[Quête] Guerre des plaines brûlantes : un certain goût pour la mort

[Taliesin]

Rien n'entrava leur progression le long de la route. Parfois, la brise faisait grincer ou s'entrechoquer les branches ; parfois, un petit animal détalait dans les buissons. En dehors de cela, c'était un complet silence qui régnait aux alentours, silence dans lequel les appels désespérés des gamins et les hurlements des prédateurs retentissaient avec une étrange netteté.
Vint cependant un moment où la paladine dut s'immobiliser. Les voix, encore fort distances, provenaient exactement de sa gauche. Plus d'autre choix, à présent : il fallait s'enfoncer dans la forêt.

[Taliesin]

HRP : Comme prévu, je résume à grands traits pour t'amener vers l'acte final.

Les hurlements des loups s'étaient rapprochés puis, brusquement, ils avaient commencé à s'éloigner pour finalement s'éteindre complètement. La meute avait changé de direction pour une raison ou pour une autre : Gaspard et ses hommes n'en eurent plus le moindre signe au cours des dernières heures de la nuit, pas davantage qu'ils n'en eurent de Chandara et de Brus.
Ils se mirent en branle à l'aube, cheminèrent sans encombre sous 'ombre des ramures et, aux environs de midi, atteignirent un carrefour à l'orée des bois. Là, il leur fallut à nouveau faire halte : impossible, de prime abord, de déterminer quelle direction avaient pris les Mélandiens et leur captif, car toutes les routes avaient été arpentée par des cavaliers peu de temps auparavant. Faute de compter un excellent pisteur dans leurs rangs, il leur fallut procéder avec patience et méthode, opérer de minutieux examens et même des repérage. Finalement, deux bonnes heures plus tard, ils partaient vers l'ouest, longeant la lisière nord de la forêt : cette piste-là leur avait parue plus fraiche que les autres.
En milieu d'après-midi, ils durent se replier en urgence sous le couvert des arbres : une troupe de Mélandiens forte d'une soixantaine de cavaliers - au bas mot - remontait la route dans la même direction qu'eux. Les Manostiens ne repartirent qu'une fois assurés que l'ennemi s'était suffisamment éloigné.
Et finalement, ils aperçurent la base adverse : il s'agissait d'un solide château-fort bâti au sommet d'une éminence rocheuse et dominant un village et des fermes toutes incendiées. S'en approcher sans être aperçu tiendrait du miracle, vu le nombre de sentinelles présentes au sommet des tours et sur les remparts. Quant à le prendre à eux seuls, c'était tout bonnement impossible.
Comme les hommes étaient fatigués - ils n'avaient guère soufflé, depuis quelques jours -, comme trouver une solution nécessiterait mûre réflexion, Gaspard emmena sa petite troupe bivouaquer dans la forêt. Peut-être y verrait-il plus clair le matin venu.

[Gaspard Hurlegloire]

Gaspard avait mis du temps à évacuer sa colère. Cette paladine impertinente et inconsciente... jamais il n’aurait dû la prendre avec lui. Tant d’indiscipline, tant de stupidité... non vraiment, cela lui restait en travers de la gorge ! En plus, le roublard, qui, lui, avait prouvé son utilité, était parti avec elle. Un précieux élément de moins... à cause de Chandara... Qu’elle aille au diable ! D’ailleurs, elle y était sûrement en cet instant. Quoi qu’il en soit, le lieutenant ne regrettait rien. Il avait une mission, il mettait tout en œuvre pour l’accomplir et s’il échouait, il n’aurait rien à se reprocher. Il serait en règle avec son devoir et son dieu. Tout risquer, y compris la vie de ses soldats, à cause d’un bruit, en cette forêt... folie !

Mais déjà tout cela n’était plus que du passé. A la nuit avait succédé un jour laborieux. Des efforts qui apaisèrent le clerc de Tempus. Des efforts récompensés par la découverte de la base Melandienne. Un problème résolu. Un nouveau se présentait sous la forme d’un château avec une garnison conséquente, rien que cela... Il y avait fort à parier que le groupe ennemi, aperçu un peu plus tôt et fort d’une soixantaine d’hommes, étaient là-bas. Ecrasant désavantage numérique. Significatif désavantage du terrain aussi... Sans un plan digne de ce nom, le colosse ne pouvait rien entreprendre. N’ayant pas le choix, il se replia donc pour la nuit dans la redoutée forêt. Bien sûr, il avait opté pour le coin le plus défendable qu’il avait pu trouver.

A présent, le jour déclinait. Les tours de garde avaient été déterminés. Les sentinelles étaient en place. Le reste des Manostiens avaient tout juste achevé leur repas de fortune. Pas de feu. La fumée pouvait être aperçue. Gaspard, adossé à un arbre, aiguisait son imposante hache d’armes, vérifiant de temps à autre le tranchant d’un doigts. Demain, il faudrait se battre, certainement dans des conditions peu favorables. Autant se préparer. Et puis, le bruit régulier lui changeait un peu les idées. On discutait peu autour de lui et à vrai dire, le morale n’était pas très bon. La vue du château avait quand même de quoi décourager.

[Taliesin]

Peu de temps - un quart d'heure, peut-être - s'était écoulé depuis leur installation lorsque l'un des hommes à qui Gaspard avait confié le rôle de sentinelle lui fit silencieusement signe de le rejoindre. Quand ce fut chose faite, il lui expliqua, dans un murmure, avoir perçu du bruit dans le sous-bois, en direction non de la route mais bien des profondeurs de la forêt. Certes, il pouvait ne s'agir que d'un animal ; cependant, il avait plutôt eu l'impression d'entendre des pas discrets, comme si quelqu'un, par élémentaire prudence ou parce qu'il avait pris conscience de leur présence, avait essayé d'apprendre de quoi il retournait en usant de maintes précautions.

[Gaspard Hurlegloire]

Gaspard n’hésita pas. Faisant confiance à sa sentinelle, il ordonna discrètement à tout le monde de se préparer. Les rares discussions s’interrompirent au profit de quelques rapides chuchotements. Chacun empoignait son arme. Les épéistes dégainèrent. Les arbalétriers chargèrent un carreaux. Le prêtre se coiffa de son heaume et rangea sa pierre à aiguiser. Voilà les Manostiens prêts à en découdre si nécessaire. Quelqu’un gardait un œil sur les chevaux. Les autres demeuraient les sens en alerte.

[Taliesin]

Pendant un moment, ils n'entendirent plus rien. Puis les sons recommencèrent : oui, ils ressemblaient bigrement à des bruits de pas... Et bientôt, il n'y eut plus le moindre doute : quelqu'un s'avançait vers eux. Quelqu'un qui était seul et ne faisait plus aucun effort pour dissimuler son approche. Quelques instants encore et, dans la pénombre grandissante, ils distinguèrent une silhouette, mains levées pour bien montrer qu'elle ne représentait nullement une menace. Et cette silhouette, Gaspard la reconnut sans mal : c'était celle d'une paladine de sa connaissance, d'une paladine dénommée Chandara...

[Chandara]

Chandara n'en menait pas large face à tous ces hommes visiblement sur le pied de guerre. Elle sentait que - bien qu'étant théoriquement alliée de cette troupe - un faux pas pouvait fort bien être mal interprété. Qui sait ce qui trottait dans la tête d'un Tempusien après tout. D'un Tempusien qu'elle était bien consciente d'avoir mené à bout qui plus est. Elle s'avança jusqu'à être bien visible mais sans pénétrer la limite invisible qui pouvait - de son point de vue - être interprétée comme une intrusion sans autorisation. Elle chercha alors du regard Gaspard Hurlegloire tout en essayant inconsciemment de l'éviter à la fois ce qui devait lui donner une allure un peu comique :

- Avant que vous pensiez que je suis un fantôme ou quelque-chose du même acabit... Non, je suis Chandara. Vous vous souvenez de moi je pense ? Eh bien bonsoir j'imagine.

[Gaspard Hurlegloire]

Chandara... Il fallait que ce soit elle. Gaspard soupira. Cette vision ne l’enchantait pas particulièrement, c’était le moins qu’on puisse dire. Pour autant, mieux valait cette paladine qu’un ennemi, non ? Mieux aurait valu de vrais renforts, des gens fiables, utiles, disciplinés et surtout, surtout, nombreux. Deux ou trois milles, avec béliers, grappins, échelles, de quoi en somme prendre d’assaut un château fort. Le prêtre abaissa légèrement sa hache et répondit, retranché derrière le ton martial le plus neutre qu’il ait en réserve.

« Vous êtes seule ? »

[Chandara]

Chandara déglutit devant la réponse pour le moins laconique du prêtre. Au moins ne lui avait-il pas hurlé dessus comme la dernière fois, sans doute en raison de la présence toute proche d'une base truffée de mélandiens entre autres abominations. Elle répondit sans fioriture mais d'un ton un peu intimidé :

- Non. Brus m'accompagne mais il est resté dans la forêt avec les enfants. Nous autorisez-vous à partager votre campement ? Et avant que vous ne disiez non, laissez-moi ajouter que ces enfants viennent du château fort où Arthur est probablement détenu.

Elle redressa légèrement la tête et son expression comportait quelques onces de fierté.

[Gaspard Hurlegloire]

Qu’est-ce qui était le pire ? Des enfants dans les pattes en plein milieu d’une opération militaire ou ce petit air fier sur la face de Chandara ? Heureusement que le colosse avait eu un jour pour se calmer. En tout cas, la paladine semblait avoir réussie sa folle entreprise. Cette dernière n’en devenait pas plus raisonnable pour autant, tout comme le clerc ne regrettait toujours pas son choix de la veille.

« J’ose espérer qu’ils nous seront utiles vos morveux. Vous pouvez venir. »

[Chandara]

Le sourire qu'avait arboré Chandara durant un instant s'effaça instantanément. Avait-elle eu raison de lui parler de la provenance des enfants et de ce qu'ils savaient peut-être. Elle avait soudain un peu peur qu'il les malmène par les questions qu'il ne manquerait pas de leur poser. Mais elle n'avait pas le choix : leurs informations étaient susceptibles de sauver bien des vies voire de donner simplement une chance à leur opération. Ils avaient besoin de l'aide de Hans et de Greta. Elle s'assurerait simplement d'assister aux entretiens, de rassurer les enfants. De ne pas laisser Hurlegloire jouer aux brutes. C'était son rôle, son devoir, son credo. Le même qui l'avait poussé à agir la veille pour les sauver. Elle se sentait encore davantage une responsabilité envers eux ce soir. Elle devait les préserver. Elle ravala donc la réponse qui lui brûlait la langue et répondit modestement :

- Je vais les chercher et je reviens.

Ce qu'elle entreprit aussitôt de faire sans demander son reste.

[Taliesin]

Retrouver ses compagnons fut pour le moins rapide et, quelques minutes plus tard, la paladine était de retour, suivie de Brus et des deux enfants. Gaspard découvrit qu'il s'agissait d'un garçon et d'une fille, assurément jumeaux, dont les frusques réduites à l'état de loques auraient mérité un sérieux travail d'aiguille, si tant est qu'il soit encore possible de remédier au désastre. Pour le reste, ni l'un ni l'autre ne paraissait réellement intimidé, mais ils eurent la bonne idée de se contenter d'un discret "Bonour" puis de demeurer silencieux.

[Chandara]

Chandara mena les enfants vers un espace dégagé dans le cercle des guetteurs mais tout de même déserté par les hommes de Gaspard. Elle leur demanda de l'attendre et s'éloigna vers les chevaux pour récupérer la couverture qui se trouvait dans les fontes de celui que le lieutenant avait mis à sa disposition la veille. C'était peut-être à la limite de l'autorisation de partager leur camp que venait de lui accorder le colosse mais elle ne pouvait pas décemment laisser les enfants porter leurs seules loques alors même que les manostiens avaient préféré s'abstenir d'allumer un feu qui les aurait réchauffés. Elle leur confia la couverture et leur parla calmement :

- Le lieutenant Hurlegloire que voici et les hommes sous son commandement sont ici pour libérer mon ami. Je vous demande de dire au lieutenant tout ce que vous savez de la forteresse où il est retenu. C'est très important.

Elle se tourna enfin vers l'intéressé, ne cherchant pas à éviter son regard froid en s'adressant à lui avec sincérité et humilité :

- Je vous dois des excuses, lieutenant. Non pas pour avoir agi comme je l'ai fait : je ne saurais ignorer le devoir qui m'incombe en tant que paladine. Mais même si je ne suis pas d'accord avec votre façon de penser, je n'avais pas à vous parler comme je l'ai fait. C'était injuste et je me suis laissé emporter. Pour cela, je vous demande pardon.

[Gaspard Hurlegloire]

D’un signe, Gaspard signala à ses hommes qu’il n’y avait plus lieu de s’inquiéter. Les épées retournèrent dans leurs fourreaux, les arbalètes furent déchargées. Les deux sentinelles retournèrent à leur poste. Le reste s’assit au centre du camp. Bien sûr, beaucoup de regards s’attardaient sur les nouveaux venus. Et une bonne partie des discrets échanges devaient porter sur la réaction du lieutenant. Ce dernier, son casque sous le bras, la hache dans le dos, était resté un temps en retrait, surveillant sans mot dire. Il finit par s’approcher. Lorsque Chandara lui adressa ses excuses, il demeura de marbre, la toisant de haut. De belles paroles... du vent... Ces foutues convictions pouvaient à tout moment la pousser à commettre des actions irréfléchies. Elle demeurait incontrôlable. Elle pouvait potentiellement ruiner un plan. Pauvre fille, elle ne ferait pas de vieux os. Les héros de pacotilles avaient en effet une forte tendance à devenir des cadavres précoces. La seule chose positive, c’était qu’elle faisait un peu preuve de respect. C’était mieux que rien. Lorsque la paladine eut terminée, le prêtre attarda sur elle son regard et ne répondit rien. Il se tourna ensuite vers les deux enfants.

« Vous avez faim, ou soif ? »

Le ton était un peu rude, mais pas du tout hostile.

[Chandara]

La paladine avait soutenu le regard fixe du lieutenant, non pas par défi mais pour tenter de dissimuler la crainte qu'il lui inspirait et surtout pour ne pas apparaître fuyante ou timide. Le lieutenant avait finalement tourné son attention vers Hans et Greta et elle en fut presque soulagée.

Le ventre de Chandara se mit à gargouiller à la mention de nourriture et elle s'empourpra aussitôt, fuyant le regard toujours plein de courroux du lieutenant. Au moins devait-il lui reconnaître - malgré ses dehors bougons et son allure patibulaire - qu'il pensait au bien être des deux enfants. Elle se tourna vers ces derniers et leur adressa un sourire tranquille pour les inciter à répondre au colosse. Elle même ne cracherait certainement pas sur une ration militaire ou une simple gorgée d'eau mais on ne lui avait pas proposé.

[Taliesin]

Les enfants, que la rudesse du clerc ne paraissait pas décontenancer outre mesure, échangèrent un bref regard.
-Merci, m'sire. C'est vrai que si vous aviez quelque chose à manger et à boire, ce serait pas de refus, dit Greta.
-Parce qu'aucun d'entre nous n'a mangé depuis ce matin, renchérit Hans. Donc oui, merci beaucoup.
-Après, on aura tous intérêt à bien dormir.
-Oui. Faudra être en pleine forme demain pour attaquer le château !

[Gaspard Hurlegloire]

« Attaquer le château ? Si vous commenciez plutôt par m’en parler ? »

Il fallait bien avouer que Gaspard ne s’était pas attendu à cette remarque et cela se devinait quelque peu dans sa voix. Non, il se voyait plutôt devoir prendre des gants de velours pour aborder le sujet sans brusquer les enfants et sans choquer Chandara. Il se voyait déjà avoir une nouvelle prise de bec avec la paladine. Se pouvait-il qu’il échappe à tout cela ? Tempus était miséricordieux ! Il alla chercher de la viande salée et une gourde d’eau puis entreprit de servir les hypothétiques jumeaux.

« Bon, c’est pas terrible mais on n’a que ça. »

Et de la vinasse aussi. Le prêtre jeta un bref regard à la femme, juste le temps de lui signifier qu’elle aussi avait le droit de manger. Puis, il revint aux gamins.

« Racontez-moi comment vous êtes sortis du château. »

[Chandara]

Chandara avait haussé les sourcils et faillit tempérer l'ardeur des enfants : il était hors de question qu'ils participent à l'expédition au risque de se retrouver nez à nez avec des mélandiens ou pire encore ! Bon, Gaspard semblait réaliste de ce point de vue... Ou peut-être pas ? Leur poser des questions calmement était en tous cas la chose à faire. Quant à leur proposer de la "vinasse", elle fit la moue mais se garda bien de relever, s'emparant calmement d'un des morceaux de viande séchée qu'il avait apportée. Il s'agissait de ne surtout pas faire la fine bouche devant de geste conciliant. La paladine attendit néanmoins que les enfants se servent en premier et comptait bien écouter ce qu'ils avaient à révéler avant d'apaiser son estomac meurtri.

[Taliesin]

Les gamins - qui avaient bu mais non encore touché à la viande - le dévisagèrent un moment, jetèrent un coup d’œil à Chandara puis s'entreregardèrent et acquiescèrent.
-On était dans le donjon, et on nous a fait descendre dans les caves qui sont en dessous, commença Greta.
-En fait, il y en a partout sous le château, et je crois qu'on peut aussi y descendre depuis les autres tours, enchaîna Hans.
-Voilà. Ensuite où est allés dans une salle où il y avait un passage secret, puis un escalier, puis un souterrain...
-Puis une petite grotte. Elle est pas loin d'ici, on vous la montrera demain.

[Chandara]

Les yeux de Chandara s'éclairèrent d'une lueur d'espoir à cette révélation : il existait un passage sous le château et les enfants savaient où il débouchait. La paladine avait envie de croire - sans oser se l'avouer toutefois - qu'il serait possible de s'y engager discrètement et qu'il déboucherait sur l'endroit où l'on retenait Arthur captif. Ce serait vraiment trop beau : cela sonnait presque comme un cadeau du destin ou des dieux. Evidemment, cela ne pourrait pas être aussi simple. Mais cela valait mille fois mieux que d'attaquer de front une forteresse bourrés d'ennemis prêts à tout. Même si ce n'était au final qu'un piège ou un leurre...

Elle redressa la tête pour étudier la réaction du lieutenant, ne sachant trop ce qu'elle espérait y voir au juste. Mais elle espérait, c'était un changement agréable. Il y avait une chance de réussite. Une chance de libérer Arthur sans que cela ne coûte encore davantage de vies. C'est tout ce qui comptait.

[Gaspard Hurlegloire]

Une grotte, pas loin d’ici ? Difficile de demander mieux comme moyen d’entrer. Toutefois, Gaspard ne comprenait pas bien comment les gamins avaient trouvé le passage secret.

« C’est intéressant. Mais vous n’étiez pas surveillé dans le château ? Il n’y avait pas des gardes Melandiens ? »

[Chandara]

Chandara s'était mise à mâchouiller son morceau de viande sans saveur sans même s'en rendre compte mais elle assistait à l'échange avec une grande attention. La question du lieutenant était pertinente : il était normal qu'il s'interroge lui aussi sur cette aubaine un peu trop belle. La vie de ses hommes au delà de la sienne, la réussite de sa mission étaient en jeu. Et tellement plus encore. Tellement dépendait du sort d'Arthur. De sa libération. Ils devaient réussir, ne pas prendre de risques inutiles : ils n'avaient pas le choix. La jeune-femme crut se souvenir que les enfants avaient fui avant l'arrivée des troupes mélandiennes mais elle laissa les enfants répondre, confirmer ses souvenirs, convaincre Gaspard qu'ils tenaient bien là leur porte d'entrée.

[Taliesin]

-On s'est enfuis quand les Mélandiens ont attaqué, répondit la fillette.
-Pendant qu'il essayait de leur résister avec les quelques gardes qu'il lui restait, monsieur le baron a demandé à son majordome de nous conduire au passage secret, nous, nos parents et d'autres gens qui s'étaient réfugiés au château, ajouta son frère.
-Ensuite, on a vécu un moment dans la forêt, et on a été obligés de s'y enfoncer de plus en plus pour échapper aux Mélandiens.
-Et puis hier, hyper tôt, on a été attaqués par des fantômes, nos parents ils nos ont dit de partir en avant, de rejoindre la route qui traverse la forêt... Et je crois qu'on y était presque quand les loups sont arrivés.
-Et quand dame Chandara et Messire Brus et l'esprit de la forêt sont arrivés aussi.

[Chandara]

Chandara ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter une nouvelle fois du sort des malheureux réfugiés mais elle prit sur elle de ne pas l'afficher trop clairement tant pour ne pas angoisser les enfants que parce que Gaspard l'interpréterait sans doute comme un nouveau signe de faiblesse, comme une faillite à son devoir de ne penser qu'à leur mission. Elle aurait aimé pouvoir adresser une prière à son dieu en cet instant afin qu'il veille sur les parents des jumeaux. Elle se contenta d'espérer qu'ils pourraient se retrouver après tout ça : qu'aucun d'eux ne serait blessé ou pire. Hans et Greta ne méritait pas de se retrouver orphelins : tant de civils et d'innocents souffraient déjà bien trop en ces temps troubles.

La paladine adressa un sourire encourageant aux enfants, les remerciant sans mot de leurs si précieuses informations. Restait à espérer qu'ils se souviennent effectivement d'où débouchait la grotte, que les mélandiens ne l'avaient pas découvert. Que les enfants acceptent ensuite de rester à l'abri. C'était beaucoup espérer...

[Gaspard Hurlegloire]

Bien. Les enfants, ainsi que d’autres personnes, avaient fuient le château avant l’arrivée de l’ennemi. Cela voulait dire moins de prisonniers à l’intérieur. Cela voulait aussi dire qu’il n’était pas possible de savoir à l’avance où était Arthur. Il faudrait le chercher... Gaspard passa une main dans sa barbe. Il n’avait pas beaucoup d’autres questions à poser sur la place forte. Il tenait un moyen d’entrer, c’était déjà inespéré.

« Qui est l’esprit de la forêt ? » demanda-t-il, s’éloignant un peu du sujet prioritaire.

[Chandara]

Cette fois, ce fut Chandara qui prit l'initiative de répondre. Sans être bien certaine d'avoir toutes les informations pour comprendre la nature ou même les desseins de l'entité qui les avait guidé :

- C'est une voix qui s'est manifestée à nous. Elle nous a indiqué un chemin pour échapper aux loups. Elle nous a ensuite attiré dans une clairière qui avait tout d'un petit paradis. Si ce n'est que nous avons dû laisser notre équipement en arrière et que Brus et Greta ont failli se faire piéger sous un arbre probablement maléfique. L'esprit nous avait laissé entrevoir qu'il chasserait les loups et nous dégagerai un passage vers l'endroit où est retenu Arthur. C'était probablement un mensonge pour ce que j'en sais. Mais peut-être que vous en aviez déjà entendu parler avant, les enfants ?

[Taliesin]

Les gamins secouèrent la tête.
-Y a plein de légendes sur la forêt, mais aucune qui ressemble à ça, dit le garçon.
-En même temps, c'est pas étonnant, fit la fillette, ça a l'air d'être un secret sacrément bien gardé, la clairière.
-Peut-être parce que tous ceux qui y vont meurent... Mais faut quand même noter que les loups ont disparu, et qu'on a pas croisé un seul animal dangereux en venant jusqu'ici.
-Peut-être qu'on a fait une petite entorse aux règles qu'avait expliquées l'esprit, et que c'est ça qui a mis en colère l'arbre.
-Enfin, l'important, c'est qu'on s'en soit tous sortis, non ?

[Chandara]

Chandara leur dédia un de ses sourires rassurants et répondit d'une voix douce :

- Oui, le plus important est que personne n'ait été blessé et en plus on a fini par arriver où nous le souhaitions. Je crois qu'on ne saura jamais ce qu'il en est pour l'esprit mais ce n'est pas si important.

Elle désigna les victuailles généreusement mises à disposition par Gaspard et enchaîna :

- Allez, mangez donc les enfants : vous devez mourir de faim. Puis il sera temps d'aller dormir. A moins que le lieutenant n'ait d'autres questions à vous poser ?

Le ton était clairement interrogatif et elle avait tourné son regard vers le colosse cette fois.

[Gaspard Hurlegloire]

« Non. Je pense que tout à été dit. »

Sauf que les gamins n’allaient pas accompagner le groupe dans le château, mais ça, mieux valait le garder pour demain. Gaspard n’avait pas spécialement envie de faire face à un caprice. Il se leva. Cette histoire d’esprit ne lui disait rien. Il savait plus ou moins ce que Chandara et Brus avaient fait pendant leur absence, c’était suffisant.

« Demain risque d’être bien chargé. Mieux vaut effectivement se reposer correctement. »

Sur ce, il rejoignit ses soldats.

[Chandara]

Chandara se sentit concernée par cette dernière. Bien que Gaspard ne l'ait pas convié à les accompagner mais juste à partager leur campement, elle n'avait aucunement l'intention de se tenir à l'écart de la mission de sauvetage. De toute façon, le manostien aurait besoin de toutes les forces disponibles même s'il y avait une très petite chance de pénétrer discrètement dans le château tenu par les mélandiens. Son cœur battit un peu plus vite en songeant à Arthur qui y demeurait prisonnier, au calvaire qu'on lui faisait certainement vivre, à la joie que ce serait de l'en sortir. Elle voulait se raccrocher à cette vision et cela lui donna le sourire. Elle finit rapidement sa part, but une longue gorgée d'eau puis répondit :

- A vos ordres. Vous avez entendu, les enfants ? Trouvons un endroit où vous installer confortablement !

Elle regarda le colosse s'éloigner sans plus un mot et ne put s'empêcher de penser qu'il s'agissait d'un bien étrange allié mais qu'elle était tout de même heureuse de pouvoir compter sur un homme de sa trempe pour assurer la mission qui leur incombait.