu'elle mènera son affaire à bout. Et j'aimerais lui offrir un peu de motivation."

Cette fois, il s'adressa à ses hommes.

"Emparez-vous ne lui."

Et ce n'était visiblement pas du tieffelin dont il voulait parler.

« Je crois effectivement qu'une poignée d'homme en armure pourraient vous faire peur s'ils s'intéressaient de trop près à vos affaires ; sinon vous n'auriez pas réagit ainsi après n'en avoir vu qu'une seule. Mais il se trouve que vous devriez craindre davantage mes agissements que ceux des paladins. Et il se trouve que l'option que vous avez choisi ne me convient pas. »

Il avait parlé calmement, d'un air sûr de lui ; mais sans se montrer menaçant, comme si le fait qu'il soit dangereux était si évident qu'il n'avait pas à se donner cette peine. Et tout en parlant, il avait posé sa main sur l'épaule de l'enfant, afin de le maintenir contre lui.

Elzen était d'une ascendance très particulière, même pour un tieffelin, et cela était parfois quelque peu problématique : si le sortilège aléatoire qui remplaçait chez lui l'habituel appel des ténèbres avait souvent des résultats intéressants, pouvoir être sûr de ce qui se passerait était parfois préférable. Aussi avait-il mis à profit l'entraînement acquis durant sa longue traversée de Dorrandin pour apprendre un sortilège dont il aurait pu ne pas avoir besoin, mais qui, en la circonstance, s'avérait un choix qui semblait assez judicieux.

Elzen → Ténèbres → Ulysse

Choisir l'enfant comme cible du sort permettrait d'emporter la zone de ténèbres avec eux s'ils devaient quitter précipitamment les lieux, ce qui risquait de s'avérer utile si les hommes se mettaient en tête de les poursuivre. Il y avait d'ailleurs peu de chance qu'ils aient eu à la fois une connaissance suffisante du sortilège et une attention suffisante à sa façon de le lancer pour comprendre qui avait été sa cible – son geste vers l'enfant avait semblé avoir une tout autre cause.
Tant qu'il garderait un contact physique avec Ulysse, ils ne risquaient pas de se perdre ; et la réaction des hommes serait à coup sûr intéressante.

Quelques secondes plus tard des ténèbres opaques entourèrent le petit garçon. Elzen entendit les malfrats pousser un juron de surprise. Seul Floréal demeura imperturbable.

"Intéressant !", dit-il un tantinet amusé.

Quelques secondes plus tard, il lançait un sort à son tour.

Floréal ==> dissipation de la magie ====> Ulysse.

La réaction de l'homme fut, certes, plus rapide que le tieffelin ne l'avait espéré. Pas assez, cependant, pour le prendre de court : sitôt que son propre sortilège avait fonctionné, il avait entraîné l'enfant, s'efforçant de les mettre tous deux hors de vue. Deux précautions valaient toujours mieux qu'une, et, en bonne écurie, l'endroit ne manquait pas de cachettes. Par ailleurs, puisqu'il était à peu près désarmé – hormis, bien sûr, la dague dont il ne se séparait jamais, mais qui ferait bien peu contre trois adversaires – et que les choses semblaient mal parties, il avait entreprit de leur jouer un tour à sa façon.

Elzen → Convocation de monstre I → Serpent venimeux fiélon

Il avait prit un semblant d'avance sur l'autre : selon leurs vitesses respectives, le serpent soit se trouverait déjà à l'endroit exact où il s'était tenu avec l'enfant lorsque la lumière reviendrait, comme s'il s'était transformé, soit apparaîtrait à cette endroit juste après que les trois hommes aient découvert leur disparition : dans les deux cas, l'effet attendu serait probablement au rendez-vous, et ils y regarderaient à deux fois. Il ne fallait cependant pas sous-estimer “l'employeur” de Chance, qui semblait disposer d'une puissance magique plus importante que la sienne.

Mais Floréal n'était pas vraiment né de la dernière pluie. En voyant le serpent, il sourit légèrement amusé.

"Joli tour de passe-passe."

Il fit signe à ses hommes de se débarasser le serpent pendant que lui-même s'avançait entre les stalles.

"Soyez un peu raisonnable. Laissez l'enfant venir me voir ou je serai contraint d'employer la force. Et vous n'aimerez pas cela du tout."

Il allait de soi que pareille condition était inacceptable. Et que le comportement de l'homme était plus de nature à lui attirer de cuisantes représailles qu'à inciter à suivre ses instructions. Mais, naturellement, répondre cela à voix haute serait révéler sa position, ce qui ne lui semblait pas particulièrement urgent. En revanche, il était barde, et jouer sur les sons était particulièrement tentant.

Elzen → son imaginaire → hommes

Au contraire de révéler sa véritable position, attirer l'adversaire en lui faisant croire qu'il se trouvait ailleurs serait autrement plus intéressant. Et puisqu'il s'agissait d'une écurie, et que la présence du serpent et l'échauffourée qui suivrait risquait de rendre les chevaux plutôt nerveux, l'attirer dans un box tout proche pour qu'il y subisse une ruade était une possibilité très intéressante…

HRP : question pratique pour la suite. Est-ce qu'utiliser un sort d'amplification sur moi-même avant d'entamer un chant de barde serait susceptible de leur faire ressentir les effets du chant sans qu'ils ne soient en mesure de savoir d'où vient la voix, puisqu'elle résonnerait dans toute la pièce ?

Les hommes occupés à tuer le serpent levèrent à peine la tête. Floréal quant à lui ne s'avança même pas. Il resta là, les bras croisés comme en attente.

"Très drôle. Vraiment très drôle. Vous ête un barde de talent."

Il s'adressa ensuite directement à Ulysse.

"Tu sais, si tu ne viens pas, je risque de me fâcher très fort. Je pourrais mettre le feu à l'écurie et faire du mal à ton papa. Mais si tu viens, je te promets que je ne te ferai pas de mal."

Le petit garçon se tourna vers son protecteur.

Elzen avait énormément de défauts. Il était égoïste, obstiné, maladroit, ne savait pas estimer les difficultés, et toujours prêt à faire la chose qu'il ne fallait pas faire. Mais, ou peut-être à cause de cela, il ne capitulait pas facilement : plus il semblait évident qu'il allait falloir céder à l'homme, moins il était enclin à le faire, peu importe le risque. Et puis, peut-être qu'il tenait un peu à ce gosse, finalement.

Il se pencha vers Ulysse et le prit dans ses bras. Le serra contre lui. Pour rassurer lequel des deux ? Difficile à dire.

Mais, si ses ressources étaient limitées, il avait tout de même encore une carte dans son jeu. Qu'il joua sans même se relever pour en observer les effets, restant contre l'enfant. Il se passerait quelque chose. Il ne savait pas quoi, ni si cela pourrait ou non améliorer la situation. Mais au moins, cela valait le coup d'être tenté. C'était sa nature, après tout.

Elzen → Sortilège aléatoire.

Le sortilège s'avéra être un cône de froid que Floréal évita sans broncher. Mais un rictus de colère pure avait laissé la place au visage impassible qu'il affichait jusqu'alors. Il allait sûrement répliquer mais le bruit d'une course frénétique se fit entendre derrière lui. Sept personnes dont quatre portant des armures - sans doute des hommes du guet - arrivaient dans leur direction. Judicaël décida sûrement de ne pas prendre de risque car il fit signe à ses hommes. Quelques secondes plus tard, il n'y avait plus personne dans l'écurie.

Ulysse devant le groupe ouvrit de grands yeux et se mit à hurler.

"Papa !"

Il se précipita dans les bras d'un des nouveaux arrivants, un homme d'une trentaine d'années qui le prit dans ses bras avant de le serrer contre lui.

Eh bien, voilà qui était… surprenant. Ces hommes arrivaient juste à temps pour un tieffelin épuisé qui était à bout de ressources. Sans doute ce qui se passait avait-il fait du bruit : plus le tête à tête durait, plus une issue de ce genre devenait prévisible. Mais ce n'en était pas moins un miracle que le tieffelin ait réussi à tenir aussi longtemps. L'insignifiance de ses pouvoirs lui apparaissait dans toute sa cruelle vérité : comment une personne aussi faible que lui pouvait-elle espérer avoir quelque influence sur quoi que ce fut ? Chance, Lyna, Dallae, Eilydra… autant de personnes qui avaient mille fois raison d'avoir appris à se protéger seules, car ce n'était pas sur lui qu'il fallait compter pour cela.

Et puis, voilà que l'enfant réagissait… Sa famille n'avait peut-être pas entièrement disparu, finalement. Fameuse coïncidence. Mais son attrait pour les paladins devenait plus expliquable si son père faisait partie du guet. Adieu sans doute les perspectives de passer un bon moment à se promener avec l'enfant… ne venait-il pas de prouver qu'il n'était de toute façon pas à la hauteur ? Au moins, Chance n'aurait sans doute pas à s'en faire ainsi.

S'efforçant de paraître naturel malgré les larmes qui embuaient encore ses yeux, Elzen s'approcha lui aussi. Que pouvait-il faire d'autre, de toute façon ?

« Bonjour. »

Le père d'Ulysse s'arrachant avec difficulté à la contemplation de son fils se tourna vers le tieffelin et fronça quelque peu les sourcils en le devinant près à pleurer. Il s'avança finalement vers lui, la main tendue.

"Bonjour. Alors, c'est vous qui vous êtes occupé de mon fils. C'est ce que ces messieurs m'ont dit dans tous les cas. On m'a laissé pour mort à Graëlon et quand je me suis réveillé ... Dans tous les cas, je ne vous remercierai jamais assez d'avoir pris soin de lui et de l'avoir emmené en dehors de la zone des conflits. J'aimerais pouvoir remercier. Dites-moi ce que je peux faire pour cela."

« Eh bien… c'est surtout ma compagne que vous devriez remercier… »

Elzen ne savait pas trop où se mettre. En temps normal, la proposition de faire quelque chose pour lui aurait entraîné quelques questions – qui était l'homme, ce qu'il était en mesure de faire, ce genre de choses… –, mais la surprise associée à son état précédent ne l'aidaient pas à réagir comme il le faisait d'habitude. Il se forçait à sourire, des larmes n'étant pas vraiment à leur place en cet instant ; mais en dehors de cela, il ne savait trop que faire dans l'immédiat.

Au moins, le gosse serait avec quelqu'un qui saurait le protéger, c'était déjà quelque chose.

L'homme fronça les sourcils en voyant les larmes dans les yeux du tieffelin. Après quelques secondes d'hésitation, il sortit un mouchoir de sa poche et le lui tendit.

"Tenez, prenez le. Il est propre. Vous savez, je viens d'arriver en ville et je compte bien m'installer ici. J'aurai sûrement de nombreuses démarches à effectuer et un travail à chercher ... Dans tous les cas, Ulysse et moi ne serons jamais très loin. Et puis, j'aimerais beaucoup rencontrer votre amie si c'est elle qui s'est occupée de votre garçon. Au fait, je ne connais pas votre nom."

Un tieffelin de spectacle n'était pas du genre à laisser trop transparaître ses émotions, et la réaction de l'homme lui rappela que quelque chose n'allait pas. Le mouchoir en main, il ne lui fallut qu'un bref instant pour retrouver un aspect tout ce qu'il y avait de plus ordinaire, et même souriant. Il se fendit alors d'une parfaite révérence.

« Elzen Eilydersen. Barde itinérant. »

Il passa ensuite une mains dans les cheveux d'Ulysse en geste d'affection.

« Je ne suis pour ma part pas sûr de m'attarder définitivement dans la région, mais j'y resterai sans doute quelques temps. Suffisamment pour que vous la rencontriez, au minimum. »

Restait à voir quelle serait la réaction de Chance au fait que l'enfant dont elle avait choisi de s'occuper se trouve soudainement avoir retrouvé une famille…

L'homme écouta Elzen avant de prendre une décision.

"Pourquoi ne viendriez-vous pas dîner ce soir au Loyal Paladin. C'est là que je réside pour le moment. Je vous offrirai le repas bien entendu. Ainsi, nous pourrions faire connaissance."

Ulysse battit des mains, totalement enthousiaste.

Le nom de cette auberge était toujours aussi sinistre aux oreilles d'un tieffelin, mais il n'en montra rien.

« L'idée est intéressante… Je proposerai cela à ma compagne dès que le la verrai. »

Elzen jeta un œil aux autres hommes, restés jusque là plutôt silencieux. Quoiqu'ils avaient prévu, il était probable que l'arrivée inopinée de l'enfant perturbe leurs plans, et que leur camarade n'ait désormais pour seule priorité que de s'occuper de son fils. Le barde, quant à lui, allait devoir trouver autre chose à faire en attendant de retrouver Chance… mine de rien, ce gosse était une source d'occupation tout à fait convenable. Mais il se faisait confiance pour trouver autre chose à faire – plus constructif que de ruminer de noires pensées, si possible – malgré l'austérité de la ville.
Il avait, par exemple, quelques ingrédients dans sa besace qui pourraient donner lieu à des préparations intéressantes. S'il trouvait un local adapté, ce serait un bon passe-temps.